Chapitre 2 - Les bois
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Ma première foulée me délivre un sentiment de liberté longtemps attendu. De toute manière, je n'aurais pas survécu une seconde dans ce modeste trou. M'accrocher aux barreaux pour hurler qu'on me laisse sortir ? Tourner comme un lion en cage, alors qu'on ne peut même pas tenir debout ? Non merci, trop peu pour moi. Et, ainsi, je suis à leur merci : je ne peux ni me nourrir, ni boire et je deviendrais alors complètement dépendante d'eux.
Je tente de réfléchir à la suite des événements : pour le moment, m'isoler assez longtemps afin de décider d'une marche à suivre. Ensuite, aviser. Une chose est sûre, je ne risque pas de vivre bien longtemps si je ne m'allie pas à tous ces garçons. Mais, pour le moment, l'idée me semble impossible.
Un peu de temps. Il me faut juste... un peu de temps.
Je m'engouffre rapidement dans les bois, je cours sans me retourner tout en faisant attention de ne pas tomber à cause de la boue, la mousse et les feuilles mortes. Il fait tout de suite plus frais ici. En même temps, les feuillages de ces arbres sont assez épais, laissant passer moins de lumière. De plus, certains ruisseaux passent par-ci, par-là, trempant mes chaussures lorsque je cours dedans. Une certaine ambiance règne en ces bois et j'en viens à me perdre à nouveau dans mes pensées.
Malheureusement pas assez attentive à ma course, mon pied droit se prend une grosse racine d'arbre, qui sort pourtant allégrement du sol . J'essaie de me rattraper à quelque chose mais c'est peine perdu. Je me dirige irrémédiablement vers le sol. Pourtant...
Pourtant, le temps semble défiler au ralenti, le temps de quelques secondes : que se passe-t-il ? Mais tout redevient normal en un clignement de paupière. Et je m'étale par terre dans un grognement plaintif.
Comme il fallait s'y attendre, mon menton cogne douloureusement sur un rocher. Ensuite, mes dents s'entrechoquent entre elles et je mords ma langue. Je n'arrive pas à retenir la grimace qui se forme sur mon visage. Comme un éclair, la douleur me foudroie et parcourt l'ensemble de mon corps.
— Merde, gémis-je.
Cela vallait-il vraiment la peine de s'enfuir, pour finalement tomber à la première foulée ? Là, je m'en veux. Car j'ai été impulsive et que j'ai laissé mes émotions décider à ma place, plutôt que ma raison.
Un goût de sang s'étend alors dans ma bouche, me faisant grimacer en plus de la douleur. La saveur métallique de mes globules rouges me déplaît, alors, je me redresse en prenant appui sur mes deux mains et crache.
C'est loin d'être mieux. La douleur persiste et je sens ma langue gonfler. Je m'accroupis tout en massant ma mâchoire et mon menton, me faisant mal.
Quelle idiote. Voilà à quoi m'a servi de jouer la maligne. J'ai eu de la chance de ne pas être édentée. Je m'imagine un instant avec quelques quenottes en moins. Cette pensée me dégoûte.
Je secoue la tête tout en écoutant lentement, les mains appuyées contre mes genoux. J'ai couru ici et j'ai eu le temps de tomber. J'ai perdu un temps fou à cause de cette maudite chute.
Je regarde derrière moi. Pourtant, je n'entends ni ne voit personne. On ne me semble pas m'avoir poursuivi jusqu'ici. Tant mieux pour moi. Je me relève, regarde de nouveau autour de moi parmi les arbres et les vieilles souches que les garçons ont dû couper pour leurs besoins, quand quelque chose m'intrigue. Parmi ces souches, il y en a une un peu différente. Effectivement, il y a une croix qui a été taillée avec un nom gravé sur la barre.
George ? Qui étais-tu et pourquoi semble-t-on t'avoir enterré ici ?
Je baisse les yeux quand ce que je vois m'écœure. La terre semble avoir été retournée, je crois distinguer un bout d'ossement de cage thoracique. Qu'est-ce que c'est que ce merdier ? Je réfléchis à mille à l'heure quand je m'arrête net. Il y a quelqu'un derrière moi.
— C'est Georges, dit la voix que je reconnais être celle de Gally. On a perdu pas mal de nos amis, ici. Mais nous, on est encore en vie. Et si tu ne veux pas périr dès ta première nuit ici, tu ferais mieux de m'écouter.
Point de vue de Gally
J'ai mal dormi ce soir-là. Alors, quand je me suis réveillé la tête dans le flou comme on le dit de manière non vulgaire, j'étais particulièrement de mauvaise humeur. Mais je n'ai pas le temps d'être en colère. La boîte allait remonter d'un moment à l'autre. Nous avons hâte qu'on nous livre nos provisions, ainsi que notre petit nouveau, comme on l'appelle par ici.
C'était le jour. On aurait pu le comparer à un jour de fête, si on n'était pas coincés dans ce trou, avec la peur au ventre chaque fois que les coureurs s'engouffrent dans le Labyrinthe.
Quoi qu'il en soit, l'arrivée d'un nouveau est toujours un événement en soi.
Hier soir, les gars et moi avons pariés, blanc, noir ou métisse ? Quelle origine ? Européenne, africaine, asiatique, ou autre ? Quelle grandeur, moins ou plus d'un mètre soixante ? Pour quoi sera-t-il doué, soigner, fabriquer, cultiver ou courir – ou même cuisiner, qui sait, peut-être que Poêle à Frire trouvera-t-il un concurrent ? Mais surtout courir, car nous n'avons jamais assez de volontaires pour parcourir le Labyrinthe.
Et aujourd'hui est notre jour de chance. La boîte remonte. Comme à leur habitude, les gars ont déjà suivi Alby, notre chef, jusqu'à celle-ci. D'habitude, ils sont toujours à crier de joie, à être surexcité par une nouvelle arrivée. Mais là, ce n'est pas le cas. Ils sont calmes, chuchotent des choses entre eux. C'est sûr, quelque chose cloche.
Et il faut que je voie ça de mes propres yeux. Alors, j'accélère le pas, écarte de mon passage ceux qui me gênent et, le cœur battant, m'approche, jusqu'à la voir, allongée là, au fond de la boîte.
Une fille.
Elle est inanimée, le corps allongé en Z, la tête dans le vague. Elle semble consciente mais en même temps complètement ailleurs. Comme si elle était droguée. D'habitude, ceux qu'on nous envoie sont certes déboussolés, sur les nerfs et effrayés, mais ils sont conscients !
Comme personne ne souhaite descendre, même Alby, bien trop tétanisés sur le moment et la surprise, je me lance. Elle semble maigre de loin mais en la portant, je me rends compte qu'elle est plutôt lourde. Ses yeux sont mi-clos et un peu de bave coule de ses lèvres. Elle est complètement sonnée... c'est vraiment étrange. Je sors de la cage, la tenant contre moi, dans le but de la ramener sous la tente des soigneurs.
A mi-chemin, l'endormie semble reprendre conscience, elle commence à bouger doucement d'abord puis violemment. Avec tant de violence que je suis obligé de la lâcher. Je prends son visage entre ses mains afin qu'elle ne se fasse pas mal, rien à faire, une furie. Quand j'y pense, j'aurais dû la laisser. Car, juste après, elle se saisit d'un bâton et me frappe avec. Et cette sauvage ne s'est pas ratée. Elle me frappe au front, puis au nez mais aussi à la lèvre. Ce qui est sûr, c'est qu'elle ne manque pas de force.
En plus d'être sacrément futée. Elle réussit à assommer un des gars et faire tomber l'autre, ainsi que m'enfermer dans la fosse. Bien-sûr, quand les autres du groupe me retrouvent, ils ne manquent pas d'éclater de rire. Minho, le chef des coureurs m'ouvre la porte de la cage en me narguant. Je sors tout en me massant le poignet. Il a failli se tordre quand je suis tombé.
— Elle s'est enfuie vers la forêt ? me demande Alby, qui a vite tut son sourire. Il faut qu'on l'empêche d'aller dans le Labyrinthe. Sinon, elle est morte.
— Oui, je lui réponds un peu honteux. Mais laissez-moi aller la chercher. Ça ne sert à rien que quelqu'un d'autre se fasse blesser, ou alors qu'on l'effraie. Je vais essayer de la raisonner et la ramener.
Je fais deux pas, puis me retourne. La tête légèrement baissée, j'ajoute :
— Quant à vous, si vous voulez vous rendre utile, vous pouvez toujours encercler le bosquet. Hors de question que l'on perde un nouveau. On n'est jamais en manque de travail par ici.
Alby acquiesce et les autres du groupe finissent par se dissiper. Comme prévu, chaque garçon se disperse ici et là, regardant attentivement entre les arbres.
De mon côté, je me retourne et commence à marcher vers la forêt. Elle ne peut pas être partie bien loin. Le Bloc n'est pas infini et elle ne pourra pas se cacher éternellement... Je m'engouffre dans les bois et inspire un bon coup... la séance de cache-cache peut commencer. Prête ou pas, j'arrive !
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