Chapitre 8 - Fièvre

C'est une nouvelle journée qui commence au bloc. La veille, j'ai travaillé la plupart de la journée au potager, avec Chuck, puis Newt, qui s'est tranquillisé après le départ de Gally.

Nous nous sommes ensuite retrouvés à la pause, puis Gally et moi avons fait le tour du bloc, en discutant calmement. Le midi, nous avons mangé avec Chuck et Newt, mais ces derniers se sont rapidement éloignés, me laissant seule avec Gally. J'apprécie sa compagnie, à vrai dire et je ne comprends pas le comportement des autres garçons. Ils semblent... m'éviter, lorsque Gally est là.

Le soir, c'était différent. J'ai mangé avec le groupe des coureurs, notamment avec Minho et Ben. Gally, lui, s'est tenu à l'écart... lorsqu'un moment, il a voulu me rejoindre, j'ai aperçu Alby lui dire quelque chose et il s'est résigné.

Ce matin-là, cependant, je ne suis pas dans mon assiette. Rien à voir avec la fatigue, car je me suis couchée tôt et j'ai plutôt bien dormi. Non... j'ai plutôt l'impression d'avoir la tête dans un étau, et ma gorge me gêne beaucoup.

— Chuck ? dis-je d'une voix rauque. Chuck.

— Hm...

Il se tourne vers moi, tout en se frottant les yeux et se redressant à moitié. Ses bouclettes lui cachent une partie de son regard, mais il m'a tout l'air fatigué, lui.

— Qu'est-ce qu'il y a ? me demande-t-il, un peu inquiet.

— Je crois que je ne me sens pas très bien. C'est ma tête, et ma gorge. Ils me font mal.

— Tu veux rester couchée le temps d'aller mieux ?

Je fais non de la tête, en ajoutant :

— Non, ça devrait le faire. Peux-tu juste me montrer où se trouve l'infirmerie ? J'ai un trou de mémoire.

Il me montre ainsi, de son doigt boudiné, le bâtiment à deux étages qui sert d'infirmerie. Il se trouve non loin de celui des bâtisseurs.

— Merci, lui dis-je. Ne m'attends pas, après, on se rejoint directement au potager.

— D'accord.

Et il se recouche, même si j'imagine bien qu'il va devoir se lever dans quelques secondes. De mon côté, je profite du calme matinal pour me laver. Je mets des vêtements propres, me brosse et décide de tresser mes cheveux, pas trop serré, pour ne pas aggraver mon mal de tête. Enfin, je prends le chemin à l'arrière des hamacs, pour rejoindre l'infirmerie. Ainsi, j'attirerai beaucoup moins l'intention. Effectivement, à part quelques garçons à moitié endormis, je ne croise personne.

J'arrive rapidement à l'infirmerie, où il ne semble y avoir personne. Je frappe, puis entre et arrive dans une petite salle d'attente, au confort primitif.

— Il y a quelqu'un ? je demande d'une voix hésitante.

Finalement, un garçon arrive. Il est de taille moyenne et, de par ses cheveux bouclés et sa corpulence, il me rappelle Chuck, en plus âgé et plus sérieux.

— La nouvelle ? Sophia, c'est ça ?

— Ouais...

— Moi, c'est Clint. Comment je peux t'aider ?

— J'ai un peu mal à la tête... et à la gorge. Est-ce que je pourrais avoir quelque chose ?

Il soupire, puis semble réfléchir quelques secondes, avant d'ajouter :

— Je peux te donner des pastilles pour la gorge, on en n'a pas mal. Pour la tête, par contre, on a plus grand-chose... tu pourras repasser, dans la matinée, si jamais tu souffres toujours ?

— Oui, pas de problème, dis-je.

— Ok. Attends-moi ici.

Il disparaît dans le couloir, puis revient avec un petit sac, fermé. Je le déchire pour y sortir la pastille, que je mets directement dans ma bouche.

— Merci beaucoup, Clint. Je reviendrais si jamais...

— Si jamais ?

La porte s'ouvre sur Gally, qui semble avoir tout entendu de ma phrase.

— Chuck m'a dit que tu trouverais ici, dit-il sans pour autant me regarder.

Son regard est fixé sur Clint qui, mal à l'aise, ne sait plus trop où se mettre.

— Sophia est un peu souffrante, dit-il simplement. Je lui ai donné de quoi se soulager. Enfin, au moins pour sa gorge. Pour sa tête, je lui ai dit de repasser pendant la pause, après le boulot, si jamais elle en ressentait le bes...

— Ce ne sera pas nécessaire, le coupe Gally. Pas de boulot pour toi, Sophia. Va te reposer.

Il pose enfin son regard sur moi. En même temps, voyant que je ne bouge pas, il met sa main sur mon épaule pour me faire sortir. De mon côté, je suis franchement révoltée. Pour qui il se prend, à me parler comme ça ? Et à agir de la sorte ? Je me dégage de sa prise et lance :

— Tu t'entends parler ? je m'énerve. Clint ne t'a rien fait, moi encore moins et tu es déjà de mauvais poils. Je ne te permets pas de me parler de cette façon et je ne pense pas que Clint l'approuve également.

— Sophia...

Il a l'air légèrement amusé, ce qui m'énerve davantage.

— Non tais-toi et écoute-moi bien. Si je pense pouvoir aller bosser et aller aider les autres au potager, j'irais. Et si je ne me sens toujours pas bien, je demanderais à Alby de me donner ma journée. En entendant, je ne t'ai pas sonné.

Il me fixe d'un air grave, maintenant et je le défie du regard. Finalement, il baisse les yeux, gêné. Je remarque que Clint est parti, ne voulant sans doute pas se retrouver mêlé à ça.

— Désolé, dit-il. On... on se voit quand même à la pause ?

Je ne lui réponds rien, lui tourne le dos et m'en vais, en direction du potager. Cependant, quelques heures plus tard, je dois m'asseoir pour reprendre mon souffle. Si ma gorge s'est apaisée, mon crâne est à deux doigts d'exploser. En plus de ça, je suis en sueur alors que j'ai froid. Tellement froid, que j'en ai des frissons et que j'en tremble.

— Sophia, dit Chuck. Tu es blême. Newt, appelle-t-il.

Newt arrive, déposant ses affaires près de moi.

— Je peux ? me demande-t-il à voix basse, tout en approchant sa main de mon visage.

— Oui, vas-y.

La fraîcheur de ses doigts me fait du bien, lorsqu'il les pose sur mon front.

— Tu as de la fièvre, je crois. Le boulot est fini pour toi, aujourd'hui.

Je soupire, avant d'abdiquer. Je n'irais pas loin comme ça. Je me sens faible dans les jambes et, lorsque je me lève, j'ai le tourni.

— On va t'aider, dit Chuck.

Ainsi, Newt d'un côté, Chuck de l'autre, ils m'aident à rejoindre mon hamac, où je m'effondre.

— Chuck reviendra te voir toutes les heures, assure Newt. Si jamais tu te sens plus mal, tu pourras lui dire. Chuck ?

— Ouais ?

— Va voir Clint, s'il peut lui donner quelque chose. Pour qu'elle se sente mieux.

Le petit s'éloigne puis Newt, toujours debout dit :

— Je vais prévenir Alby, la Sauvage. On se voit plus tard, quand ça ira mieux.

— Merci, Newt.

Je regarde sa fine silhouette s'éloigner. Lorsque Chuck est revenu avec un cachet emballé, que je me suis empressée d'avaler, et qu'il s'en est allé rejoindre Newt, après s'être assuré que je ne manquais de rien, j'ai soupiré. Fatiguée, j'ai commencé à m'endormir.

Mon sommeil est cependant ponctué de sursauts, de cauchemars et de réveils brusques. J'ai mal partout, malgré le comprimé de Clint et tremble, en sueur et ayant froid à la fois.

— Sophia ?

Gally arrive à ma hauteur. Perdue dans mes pensées, je ne l'avais même pas entendu arriver. Je le vois s'éloigner, puis il revient avec une petite bassine et un linge propre.

— Tiens, débarbouille-toi un peu, ça te fera du bien.

Il me propose son équipement, que j'accepte.

— Tu es déjà en pause ? je demande, tout en passant de l'eau sur mon front à l'aide du linge.

— Sophia, tu sais quelle heure on est ?

Gally a rapproché un tabouret de bois et s'est assis près de moi. Je fais non de la tête.

— Le boulot est déjà fini. Tu as dormi toute la journée...

— Impossible, dis-je. Je n'ai pas vu Chuck passer.

— Pourtant, il est bien venu. Mais ce n'est pas grave, tu étais malade. Comment te sens-tu ?

— Je vais un mieux, mais je me sens toujours... à côté de la plaque, soupiré-je. Je dois être affreuse.

— Ne te soucie pas de ça, contente toi de guérir, d'accord ?

Je souris légèrement, un peu désorientée. La fraîcheur de l'eau me fait du bien, je lui redonne la bassine après l'avoir remerciée.

— Je vais t'apporter à manger, si tu le veux bien.

— Oui.

Il revient un peu plus tard avec un plateau. Je commence à me restaurer, lorsqu'il me dit :

— Sophia, tu sais, je ne voulais pas te brusquer, ce matin, avec Clint. J'ai été.... bête et maladroit. J'espère que tu me pardonneras. Tu sais...

Son regard se perd un instant dans le vide, quand il ajoute :

— Quand je me suis levé ce matin, j'avais imaginé pouvoir te retrouver, avant d'aller bosser. Mais.. quand je ne t'ai pas vu, avec Chuck. J'ai... ressenti, une peur. C'était vraiment dur à contrôler. J'ai pensé qu'il t'était arrivé quelque chose, Sophia. C'est sûr, ça n'excuse pas le comportement que j'ai eu. J'ai été impulsif.

Sur le moment, ses mots me touchent et me font légèrement rougir. Puis je me suis rappelé de son geste.

— J'avoue que je n'ai vraiment pas apprécié... le pire a sans doute été quand tu m'as touché l'épaule, comme si je ne pouvais pas décider de moi-même de mon corps.

— Excuse-moi, dit-il encore avant de se lever, terriblement mal à l'aise. Je... ça n'arrivera plus. Au fait, j'ai une surprise pour toi...

Il a sorti de derrière mon hamac - va savoir quand est-ce qu'il l'a placé là - une forme, cachée sous une toile. Pas plus grosse qu'une tasse, il me l'a donné. J'ai un peu poussé mon plateau, pour avoir ce cadeau sur mes genoux.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Attends que je sois parti.

Sur ces mots, il s'en est allé. Intriguée, j'ai retiré la toile pour découvrir ce qu'il venait de m'offrir. Une petite sculpture : on y reconnaît, taillé grossièrement dans le bois, une femme. à ses pieds, un corps : celui d'un homme. Elle lui tend la main pour l'aider à se relever.

Je reconnais la fois où, j'ai défié Gally dans le cercle, entourée de tous les blocards. Sauf que quelque chose dénote. Effectivement, dans la sculpture, les mains des silhouettes se touchent. L'homme a accepté l'aide de la femme. 

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