Chapitre 3


« Sans toi, rose, il n'y a plus de jardin,

Plus d'amour, plus d'espoir, plus de vie »

-Sadek Belhamissi

Rosa, stupéfaite par la proposition de l'homme, resta muette pendant un moment.

— Vous m'accompagneriez jusque là-bas ? s'étonna-t-elle. Pourquoi ?

Calix haussa les épaules.

— Tu te perdras sans nous. De plus, les belles demoiselles dans ton genre ont besoin de protection.

C'est à ce moment que Rosalys vit rouge.

— C'est ce que tu penses ? s'écria-t-elle en se levant. Sache que je sais me débrouiller seule alors tu peux ravaler ta proposition.

Elle sortit en trombe de la cuisine, mais juste avant de partir, elle se tourna vers les deux Syrès qui l'observaient, ébahis par sa réaction.

— Je ne veux pas de votre pitié, cracha-t-elle. Je n'aurais jamais dû venir.

Avant qu'ils ne cherchent à la retenir, elle s'en alla. Elle courut presque jusque chez elle et s'isola sur le toit de la vieille grange, là où elle y avait construit son potager, et cueillit quelques radis, une pomme de laitue et des betteraves afin de faire une bonne salade. Rosa ne mangeait pas de viande, car il lui aurait fallu tuer ses animaux.

Après avoir concocté son repas, elle retourna dans son jartin le dégusta sous à côté d'un rosier. Tout en contemplant son fleurs, elle songea qu'elles lui manqueraient lorsqu'elle partirait. 

Rosa aimait être seule, mais rester la seule personne sur cent kilomètres carrés était complètement inenvisageable.

Il était temps qu'elle fasse ses bagages.

La journée suivante, Rosa commença à faire ses bagages. Elle ne devait pas trop se charger donc elle n'emporta avec elle que le stricte nécessaire : quelques vêtements chauds, un sac de couchage, un chapeau et un imperméable. Il lui manquait un élément essentiel pour partir aussi loin : une pagaie de surplus. Si jamais elle perdait la sienne pour x raison en chemin, elle serait coincée sur les eaux et en mourrait. Elle ne voulait pas prendre le risque et savait que ses en stockait une de plus quelque part. Rosa jeta un coup d'œil vers la maison qui penchait sur le côté et donc la face arrière s'était partiellement effondrée. Elle devrait trouver un moyen d'entrer là-dedans.

Vingt minutes plus tard, elle trouva enfin le courage de s'aventurer dans son ancienne maison et de replonger dans son ancienne vie. La baraque délabrée semblait sortir tout droit d'un film d'horreur. Les fenêtres avaient été cloisonnées, plusieurs briques étaient tombées et la cheminée s'était affaissée, comme la partie arrière de la maison. Cette maison avait pourtant connu des jours heureux. Qui aurait cru, dix ans plus tôt, qu'elle finirait ainsi ? Elle était déjà vieille, à l'époque, mais représentait un foyer accueillant et convivial. Rosa et son frère, Philippe, s'amusaient des heures et des heures dans le grand sous-sol. Il y avait tellement de boîtes que c'était l'endroit parfait pour jouer à la cachette.

La porte n'était pas verrouillée, alors la jeune femme la poussa sans mal. L'intérieur était poussiéreux et sombre mais un peu de lumière s'infiltrait par les fenêtres placardées et éclairait les pièces. De toute façon, Rosa aurait pu se promener les yeux fermés dans la maison. Du moins, auparavant, car il y avait quelques trous dangereux dans le plancher. Elle les évita avec précaution et se dirigea vers l'escalier. Désormais, celui-ci était effrayant. Sombre et rempli de toiles d'araignées, il n'avait plus rien d'invitant. Rosa savait néanmoins où se trouvait la rame. Son père n'avait pas pris la peine de la déplacer avant de partir ; elle se trouvait donc directement en haut des escaliers, juste avant ce qui était autrefois sa chambre à coucher. C'était une sacrée chance, quand on voyait la structure bancale de la maison ! En prenant une grande inspiration pour se donner du courage, Rosa monta précautionneusement les marches craquantes et arriva dans un espace sombre et sinistre. Elle allongea ses bras et toucha l'objet qu'elle cherchait, la sueur au front ; elle avait toujours eu peur du noir. Elle ferait sans doute des cauchemars pendant un long moment ! Elle essaya de ne pas s'imaginer des bêtes l'entourant dans cette noirceur. Il y avait probablement des souris et des rats dans cet endroit. Un craquement la fit sursauter et ses nerfs furent sur le point de lâcher. Elle tira en vitesse la pagaie et descendit les escaliers le plus rapidement qu'elle put.

Rendue au milieu, elle entendit un craquement et poussa un cri lorsqu'elle passa à travers la marche. Tout se passa très rapidement. Elle tomba durant deux secondes, puis une intense douleur se propagea dans ses jambes. Elle toussa pendant un long moment puis parvint à reprendre une respiration presque normale malgré la poussière. En levant la tête, elle se rendit compte qu'elle était tombée sous l'escalier à travers les débris et les planches. Elle était coincée en dessous et était incapable de bouger. De plus, la douleur était si vive qu'elle en avait la nausée. Son dos était mouillé et elle réalisa que l'eau était monté jusque là. Si elle était tombée plus bas, elle se serait noyée.

— Au secours ! hurla-t-elle.

Quelle sotte ! Personne ne passait jamais dans son coin. Elle s'efforça de garder son calme. Paniquer ne servirait à rien. Rosa avait toujours été de nature calme et persévérante. Elle avait appris à réfléchir afin de trouver des solutions avant de baisser les bras et donc, de se débrouiller.

Après avoir évalué sa situation, elle entreprit d'essayer de déplacer les débris qui recouvraient sa jambe. Ses bras étaient libres de tout mouvement mais, à partir de la taille, elle était incapable de bouger. Ses jambes lui faisaient tellement mal qu'elle n'osait imaginer dans qu'elle état elles seraient lorsqu'elle sortirait de sa position, si jamais elle y parvenait.

« Ne perds pas espoir » s'encouragea-t-elle

Elle essaya de bouger, de tirer ses jambes et hurla lorsque la douleur fut intolérable. Lorsque la tête lui tourna et qu'elle fut sur le point de perdre connaissance, elle arrêta de se démener. Décidément, elle aurait besoin d'aide. Son cœur s'accéléra lorsqu'elle se rendit compte qu'il lui était impossible d'appeler quelqu'un. Elle n'avait aucun moyen de communiquer avec qui que ce soit.

Rosa ignorait depuis combien de temps elle était coincée sous l'escalier. Il lui semblait que cela faisait des heures. La douleur s'était atténuée. Elle ne sentait presque plus rien et ignorait si c'était une bonne chose ou non. Son côté optimisme lui disait qu'elle en ressortirait indemne, avec seulement quelques égratignure, mais elle avait beau espérer de toute ses forces, au fond d'elle, elle savait qu'elles étaient bousillées. Même si elle parvenait à s'extirper de ce trou, elle serait incapable de voyager.

« Tu y songeras en temps en lieux » se dit-elle, car elle gardait encore espoir de s'en sortir.

Elle attendit...attendit...attendit. La nuit était-elle tombée ? Probablement. Dans l'obscurité de l'escalier, Rosa n'apercevait que le trou au-dessus de sa tête et ne parvenait pas à distinguer le jour de la nuit. Elle ne portait aucune montre, elle qui se fiait toujours à la position du soleil. Lorsqu'il était caché sous les nuages, elle se fiait à son ventre. Il gargouillait toujours à la même heure, lorsqu'elle avait faim. Justement, l'heure du dîner était passée depuis longtemps car elle avait continuellement faim, mais le pire c'était sa soif. Elle était en train de se déshydrater. La jeune femme ferma les yeux et appuya sa tête contre la cloison derrière elle. Elle s'endormit ainsi et rêva de son enfance. Elle s'amusait souvent seule puisque son frère était son cadet de six ans. Elle n'avait jamais été très près de lui, bien qu'elle l'aimât beaucoup. Ses jeux l'amenaient dans les champs de maïs derrière la ferme. Elle s'y promenait jusqu'à s'y perdre, puis trouvait amusant de retrouver son chemin. Un jour, elle avait mis tellement longtemps à retrouver la bonne direction que la nuit était tombée. Ses parents l'avaient sermonnée et elle avait été privée de sortie pendant une semaine.

Rosa se réveilla en sursaut. Elle aurait préféré continuer à dormir, car la douleur était à nouveau revenue. Elle tenta à nouveau de bouger, mais elle avait l'impression de s'être enfoncé dans les sables mouvants. Elle se mit alors à prier. Elle n'avait jamais été très croyante mais, en ce moment, peu lui importait que Dieu existe ou pas, pourvu qu'elle s'en sorte.

« Pitié. Sortez-moi de là ! » N'ayant plus la force de crier, elle ne fit que le penser.

Après tout, savoir qu'on n'a plus rien à espérer n'empêche pas de continuer à attendre.

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