Chapitre 11

Chaque minute qui passait énervait davantage Halse, persuadée que Christian la trompait ouvertement avec son ex. Elle ne savait pas si le mot "tromper" était approprié étant donné qu'ils n'étaient pas encore en couple, mais elle abordait la chose comme telle.

— On fait une pause les gars s'il vous plaît? J'ai envie de pisser, lâcha Ornélis en détachant machinalement l'attache de sa ceinture.

— Tu peux pas attendre ? s'agaça Gaëtan.

— Non, rétorqua t-elle en le foudroyant du regard dans le reflet du rétroviseur.

— Cool, l'ambiance... grommela Constant, sa capuche rabattue sur l'entièreté de sa tête.

Quelques minutes plus tard, il furent arrêtés à une station service non loin de là. Ornélis sortit de la voiture pour faire ce qu'elle avait à faire, et les trois autres attendirent impatiemment son retour.

— Bon, j'espère que t'es au courant qu'on va se faire complètement démonter par les animateurs, Gaëtan, annonça douloureusement Constant.

— C'est ce que je me disais aussi. Tu penses que si on rentre à toute vitesse, on se fera moins engueuler d'être sortis sans autorisation ?

Constant prit un court instant de réflexion.

— Franchement ? Non. Dans tous les cas on est morts.

Gaëtan poussa un soupir et passa la main dans ses cheveux frisés, désespéré.

— Qu'est ce qu'il y a ? s'intéressa Ornélis qui revint soudainement dans la voiture, en claquant bruyamment la porte sur son passage.

— On parle de la merde dans laquelle on s'est foutu en partant sans autorisation du gîte, lui expliqua Constant.

— Roh, vous cassez pas la tête pour ça.
maugréa t-elle en attachant sa ceinture. C'est comme un billet d'avion, peu importe la durée durant laquelle tu pars, le prix des billets changera pas. Quitte à ce qu'ils appellent nos parents, autant partir pendant longtemps que pendant deux minutes. Comme ça, on aide Halse, et on va pas se cacher que ce trip rend nos vies beaucoup plus palpitantes. Les conséquences seront les mêmes.

Un silence de réflexion s'installa. Gaëtan redémarra le moteur.

— Tu viens de dire quelque chose d'intelligent. C'est rare, lâcha t-il froidement.

— Elle a raison, fit remarquer Halse, qui n'avait pas fait usage de parole depuis un bon moment. Bon attendez, je vais rappeler Christian.

Tout le monde savait bien que depuis l'épisode de la fête foraine, elle lui en voulait clairement. De plus, il n'avait pas pris de nouvelles ni d'elle ni de sa mère, il avait perdu une tonne de points. Lui qui tentait désespérément de se rapprocher d'elle, il venait de tomber plus bas que terre dans l'estime de la jeune fille.

— Allô ? s'écria presque Halse.

Il avait enfin décroché.

— Allô, vous êtes ?

Ce n'était pas la voix de Christian au bout du fil. Le temps s'était suspendu dans la voiture, le suspens était à son comble.

— Euh... Je suis Halse, bégaya t-elle sous le regard confus de ses amis.

— Halse qui ?

Elle jeta un regard inquiet à ses amis et modifia l'appel sur haut parleur.

— Halse Vivemont.

— Ça ne me dit rien, désolé, trancha l'inconnu au téléphone.

— P...pardon ? balbutia l'adolescente. Mais qui êtes vous ?

— Je m'appelle Cédric et je ne connais aucune Halse, navré.

Elle s'éclaircit la gorge, sous le choc.

— C'est bizarre, parce que ce numéro a appartenu à une personne qui s'appelle Christian... il y a trois jours encore, je l'appellais, je lui envoyais des messages et c'était bien lui... Vous ne connaissez aucun Christian, vraiment ?

— Ce numéro n'a jamais appartenu à un homme dénommé Christian, ça a toujours été le mien. Je vous appelle si j'ai des nouvelles.

Tremblante, elle bafouilla un « d'accord, merci » et raccrocha. Quelque chose n'allait pas, il fallait faire vite. Le quator n'eut pas besoin de se parler. En un regard, Gaëtan saisit l'urgence de la situation et pressa le talon de son pied contre la pédale d'accélération.

Dix minutes plus tard, ils furent arrivés à destination. Devant eux se dressait un centre commercial, visiblement vide et fermé. La devanture de celui ci était en grande majorité détruite.

— Qu'est ce que c'est que ça... murmura Constant, ahuri. Vous pensez vraiment qu'Alison est là dedans ?

Ornélis sortit en trombe de la voiture.

— Allez, on va pas rester ici trois plombs, levez vous ! s'écria t-elle en avançant vers le vieux centre commercial d'une démarche assurée.

— Si tu te fais kidnapper ou tirer dessus, sache qu'aucun d'entre nous trois ne viendra t'aider. Je te conseille d'être prudente, lui lança Constant en fronçant les sourcils.

La petite blonde leva les yeux au ciel.

— Je suis un petit gabarit, mais j'ai plus de courage que vous tous réunis, vous servez vraiment à rien à rester plantés là.

Elle enfonça violemment la porte du supermarché et hurla un « y'a quelqu'un ? » qui résonna en écho dans tout le bâtiment. Aucune réponse.

Gaëtan se demanda d'où elle sortait cette assurance. L'entrepôt faisait clairement peur, elle était seule à oser braver les débris de murs, entassés par terre.

— Laisse Gaëtan passer devant, il est plus grand et costaud que nous tous, s'il te plaît, la pria Halse en attachant ses cheveux en un chignon.

Celle ci obtempéra en jetant un regard noir au grand métisse qui passait devant elle.

— Halse, vérifie que c'est bien là, j'ai de gros doutes, fit Gaëtan en s'enfonçant davantage dans les dépôts et l'atmosphère de poussière qui s'offraient à eux.

Cette dernière extirpa son portable de sa poche et vérifia une nouvelle fois où se trouvait le point d'arrivée. En effet, le point « vous êtes ici » et le point rouge indiquant la position du portable d'Alison étaient réunis, il n'y avait aucun doute à avoir.

— C'est là, son portable est là... Chuchota Halse en relevant ses deux pupilles inquiètes vers ses amis.

Quelque chose n'allait définitivement pas. Ils espéraient de tout coeur qu'il n'était rien arrivé à la jeune femme.

Ils passèrent un bon moment à fouiller les anciens rayons effondrés, à crier le nom d'Alison et à ouvrir toutes les portes, mais visiblement aucun humain n'était présent dans ce lieu. Ils firent marchent arrière quand la voix stridente d'Ornélis s'éleva dans les airs, perçant la bulle de silence qui s'était formée autour d'eux.

— Venez voir ! hurla t-elle à pleins poumons.

Ils s'approchèrent à pas de loup. Une porte donnait sur une sorte de cagibi abandonné, tout était sombre, impossible d'entrer là dedans en observant où l'on posait les pieds.

— Gaëtan. En premier, ordonna Halse, focalisée sur leur sécurité à tous.

Celui ci s'avança en premier, le coeur battant. Il alluma la lampe de son portable. Son regard balaya rapidement la pièce : il y avait des toiles d'araignées, des fruits dans des gros bocaux posés sur une étagère, et une vieille machine à laver.

Mais qu'est ce que c'est que cet endroit ? songea Gaëtan, s'imaginant déjà les pires scénarios.

— Vous... voulez pas qu'on y aille ? proposa Constant d'une voix apeurée.

— Non, répondit immédiatement le grand métisse en orientant sa lampe de telephone vers un coin encore inexploré.

Tous retenaient leurs souffles.

Ce qu'il virent provoqua un violent pas de recul de Gaëtan, un hurlement d'Ornélis et des larmes de terreur chez l'adolescente aux cheveux violets. Constant, estomaqué, se tenait le ventre pour ne pas vomir.

Halse s'avança, tremblante, vers le corps inerte d'Alison qui jonchait le sol. Elle peina à articuler son prénom, le souffle saccadé. Elle avait l'impression que tout s'effondrait autour d'elle, inexorablement. Tout son monde s'écroulait sous ses yeux.

— Alison... ? murmura t-elle en tendant doucement sa main vers le visage de celle ci.

Elle s'accroupit et ferma les yeux. Une larme scintillante de tristesse parcourut sa joue, lentement.

— Alison, réponds moi...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top