CHAPITRE TROIS : Corvée des mennticornes (2/2)

Elisha suivit l'ombre de son chef à travers les rues désertes du villages. Les six lune jouaient à cache-cache dans le ciel, s'amusant à se dissimuler parfois derrière un nuage. À ces moments, Elisha perdait la trace de son supérieur, mais les lunes réapparaissent toujours pour lui indiquer le chemin.

Enfin, iel le.a rejoignit. Iel était perché sur un rocher, à l'orée de la forêt, et l'attendait.

- Elisha, tu as trahi la confiance que nous avions placé en toi. J'espère que tu en es conscient.e : nous ne pouvons accepter une telle trahison ; tu as laissé le feu s'éteindre !

Accablé.e par le poids des reproches du chef, iel se contenta d'hocher la tête en silence. Rien de ce qu'iel dirait ne pourrait changer la terrible vérité : iel était indigne de son peuple, iel était incapable.

- Plus personne ne t'adressera la parole avant que tu aies expié ta faute.

Iel marque une pause, comme pour donner une intensité dramatique à son discours :

- Elisha, tu iras chez les envahisseurs reprendre ce qu'ils nous ont volés.

Sonné.e par la quête que l'on venait de lui confier, iel peinait à retenir ses larmes. Le.a chef planta là Elisha, qui leva les yeux aux lunes en murmurant une litanie de "pourquoi ?"

Ils étaient colère, résignation, désespoir, abnégation, pardon, excuses, rage. Ils étaient vains.

Retournant dans sa case, iel s'endormit d'un sommeil lourd et sans rêve, gorgé de pleurs étouffés.

***

Iel se réveilla dans un silence de mort.
Sortant sans bruit de sa case, elle vit que le village s'affairait à survivre, comme chaque jour depuis la nuit des temps.

Elleux plantaient des racines d'écorveux moussus¹, d'autre des baies de primevèries², d'autre encore arrosaient les plantes, d'autres préparaient les repas de la journée.

Seulement, pas un bruit ne franchissait la barrière des lèvres, des couteaux ou des arbres. Même le vent semblait s'être tu.
Pressentant un problème, iel s'approcha de son clone-parent, mais ce dernier détourna le regard avant de se remettre à compter les baies de primevèries.

Désœuvré.e, le village refusant qu'elle travaille avant qu'elle partisse en quête de cet ennemi qui leur avait tout pris, elle prépara ses affaires, la mort dans l'âme.

- Ne reviens pas les mains vides, fut tout ce que lui adressa son chef avant de lui tendre un sac et de se détourner.

Au moment où elle allait franchir la lisière de la forêt, le.a chaman courut à sa poursuite, se faisant néanmoins discret pour ne pas attirer l'attention du chef.

- Elisha, attends, ahana-t-iel, essoufflé.e. Tu... enfin... je...

Iel attendit, pas pressé.e de se jeter sous les roues de l'aventure.

- Les béliens... commencent à mourir... le feu les brûle de l'intérieur, c'est incompréhensible... tu... chez l'envahisseur...

- Je devrais chercher un remède ?

- Exactement, tu comprend tout, fit gravement le.a chaman. Tu as notre sort entre tes mains, n'oublie pas...

Et sur ces mots très angoissant pour Elisha, le.a chaman repartit au petit trot vers le village.

Le chemin, toujours plus sinueux, s'enfonçait lentement dans les bois. Lorsque le soleil parut à son zénith, Elisha se permit une pose. Le devoir envers son village, c'était très important, mais iel n'irait pas loin le ventre vide.

Et iel s'aperçut qu'il n'y avait qu'une pauvre tranche de bibil séché dans son sac. Un peu d'eau endormissante était reléguée dans la poche spéciale liquide, et c'était tout.

Quel mennticorne ! songea Elisha, furieux.se.

Un curieux sentiment le.a fit se retourner.

Un corbeau ! Il l'observait, iel le sentait. C'était sans doute à cause de lui que le feu s'est éteint ; comme chacun le sait, ils ont le pouvoir d'hypnotiser qui croise son regard.

Iel saisit son arc et ses flèches. Iel aura quelque chose à manger ce midi ; iel n'aura pas à sacrifier ses maigres rations.

Iel encoche et tira. La flèche frôla de quelque plumes le corbeau, puis se perdit dans les branchages. Jurant un coup, iel se releva et partit à la poursuite de sa proie.

Au détour d'un buisson, des serres immenses, plus grandes que ses bras s'enfoncèrent fermement autour d'iel, qui n'émit pas le moindre son, tétanisé.e.

Ces serres étaient argentées, et elles brillaient sous le soleil qui perçait timidement à travers les frondaisons.
Ces serres étaient mortelles, resserrées en un terrifiant étau autour du corps d'Elisha.

Le corbeau rapprocha son bec pointu du visage d'Elisha. Il le.a regarda un long moment, avant de la gratifier d'un œil noir et d'un petit coup de bec sur le crâne, puis il s'envola dans les feuilles.

Elisha hurla de terreur, et sa tête manqua de s'écraser lamentablement sur divers branches qui passaient par là. Iel ne dû sa vie qu'à ses réflexes de survie extraordinaires ; iel se roula en boule du mieux qu'iel pouvait dans les serres du corbeau et appliqua la meilleure stratégie possible en ce moment : celle de l'autruche. Bien qu'iel ne connaissait pas cet animal, un étrange mammifère de son monde usait lui aussi de cette politique à tort et à travers. Aussi, iel l'imita.

Lorsqu'enfin il le.a lâcha au sol, iel s'écrasa si durement que sa tête rebondit.

Relevant douloureusement la tête, Elisha contempla l'immense oiseau qui l'avait porté.e. Il était absolument terrifiant.

Une personne à l'accoutrement plus qu'étrange surgit de derrière un épais buisson, maugréant et insultant son ravisseur. À sa vue, elle ouvrit grand les yeux et la bouche et s'exclama :

- C'est une autre élue ?

Le corbeau opina.

- Je te laisses t'en occuper, je ne suis qu'un connard. Essaie de la convaincre de ne pas te tuer... après tout, tu es aussi bizarre pour iel qu'iel pour toi. Tâche de na pas mourir...

- Et tu vas faire quoi ? Reviens !

En vain, il escaladait déjà la voûte du ciel en battant bruyamment des ailes.

La-personne-bizarre se tourna vers Elisha, tente un sourire maladroit et prononça avec difficulté ces paroles :

- Je... je vais essayer de t'expliquer.

ENCYCLOPÉDIE DES SAVOIRS BÉLIENS

Écorveux moussus : arbre bas, dont l'écorce pèle tous les deux jours, de six pieds de haut, et dont les feuilles et l'écorce sont les principales souces d'alimentation des bibils. Ils servent également en infusion pour les rituels et pour soigner les maladies.

Baies de primevèries : baies roses, d'aspect duveteux, révélant une fois ouverte des graines rondes et blanches. D'un goût sucré-salé, elles servent de principal accompagnement pour les bibils.

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