Depuis que j'ai quitté la partie "quarantaine" de l'aide médicale du bâtiment, l'ambiance a changé du tout au tout. Les couloirs sont en partie métallisés, baignent dans une lumière crue et sont interminables. Ces dernières desservent une multitude de salles, dont j'ignore l'utilité, sauf pour une, le réfectoire.

Au départ, je ne m'attends pas à voir tant de monde dans ce réfectoire. Pleins d'adolescents se trouvent ici, dans cette pièce. Ils sont assis à différentes tables et semblent tous partis dans des discussions enflammées. Le sourire est partout ici et ça me met fortement mal à l'aise.

Cependant, le cœur battant à l'idée de revoir mes amis, après tout ce qui s'est passé, je commence à jeter un coup d'œil circulaire, à leur recherche.

Soudain, je les aperçois. Eux, ne m'ont pas encore vu. Du moins, c'est ce que je crois. En effet, je croise le regard de Minho. Et la distance que j'y aperçois me glace le sang. Il donne un coup de menton dans ma direction, et je reconnais Newt et Thomas, notamment qui se retournent. Lorsqu'ils m'aperçoivent, ils se précipitent à mon encontre. Tous. Sauf Minho.

Ce dernier prend tout son temps pour se lever, contourner la table et approcher.

Pendant ce temps, Thomas est le premier à atterrir dans mes bras. Sans que je ne puisse me contrôler, je me mets à pleurer comme une madeleine. Newt est le premier à prendre la parole :

— Je t'ai connu moins pleurnicheuse que ça. Allez, viens.

Il me prend à son tour dans ses bras et j'éclate à nouveau en sanglots. Il frotte vigoureusement mon dos, puis je soupire. Je m'éloigne, sèche mes larmes et leur sourit.

— J'ai pleins de trucs à vous raconter, leur dis-je.

— J'crois que ça va devoir attendre, Sophia, dit doucement Thomas, désignant un endroit dans le réfectoire. Il semble que Janson va nous dire quelque chose.

En effet, l'homme se tient debout, et toute l'attention est virée sur lui. Je vais m'asseoir à table, me tenant le plus loin possible de Minho, qui me met mal à l'aise. Quelle mouche l'a piquée, à lui ?

— Bonsoir messieurs, mesdemoiselles... vous connaissez le procédé. A l'appel de votre nom, vous rejoignez gentiment mes hommes, qui vous conduiront à la porte est, d'où commencera votre nouvelle vie.

S'ensuit une série d'applaudissements, qui retombe rapidement. Je sens la tension monter d'un cran. Je croise le regard de Thomas, qui me sourit comme pour m'encourager, lorsque Janson ouvre son calepin, et commence à appeler toute une série de noms.

Ce ne sont que des personnes que je ne connais pas. Fry, qui est à la table lui aussi et qui avait l'air content de me voir, me donne un bout de pain. Je lui remercie tout en croquant dedans. Winston est là, lui aussi, bien que je lui ai peu parlé. Je sais juste que c'est un gentil garçon. Ils le sont tous, à leur manière.

Je fais tout pour ne pas regarder Minho, mais c'est plus fort que moi. Le maton des coureurs a le nez dans son plat et, semble-t-il fait tout également pour m'éviter.

— C'est tout, lance Janson une fois terminé.

Sa déclaration provoque un soupir général. Je remarque que beaucoup de personnes sont déçues.

— Non, ne vous découragez pas. Si nous le pouvions, nous aurions prit d'autres personnes, vous le savez bien. Demain est un autre jour. Je sais que votre tour viendra. Bon appétit à tous !

Sur ces mots, lui, ses hommes et les personnes appelées quittent la salle. Elles sont toutes excitées. Moi, je suis juste contente d'être avec mes amis. J'avais peur qu'ils me rejettent... après ce qui c'était passé.

Face à nous, à côté de Minho, il y a deux garçons que je ne connais pas. Thomas me donne un coup de coude amical, avant de les pointer du doigt.

— Eux aussi, ils étaient dans un labyrinthe. Ils n'ont pas eu le temps de sortir, ils étaient encore dans "l'expérience" lorsque les hommes de Janson ont explosé le mur et les ont sauvés, m'explique-t-il.

— Il y avait plusieurs labyrinthes... nous n'étions pas des cas isolés, soupiré-je.

— Ouais, et c'est pas tout, dit le garçon en face de nous. Vous voyez, ce gars là ?

Il nous désigne un autre garçon, assis plusieurs tables plus loin. Il est seul, tête baissée sous sa capuche. Malgré ça, je reconnais un adolescent malingre, et semble-t-il, mal à l'aise en société.

— Il s'appelle Aris, il était dans un labyrinthe rempli de filles.

— Je me demande à quoi rimait ce cirque, rouspété-je.

— On le saura jamais, soupire Newt.

Le garçon en face de nous reprend la parole.

— Quoi qu'il en soit, on est sauvé. Et ça, c'est tout ce qu'on peut espérer. Bon appétit les mecs. Et la fille.

Il me fait un clin d'œil, ainsi qu'un sourire bidon, qui me met terriblement mal à l'aise. Et, d'ailleurs, il me fixe un peu trop du regard à mon goût.

— Tu veux ma photo, peut-être ? je lui demande, avec agressivité.

— Ouah, elle a des crocs votre copine ! Moi, ça me va. Je les aime avec des griffes.

Je n'ai pas le temps d'être choquée par ses mots. Minho se lève d'un bond de la table, attrapant dans son sillage la chemise du type. Il le soulève et, nez contre nez, je l'entends dire.

— Bordel, c'est pas possible d'être si lourd ! Tu te rends pas compte que tu l'as rend mal à l'aise ? Tu connais pas son nom et tu te permets de jouer avec elle. Je vais te dire un truc, encore une remarque de ce genre et je te vire à coup de pieds au cul. Pigé ?

L'agitation à notre table attire tous les regards. Vraiment, c'est obligé qu'on se fasse remarquer dès notre premier jour ici ? Franchement, il exagère, Minho !

— Oh, c'est bon ! J'ai rien fait de mal, c'était pour rire.

— Les gars, stop, intervient Newt. Minho, c'est débile, là. Lâche-le.

Minho s'exécute et les deux garçons s'assoient. J'avoue que la situation a un peu dégénéré. J'aurais pu gérer, je crois... Enfin, j'ai du mal à comprendre l'intervention de Minho. Il me rappelle... Gally. Lui et sa fâcheuse manie à se comporter comme un chien de garde avec absolument tous les garçons du bloc. Penser à lui me fait sourire, avant de me provoquer un horrible pincement au cœur. Tellement, que ça me coupe l'appétit.

Je pose ma fourchette, mets ma tête dans mes mains et sans me contrôler, me mets à pleurer. Le garçon qui a été agressé par Minho, me dit :

— Hé, je voulais pas te mettre dans cet état, je suis désolé...

— C'est pas ça, dit Thomas. On a vécu des trucs difficiles.

— Ouais, affirme Newt, posant une main sur mon épaule. Comme nous tous. Il faut encore qu'on s'en remette. Tout va bien, Sophia. Thomas, tu fais quoi ?

Je lève la tête, sentant les larmes trempant mes joues, quand je vois Thomas s'éloigner. Il marche de plus en plus vite, quand j'aperçois Teresa, passer dans un couloir vitré. Elle est cependant inaccessible. Sous l'émotion, je ne m'étais même pas rendue compte de son absence. Je culpabilise à cette idée.

Thomas tente de la rejoindre et l'on en empêche. Deux gardes armés jusqu'aux dents gardent la sortie, de pieds fermes. Pourquoi n'est-elle pas avec nous, d'ailleurs ? Thomas revient vers nous, sur les nerfs et visiblement bouleversé. Il s'installe à nouveau à côté de moi. Il se penche vers moi et les autres blocards.

— Ils ont encore des tests à lui faire. Moi, je ne leur fais pas confiance.

Un peu après la fin du repas, un homme de Janson vient nous chercher. Il nous conduit à un dortoir rudimentaire. Mais c'est bien suffisant comme ça. Je rigole quand les garçons se disputent, au sujet de qui prends les lits du haut. Pour ma part, le lit du bas me va bien. Je me retrouve dans le lit, juste en-dessous de celui de Minho.

De l'autre côté, en face, Newt et Thomas.

— Moi, je kiffe ici, dit Winston.

— C'est pas mal, affirme Newt, inspectant les lieux du regard.

— Qu'est-ce qu'ils lui veulent, à Teresa ? reprends Thomas, sur les nerfs.

— Tout ce que je peux te dire sur cette fille, c'est qu'elle peut se gérer seule. Tout comme Sophia, lui réponds Newt.

En même temps, il regarde au-dessus de moi. Et je me rends compte qu'il s'adresse en fait directement à Minho. J'entends ce dernier soupirer. Si je voulais lui parler, avoir une discussion avec lui concernant sa distance avec moi, j'allais devoir attendre. Ici, à part dans la salle de bain, ça manque clairement d'intimité.

— Bref, arrête de flipper, rajoute-t-il, s'adressant cette fois à Thomas. Et toi alors, Sophia ? dit-il tout en montant dans son lit. Tu nous as fait une vraie frayeur. Qu'est-ce que tu voulais nous dire ?

— C'est dingue mais... je commence, tout en m'allongeant dans mon lit, fixant le vide. Je me souviens de tout. Après mon coup de poings contre le griffeur qui a attaqué Minho, je me suis évanouie. Mais en fait, j'entendais toujours... Je me souviens de tout.

Une montée d'images, surtout de sons, me reviennent et me couvrent d'effroi. J'avais besoin d'une certitude.

— Thomas... Chuck ?

— Il... il est mort... me réponds-t-il, la voix tremblante.

Un silence s'installe. Mais c'est plus fort que moi. Je rajoute.

— Et... et Gally ?

Cette fois, Newt allait répondre, quand Minho, juste au-dessus de moi, réponds d'un ton acerbe :

— Mort aussi. Ce connard n'a eu que ce qu'il méritait.

Recevoir un coup de poignard aurait été moins douloureux. Cependant, je suis trop émotionnellement fatiguée pour répondre quoi que ce soit. Au lieu de ça, je me retourne contre le mur. Cependant, dans un murmure que j'espère Minho entends, je rajoute :

— Gally était une victime, lui aussi, comme nous. Il ne méritait rien de ce qui lui est arrivé, comme nous. Oh, Gally...

Après quelques secondes, je prends mon courage à deux mains et raconte aux garçons les dires de Janson. Concernant cet endosquelette. Cette histoire d'os de mon corps que l'on a mécaniquement renforcés. C'est ça qui me rends plus forte.

— T'as raison, c'est dingue, souffle Newt. T'es un peu comme... une superhéroïne.

— S'en est une, ajoute Winston. J'aurais aimé pouvoir donner des coups de poing comme ça, moi aussi.

Le groupe lâche un rire bienvenu, ce qui me fait sourire.

Je repense également à ce que Janson a dit concernant le dernier prototype. Que j'ai été la seule sur laquelle il a fonctionné. Je suis la seule qui n'en soit pas morte. Je soupire et nous continuons à parler, longtemps, avant d'un par un tomber dans un sommeil profond...