6 - Ennemi public


« On serre souvent la main à
son pire ennemi sans le savoir. »
Samuel Ferdinand

Les fêtes de Noël, les rues s'illuminent, se parent d'étoiles et de guirlandes. Noël, c'est le sapin illuminé dans nos maisons, dans nos villages, dans nos villes, sur les places publiques. Noël, c'est la période où les magasins sont devenus, plus que d'habitude, les « temples de la consommation». Le soir, le repas traditionnel du « réveillon » est un moment important de convivialité, de remise et d'échanges de cadeaux, aux enfants en priorité, mais aussi aux adultes qui veulent se faire plaisir. Noël revêt aussi cet aspect d'intimité, de proximité. C'est essentiellement le noyau familial : parents et enfants, qui se trouvent réunis autour de la table et du sapin illuminé.
Et chez les Giacchi cette fête est la plus importante de l'année. Petra s'affole dans la cuisine depuis l'aube.

Petra: Mio Dio! J'ai oublié le mascarpone!
Clara: C'est bon j'y vais. T'as lancé la dinde?
Petra: Certo.
Clara: Mamma, il est où Nino?
Petra: Il finit le travail un peu tard.
Clara: Mamma arrêtes. Tu sais très bien qu'il travaille pas.
Petra: Vas acheter le mascarpone maintenant, j'en ai besoin. Ton frère et Ahmed vont bientôt arriver.
Clara: C'est qui Ahmed? Je pensais qu'on serait tous les trois.
Petra: Le copain de ton frère. Il dîne avec nous tous les ans.
Clara: J'aime pas les copains de Nino. Je veux pas qu'il vienne.
Petra: Basta! Sa mère est en Algérie, il est tout seul.
Clara: Et alors?
Petra: Non discutere! Je suis ta mère. Vas acheter le mascarpone.
Clara: C'est bon, j'y vais.

Pendant ce temps, Nino était installé dans le salon d'Ahmed avec Zakaria. Yassine jouait à un jeu de foot sur l'immense télé qui trônait dans la petite pièce avec Mehdi.

Nino: Ahmed t'as réfléchi à ce que je t'ai dit l'autre jour.. à propos de ma soeur.
Ahmed: Comme quoi tu voulais qu'on t'aide à butter un mec? Oui, j'y ai réfléchi.

A l'entente de la phrase de son ami, Yassine appui sur le bouton « pause » de sa manette. Puis, il se tourne vers ses deux collègues.

Yassine: Quoi? T'as toujours pas lâché l'affaire avec cette idée?
Nino: Ce mec a violé ma soeur!
Yassine: Ouais mais frère, on n'est pas des tueurs!
Nino: Je m'en fous, je veux qu'il crève!
Yassine: Et moi je veux pas aller en taule pour 20 ans.
Ahmed: C'est bon, calmez-vous. Personne tuera personne.
Yassine: Merci.
Nino: Ok bah je vais me d'emmerder tout seul.
Ahmed: Et tu comptes faire comment?
Nino: J'attends qu'il vienne voir sa soeur a Espozi et je le butte quand il sort de sa caisse.
Yassine: C'est débile.
Nino: Mais toi, ta gueule!
Ahmed: Et après? Quand les gars d'Octavi apprendront qu'un mec de leur quartier s'est fait butter à Espozi, ca déclenchera une guerre. Et si t'es sur qu'à cinq on tiendra face à un quartier tout entier, alors vas-y, on te suit.
Yassine: Donc j'ai raison, son plan est débile.
Nino: Alors quoi? On fait rien?
Ahmed: J'ai pas dit ça. Mais qu'est ce qui peut arriver de pire à un mec de quartier que de se faire butter d'une balle dans sa caisse?
Mehdi: D'avoir un gamin avec Awa.

Les quatre garçons dévisagèrent Mehdi, ne comprenant comment dans pareille situation ce dernier pouvait penser à cela. Au moins, sa blague avait le mérite de le faire rire lui-même.

Yassine: Tes parents ils t'ont bercé trop près du mur toi.
Ahmed: Sérieusement.
Nino: J'en sais rien.
Ahmed: Que toute la ville apprenne qu'il viole des gamines.
Nino: Et comment tu comptes faire?
Yassine: Bah, lui, il réfléchit.
Ahmed: Effectivement. J'ai un plan. Et crois moi, la mort lui paraîtra bien douce à côté de ce qu'on lui réserve.
Mehdi: Et bah voila!

Dans le supermarché, Clara traverse les rayons à la recherche du mascarpone. De sa main droite, la jeune femme dégaine son téléphone et appelle « Leïla ».

Leïla: Allo?
Clara: Ça va?
Leïla: Oui et toi? Alors prête pour le réveillon?
Clara: Bah j'sais pas trop justement. Ma mère et mon frère ont invité Ahmed.
Leïla: Ahmed Khemis? Bon courage.
Clara: Pourquoi? Il est comment?
Leïla: Je le connais depuis toujours et j'ai jamais réussi à le cerner. Depuis la maternelle il traine qu'avec Zakaria, Yassine et Mehdi. Il n'a confiance en personne à part eux trois, et en ton frère depuis qu'il a débarqué à Espozi. Personne ne l'a jamais vu avec une fille, pourtant j'en connais beaucoup qui auraient aimé l'approcher. C'est un mec qui est marié à son quartier pourtant il est très intelligent, dans ma classe c'est lui qui a les meilleurs résultats.
Clara: Il n'est pas fréquentable?
Leïla: Absolument pas. Et quand Ahmed dit quelque chose, ses potes suivent.
Clara: Merci Leïla. Je te laisse, je passe en caisse.
Leïla: Joyeux Noël et garde moi une part du dessert de ta mère.
Clara (riant): Évidemment!

Quelques heures plus tard, Petra terminait la préparation de l'un de ses desserts dans la cuisine pendant que Nino et Ahmed discutait dans le salon.

Ahmed: J'arrive, je vais aux toilettes.
Nino: Vas-y, tu sais où c'est.

En traversant le couloir pour accéder à la salle de bain, Ahmed se trouve face à Clara qui venait, elle, enfin de quitter sa chambre. Leurs regards s'arrêtèrent jusqu'à se fixer pendant de longues secondes. Ne comprenant pourquoi aucun des deux n'arrivait à détacher ses yeux de l'autre. Les deux adolescents s'étaient aperçus quelques rares fois au lycée, mais cette fois c'était différent. Clara sentit sa gorge se serrer quant à Ahmed ses mains devenir moites.

Clara: On se connaît pas mais je t'aime pas. Et je voulais pas que tu sois là ce soir.
Ahmed: Je t'aime pas non plus. Et ça tombe bien parce que ce n'est pas toi qui m'a invité.
Clara: T'es chrétien?
Ahmed: Musulman.
Clara: T'es même pas censé fêter Noël.
Ahmed: Ouais, sauf que les années où tu devais fêter Noël avec ta famille, c'est moi qui étais là.
Clara: Je suis de retour, on n'a plus besoin de toi.
Ahmed: Pourtant je suis encore invité.
Petra: Bambini, on passe à table!
Clara: Tu connais ma mère, elle déteste qu'on lui gâche Noël. Alors j'espère que t'as faim, parce que c'est moi qui sers les plats ce soir.

Pendant ce temps, dans l'une des tours du quartier, une mère de famille vient de mettre au lit sa petite fille âgée de 4 ans. Ensuite, elle rejoint son mari dans le salon et se blottit à ses côtés dans le canapé. Soudain, on sonne à la porte. Le mari se lève et ouvre la porte d'entrée. Ce dernier fait face à deux hommes, cagoulés et armés qui le braquent.

Zakaria: Ferme ta gueule et recule doucement.

L'homme s'exécute sans émettre aucune résistance. Yassine referme la porte derrière eux. Une fois dans le salon, la femme panique et se fait braquer à son tour. Une fois installés dans le canapé, Zakaria attache par des serrages en nylon les poignées et les chevilles du mari puis ceux de la femme.

Zakaria: On n'en a pas après vous. Donc si vous coopérez gentiment il ne vous arrivera rien, ni à vous, ni à votre fille.

Puis, Yassine s'empare du téléphone portable posé sur la petite table basse du salon.

Yassine: Ton code de déverrouillage et le numéro de ton frère.
La femme (en larmes): Le code c'est 1206 et mon frère est enregistré à « Ibrahim » dans le répertoire.
Zakaria: On va appeler ton frère et tu vas lui demander de venir chez toi immédiatement. Tu lui expliques que t'as besoin de lui parler mais que tu ne peux pas le faire au téléphone. Débrouilles toi comme tu veux mais sois suffisamment convaincante pour qu'il ramène son cul ici, j'ai pas envie de devoir réveiller ta fille.
L'homme: Pourquoi vous faites ça?
Yassine: La ferme.

Puis, toujours leurs armes braquées en direction du couple, Yassine appelle le frère en question avant de déposer le téléphone sur l'oreille de la jeune femme. Cette dernière tente de masquer la peur dans sa voix et de paraître la plus naturelle possible.

Ibrahim: Allo?
La femme: Petit frère, il faut que tu viennes à la maison.
Ibrahim: Qu'est ce qu'il se passe?
La femme: Rien de grave t'en fais pas mais je veux pas t'en parler au téléphone.
Ibrahim: Ça peut pas attendre demain? J'ai un truc à faire là.
La femme: Non ça ne peut pas attendre. S'il te plaît Ibo, viens. J'ai vraiment besoin de te parler.
Ibrahim: Ok j'arrive. Je serai là dans 10min c'est bon?
La femme: Merci petit frère.

Yassine décolle le téléphone de l'oreille de la jeune maman puis raccroche.

Chez la famille Giacchi, Clara s'est levée de table afin de servir le premier plat. Dans la cuisine, la jolie brune attrape l'assiette d'Ahmed et l'asperge de sel, beaucoup trop. Puis deux par deux, elle dépose les assiettes sur la table.

Petra: Buon appetito!
Ahmed: Merci de m'avoir invité.
Petra: C'est normal, tu es la famille Ahmed.

Fier de lui Ahmed adresse un sourire sarcastique à sa voisine assise en face de lui. Puis, tous commencent à déguster le premier plat. A la première bouchée, Ahmed comprend et lève la tête en direction de Clara qui lui sourit franchement.

Clara: C'est bon hein?
Ahmed: C'est excellent.

Ne pouvant faire le moindre scandale, le jeune algérien n'a d'autre choix que de manger sans broncher. Bouchée par bouchée, il rempli et vide son verre d'eau quasiment aussitôt, sous le regard amusé de sa voisine. Le sel l'assoiffe. Les assiettes terminées, Clara se lève à nouveau, débarrasse puis sert le second plat en cuisine. À nouveau, la jeune femme inonde de sel l'assiette d'Ahmed.

Ahmed: Je vais t'aider à servir.

Débarquant dans la cuisine, Ahmed attrape les deux premières assiettes dont la sienne.

Clara: Non, c'est bon je vais le faire.
Ahmed: J'insiste.
Clara: Lâche, je sers.
Ahmed: Pas de scandale. Tu connais ta mère, elle déteste qu'on lui gâche Noël.

Vexée et sous l'insistance du garçon, Clara est forcée de le laisser servir sachant pertinemment que l'assiette gorgée de sel lui sera laissée.

La voiture noire aux vitre tintées d'Ibrahim s'arrête devant la tour où vit sa soeur. Musique à fond, le jeune adulte descend de voiture et s'approche de la lourde double porte de l'immeuble. Soudain, il sent une pression sur son dos.

Mehdi: Tu bouges et je te descends ici, en bas de chez ta nièce. Avance.

Comprenant instantanément ce qui lui arrive, Ibrahim capitule sans discuter et avance jusqu'à sa voiture avant de monter à l'arrière ou Mehdi s'empresse d'attacher ses chevilles et ses poignées avec un serrage en nylon. Puis, il cache ses yeux avec un bandeau. Pour finir, Mehdi retire sa cagoule et dégaine son téléphone.

Zakaria: Ouais?
Mehdi: C'est bon, vous pouvez descendre.

Sans perdre une seule seconde, Yassine quitte l'appartement. Zakaria retire la carte SIM du téléphone de la jeune maman, ainsi que dans celui de son mari.

Zakaria: J'ai pris les cartes sim. Le temps que vous vous détachiez et que vous trouviez un téléphone pour appeler les flics, on sera déjà loin.

Pendant ce temps, dans la salle à manger des Giacchi, Clara termine difficilement son plat, se gavant d'eau et tentant d'être toujours aussi naturelle. Sauf que cette fois, c'est Ahmed qui l'a fixe de son sourire qui se veut narquois. Son petit jeu est alors interrompu par le vibreur du téléphone de Nino. A table, il le dégaine de sa poche afin de lire le contenu du sms.

De: Zakaria
A: Nino
Tout est ok.

Nino tend alors son téléphone à son voisin qui lit à son tour le contenu du message. Les regards des deux garçons se croisent et n'ont pas besoin de mot pour se comprendre.

Ahmed: Merci madame Giacchi pour ce repas, mais je dois rentrer chez moi.
Clara: Tu ne manges pas le dessert? Quel dommage.
Ahmed: Je suis sur que tu aurais adoré que je reste, mais j'ai un problème de famille.
Petra: Rien de grave?
Ahmed: Non, ne vous inquiétez pas. Ça ne vous dérange pas si Nino me raccompagne rapidement?
Clara: Si ça nous dérange.
Petra: C'est bon allez-y mais Nino tu reviens pour les cadeaux.
Nino: Je fais l'aller retour.

Après avoir embrassé sa mère sur le front, les deux garçons quittent l'appartement sous le regard désespéré de Clara.
En sortant de l'immeuble, les deux garçons montent sur leur scooter respectif, enfilent cagoules et casques puis démarrent à toute vitesse. Au bout de quelques minutes, ils s'arrêtent devant un immeuble et pénètrent à l'intérieur avant de descendre dans les caves. Dans une l'une des petites pièces, Yassine, Mehdi et Zakaria sont là, tous cagoulés. Ibrahim trône au milieu de la pièce, assit sur une chaise, toujours pieds et poings liés, les yeux bandés. Nino s'approche et découvre les yeux du prisonnier.

Nino: Salut fils de pute.

•••
A ton avis que va t-il se passer?
(N'oubliez pas de voter mes petits chatons)

  

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