Chapitre 1

Halse scrutait son reflet dans le miroir. Elle se dévisageait comme si elle n'était qu'une inconnue, à travers ses propres yeux.

Ses cheveux humides dévalaient son dos en cascade, ses yeux étaient rougis et ses sourcils étaient indomptables. De quoi avait t-elle l'air ?

D'une fille qui venait de pleurer toute la nuit ? Sûrement.

D'une fille qui venait d'apprendre que son cousin éloigné se trouvait à quelques kilomètres d'elle seulement ? Sûrement.

La veille, dans le hall du gîte, il lui avait avoué qu'il connaissait son père, et qu'il savait qu'il était décédé.

Il était venu lui parler car il avait vu le nom de sa mère sur un des nombreux prospectus du gîte, et il avait voulu s'assurer qu'ils n'étaient pas de la même famille.

Parce que si ils l'étaient, cela aurait été incroyable, non ? Complètement impensable, la chose la plus stupide à laquelle quelqu'un de sensé pourrait penser ?

Et bien ils l'étaient. Du moins, ce jeune homme prétendait qu'ils l'étaient, et ni l'un ni l'autre ne savaient pourquoi ils se trouvaient précisément au même endroit au même moment. Soit il mentait, soit le destin les avait réunis ici par miracle.

Il lui avait expliqué que ses parents l'avaient inscrit à cette sorte de colonie de vacances qui durait environ deux mois, où se trouvaient plusieurs personnes de son âge avec qui il pourrait socialiser. La colonie propose aux jeunes des cours d'anglais approfondis pour améliorer leur niveau, ainsi que des activités jugées "ludiques".

Son supposé cousin s'était retrouvé là dedans pas vraiment de son plein gré, et avait rencontré son amie, la petite blondinette de l'autre jour, dans le bus. Ensuite, ils avaient fait la connaissance d'un autre garçon de la colonie et formaient désormais un groupe de trois.

Halse avait hâte de découvrir le troisième acolyte de la bande.

Enfin bref, conséquence de cette discussion à la fois intense, loufoque et absurde : elle était rentrée dans sa chambre à deux heures du matin.

Elle tentait de ne pas se remémorer ses paroles plus que nécéssaire, mais qu'est-ce que c'était éprouvant. Elles avaient résonné en écho dans sa tête toute la nuit, comme un chant vaudou qui refusait de s'en aller.

Ce n'était pas un suicide.

Quelqu'un l'a tué.

Aide moi à découvrir qui, Halse.

Aide moi, je t'en supplie.

Une boule se forma dans sa gorge. Ce garçon faisait ressortir de son inconscient les démons qui la hantaient autrefois et qui s'étaient finalement tus.

Peut être que ce n'était qu'un imposteur, après tout. Peut être que cet individu ne faisait pas partie de sa famille, elle n'avait pour l'instant aucune preuve concrète de sa part.

Aucun papier, aucune carte d'identité, ni carte quelconque d'ailleurs. Rien, elle ne possédait rien qui justifie son identité.

Halse se rendit compte qu'elle devait descendre vérifier que le service déjeuner était au point et prêt à démarrer. Ses obligations tombaient au bon moment, pour une fois. Elle fut enchantée de cette opportunité de pouvoir se changer les idées.

Après s'être vêtue d'un jean noir et d'un gros pull, elle sortit de sa chambre située au premier étage du gîte et dévala les escaliers quatre à quatre. Il était six heures, et les couloirs étaient quasiment déserts. Seuls une cliente et son chien comblaient le silence pesant du gîte de leurs petits pas presque inaudibles. Elle les reconnut, c'était les mêmes que la dernière fois.

— Bonjour, les salua Halse en les croisant.

— Bonjour, répondit sèchement la grande dame sans la regarder, le regard rivé droit devant elle.

Elle continua son chemin, d'humeur maussade. Les clients du gîte Merlin n'étaient pas réputés pour être les plus sympathiques. Arrivée devant les cuisines, elle prit une grande inspiration. Il allait lui falloir de la voix.

— Le service est prêt ? s'époumona t-elle de manière à ce que tous les cuisiniers présents l'entendent.

Quelques « Oui! » entremêlés fusèrent, puis elle rédigea immédiatement un message à sa mère.

Service petit dej OK.

Au moment où son doigt se posa sur la touche envoyer, une main lui agrippa l'épaule et la fit se retourner violemment.

Paniquée, la sienne fendit automatiquement l'air pour atterrir sur la joue de l'inconnu qui osait la toucher sans quelconque permission.

Halse reprit ses esprits en vitesse et se rendit finalement compte que la personne qui se tenait en face d'elle n'était autre que le garçon qui prétendait être son cousin éloigné.

C'était fou, mais elle ne parvenait pas à se rappeler son prénom.

— Désolée, je pensais que tu... Que c'était pas toi, je... balbutia t-elle, gênée d'avoir ainsi frappé son interlocuteur.

Désemparée, elle peinait à construire une phrase grammaticalement correcte.

À la manière dont les lèvres du jeune homme s'entrouvrirent, elle devina qu'il était sur le point de dire quelque chose. Aussitôt, elle le coupa.

— On a bien parlé hier soir, mais je n'ai aucune preuve concrète que tu fais partie de ma famille, au final. Il faudrait que le hasard fasse les choses d'une perfection surnaturelle pour que nous nous retrouvions tous les deux ici au même moment... Je peux pas te dire que je te crois pour l'instant, je...devrais y aller.

En totale contradiction avec ses paroles, Halse resta debout face à lui sans ciller.

— Ça fait mal, commença t-il, de trouver par pur hasard sa cousine, d'avoir enfin une chance d'élucider une affaire de famille qui te travaille depuis des années, et que celle-ci ne te croie même pas. Ça fait vraiment, vraiment mal. lâcha t-il, une lueur de déception ancrée dans ses pupilles noisettes.

Il laissa tomber ses bras le long de son corps, désemparé. Malgré elle, le cœur de la jeune fille se serra.

— Prouve moi que tu fais vraiment partie de ma famille, alors, asséna t-elle sèchement.

La bouche de l'inconnu s'ouvrit pour dire quelque chose mais se referma aussitôt. Halse avait l'impression qu'il ne jouait pas la comédie. Le pauvre avait l'air complètement perdu.

— Dis moi ce que je peux faire ! s'écria t-il, désespéré.

— Me montrer tes papiers d'identité, par exemple. Ou alors, je pourrais te présenter à ma mère pour voir si elle te reconnaît.

Cette fois, il sembla agacé pour de bon.

— Halse, je suis ton cousin éloigné, les rares fois où l'on s'est vus, ça doit remonter à des années ! Et ta mère, me reconnaître ? Tu sais comme notre famille est peu soudée, tu sais que presque personne ne s'adresse la parole. C'est stupide ! Je chercherai mes papiers d'identité, mais pas certain que je les trouve.

— Cherche les. Le jour où tu les trouveras, tu viendras me voir et tu me les présenteras. J'arrive à reconnaître les faux, fit-elle, ignorant complètement le reste du discours de son interlocuteur.

Sur le coup, elle avait totalement menti. N'ayant jamais vu de faux papiers de sa vie, elle ne savait par conséquent encore moins les reconnaître. Elle retint avec difficulté un gloussement nerveux.

Un sourire mesquin éclaira le visage de son interlocuteur, suivi d'un clin d'œil.

— Donc madame a de l'expérience en ce qui concerne les faux papiers.

— Quoi ? Non ! se défendit immédiatement Halse sans pouvoir retenir un mouvement de recul.

Il croisa les bras, visiblement déterminé à la pousser à bout.

— Où est ce que tu as appris à reconnaître des faux papiers ? la défia t-il.

— De... J'ai mes sources.

À la manière dont elle bafouillait, n'importe qui aurait pu deviner qu'elle mentait. C'était évident comme le nez au milieu de la figure. Elle se sentait ridicule, ce qui était assez rare. D'habitude, il en fallait plus pour la déstabiliser.

Il éclata de rire en se tenant les côtes. Elle hésita à le réprimander, puis décida de rester calme et de prendre sur elle. Il reprit son souffle, une larme se formant au coin de son œil.

— T'es vraiment perchée, déclara-il en posant amicalement sa main sur son épaule droite.

Ça doit être de famille, songea Halse.

— J'attends tes papiers, du coup, lui rappela t-elle.

Il hocha la tête, retira sa main et s'éloigna d'un pas rapide.

— Ils arrivent très vite. J'ai hâte de voir ton visage se décomposer quand tu découvriras que je ne mens pas.

Elle le regarda s'éloigner, incrédule. Peu importe qui pouvait être ce garçon, il avait une impressionnante facilité à communiquer avec les autres. Halse appréciait particulièrement ce trait de caractère. Elle n'avait pas eu beaucoup d'amis dans sa vie, mais celui là pourrait facilement le devenir.

Si il s'avérait réellement être son cousin, cela ne la dérangerait pas, finalement.

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Coucou, petite note de fin de chapitre,

n'hésitez pas à me dire ce que vous pensez de ces premiers chapitres, vous le sentez comment Constant ?

J'ai hâte de publier les prochains chapitres dans lesquels il va se passer beauuucoup de choses,

bisous !

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