« Parfois, mieux vaut savoir un secret
bien gardé que de garder un secret. »
Damien Berrard

Quartier de l'Espozi, immeuble 202. Au 22eme étage se situe l'appartement de la famille Khemis. Une mère de famille vivant seule avec son fils. Ses deux filles aînées, mariées, on quitté le foyer depuis des années maintenant. La mère de famille passant six mois de l'année dans son pays natale, l'Algerie, laisse ainsi la moitié de l'année son fils, livré à lui-même.
11h00. Ahmed est sorti du lit depuis plus de 3h. L'adolescent qui dort peu, prépare déjà l'arrivée de sa bande d'amis.
On sonne à la porte. Ahmed ouvre.

Nino: Ça va frero?
Ahmed: Tranquille.

Nino pénètre dans l'appartement suivi par Mehdi et Yassine. Ils se dirigent vers le salon avant de prendre place sur les canapés. Ahmed les rejoint directement, leur tendant une enveloppe chacun.

Yassine: On n'attend pas Zakaria pour ouvrir?
Ahmed: Il m'a envoyé un message, il viendra cet après midi. Il y a 100 milles. Vous pouvez recompter.
Mehdi: 100 milles euros? Putain mais on a péché un gros poisson!
Ahmed: Il y avait 500 dans le coffre, j'ai divisé en 5. Je vous donnerai l'argent des bijoux quand j'aurai réussi à les revendre. D'ici là, dépensez pas votre argent comme des débiles, il faut qu'on soit discrets donc n'attirez pas l'attention sur vous. Les flics sont sur les dents.
Nino: T'as compris Mehdi? Donc ce week-end tu vas pas claquer des culs en boîte.
Mehdi: Je t'emmerde.
Ahmed: Je suis sérieux, faites attention.

Les trois garçons acquiescent puis sortent de l'appartement. Une fois en bas de l'immeuble, Mehdi allume une cigarette et tire une longue bouffée dessus.

Mehdi: Petit-déj au Brok?
Yassine: Carrément! J'ai la dalle!
Nino: Je peux pas, je dois aller déposer de l'argent à ma daronne pour les courses.
Mehdi: Passe lui le salâm.

Après avoir tapé dans la main de ses deux amis, Nino s'éloigne et prend la direction de son appartement.
Quelques minutes plus tard, Yassine et Mehdi sont installés à une table, dans le café du quartier « Le Brok ». Chacun ont commandé un café et des croissants.

Mehdi: T'aurais du le dire à Ahmed que Leïla t'avait cramé en train de brûler les scooters.
Yassine: Pourquoi faire? Pour qu'il lui casse les dents ou qu'il lui arrache un doigt pour être sûr qu'elle ferme sa bouche? Elle dira rien.
Mehdi: Mais t'es sûr qu'elle t'a juste vu brûler les scooters? Elle nous a pas vu nous?
Yassine: Non, vous étiez tous déjà partis.
Mehdi: Mais qu'est ce qu'elle foutait là en pleine nuit derrière la maternelle?
Yassine: J'en sais rien. Elle m'a dit qu'elle rentrait chez elle.
Mehdi: Son immeuble est à l'autre bout du quartier.
Yassine: J'en sais rien Mehdi. C'est plus ma meuf je te rappelle.
Mehdi: Tiens, tiens, parlant de meufs. Regarde la frappe qui vient de rentrer.

Les yeux de Mehdi avaient déjà parcouru de haut en bas la jeune femme qui venait de pénétrer dans le café. Cette dernière s'approche du comptoir quand Yassine tourne la tête. Son regard se pose alors sur le visage angélique de la jolie brune, ne pouvant le retirer. Mehdi qui avait remarqué la réaction de son ami sourit largement.

Mehdi: Ferme la bouche, tu baves.
Yassine: J'avoue, elle est pas mal.
Mehdi: Pas mal? Même ta meuf tu l'as jamais regardé comme ça.
Yassine: N'importe quoi. Vas lui parler toi si elle te plaît autant.
Mehdi: Elle a un sac Chanel à au moins 2000 balles au bras et elle est pas d'Espozi. Donc elle vient voir les pauvres pour rencontrer un mauvais garçon, pour défier l'autorité de papa maman. C'est une meuf pour la pecho faut au moins 3 rendez vous. Et moi j'ai pas le temps, je veux que des trucs vite fait.
Yassine: Tu sais que t'es complètement taré?
Mehdi: Ouais mais moi, j'ai pas une meuf a zapper de ma tête parce que je viens de me faire larguer. 100 balles que t'auras pas son numéro.
Yassine: 150. C'est du haut de gamme.

Mehdi tend sa main droite à son ami en signe d'officialisation du pari. Après quelques secondes de réflexions, Yassine tape dans la main de son camarade et quitte sa chaise en direction de la table où venait de s'installer la jeune femme.

Yassine: Je peux m'asseoir?

La brunette avait les yeux plongés dans son livre, un café noir à ses côtés. Lorsqu'elle entend la question, son regard se lève en direction de la voix.

Clara: Non.

Assistant au loin à la scène, Mehdi étouffe un rire. Mais sans se démonter, Yassine prend place en face de l'adolescente.

Yassine: T'es pas d'ici?
Clara: Pourquoi?
Yassine: Déjà parce que t'as un sac à 2000€ et je connais toutes les personnes qui vivent dans ce quartier.
Clara: Bah pas toutes visiblement.
Yassine: Du coup, tu me donneras pas ton prénom.
Clara: T'as tout compris.
Yassine: Et si j'arrive à trouver ton prénom, tu me donneras ton numéro?
Clara: Bon courage.

Sans un mot de plus, Yassine se lève et retourne s'asseoir à la table de son ami. Ce dernier le fixe avec un sourire accroché à ses lèvres.

Mehdi: Alors?
Yassine: Faut que je trouve son prénom.
Mehdi: Je sens que je vais être plus riche de 150€.
Yassine: Zebi.

Dans la soirée, à l'appartement de la famille Giacchi, Petra s'active en cuisine, terminant de préparer le repas. La table est déjà dressée et la mère de famille y dépose les plats au centre de la table. Sa fille ouvre le réfrigérateur afin d'en sortir la carafe d'eau. Lorsqu'elle referme la porte de ce dernier, une enveloppe tombe de la paillasse. En se baissant pour la ramasser, son regard s'arrête sur son contenu.

Clara: Mamma, c'est quoi les 400€ dans cette enveloppe?
Petra: Niente, c'est ton frère. Il m'aide beaucoup.
Clara: Mais il l'a comment cet argent?
Petra: Il travail! Au café en face de la maison.
Clara: Et il te donne combien tous les mois?
Petra: Non lo so, peut être 1000€.
Clara: Quoi?! Mais mamma c'est ton salaire!
Petra: Et alors? Lui è carino! Heureusement qu'il est là, lui, parce que si j'avais du compter sur ton père, saremmo affamati! Lave tes mains, e vieni al tavolo.
Clara: Et Nino il est où?
Petra: Il mangera après. Il est encore dehors.

Constatant l'agacement de sa mère, Clara n'insiste pas, lave ses mains et rejoins la mère de famille à table.

Le lendemain matin, les vacances de la Toussaint se terminant, tous reprennent les cours. Au lycée Jules Ferry, la sonnerie retentit et tous les élèves rejoignent leurs salles de cours. Monsieur Martin donne son cours de SVT lorsqu'il est interrompu par le directeur frappant à la porte. Tous les élèves se lèvent puis se rassoient. A ses côtés, Clara. Mehdi qui est installé au premier rang sourit en voyant la jeune femme puis, se tourne vers Yassine assit sur la table derrière lui.

Directeur: Bonjour a tous, je vous présente Clara. Elle est nouvelle dans notre lycée et je vous demanderais donc à tous de l'accueillir comme il se doit.
Mr Martin: Clara, je te laisse t'installer prêt de la fenêtre.

La nouvelle élève s'exécute et prend place, sortant un cahier de son sac ainsi que sa trousse. Après avoir adresser ses salutations, le directeur quitte la pièce. Le professeur reprend alors son cours. Mehdi se tourne à nouveau vers son camarade.

Mehdi: T'as entendu le directeur, il faut accueillir la nouvelle comme il se doit.
Yassine: Ferme la et prépare le fric.
Mehdi: T'as pas encore son numéro.
Mr Martin: Mehdi!
Mehdi (se tournant): Oui monsieur.
Mr Martin: Répondez a la question que je viens de poser.
Mehdi: Vous pouvez la répéter s'il vous plait?
Mr Martin: Qui y'a t-il dans une cellule?
Mehdi: Euh.. attendez que je réfléchisse.. mon frère, mon cousin, mon pote Moustapha, mon voisin du 2ème.

La classe éclate de rire et Mehdi bombe le torse, très fier de sa blague. La sonnerie indiquant la fin du cours retentit. Tous les élèves s'empressent de ranger leurs affaires et quitter le cours.

Mr Martin: N'oubliez pas de faire l'exercice pour demain! Et Mehdi, pour toi, il sera noté.
Mehdi: Quoi? Mais monsieur vous avez vraiment pas d'humour.
Yassine (riant): Cheh!

En sortant de la salle de cours, Yassine s'empresse de rattraper Clara. Une fois à sa hauteur, il lui adresse son plus grand sourire.

Yassine: Clara.
Clara: C'est de la triche.
Yassine: J'aurais plutôt dit un coup de main du destin.
Clara: Tu lâches jamais l'affaire?
Yassine: Jamais.

Affichant son sourire le plus triomphant, Yassine tend son téléphone à la jolie brune. Cette dernière pianote son numéro sur l'écran puis le rend à son camarade.

Clara: J'ai pas dit que je répondrai à tes messages.
Yassine: Je t'écris ce soir.

Sur ses mots, Yassine s'enfuit rapidement laissant Clara, souriante, au milieu du couloir.
A midi, les tables du self sont remplies d'élèves. Sur l'une des tables sont installés Ahmed, Zakaria, Nino et Mehdi entrain de déjeuner. Soudain ils sont rejoint par Yassine qui prend place à son tour. Il tend alors son téléphone à Mehdi, affichant le numéro de téléphone de Clara.

Nino: Qu'est ce que tu foutais?
Yassine: Je faisais de l'argent.
Mehdi: Bien joué frero.
Zakaria: Vous avez parié quoi encore bande de débiles?
Mehdi: Je l'aide à pecho.
Yassine: T'es sérieux là?
Ahmed: T'as raison, demande à Mehdi, c'est le meilleur moyen pour te griller auprès d'une meuf.
Mehdi: En attendant moi je pecho tous les week-ends.
Nino: Non, tu baises des putes tous les week-ends.

Les garçons éclatent de rire, et Mehdi insulte ses potes, tendant 3 billets de 50€ à Yassine. Pendant ce temps, Clara, plateau repas à la main, tourne sa tête à gauche et à droite, cherchant désespérément une place pour s'asseoir. Sur l'une d'entre elles, Leïla déjeune avec Awa, son amie d'enfance.

Awa (riant): Regarde la nouvelle, elle est complètement pommée. Ça doit lui changer de son école de bourges.
Leïla: Ouais et comme elle vient d'Elmo personne compte bouger son cul pour l'intégrer.
Awa: Cette pétasse n'a qu'à retourner d'où elle vient.

D'un geste de la main, Leïla fait signe à Clara de les rejoindre. Soulagée, la brunette prend place en face de ses deux camarades.

Clara: Merci vraiment. Je voyais tout le monde pousser son plateau pour être sûrs que je ne m'assois pas à côté d'eux.
Awa: Je fais partie de ces gens là.
Leïla: L'écoute pas. Je m'appelle Leïla et ma copine désagréable, c'est Awa.
Clara: Je m'appelle Clara.
Awa: Comment une fille comme toi atterrit ici? Tu participes à l'émission « en terre inconnue »?
Clara: Ma mère habite ici avec mon petit frère.
Awa: Et c'est qui ton frère?
Clara: Il s'appelle Nino.
Awa: Nino a une soeur? Il s'est bien caché de le dire.
Clara: Ouais j'ai l'impression.
Awa: Et dis-moi, c'est de famille de tremper dans l'illégal ou c'est juste ton petit frère?
Clara: De quoi tu parles?
Leïla: Écoute pas ce qu'elle dit.
Awa: Oh t'es pas au courant? Tu t'es jamais demandé comment ton frère et ses copains faisaient pour s'habiller avec des vestes à 800€?
Leïla: Bon, Awa arrêtes maintenant. Laisse la manger tranquille.
Awa: Ok c'est bon. Je me tais. J'essayais juste de faire la conversation.

D'un sourire assassin, Awa porte sa fourchette à la bouche.
La nuit, Nino rentre tard. En refermant la porte d'entrée derrière lui, il tente de faire le moins de bruit possible. Mais en ouvrant la porte de sa chambre, Clara le rejoint.

Clara: Tu faisais quoi dehors?
Nino: Ça te regarde?
Clara: Oui, je suis ta grande soeur. Et je m'inquiète pour toi.
Nino (riant): Arrêtes de faire genre tu t'inquiètes alors que pendant quatre ans t'as fait la morte.
Clara: J'appelais maman presque tous les jours.
Nino: Et t'es passée combien de fois la voir? Zéro. Mais c'est pas comme ci t'habitais a l'autre bout du pays, non Clara, t'habitais le quartier d'à côté!
Clara: J'avais mes raisons.
Nino: Ah ouais? Et c'étaient quoi ces fameuses raisons?
Clara: Je peux pas t'en parler.
Nino: Parce qu'il y en a aucune.
Clara: Tu rentres tard, tu laisses des 400€ en liquide sur la table, je sais que tu trempes dans des trucs louches. Alors tu peux peut être berner maman mais pas moi.
Nino: Papa est en taule parce qu'il a escroqué des centaines de personnes. Et ça te dérangeait pas quand t'avais ta grande chambre, tes fringues de marques, ton jacuzzi et ton lycée de bourges. Tu t'es jamais demandée si pendant ce temps là on manquait de quoique ce soit, si maman avait assez d'argent pour payer son loyer ou si le frigo était plein. On s'est toujours débrouillé sans toi. Alors viens pas me faire tes leçons de moral, ok?
Clara: Nino..
Nino (l'interrompant): Si ça tenait qu'à moi, je t'aurais laissé crever dehors.

Puis, le jeune garçon referme la porte de sa chambre. Laissant sa soeur, les larmes aux yeux, plantée au milieu du couloir. Ne sachant plus quoi dire, la brunette sort son téléphone et compose le numéro de sa meilleure amie avant de s'enfermer dans sa chambre.

Clara: Allô Alice?
Alice: Mais tu pleures? Qu'est-ce qu'il se passe?
Clara: Mon frère m'a dit qu'il aurait préféré me voir morte plutôt que de vivre avec eux.
Alice: Mais pourquoi?
Clara: Il m'en veut de pas être venue les voir pendant quatre ans.
Alice: Tu lui as pas encore dit la vérité?
Clara: Non mais je peux pas.
Alice: Clara, tu t'es faite violer par un mec de son quartier. C'est peut être un mec à qui il dit bonjour tous les jours. Ou même pire, imagine tu croises ce mec là? Tu dois lui dire.
Clara: Je peux pas.. mon frère le tuerait.

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