Chapitre 36 - Les fondus

Winston reprends, après ce le long silence pesant :

— On devrait peut-être se renseigner sur où est-ce qu'on est tombé ?

Tout le monde acquiesce et, comme un seul homme, nous nous mettons en marche. Minho éclaire les environs et, très vite, nous nous rendons compte de toute l'installation qui se trouve ici. J'en ai le ventre noué. Il y a plusieurs tentes de fortune, des bidons d'eau vides, des boîtes de nourriture vides également. Mais aussi des couvertures, des tables, et j'en passe.

Des gens vivaient ici. Mais, visiblement et pour une raison que j'ignore, ils sont tous partis. Je préfère chasser la peur qui monte : est-ce qu'ils sont partis par choix ? Non, sans doute pas. Car ils auraient au moins emporté leurs affaires. En effet, tout a été laissé en plan. Les gens qui vivaient ici ont fui. La question, c'est quoi ?

J'aperçois d'ailleurs Teresa qui, avec un bâton, semble chercher des vêtements dans une des tentes. Je la comprends, après tout elle est encore pieds nus et porte toujours la tenue de l'infirmerie.

Quand j'y pense, depuis que Thomas l'a réveillée, nous ne nous sommes pas du tout parlé. Je me sens mal car, j'aurais aimé être présente pour elle. D'ailleurs, comme il n'est pas trop tard, alors que les autres garçons se mettent à chercher des affaires, je me dirige vers elle. Je m'accroupis à côté de Teresa qui, voyant ma présence, se retourne vers moi :

— Tu n'as pas l'air dans ton assiette, lui dis-je de but en blanc.

— C'est le cas, soupire-t-elle. Depuis que je me suis réveillée, je suis nauséeuse.

Elle ne rajoute rien d'autre et se remet à chercher frénétiquement. Je trouve ça bizarre qu'elle reste si évasive. De plus, je pensais qu'on aurait beaucoup de choses à se dire. Après... tout ça.

— Teresa, qu'est-ce que tu penses de tout ça ?

Sauf que la réaction qu'elle a me surprend. Elle se redresse sur ses deux jambes, en soupirant, jette son bâton d'un geste nerveux. Puis, elle me regarde et me jette d'un ton acerbe :

— Sophia, on doit chercher des vivres là.

Ensuite, elle se retourne et part en direction d'un autre logement de fortune. Je reste plantée là, comme une idiote. Pourquoi est-ce qu'elle réagit comme ça ?

— Mais quelle mouche l'a piquée ? pesté-je.

Tournant légèrement la tête, j'aperçois Minho soulever une grille. Il est avec Newt, je décide de les rejoindre. Une fois entrée dans le bâtiment, je me rends compte que c'est le jackpot : lampes de poche et matériel de survie sont nombreux. Nous récupérons le maximum, afin de pouvoir le partager avec les autres.

Les garçons se changent d'ailleurs, avec des vêtements trouvés sur le tas.

— Bon... souffle Minho alors qu'il éclaire une silhouette humaine, inerte la tête couverte d'un sac. Au moins, on sait qu'on pourra rester ici.

— Oui, dis-je. Il faudrait au moins qu'on cherche d'autres affaires, on est un peu partis les mains dans les poches, si vous voyez ce que je veux dire.

— Je vois très bien, répond Newt, dans ce cas, chacun part de son côté, mais ne nous éloignons pas beaucoup les uns les autres.

Tout le monde acquiesce, puis Thomas annonce :

— Restons au moins à deux, ce sera plus sûr. On a qu'à se rejoindre ici quand on aura fini.

Sur ses mots, je remarque que le groupe commence à se disperser. Minho se tourne vers moi et demande :

— Tu veux une invitation ?

— Sur un plateau doré, dis-je en le rejoignant.

Côte à côte et, dans le silence, nous commençons à inspecter visuellement les environs. Il y a des décombres un peu partout, là où le plafond s'est effondré. De plus, une bonne partie des étagères encore debout ont déjà été pillées.

— On va pas trouver grand-chose, soufflé-je. Tiens, dis-je alors que je remarque un espace complètement opaque au fond d'un magasin. Tu peux éclairer là ?

— Fais gaffe.

Je lui fais signe que tout va bien et m'enfonce dans le magasin. Nous faisons ça pendant bien cinq minutes, avant de continuer notre route.

— Sophia ? demande Minho.

— Hm ?

— On l'a échappé belle, là-bas. On aurait pu finir comme ces gamins, que nous a décrit Thomas.

Je m'arrête net dans ma recherche, me tournant vers mon ami.

— J'ai pas envie de finir comme eux.

— Je comprends, je lui dis en me redressant. Je n'en ai pas plus envie que toi. C'est pour ça qu'on est ici, qu'on fait tout ça.

Nous marchons quelques pas de plus, inspectant à nouveau les débris.

— Sophia. Tu... tu crois qu'il pourra y avoir quelque chose entre toi et moi ?

Surprise, je me tourne à nouveau vers lui. Je me rends finalement compte qu'il n'avait pas bougé de sa place. Maintenant, il reste debout, n'arrête pas de me fixer et attend ma réponse. J'allais répondre, quand soudain, une lumière vive m'éblouit.

Pas celle d'une lampe de poche, non. Une lumière venant du plafond. Il semblerait que l'électricité soit revenue.

— Wouhou ! s'écrie Fry, se redressant, se tenant de l'autre côté de la salle.

— Merde, qu'est-ce que tu fous s'énerve Minho, en le rejoignant.

Notre ami vient de démarrer un groupe électrogène. Ce dernier est cependant assez bruyant mais, au moins, ça nous assure plus de luminosité. Je fais un tour sur moi-même pour inspecter les environs. Je n'ai le temps de rien dire que des cris nous parviennent :

— Courrez ! Courrez !

Thomas hurle à tue-tête. Un peu plus loin devant lui, il y a Aris, Teresa et Newt. Cependant, je ne vois pas Winston.

— Qu'est-ce qu'ils mijotent ? demande Minho, tendu.

— Je ne sais pas...

— Merde, faut pas traîner ! s'exclame Fry.

En effet, rapidement, derrière Thomas, apparaissent des silhouettes, mouvantes. Elles sont des dizaines. Elles courent bizarrement. C'est comme si elles étaient humaines, mais en même temps pas vraiment. Une peur irrationnelle prend possession de mon corps et, bizarrement, la peur me donne des ailes. Attrapant Minho par le tissu de son t-shirt, au niveau de l'épaule, je le tire de toutes mes forces.

Nous nous mettons à courir alors, quand Aris, Newt et Teresa arrivent à notre hauteur. Fry traîne un peu et Thomas nous rattrape rapidement, cependant, toujours pas de trace de Winston.

Ce dernier apparaît quelques secondes plus tard. Du moins, je l'entends. Il hurle de douleur.

— Vous arrêtez pas ! hurle Thomas.

Si je n'ai pas bien vu à quoi ressemblent nos poursuivants, je peux cependant les entendre. Grognants et haletants comme des bêtes enragées. Certains, même, claquent des dents et j'imagine l'un d'entre eux en train d'arracher mes chairs.

Un mot qu'avait employé Janson me revient : fondus. Est-ce que... est-ce que ce sont les "fondus" dont il parlait ?

Je débarque dans une pièce, possédant une porte. Je la passe à toute trombe avant de m'arrêter. On devrait pouvoir bloquer cette issue, au moins pour gagner du temps. Alors que je pousse une lourde armoire, Minho m'aide et, alors que les derniers passent, le meuble s'effondre. Nous obtenons alors quelques secondes de répits.

Tout le monde essaie de reprendre son souffle, mais la masse de corps qui s'agglutine contre la porte est telle que, par à-coups, le meuble se déplace.

— On bouge ! s'écrie Newt quand l'armoire fait un grand écart.

Nous courrons à nouveau, à bout d'haleine. Nous finissons par débarquer dans une salle, où le plafond complètement effondré, nous offre une multitude de cachettes. De plus, dans la panique, je ne vois pas d'issue visible. Nous sommes obligés de nous cacher. Les uns blottis contre les autres, j'entends Minho essayer de calmer sa respiration à côté de moi.

Je prends ses doigts et les serre, essayant de l'aider. Je pose mon front contre son épaule et tente de guider sa respiration. J'y parviens tant bien que mal.

Un fort bruit de raclement me tétanise sur place. L'armoire n'aura pas fait long feu. Je sens Minho bouger contre moi. Il a saisi un bout de parpaing dans son autre main. Je lui intime de ne rien faire.

Nos poursuivants sont juste derrière-nous, de l'autre côté de notre abri de fortune. Ils n'ont qu'à enjamber pour nous trouver. Combien de temps, sommes-nous restés ici, tétanisés ?

En fait, je ne sais pas.

La boule au ventre, alors qu'il n'y a plus de bruits depuis longtemps, peut-être, je me redresse. J'éclaire la salle. Il n'y a plus personne.

Je me rassoie et les autres m'observent, les yeux ronds comme des billes.

Tous, sauf Winston. Teresa est penchée sur lui.

— Il a été mordu, murmure-t-elle. Ces saloperies ont réussi à l'attraper.

— Je... je voulais juste aider, glapit ce dernier.

Tremblant comme des feuilles, nous nous blottissons à nouveau, les uns contre les autres.

— à chaque temps, son problème. Essayons de dormir, on verra demain, déclare froidement Newt.

Minho s'allonge alors par terre et je me blottis dans ses bras. Au moins, son corps est plus confortable que le sol en pierre. Et puis, il est chaud. Et c'est toujours plus rassurant que d'être seule.

La dernière fois que j'ai eu peur, comme ça, pour ma vie, c'était lors de la poursuite des griffeurs dans le bloc. Et il y avait Gally. Il m'a sauvé la vie.

Pleurant silencieusement, contre Minho, je parviens finalement à gagner le sommeil. Tandis que ses tendres caresses, du bout des doigts dans mes cheveux, me bercent doucement, je ne peux empêcher toutes mes pensées de se diriger vers Gally... ou du moins ce qu'il en reste. Oui.

Son souvenir est ancré en moi comme une cicatrice, dont je ne pourrais jamais me défaire.

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