Chapitre 12
— Oh mon dieu, j'appelle les pompiers, s'alarma Ornélis. Elle est vivante ? Prenez son pouls.
Les mains tremblantes à souhait, elle sortit avec difficulté son téléphone de sa poche et composa le numéro des secours.
En seulement quelques jours, Halse avait appris que sa mère était toxicomane et que son gîte, symbole de toute son enfance, était en danger.
Il fallait que ça arrive maintenant.
Quelqu'un avait probablement perdu la vie sous ses yeux, et elle en avait vu le cadavre. Son mental ne tenait plus le coup, il était sur le point d'exploser.
Gaëtan se pencha immédiatement sur la jeune femme, qui était allongée sur le sol. Il pressa doucement son majeur et son index sur les artères de son poignet extrêmement fin. Il compta quelques secondes dans sa tête, mais le choc fut brutal lorsqu'il réalisa qu'il ne sentait aucun battement, aucun mouvement.
Rien.
Un silence terrorisant s'installait dans la pièce.
Ils avaient tous compris. Ornélis leur tourna le dos, ne supportant plus de voir cette scène insoutenable se dérouler sous ses yeux.
— C'est possible qu'elle ait une plaie dans le dos ou qu'elle ait été étranglée. Dans tous les cas, faites attention. On est peut être pas tous seuls, chuchota doucement Gaëtan, se méfiant d'un danger qui pouvait arriver de n'importe où.
Une ombre imposante s'installa dans leur champ de vision et tous reculèrent violemment.
Ornélis poussa un petit cri et, par réflexe, Gaëtan se redressa et enroula ses bras entour d'elle pour la protéger. Il réalisa ce qu'il venait de faire et les retira aussitôt, gêné de son geste inapproprié.
— C'est vous ? allégua l'homme d'une voix grave.
— Oh mon dieu, Christian ! s'écria Halse, qui le reconnut immédiatement, en se précipitant vers lui pour vérifier qu'il allait bien.
Visiblement, toute sa rancune envers lui s'était évaporée. Les adolescents furent soulagés de sa présence, eux aussi.
Tous, à l'exception de Gaëtan, qui assistait à tout cela d'un œil méfiant. Il trouvait cela plus que louche que l'homme arrive maintenant, en même temps qu'eux. Il se demanda pourquoi personne ne se méfiait de lui, était-il devenu parano ?
Bien sûr, lorsque Christian aperçut le corps inerte d'Alison, il adopta un air effaré et fut soutenu par la main d'Halse, posée sur son épaule.
Quelques minutes s'écoulèrent durant lesquelles Constant appela les pompiers, tandis que les adolescents faisaient un bref résumé de la situation à Christian.
Halse tâta le visage de celui ci et le prit dans ses bras. Elle le serra si fort, elle était si soulagée de le retrouver. Son odeur, son toucher, sa voix rauque et sa barbe si douce lui avaient manqué plus qu'elle ne l'aurait jamais imaginé.
— Je t'en voulais pour l'autre jour, j'aurais pas du, je suis désolée, vraiment... Je pensais que... Il faut que les pompiers arrivent maintenant, vite... se morfondit t-elle contre son torse.
Gaëtan s'interposa soudainement entre eux.
— Halse. Recule. Maintenant, lui imposa t-il.
L'adolescente écarquilla les yeux, dans l'incompréhension totale.
— Gaëtan, laisse moi le retrouver, qu'est ce que... balbutia t-elle, les joues trempées de larmes.
—Tu auras du temps pour le retrouver, ne t'inquiète pas pour ça. Recule. Christian, écarte les bras. Je vais te fouiller.
L'homme se moqua de lui d'un air amusé. Il ne considérait Gaëtan que comme un gamin qui se prenait pour plus que ce qu'il n'était vraiment.
— Tu veux me fouiller ? le provoqua t-il.
— Exactement.
— Alors fouille moi si ça t'amuse, lâcha t-il en écartant les bras et les jambes.
Le grand métisse s'avança et commença par tapoter ses jambes, il avait fait un stage à l'armée, et avait appris là bas comment parfaitement fouiller quelqu'un. Il longea ses deux jambes en y exerçant une légère pression, puis à l'aide de ses doigts, empoigna ses chevilles en exerçant des répétitions de secousses. Les armes pouvaient être cachées n'importe où. Il gardait toujours un oeil sur le visage de Christian, et en particulier sur ses mains: si il venait à vouloir l'assommer, il aurait toute facilité à s'exécuter.
— Tu m'as l'air en forme pour un mec qui vient de se faire kidnapper, remarqua Gaëtan en se redressant afin d'effectuer un contrôle au niveau de son torse et de sa taille.
Les autres le regardaient faire,
déstabilisés.
— Tu m'as l'air de me soupçonner d'avoir fait quoi que ce soit à Alison alors que je suis sorti avec elle, tu te fous de moi ? s'impatienta Christian en cherchant à se dégager de son étreinte.
Gaëtan glissa ses grandes paumes de main à l'intérieur des poches du jean de celui ci. Il en sortit un jeu de clés qu'il jeta par terre.
— Fais gaffe à mes clés, avertit Christian, sur la défensive.
— Pourquoi tu t'es retrouvé ici en même temps que nous ? continua Gaëtan sans prêter la moindre attention à ses menaces.
À l'entente de ces mots, Halse baissa sa tête vers le sol et fronça les sourcils, comme si elle ne réalisait que maintenant que la situation n'était pas tout à fait normale.
— Je n'ai pas de comptes à te rendre, mais je suis de bonne humeur aujourd'hui. J'ai pris quelques vacances pour rendre visite à ma famille. Je ne répondais pas car je me suis coupé de mon portable, j'ai profité comme je le pouvais. Seulement voilà, j'avais des affaires à rendre à Alison, j'ai rallumé mon portable et elle était injoignable. Donc, comme vous je suppose, je me suis inquiété et j'ai suivi la localisation de son téléphone. T'as bientôt fini, oui ?
Gaëtan hissa ses mains derrière son dos musclé et le cogna à plusieurs reprises, si une bande d'explosifs y était cachée, elle serait tombée. Mais aucune arme ou objet dangereux ne se trouvait sur son corps.
— J'ai fini.
— Merci de ton intervention, elle aura été parfaitement inutile, ricana Christian en se dégageant de son emprise pour se repositionner aux côtés de sa bien aimée.
•
Les pompiers étaient arrivés et avaient tenté une réanimation, en vain. Ils avaient posé Alison sur un brancard et avaient embarqué la belle défunte à bord du camion dans la précipitation.
— J'ai vraiment rien vu venir, souffla Christian une fois seul avec Halse dans le petit supermarché en ruines, le regard au loin, tandis que les autres discutaient à l'extérieur.
Il se tourna vers elle et enfouit ses mains dans ses poches.
— Je suis vraiment désolé, Halse. Je suis vraiment un gros con, j'aurais du agir autrement et surtout prendre de tes nouvelles, j'étais juste trop occupé, je m'excuse, vraiment.
— Au point de me laisser penser que tu étais mort, je vois, répliqua t-elle, manifestement déçue de lui.
Elle s'écarta de quelques pas en lui tournant le dos, mais il vint immédiatement lui attraper le poignet, d'une délicatesse parfaitement dosée, juste assez pour ne pas lui faire mal.
— Non ! Je te jure, je peux tout t'expliquer, s'il te plaît, supplia t-il.
Elle planta son regard dans le sien, ses longs cheveux violets faisant volte face.
— Tu as le droit de profiter de ta famille, d'accord ? Mais j'étais dans le pire des états, Christian, on n'abandonne pas quelqu'un qui vient presque de perdre sa mère.
Elle marqua une pause et déglutit. Christian demeurait impuissant, à présent. La jeune fille émit un petit toussotement.
— J'étais contente de t'avoir rencontré, j'étais heureuse de t'avoir, mais les limites restent les limites. Là, je suis rassurée que tu ailles bien, mais j'ai juste besoin d'espace. Laisse moi le temps de digérer ça.
Le fait qu'elle utilise le verbe être au passé lui fit quelque chose. Son cœur s'était comme tordu, littéralement. Christian souffrait, en cet instant.
Cette fois, elle sortit pour de bon du bâtiment en ruines, et il sut pertinemment qu'il était inutile d'essayer de la rattraper. Il fallait qu'il retente sa chance plus tard.
Au même moment, Ornélis pointa le bout de sa tête dans le magasin.
— Euh, Christian, on rentre au gîte. Les pompiers ont fini d'embarquer Alison, et les policiers vont bientôt partir, ils suspectent un suicide. On te ramène, je suppose.
Il fit non de la tête.
— Non merci, je vais faire un tour pour me changer les idées. Mais c'est gentil d'avoir proposé.
— Pas de quoi. Fais attention à toi. Lui souffla la blonde avant de s'éclipser.
•
Le trajet fut long entre Halse qui tournait la tête vers le paysage pour que personne ne puisse lire la tristesse dans ses yeux, Ornélis qui ne parvenait plus à fusiller Gaëtan du regard après tout ce qu'il venait de se passer, et Constant qui s'inquiétait constamment de l'état de sa cousine en obtenant pour seule réponse "ça va, laisse moi".
Lorsqu'ils furent arrivés au parking, Halse sortit immédiatement de la voiture en claquant la porte, suivie de son cousin.
La seule chose que Gaëtan attendait, c'était de pouvoir se retrouver seul avec Ornélis. Cette fois, ce n'était pas pour lui parler de leur relation, ni même pour tenter de se rattraper ou s'expliquer avec elle.
— Ornélis ! l'interpella t-il en chuchotant son nom tandis qu'elle s'éloignait de la voiture.
Elle se retourna brusquement.
— Oui ?
— Aide moi à comprendre ce qu'il vient de se passer s'il te plaît. T'es la seule personne à savoir ce qu'il s'est passé l'autre jour avec son histoire de mutilation. On sait tous les deux qu'Alison ne s'est pas suicidée.
Elle fronça les yeux en s'approcha doucement de lui. Le bruit de ses converses contre le gravier comblait le silence qui les entourait. Elle replaça une mèche de cheveux qui s'était échappée derrière son oreille et planta ses pupilles bleues dans les siennes.
— On forme plus aucune équipe toi et moi, Gaëtan.
Elle partit d'un pas plus que rapide, presque en courant, le laissant seul sur le gravier, le vent caressant sa peau matte sous son t shirt. Il contenait sa colère au mieux, en se contentant de contracter la mâchoire et de serrer fermement les poings qui se trouvaient enfouis dans sa poche.
La stupidité de cette fille l'étonnait de jour en jour. Comment était-ce possible de ne pas savoir mettre ses différents de côté pour sauver des vies ?
— Plus aucune équipe. Très bien, marmonna t-il.
Il savait qu'elle pensait toujours qu'il ressentait quelque chose pour elle, or c'était faux. Et cela le rendait fou, cette manie chez elle de se penser centre du monde.
En plus, il l'avait rencontré elle, depuis peu. Lors d'une sortie avec le reste du groupe, elle était venue lui parler. Et Gaëtan l'avait aussitôt trouvée magnifique. Depuis, ils ne cessaient de se rapprocher, c'était un réel coup de foudre dont il avait déjà parlé à Constant.
Depuis qu'il avait rencontré Iris, quelle importance Ornélis avait-elle à ses yeux ?
Aucune, pensa t-il.
À cet instant, pile à cet instant, la protagoniste de ses pensées passa sa tête à travers la grande porte d'entrée, ses cheveux frisés formant une masse adorable autour de sa tête. En le voyant, les pupilles de celle ci étincelèrent de joie.
Un sourire illumina le visage du grand garçon, qui accourut la prendre dans ses bras.
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