« Le manque de toi me vient par vagues

Ce soir je me noie »

-Hannah Taylor

Lorsque Bess ouvrit les yeux, elle était allongée par terre. Elle se redressa tant bien que mal et se rendit compte qu'elle était sur le bord de la plage. Que s'était-il passé ?

Elle se souvint de la sensation de son corps qui chutait dans le vide. Puis, elle avait heurté l'eau. Le choc l'avait aussitôt fait basculer dans l'inconscience. Néanmoins, pourquoi était-elle toujours en vie ? Elle ne se souvenait pas avoir nagé jusqu'à la rive.

Bess observa le roulement des puissantes vagues s'échouer sur le sable. Elle n'avait certainement pas pu se sauver elle-même. Mais qui l'avait aidée ? Était-ce un des membres du groupe de Jessie et de Paul ?

Elle leva la tête vers le haut de la falaise, qui était désert. Ils étaient sans doute partis, préférant la fuite. Dire qu'elle les avait crus !. Avaient-ils paniqué pour l'abandonner ainsi ? Probablement...

Bess était certes une excellente nageuse, mais apparemment pas assez. Pourtant, on l'avait déjà mis en garde contre l'endroit. Elle ne se souvenait pas précisément qui, mais elle aurait dû écouter l'avertissement.

La jeune fille se frotta les yeux, quelque peu déboussolée. Une image ne cessait de hanter son esprit.

Des yeux.

Hypnotisants. Ensorcelants. Un regard bienveillant qui semblait lire au plus profond de son âme. Les teintes de la mer dansant dans des iris dans lesquels Bess avait l'impression de se noyer une seconde fois.

Était-ce les yeux de celui ou celle qui l'avait aidée ? Personne de sa connaissance ne possédait des iris d'un tel éclat. Pourtant, ils lui semblaient si familiers...C'était déconcertant.

Bess se leva et grimaça en sentant ses membres douloureux ; elle avait l'impression qu'un train lui était passé sur le corps. Ce n'était pas très surprenant. Après tout, elle était tombée dans l'eau comme une pierre. C'était même une chance inouïe qu'elle n'ait rien de brisé.

Elle claudiqua jusque chez elle. Sa mère la questionna, mais elle préféra garder cette mésaventure secrète, ayant trop peur des représailles de ses « camarades ». Après tout, qui l'aurait cru ? C'était sa parole contre la leur.  Leur groupe ne l'avait jamais beaucoup appréciée et c'était sans doute à cause de la haine entre Sophie et Bess, qui remontait à très longtemps, alors que Bess venait d'emménager dans le coin. Elles avaient éprouvé de l'aversion l'une pour l'autre dès leur première rencontre, Sophie par jalousie, et Bess par dégoût du traitement qu'elle réservait aux élèves qu'elle n'aimait pas. Dès ce jour, Sophie avait fait de la vie scolaire de Bess un enfer. Or, celle-ci savait se montrer insensible à ses railleries, mais aussitôt que son ennemie mentionnait son père, ses résolutions de l'ignorer partaient en fumée. Sophie s'en rendait compte et se délectait de la rage qu'elle provoquait chez Bess.

Ce jour-là, Bess se rendit à l'école comme chaque matin. On lui avait annoncé la veille que sa correspondante, du nom de Célia, habitant Montréal, allait arriver dans les prochains jours. Bess s'était inscrite, quelques mois plus tôt, à un échange étudiant. Elle voulait découvrir le pays natal de sa mère, le Canada, où l'hiver était présentement installé, et l'idée d'apercevoir enfin les paysages enneigés et de vivre là-bas l'enthousiasmait. Elle était fascinée par la neige et avait très hâte de connaître les joies hivernales. Sa tante habitait sur la rive-sud de la ville de Québec et Bess voulait profiter de son voyage au pays pour lui rendre visite. Elle ignorait si la dame se souviendrait d'elle, mais souhaitait la rencontrer. Depuis quelques mois, Bess échangeait donc régulièrement des messages électroniques avec l'étudiante montréalaise, qui avait l'air très sympathique et avait hâte de la rencontrer. Célia viendrait pendant deux mois et, à son tour, Bess, irait chez elle deux autres mois.

     Depuis le début de la matinée, Bess sentait une certaine excitation l'envahir à l'idée de connaître sa correspondante et Stéphanie avait de la difficulté à la retenir de sauter partout. Elle n'avait pas revu son amie aussi fébrile depuis qu'elle avait participé à sa dernière compétition de surf.

     Stéphanie et elle étaient les seules assises à une grande table et devaient remettre un projet pour la fin du cours. Elles l'avaient presque terminé et en profitaient pour bavarder un peu.

Au moment où l'on cogna à la porte de classe, Bess plongea la main dans son étui à crayons, se piqua le doigt et lâcha l'étui qui s'écrasa par terre et dont le contenu se déversa sur le plancher. Ses crayons roulèrent sous les tables. Bess et Stéphanie se penchèrent immédiatement pour ramasser le tout.

-       Je vous présente Rémi Ewater, dit aux élèves Mme Miller, l'enseignante. J'aimerais que vous l'accueilliez comme il se doit. Tu peux aller t'asseoir à une table.

Bess, trop occupée à ramasser ses affaires, ne remarqua pas le nouvel étudiant jusqu'à ce qu'une main lui tende ses crayons.

-       Merci...oh mon Dieu ! s'exclama-t-elle en levant la tête.

Ces yeux ! Ils étaient identiques à ceux de son rêve !

-       C'est flatteur, mais on me surnomme Rem, dit-il en lui souriant.

Les élèves et l'enseignante éclatèrent de rire pendant que Bess virait rouge pivoine. Ce garçon lui paraissait familier, comme si elle l'avait déjà croisé auparavant. Pourtant, elle était incapable de dire où.

Ses cheveux étaient couleur châtain clair, il portait le polo vert réglementaire du lycée sous un veston gris et avait un air décontracté et sûr de lui qui lui conférait un charme manifeste. La classe entière était tombée en pamoison devant son sourire, tout comme Stéphanie d'ailleurs.

-        Allô, lui dit-elle alors que Bess avait perdu l'usage de la parole. Je suis Stéphanie et voici Bess. Excuse-la, les beaux mecs lui font toujours cet effet.

Elle lui fit alors signe de se relever, car Bess semblait avoir oublié l'endroit où elle se trouvait, c'est-à-dire sous la table.

-       Tu peux t'asseoir avec nous, si tu veux, l'invita Stéphanie.

Il la remercia et prit place sur un banc à côté de Bess, au grand désarroi de celle-ci et des autres filles de la classe.

Rem observa le travail des deux filles qui avaient collé des dizaines de photos d'elles en train de surfer afin d'en faire un montage. Elles s'entraînaient depuis qu'elles étaient toutes petites. Bess avait toujours été la meilleure des deux et Stéphanie voyait cela comme un défi. Elle était heureuse pour Bess lorsque celle-ci remportait les compétitions, nullement jalouse et c'était pour cette raison qu'elles possédaient une si belle complicité.

-       Vous êtes vraiment douées, remarqua-t-il en détachant enfin son regard de leur œuvre.

-       Merci, lui répondit Stéphanie, qui se sentait plutôt à l'aise en sa présence. Bess est la meilleure.

Celle-ci se sentit rougir à nouveau.

La cloche sonna au même instant et les élèves remirent leurs travaux à l'enseignante avant de sortir de la classe.

-       Destiny, l'appela Mme Miller avant qu'elle ne franchisse la porte, les élèves de l'échange étudiant sont arrivés, alors on te demande au secrétariat de l'école. Tu n'auras qu'à t'y rendre avant l'heure du midi.

-       D'accord, répondit-elle, en sautant presque sur place.

Elle allait enfin voir la camarade avec qui elle allait passer une partie de l'année scolaire.

Les deux amies sortirent de la classe pendant que Clara et Jade, de la clique de Sophie, se précipitaient pour parler à Rem. Bess jeta quand même un coup d'œil vers ce dernier et le vit sourire aux filles, qui papillonnaient des yeux.

-       Alors ? dit Stéphanie. As-tu vu à quel point le nouveau est canon ?

-       Il n'est pas si mal, répondit Bess en essayant d'arrêter les battements de son cœur.

-       Pas si mal ? Pour une fille qui est restée clouée sur place en l'apercevant, je dirais que tu l'as trouvé plus que pas si mal.

-       J'étais à quatre pattes sous une table. Il m'a prise par surprise lorsqu'il m'a tendu mes crayons.

C'était plutôt l'effet de ses yeux. Elle s'était presque étouffée en apercevant ses deux mystérieux globes bleus aussi profonds que l'océan.

-       C'est vrai, pouffa Stéphanie. C'était amusant.

     Bess ne partageait pourtant pas son hilarité.

     Elles se rendirent à leur casier. C'était un vrai fouillis là-dedans, surtout à cause de Stéphanie. Bess était très ordonnée, mais on avait quand même l'impression qu'une tempête était passée par là et elle portait le nom de Stéphanie.

     Bess se débattit pour sortir son cahier de là et elle entendit un rire éclater derrière elle. Elle se détourna et vit Jessy et quelques amies la dépasser en lui jetant des regards haineux.

-       Tu es pathétique ! lui lança Sophie. Tu aurais dû rester au fond de l'eau.

     Quelques secondes plus tard, elle avait disparu au bout du couloir.

-       Ne te préoccupe pas d'elle, lui conseilla Stéphanie d'un air qu'elle voulait léger. Elle dit n'importe quoi pour t'importuner.

Si elle savait ce qui s'était passé la veille, elle serait probablement profondément choquée, mais Bess n'avait pas encore eu le courage de le lui raconter.

     Stéphanie et Bess se hâtèrent de se rendre à leur prochain cours et déambulèrent à travers les couloirs du lycée.

-       Qu'est-ce que tu dirais d'aller faire un petit tour à la mer demain matin ? lui proposa Stéphanie. Juste pour voir comment sont les vagues.

Bess resta silencieuse quelques instants. Depuis son saut de l'ange, elle ne voulait plus mettre un seul orteil dans la mer. Elle sentait une terreur inexprimable s'emparer d'elle chaque fois qu'elle fixait la mer, probablement causée par le traumatisme d'avoir failli se noyer.

-       On verra, répondit-elle seulement.

Elle aperçut au même moment Rem accompagné de deux autres garçons qui lui ressemblaient étrangement. L'un deux possédait des cheveux noirs, tandis que l'autre les portait bleu foncé et longs, ce qui lui donnait un petit air rebelle, mais tout aussi attirant. Ils étaient entourés de six filles et rigolaient avec elles.

-       Wow ! s'exclama Stéphanie. Ces gars-là doivent faire partie de l'échange étudiant. Je regrette presque de ne pas m'être inscrite...

Bess leva les yeux au ciel.

Stéphanie avait plus d'expérience qu'elle avec les garçons. Elle sortait souvent les vendredis soirs et, étant beaucoup plus sociable que Bess, elle avait un grand cercle d'amis. Pourtant, elle accumulait les déceptions amoureuses, car elle s'éprenait toujours des garçons qui n'étaient pas sérieux. Son amie était fort jolie et savait mettre sa beauté en valeur. Physiquement, elle était tout le contraire de Bess avec ses cheveux et son teint foncés, ses yeux noisette et sa taille beaucoup plus grande que Bess, la dépassant d'au moins une tête.

-       Ils ont déjà des groupies, pas besoin de faire la file, répliqua Bess avec humeur.

     Encore des séducteurs lambda ! Avec leur beauté physique hors norme, ce n'était pas surprenant qu'ils tissent déjà leurs filets dès le premier jour. Bess détestait ce type de personne.

-       Si l'occasion se présente, j'irai leur parler, annonça Stéphanie en rejetant ses cheveux derrière son épaule, ce qui arracha un petit sourire à Bess.

Celle-ci entendit Rem murmurer à ses compagnons « C'est elle » et tous les trois se mirent à la fixer en lui souriant.

      La cloche sonna au même moment, alors Stéphanie et Bess se dépêchèrent d'entrer dans la classe avec les autres. Bess prit sa place habituelle. Manque de bol, le bureau d'à côté était vacant ! Elle préféra jouer la carte de l'indifférence lorsque Rem s'y installa, bien que son cœur manqua un battement. Qu'est-ce qui lui arrivait ?

Le professeur, Monsieur Anderson, commença alors son discours de bienvenue pour les trois nouveaux et Bess leva les yeux au ciel.

-       Destiny, avez-vous quelque chose à rajouter ? lui demanda alors l'enseignant.

-       Non, mais je doute qu'ils arrivent à suivre le cours sans avoir lu « Songe d'une nuit d'été », répliqua-t-elle.

-       Alors, peut-être pourriez-vous vous placer en équipe avec votre voisin afin qu'il puisse voir vos notes, lui conseilla-t-il.

-       Euh...c'est-à-dire que...

-       Merci, vous pouvez coller votre bureau au sien pour le reste du cours. Et vous deux aussi, ajouta-t-il à l'intention des autres filles qui étaient assises à côté des compagnons de Rem. Celles-ci bondirent presque de joie et, si Bess n'avait pas eu peur d'autres représailles, elle aurait une fois de plus levé les yeux au ciel.

Elle plaça son cahier entre Rem et elle afin qu'il puisse lire ses notes. Par la suite, elle l'ignora et se concentra sur le professeur. Hélas, le jeune homme la fixait d'une façon qui lui déplaisait, comme s'il essayait de lire en elle.

-       Pourquoi me fixes-tu ainsi ? lui demanda-t-elle. C'est intimidant.

-       Les yeux sont le miroir de l'âme, répondit le jeune homme.

-       Pardon ?

-       La meilleure façon de connaître une personne est de la regarder directement dans les yeux, car ils révèlent ses émotions.

-       Ah ouais ? Et que vois-tu dans les miens ?

-       Quelque chose semble te contrarier.

Bess ouvrit la bouche de stupéfaction. Mince ! Il était doué ! Néanmoins, c'était peut-être un coup de chance.

-       La seule chose qui me contrarie, c'est que tu m'empêches de me concentrer sur le cours, répliqua-t-elle un peu trop fort.

-       Y a-t-il un problème ? demanda Monsieur Anderson.

-       Non, monsieur. Rem me posait simplement des questions sur le livre.

-       Très bien. Je vais vous placer en équipe pendant quelques cours le temps que Rem puisse lire « Songe d'une nuit d'été ».

     Bess aurait aimé s'assommer avec le livre en question. Elle avait en tête de mettre le plus de distance possible entre elle et ce mystérieux étudiant. Elle se sentait trop attirée par lui et cela la dérangeait. Elle ne voulait pas de distraction dans sa vie, et ce gars en était certainement une. Sa petite routine bien ordonnée devait rester ainsi, point barre.

     Ils n'échangèrent pas d'autres paroles jusqu'à la fin du cours, à son plus grand bonheur.

     Lorsque la cloche sonna, Stéphanie vint rejoindre Bess à son bureau.

-       Ils sont tellement parfaits, s'extasia sa meilleure amie en les regardant les nouveaux sortir de la classe. En plus, Rem te dévore des yeux.

-       Je m'en fiche. Il y a plein de filles beaucoup plus jolies que moi. Il n'a qu'à lancer son dévolu sur l'une d'elles.

-       Elles sont insipides et tu le sais.

-       Qui se ressemble s'assemble.

Stéphanie secoua la tête. Elle savait qu'elle ne parviendrait pas à raisonner Bess ; elle la connaissait trop bien.

     Avant d'aller à la cafétéria, Bess se rendit au secrétariat afin de rencontrer la personne qui devait faire l'échange étudiant avec elle. Son amie la laissa, le temps d'aller chercher son repas.

     Bess était contente de s'être inscrite à cet échange. Si elle pouvait partir au Canada, elle échapperait à Jessy et sa bande pour deux mois. Cette pensée la remit de bonne humeur.

-       Bonjour, Mademoiselle Bastien, nous attendons que l'étudiant arrive et je vous le présenterai, dit la secrétaire, Mme Jackson.

-       L'étudiant ? s'étonna Bess. N'est-ce pas supposé être une fille au nom de Célia ?

-       Elle est malheureusement indisposée. Nous lui avons trouvé un remplaçant.

« Oh non ! C'est un garçon ! » pensa-t-elle. Elle aurait été plus à l'aise avec une fille, surtout qu'il allait devoir loger chez elle.

-       Ah ! Le voilà ! s'exclama Mme Jackson. Destiny, je te présente Rémi. C'est avec lui que tu feras l'échange. Vous aurez les mêmes cours et il habitera chez toi pendant deux mois, comme il était convenu. Je vous laisse apprendre à vous connaître. Bonne journée à vous deux.

-       Super, murmura Bess à voix basse en essayant de contenir son trouble.

     La secrétaire s'était déjà éclipsée et le malaise s'accentua. Stéphanie arriva à ce moment et ne cacha pas sa stupéfaction.

-       C'est toi, l'étudiant québécois ? demanda-t-elle, ravie, en s'adressant au jeune homme.

     Les rôles étaient maintenant inversés, car Bess n'était plus excitée du tout.

     Ils se dirigèrent vers la cafétéria et, pendant que Bess allait chercher son repas, Stéphanie leur réserva une table. Lorsque Bess revint, sa copine était accompagnée des trois nouveaux et rigolait avec eux.

-       Regarde qui j'ai trouvé ! lui dit Stéphanie avec un grand sourire. Voici les cousins de Rem, Gick et Lod. Je leur ai proposé de leur faire visiter le lycée après le repas.

Bess haussa les épaules. Ce serait sans elle.

-       C'est la journée de la pizza, annonça Stéphanie avec bonne humeur.

     Les garçons observaient leur repas comme s'ils ne savaient pas quoi en faire, ce qui était plutôt comique. Ils ne connaissaient pas la pizza, au Québec ?

-       Bess, commença son amie en changeant de sujet, Rem était en train de m'expliquer qu'il a beaucoup voyagé et il connait les endroits où il y a les plus belles vagues au monde. 

     Pourquoi ne lui avait-il jamais parlé de cela ?

-       Nous devons absolument aller aux îles Fidji l'été prochain ! fit Stéphanie avec enthousiasme. Rem dit que c'est l'endroit idéal pour surfer.

     Bess se tourna vers lui.

-       Parce que tu t'y connais en surf ? l'apostropha-t-elle.

-       Non, mais j'y ai vu plusieurs amateurs, répliqua-t-il.

-       Tout le monde sait que c'est à Hawaii qu'il faut aller pour surfer, déclara Lod. C'est là où se trouvent les plus grosses vagues. Vous me donnez envie de tenter l'expérience un jour.

-       Vous n'avez jamais essayé ? s'étonna Stéphanie.

-       Nous n'avons jamais eu de bons professeurs qui se sont manifestés, dit Gick en lui faisant un clin d'œil, ce qui la fit glousser.

     Bess leva les yeux au ciel. Il n'était tout de même pas en train de flirter avec sa meilleure amie, si ?

-       Il n'est jamais trop tard pour essayer, dit Stéphanie. Si au moins la meilleure surfeuse de l'île voulait nous faire une démonstration...

     Bess comprit le sous-entendu mais ne répondit rien, trop occupée à avaler son repas. Rem, qui n'avait pas encore touché à sa pizza, lui dit :

-       Stéphanie m'a mentionné que tu avais emménagé ici plus années auparavant. Pourquoi à cet endroit exactement ?

     Puisque Bess avait la bouche pleine, son amie répondit à sa place.

-       À cause du travail de sa mère. On lui a proposé un poste dans un observatoire très prisé par les touristes à environ trente minutes d'ici et, passionnée comme elle l'est par les étoiles, planètes et astéroïdes, elle a tout de suite accepté.

-       Et toi, Stéphanie, interrogea Gick, es-tu née ici ?

-       Ouais, j'ai connu Bess à la plage. Depuis ce temps, on est comme des sœurs. On n'a aucun secret l'une pour l'autre.

-       Ah ouais ? fit Rem, soudain intéressé. Vous vous dites absolument tout ?

-       Bien sûr, répondit Stéphanie. N'est-ce pas, Bess ?

     Celle-ci s'étouffa au même moment avec sa bouchée. Elle hocha la tête et ne vit pas les garçons se sourire d'un air entendu.

-       Alors, si vous vous dites vraiment tout, continua Rem, explique-moi pourquoi ton amie boitille.

     Bess se retint de lui envoyer sa canette de soda en pleine figure.

-       Comment avait-il fait pour deviner qu'elle avait caché son accident à son amie.

     C'était à peine si elle claudiquait !

-       Tu t'es fait mal ? lui demanda-t-elle d'un air inquiet.

-       Ce n'est rien, répondit Bess d'un ton qu'elle voulait léger. Une petite entorse en dégringolant les escaliers, mais ça ne fait déjà plus mal.

     La jeune femme ne put s'empêcher de jeter un regard noir à Rem, qui se contenta de lui sourire d'un air victorieux.

-       Au fait, les filles, commença Lod, il y a un « Beach Party » ce soir sur la plage. Ça vous dirait de nous accompagner ? On est nouveaux et on ne connait personne.

-       Non, dit Bess en même temps que Stéphanie disait oui.

     Cette dernière lança un regard noir à Bess.

-       J'ai des devoirs à faire, se justifia l'adolescente. Allez-y sans moi.

-       Ah ouais, répliqua son amie. Un vendredi soir ?

-       J'ai pris du retard en mathématiques, se justifia-t-elle.

-       Je suis plutôt doué avec les chiffres, dit alors Rem. Si tu veux, je pourrais t'aider.

-       Euh...

-       Alors, c'est réglé. Rem n'a qu'à t'aider et, lorsque vous aurez terminé, vous viendrez nous joindre, dit Stéphanie.

-       Ça me va, fit-il en souriant.

     Bess n'avait plus d'excuses à inventer. En plus de devoir aller à une fête où il y aurait plein d'élèves qu'elle détestait, elle devrait tolérer un cours de mathématiques avec une type qu'elle connaissait à peine et dont les yeux l'obsédaient. De quoi aurait-elle l'air si elle ne pouvait s'empêcher de fixer sans arrêt ses iris ? D'une maniaque ? 

     Elle haussa finalement les épaules en signe de capitulation, puis continua de manger tandis que les autres parlaient de la soirée à venir avec excitation. Soirée qu'elle appréhendait...