Chapitre 15 - Décision
L'ambiance est à nouveau électrique. Les coureurs ont été rappelés et Minho arrive, la mine déterrée. Il a l'air perturbé et parle, tout en secouant la tête :
— Je suis désolé Thomas. Ben nous avait juste dit qu'il se sentait pas trop bien. J'aurais pas pu deviner...
— Qu'est-ce qu'il va lui arriver ? je demande à Minho, croisant les bras contre ma poitrine. Ben est visiblement dangereux, mais surtout malade.
Minho ne me répond pas et se contente de baisser les yeux, en soupirant, les épaules voûtées. Comme résigné. Il me dit finalement :
— Comme pour tous les autres. Il faut l'empêcher de faire du mal aux autres.
Sur ces mots, il s'en va en direction de la tente d'Alby, où se trouvent déjà Newt et Gally. Tous les autres blocards, sauf Chuck, Thomas, Teresa et moi, nous nous tenons en retrait.
— Qu'est-ce qu'il a voulu dire ? demande Teresa.
— Nous le saurons bientôt, réponds-je en haussant les épaules, nerveuse.
En ce moment-là, j'aurais aimé que Gally soit à mes côtés. Qu'il me soutienne, me rassure et me dise que tout va bien. Que tout va bien se passer. Cependant, quand je le vois réapparaître, il dit quelque chose aux blocards, qui se dispersent. Ils font tous quelque chose. Qu'est-ce qu'il se passe ?
La journée se passe bizarrement. Le calme ambiant est, tantôt perturbé par les cris de Ben, tantôt par des murmures. Est-ce que quelqu'un va bientôt nous expliquer ce qu'il se passe ? Finalement, c'est Newt qui vient nous voir. Il est en sueur. Je l'ai vu s'agiter toute la journée et parler à différents groupes.
— Ce que vous allez voir, va vous sembler cruel. Cependant, c'est nécessaire. On le sait, car on en a déjà été victime dans le passé. Vous n'êtes pas obligés d'accepter, si jamais c'est trop dur pour vous.
— Qu'est-ce que vous allez lui faire ? demande Thomas, tout se relevant, nerveux.
— On va l'envoyer dans le Labyrinthe. Il n'y passera pas la nuit.
Teresa se lève à son tour, choquée. Elle tente de balbutier quelque chose, mais rien de concret ne sort. Elle finit par s'éloigner avec Chuck, particulièrement mutique. Je reste avec les garçons, comme sonnée.
— Quand ? je demande simplement.
— Justement, on y allait. Les portes ne vont pas tarder à se refermer.
Et ce qui doit arriver, arrive.
Nous sommes désormais devant les portes du Labyrinthe. J'aperçois Gally, au loin, qui m'ignore toujours. Minho est là, lui aussi. Newt, Alby et tous les autres. Ben est au centre du cercle que nous avons formé, tenu en joue par des perches aiguisées. Il pleure.
— Pitié. Alby, pitié.
Le bruit est toujours aussi effroyable, lorsque les portes commencent à se refermer.
Malgré les pleurs, les cris et les suppliques de Ben, ceux qui tiennent les perches, dont Minho a l'expression particulièrement enragée, les abaissent. En même temps, ils avancent ce qui a pour effet de pousser le malade à l'intérieur du Labyrinthe pour l'y enfermer. Celui-ci essaie de se frayer un chemin ailleurs pour échapper à son destin, mais ceux qui portent les lances les tiennent fermement.
Voilà donc à quoi sert chaque outil. Les garçons sont sûrs d'eux, bien que je constate qu'ils aimeraient être partout, sauf ici, en ce moment, à condamner l'un de leurs amis.
Alby me fait signe de le suivre. Ainsi, nous nous éloignons un peu pour ne pas gêner. Arrivée en dehors du demi-cercle, je tourne la tête et vois Chuck, petit et plutôt rondouillard, aux cheveux bouclés, rentre vers les dortoirs. Teresa le suit, entoure ses épaules de son bras et semble dire quelque chose.
— Il ne s'entendait pas trop avec Ben, mais c'est encore qu'un gamin. C'est dur pour lui de voir ça, m'explique Alby.
— J'irais le voir tout à l'heure, dis-je pour rassurer le chef.
Je retourne alors mon regard vers Ben qu'on continue de pousser. Au bout de quelques secondes, alors que les portes allaient se refermer pour de bon, il passe de l'autre côté. Les portes se ferment dans un grand bruit sourd. Nous n'entendons plus les cris de souffrance de Ben tant les parois semblent insonorisées. C'est dans le silence que les garçons finissent par se disperser. L'atmosphère est lourde, ainsi que leurs cœurs, endeuillés de la perte de leur ami. Alby est toujours à mes côtés.
— Je suis désolé que vous ayez dû voir ça.
Il soupire, puis me tourne le dos. Alby n'est plus que l'ombre de lui-même.
Je pense être seule mais, quand je tourne la tête vers les portes fermées du Labyrinthe, je reconnais Gally de dos. Il a une main posée contre les parois. Je ne devrais peut-être pas le déranger, j'aurais sans doute d'autres occasions de lui parler. Cependant, Minho a raison. Nous ne savons pas de quoi demain sera fait. Je me ravise donc.
Je m'avance donc vers lui, restant dans son dos. Il sait que je suis derrière lui, il tourne la tête légèrement vers moi, sûrement pour me faire comprendre qu'il m'écoute.
— Je... désolée.
Un lourd silence pèse entre nous.
— Je suis vraiment désolée. Gally je... je n'aurais pas pu imaginer que... je ne...
Il se retourne, en rigolant, bien que je reconnaisse un rire nerveux. D'un ton cinglant, il me lance :
— Tu es désolée ? Laisse-moi rire. Tu ne l'as pas repoussé, pourquoi ?
Je me frotte le coude, mal à l'aise.
— Gally. C'est arrivé trop vite. Je ne savais pas quoi faire !
J'ai envie de me cacher dans un trou. Une chape de tristesse me tombe sur les épaules, ce qui a pour effet de les affaisser. Pour seule réponse, il détourne la tête. Il laisse tomber toutes ses façades et la tristesse se lit désormais sur ses traits.
— Je... je n'aurais pas dû le laisser faire. Je suis désolée. Sans toi, je me sentais... seule. Je n'arrivais pas à m'amuser. Et, malgré ce que tu avais dit, tu n'es pas revenu.
— C'est une excuse pour embrasser tout ce qui bouge ?
J'explose, laissant des larmes de rage couler sur mes joues :
— Je ne cherche pas d'excuses ! C'est arrivé, point, et je ne pourrais pas effacer ça. Cependant, j'ajoute plus calmement, on... on ne pourra plus parler, tant que tu sera autant sur la défensive et que tu remettras directement cette histoire sur le tapis.
Il ne dit rien, soupire et passe un main rageuse dans ses cheveux.
— Je suis vraiment désolée. Je ne voulais pas te blesser de la sorte, ça n'a jamais été mon intention. Je... Gally, regarde-moi.
Il tourne légèrement la tête, croisant mon regard. J'approche lentement de lui, prenant sa main. Je suis rassurée qu'il ne me repousse pas. Il se détend légèrement.
— C'est toi que j'aurais voulu embrasser.
Je lui souris, passe une main douce sur sa joue. Son regard change cependant du tout au tout. Il fait un pas en arrière, tête baissée et me tourne le dos. Je recule d'un pas, moi aussi, puis finit par m'en aller vers le bloc.
Après quelques minutes, je tourne la tête vers la porte. Gally semble avoir disparu. Je porte de nouveau mon attention sur le chemin et arrive finalement au dortoir. Assis sous une des tentes, sur un petit tabouret, les coudes posés sur les genoux, la tête dans les mains, je reconnais Chuck. Il a l'air triste et franchement ça se comprend. J'espère au moins pouvoir l'aider et le faire se sentir un peu mieux. Teresa est là, elle aussi. Elle lui tient la main. Chuck est si jeune... pourquoi l'a-t-on envoyé ici, entouré de tous ces presqu'adultes ?
— Hey, dis-je.
Point de vue de Gally
J'ai encore du mal à y croire. Nous venons encore de perdre un de nos frères, un de nos amis. Ben.
Je lui en ai fait voir de toutes les couleurs à son arrivée, comme à tous les nouveaux. Je ne lui ai jamais voulu de mal, il l'a bien compris. C'est pour ça que nous avons sympathisé par la suite.
Le plus dur après avoir perdu quelqu'un, c'est de se rappeler. Les souvenirs, les bons moments. Les regrets, les « et si... ». Se dire que nous n'avons pas assez bien agi et que, si nous avions fait autrement, les choses auraient pu être différentes.
Se sentir impuissant, finalement, parce que la piqûre condamne chacune de ses victimes. Et qui emporte, un par un, les moins chanceux.
Je marche le long du mur jusqu'à m'arrêter à côté de Newt, le chef des sarcleurs. C'est un mec réservé, au caractère bien trempé. Il est aussi le second d'Alby. Ses fins cheveux blonds bougent légèrement à cause de la brise. Il regarde le mur lui aussi.
Je me poste à côté de lui, regardant à mon tour face à lui.
Chaque individu a marqué sur cette partie du mur une preuve de leur existence. Leur passage, indélébile. Il y a des noms que je ne connais pas, mais d'autres, comme si c'était sur ma peau qu'ils avaient été gravés, resteront à tout jamais dans ma mémoire.
"Sophia"
Je secoue la tête, maussade.
Newt sort son couteau de son étui et barre le nom de Ben parmi tous les autres, puis revient à sa place d'origine. Ça y'est. Ben n'existe plus, il est mort, comme beaucoup d'autres avant lui.
— J'aurais dû être plus attentif... minaude Newt. Il aurait pu venir se confier, j'en sais rien.
— Tu n'y es pour rien, tocard.
Le regard du maton des sarcleurs ne se détache plus du nom barré de Ben. Le mien non plus, d'ailleurs.
— Pourquoi est-ce qu'ils a agressé Thomas, à ton avis ? Il a dit "C'est de sa faute". Pourquoi ?
Je hausse les épaules :
— La raison est morte avec lui. On le saura jamais.
Nous devons à tout prix garder nos distances avec ce maudit Labyrinthe. Autrement, nous signerons tous notre arrêt de mort. Mon regard se porte sur les différents noms gravés à même la pierre. Newt s'en va, me laissant seul. De mon côté, je vais rejoindre Alby. J'aimerais savoir ce qu'il compte faire, pour la suite.
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