Commande pour Lili-Arwen (Bonne lecture💞)
N.B : Je préfère vous prévenir que cette fiction prend quelques libertés avec la chronologie connue et le nom des victimes de l'affaire Jack l'Éventreur qui eut lieu en 1888 dans le quartier pauvre de Whitechapel à Londres. Si il y eut cinq victimes dites "canoniques", on soupçonne l'insaisissable meurtrier d'avoir commis d'autres assassinats et c'est sur cette idée que j'ai basé mon histoire. Petit détail : actuellement, on ne connaît toujours pas l'identité du tueur de l'East End...
Je préviens à l'avance que cet écrit est assez long et qu'il peut y avoir des scènes assez violentes.
Bonne lecture !
Lorsqu'il émergea, Sherlock Holmes comprit que quelque chose clochait. Pourtant, c'était une journée comme une autre pour le célèbre locataire du 221B Baker Street et son collègue, John Watson. Ils avaient été appelés à l'aide par Lestrade sur une enquête assez solide pour titiller l'intérêt du seul détective consultant au monde. Réglée en deux temps, trois mouvements, les deux compère avaient pris un repos bien mérité quand une explosion souffla littéralement tout leur salon, les assommant net.
Résultat des courses : le voilà projeté dehors, sous le ciel morose de Londres. En parlant de ça, il ne se souvenait pas de l'avoir connu aussi sombre...
"Oh, ma tête ! Mais qu'est-ce qui s'est passé, Sherlock ?"
"Aucune idée... Depuis quand portes-tu ce complet en tweed et ce chapeau melon, John ?"
"Moi, un complet en tweed ? Qu'est-ce que tu ra... HEIN ? Mais quand est-ce que j'ai changé de vêtements ? Et regarde-toi : je ne me souviens pas avoir vu ce smoking dans ta penderie !"
"Hein ? En effet, c'est étrange..."
Regardant autour de lui, Holmes comprit que tout Londres avait changé : les tours de verre et de métal avaient fait place à des immeubles de pierre grises, les rues étaient bondées de calèches et des voitures à moteur à explosion. En plus, les dames portaient de longues robes et des chapeaux à larges rebords, tandis que ces messieurs arboraient fièrement des costumes sombres et des chapeaux hauts de forme tout en s'aidant de belles cannes de bois aux pommeaux dorés.
C'est tout cela qui fit dire à Sherlock :
"John, ne me prends pas pour un cinglé, mais je crois bien qu'on a fait un bond dans le temps, en pleine ère victorienne !"
"QUOI ? Mais ce n'est pas possible !"
"J'ai bien peur que si, malheureusement : regarde autour de toi, on n'est plus au XXIe siècle !"
Observant les alentours, John dut se rendre à l'évidence : son ami avait hélas raison !
"Mais comment cela a pu se produire ?"
"Je ne sais pas du tout, mais quelque chose me dit que l'explosion n'est pas étrangère à notre arrivée ici !"
"Et... les autres ? Où sont-ils ?"
"Je n'en sais rien ! Mais la priorité est de retourner au 221B Baker Street, et au plus vite !"
"Et on est où, à peu près ?"
"Laisse-moi voir... Ah, je vois : nous sommes à Glentworth Street ! Nous n'avons pas loin à marcher ! Allons-y !"
Les deux hommes se dirigèrent vers leur domicile, en prenant garde à ne pas se faire écraser par les chevaux. Sur leur route, ils entendirent un jeune vendeur de journaux crier à tout va :
"Demandez The London News ! Nouveau bain de sang à Whitechapel ! Une nouvelle victime tombe sous les coups de Jack l'Éventreur ! L'enquêteur Sherlock Holmes est sur le coup !"
Achetant le journal, John regarda la date qui indiquait le 10 novembre 1888, ce qui confirmait les dires de Sherlock. Le tendant au détective, ce dernier n'eut qu'à jeter un rapide coup d'œil pour savoir :
"Ah oui ! C'est Mary Jane Kelly !"
"Qui ça ?"
"Mary Jane Kelly, sans doute la victime de Jack l'Éventreur qui a subi le plus violent outrage ! Tu te souviens du documentaire de la BBC sur ce meurtrier ?"
"Et comment : la description des mutilations faites sur les cadavres me retournait l'estomac à chaque fois ! Mais là, il s'est vraiment acharné sur elle !"
"C'est vrai ! Mais apparemment, il semble que je sois appelé sur l'affaire... Tu te rends compte, John ? Nous sommes sur le point de découvrir le véritable visage du célèbre tueur en série de Londres !"
"Ne t'emballe pas trop vite, Sherlock ! Au cas où tu l'aurais oublié, nous ne sommes plus à notre époque, donc nous n'avons pas tous nos outils technologiques sous la main !"
"Oh, et bien nous nous débrouillerons ! Ah, nous voilà arrivés !"
Lorsqu'ils entrèrent dans la maison, ils furent accueillis par Mrs Hudson, vêtue d'une robe sombre avec un tablier blanc noué autour de la taille.
"Ah, Mister Holmes, Docteur Watson ! Vous tombez bien : Mister Mycroft Holmes vient d'arriver et il vous attend !"
"Dans ce cas, ne le faisons pas attendre davantage ! Merci beaucoup, Mrs Hudson !"
Montant les 21 marches qui les menaient à l'étage, les deux hommes entrèrent dans le salon et virent Mycroft Holmes assis dans un fauteuil, en train de regarder sa montre à gousset. Vêtu d'un costume noir, son veston un peu tendu montrait son léger embonpoint, indice de sa légendaire gourmandise. Se retournant vers les nouveaux arrivants, il déclara d'un ton sobre :
"Ah, te voilà, cher frère !"
"Que me veux-tu, Mycroft ?" demanda le détective d'un ton bref.
"Voir comment tu te portais en ces temps troublés... Et aussi connaître l'avancée de tes investigations à propos de ce monstre !"
"J'avance comme je peux : si Scotland Yard avait des gens plus compétents à sa tête, j'aurais déjà résolu l'affaire avant qu'il ne complète son tableau de chasse !"
"Je reconnais que le dernier meurtre est assez... barbare !"
"Barbare ? Bestial, vous voulez dire : c'est à peine si cette malheureuse avait encore visage humain quand on l'a découvert !"
"Je comprends votre désarroi face à cette horreur, Docteur Watson, mais il vous faudra reprendre votre sang-froid sinon on risque de ne jamais connaître le fin mot de cette histoire !"
"Est-ce que c'est toi qui a peur ou alors viens-tu nous voir au nom des plus hautes sphères pour qu'on accélère ?"
"Je ne te mentirais pas en te disant qu'on suit l'histoire de près... à Buckingham Palace, mais aussi au sein du gouvernement et dans les murs de Westminster !"
"Autrement dit, tout le gratin politique !"
"Très bon résumé !"
Soudain, la porte s'ouvrit sur Mrs Hudson.
"Oh, excusez-moi de vous déranger, messieurs, mais il y a de la visite pour vous, Monsieur Holmes !"
"Ah, qui est-ce ?"
"Miss Huxley, sir !"
"Faites-la entrer !"
Mrs Hudson se mit sur le côté et laissa passer Serena qui fit son entrée dans une belle robe légère, faite de soie et de crinoline bleue foncée ornée de dentelles délicatement travaillées. Une parure en perles magnifiait son visage et son petit chapeau en mousseline tenu par un ruban rouge achevait de rendre la présence de la jeune femme plus que souhaitable à notre détective.
"Bien le bonjour, messieurs ! J'espère que je ne tombe pas à un moment délicat !"
"Du tout, nous discutions de Jack l'Éventreur !"
"Voyons Sherlock, est-ce que ce genre d'histoires scabreuses sont à raconter en présence d'une demoiselle ?" le sermonna son frère.
"Oh, ne vous en faites pas pour moi, Mycroft : cette affaire passionne mon père et mes frères qui en parlent à presque tous les dîners, au grand désespoir de notre mère !"
"Dans ce cas, je n'ai rien dit..."
Soudain, la porte s'ouvrit avec fracas et Greg Lestrade fit son entrée, complètement essoufflé. Si physiquement, c'est le même que celui du XXIe siècle, il portait un costume vert olive sombre, une longue veste marron et un chapeau melon noir.
"Vous voilà, Messieurs ! Je suis venu aussi vite que j'ai pu !"
"Que se passe t'il, inspecteur ?"
"Il y a eu un nouveau meurtre à Whitechapel, sur Castle Alley ! Et je crois que son acharnement est tout aussi terrible que sur Mary Jane Kelly !"
"Ne perdons pas de temps !"
Et en deux temps, trois mouvements, le petit groupe partit dehors et s'engouffra dans la calèche qui les mena vers les quartiers mal famés de l'East End, devenu le théâtre des crimes les plus sanglants de l'époque victorienne. Le cortège s'arrêta près d'une ruelle sombre d'où émanaient des odeurs nauséabondes qui retournèrent l'estomac de la plupart des personnes présentes.
Des curieux, venus des rues avoisinantes, s'étaient assemblées derrière les barrières mises en place par les policiers et tentaient de voir ce qui se passait. De leur côté, Sherlock, John, Serena et Greg s'avançaient dans les ruelles sombres et couvertes de crasse pour arriver sur la scène de crime. Et le résultat leur dressa les cheveux sur la tête !
⚠PEUT CHOQUER!⚠
Une femme, vêtue d'une robe déchirée en lambeaux, gisait sur le sol, dans une mare de sang séché. Son visage, ornée de cheveux blonds ternes, était à peine reconnaissable tant il avait lacéré par une lame déchaînée : son nez ne tenait plus qu'à un morceau de chair, sa bouche n'était plus qu'un morceau sanguinolent et ses yeux avaient complètement disparu. Une longue ligne rouge allait d'un bout à l'autre de son cou, creusant un sillage profond dans sa gorge.
Mais ce qui pétrifiait d'horreur le petit groupe était l'état du corps de la victime. Tout ce qui montrait sa féminité avait disparu sous les plaies béantes que lui avait infligé Jack l'Éventreur : sa poitrine, exposée à la vue de tous, était déchirée de toutes parts, tandis que son ventre était ouvert et vidé de ses entrailles qui reposaient à côté de son épaule. Seules ses jambes semblaient avoir échappé au carnage.
Reprenant son souffle malgré le dégoût, Lestrade demanda à un des policiers :
"Dites, est-ce qu'on connaît son nom ?"
"Affirmatif, monsieur. Selon le papier trouvé sur elle, il s'agit d'Alice Mackenzie, 40 ans. C'est une des prostituées les plus âgées du quartier. Veuve, elle a quatre enfants qui sont envoyés en campagne chez leur tante."
S'approchant du cadavre, Sherlock examina les bras et les jambes de la victime et constata la présence de traces d'aiguille, ainsi que de vilaines tâches jaunâtres sur la peau.
"Elle devait s'intoxiquer régulièrement, que ce soit par les vapeurs de l'alcool ou les fumées d'opium. Si cela se trouve, elle devait être sous l'emprise d'une de ces substances quand on l'a attaqué, car elle n'a aucune trace de défense sur elle."
" Il l'a vu en position de faiblesse, donc il en a profité... Soit parce qu'il voulait être sûr que sa mort serait rapide, soit parce qu'il n'aurait jamais maîtrisé une femme en pleine possession de ses moyens..." suggéra Serena
"C'est n'importe quoi, cette théorie !" pesta Anderson, le médecin légiste.
« A votre place, Anderson, j'éviterais de me faire remarquer, surtout après votre autopsie bâclée de la demoiselle Kelly ! La presse a pris grand plaisir à souligner votre incompétence !" lui rétorqua Mycroft.
"Puis-je examiner la victime ?" demanda Watson.
"Faites, docteur !"
Sortant les instruments de sa mallette de cuir, John commença un semblant d'autopsie tout en essayant de faire abstraction de l'horreur de la scène. La pauvre avait du subir un calvaire abominable...
"Il a emporté des trophées : il a pris l'utérus, le cœur et un poumon !"
"Voilà qui ajoute à l'horreur !" ronchonna Lestrade.
Tout à coup, un policier arriva en courant, suivi d'un homme qui portait un tablier blanc tâché. Un charcutier, sans doute...
"Inspecteur, c'est terrible ! Il y a une autre victime !"
"PARDON ?" s'écria Greg.
"C'est monsieur Fletcher ici présent qui a trouvé la victime : l'Éventreur l'a tué derrière sa boutique et a laissé le corps sur place ! Et elle aussi a passé un sale quart d'heure, si vous me permettez cette expression !"
"Où est-ce que ça s'est passé ?"
"Deux rues plus loin, suivez-nous !"
Sans perdre un instant, tout le petit groupe se précipita à la suite du policier dans la rue adjacente et ils tombèrent sur une scène épouvantable : gisant sur les pavés noircis par la suie, le corps ensanglanté d'une autre femme était étendu dans une mare de sang, le ventre ouvert et la gorge tranchée.
"Deux victimes trouvées dans la même journée : la presse et les citoyens vont nous vilipender en place publique !" balbutia Mycroft qui s'épongea le front avec un mouchoir.
"A la vitesse à laquelle les choses avancent, tu risques de te faire lapider par tes collègues députés !" ironisa Sherlock.
"Au lieu de te moquer de mon infortune, tu ferais mieux de poursuivre ton enquête et trouver le coupable !"
De leur côté, John et Serena étaient penchés au-dessus de la victime et examinaient le cadavre.
"Vu les rides apparentes sur les bras et les jambes, je dirais qu'elle est dans les âges de la précédente victime !"
"Méfiez-vous des apparences, mon cher docteur ! Ces femmes ont tendance à se droguer ou à se saouler pour oublier leur misère quotidienne ! Et ça fait vieillir prématurément !"
"Merci de me le préciser, Serena..."
Cette scène d'horreur souleva le cœur des personnes présentes : deux victimes dans la même journée, cela faisait beaucoup de trop ! A l'allure où les choses allaient, un soulèvement populaire serait à craindre...
"Et ben, il ne l'a pas raté non plus !"
Cette voix venue de nulle part fit sursauter le petit groupe qui se retourna vers deux personnes familières.
"Puis-je savoir ce que vous faites ici, Messieurs Moran et Moriarty ?" demanda Mycroft, contrarié.
Sherlock était de plus en plus surpris : décidément, tous ses proches étaient là ! Il vit que Jim et Sebastian était habillés de costumes sombres, mais la différence était que Sebastian portait sa veste noire d'officier.
"A ton avis, banane sèche ? Vu comment tes petits toutous de Scotland Yard - sans faire offense à ton amant Lestrade - se débrouillent, l'Éventreur aura le temps de dépeupler tout l'East End !" lui répondit Jim.
"Si vous vous pensez plus efficace que les officiers de police, dans ce cas, menez votre propre enquête... Et pour la centième fois, l'inspecteur Lestrade n'est pas mon amant !"
"A moins que ça ne soit vous, Jack l'Éventreur ! Ou Monsieur Moran, peut-être..." suggéra Anderson.
"T'aurais mieux fait de te taire, toi !" gronda Moran en jetant un regard meurtrier vers le légiste qui déglutit de terreur.
"Allons, allons, Sebastian, ne perds pas ton temps avec cet abruti ! Laisse-moi défendre notre honneur !"
Se raclant la gorge, l'alter ego de Sherlock Holmes s'expliqua :
"Je ne peux pas être Jack l'Éventreur, mon cher, pour la bonne et simple raison que je n'habite pas dans le secteur et que j'ai un emploi du temps assez chargé ! Et en ce qui concerne Sebastian, ce n'est pas le cas non plus, parce qu'il ne me quitte que très rarement..."
"Et que je préfère m'attaquer à des proies qui seraient susceptibles d'avoir du répondant, pas à des prostituées à moitié bourrées !"
"Tu peux leur faire confiance, Mycroft : ils disent la vérité !" déclara Sherlock.
"Et comment peux-tu l'affirmer ?"
"Je les connais depuis un long moment et je sais comment ils fonctionnent !"
"Au moins quelqu'un qui réfléchit dans cette histoire !" ironisa Moriarty.
" Bon, j'ai terminé l'examen et c'est le même mode opératoire, quoique... Il n'a pas eu le temps de prendre des trophées, cette fois ! Tous ses organes sont à leur place !"
"Notre tueur aurait-il été interrompu dans son œuvre ?"
"Sans doute... "
De son côté, le témoin se pencha au-dessus du cadavre et remarqua la présence d'un bracelet. Devenant pâle, il balbutia :
"Jésus Marie Joseph ! Je crois savoir qui est la victime !"
"Ah ? Et qui est-ce ?"
"C'est May Hoppelin ! C'est une fille de la rue, aussi !"
"Vous la connaissez ?" demanda Anderson.
"Si vous sous-entendez par là que j'ai été un de ses clients, je vous arrête tout de suite ! Elle habitait pas loin de ma boutique et elle passait devant tous les jours. Quand elle avait le temps, on se taillait un p'tit brin de causette : une gentille fille, la May ! Et dire que je lui avais parlé la veille... "
"Vous pourriez nous raconter ?" demanda Serena.
"Et ben... La dernière fois que je l'ai vu, c'était hier soir, vers 21h. Comme d'habitude, elle s'était arrêté pour parler un peu. Je sentais bien qu'elle en avait besoin, vu tout ce qui se passe... Bref, et là, je vois qu'elle n'est pas dans son assiette. Du coup, je lui ai donné un petit rôti pour son repas du soir, sans lui demander d'argent !"
"Et pourquoi ne lui avez-vous rien exigé ?" demanda Mycroft.
"Je ne voudrais pas être grossier, m'sieur, mais on voit que vous n'avez pas idée de comment se passe la vie ici, et encore moins celles des filles de la rue ! Leurs clients sont souvent des soûlards qui n'ont pas toujours de quoi payer, et qui aiment bien filer un marron à celles qui réclameraient les sous ! Alors, quand je les vois se démerder comme elles peuvent pour survivre, je me sens obligé de les aider du mieux que je peux..."
"Votre compassion est tout à votre honneur !" le rassura Serena
"Est-ce que la défunte vous a semblé différente ? Un changement d'humeur ?" demanda John.
"Pas vraiment... Bon, elle était plus stressée que d'habitude, mais ça, c'est à cause de Jack !"
"C'est compréhensible..."
"Et puisqu'on en parle, quand est-ce que vous allez mettre la main sur ce taré ?"
"Chaque chose en son temps, monsieur Fletcher : l'enquête suit son cours !"
"Ouais, ben vous feriez mieux de vous dépêcher avant qu'il ne zigouille une autre fille !"
Sherlock se massa le menton, inquiet : cette affaire était certes fascinante, mais elle promettait d'être bien plus complexe qu'il ne l'avait imaginé... Mais que serait un challenge si il n'y avait pas un peu de difficultés ?
"Bon, je vais rentrer à Baker Street et me mettre au travail ! John, Serena, vous venez ?"
"Attends un peu, Sherlock, nous venons aussi !" déclara Jim qui se mit à leur suite, talonné par Sebastian.
Malgré les protestations de Lestrade, le petit groupe retourna à Baker Street où Sherlock consulta sa liste des suspects. Après deux heures de relecture, il déclara :
"Bon, selon Scotland Yard, il y a eu au moins une centaine de suspects d'interrogés, mais seuls quelques-uns ont attiré mon attention..."
"Lesquels ?"
"Et bien, nous avons :
- Aaron Kosminski, un barbier.
- Thomas Hayne Cutbush, étudiant en médecine.
- Jacob Levy, boucher.
- G. Wentworth Bell Smith, religieux.
- Sir John Williams*, médecin.
- Sir William Withey Gull**, médecin également...."
"Une petite minute : tu as mis dans la liste de tes suspects Sir William Gull... le médecin personnel de Sa Majesté ? Et par-dessus le marché, tu as inclus le gynécologue de la princesse Béatrice***, Sir Williams ?" s'exclama Mycroft.
"Et alors ?"
"Sherlock, je ne sais pas si tu as conscience de la gravité de tes accusations ! Sir Gull est un homme respectable, compétent et digne de confiance ! Et Sir Williams est un de nos plus brillants médecins ainsi qu'un homme bien !"
"Tu dis cela parce que tu en es persuadé ou parce que ce sont des amis haut placés ?"
"Ne va pas me faire croire que je suis incapable de faire la part des choses !"
"Dites les frères Holmes, vous pourriez remettre vos chamailleries à plus tard ? Il y a plus urgent, au cas où vous l'auriez oublié !"
"Ce n'est pas souvent que je vais le dire, mais James a raison : nous n'avons pas de temps à perdre, sinon Jack l'Éventreur va faire une autre victime !"
Les deux Holmes se calmèrent, puis le cadet reprit sa discussion :
"Jusqu'ici, nous avons eu 7 victimes : Mary Ann Nichols, Annie Chapman, Eizabeth Stride, Catherine Eddowes, Mary Jane Kelly, Alice Mackenzie et May Hoppelin. Toutes étaient des prostituées qui avaient entre 35 et 40 ans, sauf Kelly qui avait 25 ans. Des femmes isolées, vulnérables qui étaient des proies idéales pour un tueur... Mais les motivations de ces meurtres me laissent perplexes."
"Je comprends votre désarroi, Holmes, mais si vous pouviez m'expliquer pourquoi les hommes que vous avez cité précédemment sont vos principaux suspects ?" demanda Moran.
"J'allais y venir... Comme il est mentionné dans les rapports d'autopsie, les meurtres ont été commis avec une sauvagerie épouvantable, mais aussi avec une précision presque chirurgicale qui indique soit une bonne instruction médicale, soit une connaissance de la découpe de chair et une maîtrise des lames. Je précise :
- En tant que médecins, Messieurs Gull, Williams et Cutbush ont une excellente connaissance du corps humain et savent manier le scalpel. Quant à un possible mobile, je pencherais soit pour une haine des prostituées soit pour des raisons scientifiques. Reste à savoir lesquels...
- Messieurs Kosminski et Levy ont un métier qui nécessitent un maniement des lames. En ce qui les concerne, je ne saurais dire pourquoi auraient-ils intérêt à s'en prendre à ces femmes...
- Enfin, pour Monsieur Smith, j'ai pensé que l'éducation dispensée au séminaire a du lui apporter un savoir nécessaire. De plus, vu sa réputation de fanatique, je n'aurais pas été étonné qu'il finisse par attaquer celles qui incarnent un des sept péchés capitaux : la luxure..."
"En d'autres circonstances, j'aurais trouvé ces hypothèses complètement farfelues. Mais étant donné les circonstances, je vais dire que tout cela a du sens !" répondit Mycroft.
Tandis que les deux frères discutaient, Serena s'avança vers le mur où était épinglé une carte du quartier, des points rouges montrant les lieux précis des meurtres. Après un rapide coup d'œil, elle déclara :
"Ces meurtres ont une logique..."
"Comment ça, une logique ?"
"Vous avez remarqué que les victimes ont été retrouvées à des endroits différents du quartier ? Pour pouvoir se déplacer de la sorte, il faut connaître l'endroit..."
"Mais notre homme aurait bien pu se promener dans les rues et frapper au hasard !" argua Mycroft.
"On pourrait le croire, mais un étranger au quartier n'aurait jamais eu l'audace de tuer deux femmes dans la même soirée et à deux rues adjacentes, en plus ! Et comment aurait-il pu échapper à la police et aux témoins si ce n'était pas un habitant de Whitechapel ?"
"Très bien vu, Serena !" sourit Sherlock.
Le soir tomba rapidement sur Londres et le petit groupe était réuni autour du repas et discutait de l'affaire, quand soudain, la porte s'ouvrit sur Ciaran qui arriva en trombe, essoufflé et l'air horrifié.
"Mais qu'est-ce qui t'arrive, Cy ? T'as eu peur ou quoi ?" demanda Jim.
"Tu n'as pas idée... Je viens d'apprendre qu'il y a un nouveau cadavre !"
"QUOI ?!" s'écrièrent les autres.
"Où est-ce que ça a eu lieu ?" demanda Sebastian.
"Swallow Gardens !"
"Hein ? Mais c'est à l'opposé de la zone des autres meurtres !" s'exclama Mycroft.
"On en discutera plus tard : nous devons y aller !" déclara Sherlock qui se précipita vers la calèche qui les attendait dehors.
Une fois installé dans le véhicule attelé, le petit groupe se dirigea de nouveau vers Whitechapel. Reprenant son souffle, Ciaran leur déclara une information capitale :
"Je n'ai pas eu le temps de vous le dire, mais il y a autre chose !"
"Quoi donc ?"
"Cette fois, on a un témoin !"
"Vous ne pouviez pas nous le dire avant ?" le sermonna Mycroft.
"Tu parleras autrement à mon frère ou je te garantis des catastrophes en perspective !" le menaça Jim.
"Et qui est ce fameux témoin ?" demanda John.
"Vous allez comprendre en arrivant !" leur expliqua le jeune homme.
Intrigués, ses amis et son frère restèrent silencieux avant d'arriver une nouvelle fois dans les rues sombres du terrain de chasse de l'Éventreur. Sur place, ils retrouvèrent Lestrade et quelques autres policiers qui avaient sécurisé les lieux.
"Vous voilà enfin ! Ce monstre a massacré une autre prostituée !"
"Qui est la malheureuse ?"
"Elle se nommait Rose Mylett et elle avait 29 ans !"
"Une jeune femme ? C'est la deuxième après Kelly !" s'exclama Watson.
"Je ne le vous fais pas dire !"
"Et... le témoin ?"
"Là-bas avec Clarky ! Elle n'a pas ouvert la bouche depuis qu'on l'a trouvé !"
Remerciant Lestrade d'un signe de la tête, Serena s'avança et vit une jeune fille qui tremblait, malgré les paroles rassurantes du policier posté près d'elle. Se penchant vers elle, la jeune femme demanda :
"Comment t'appelles-tu ?"
Clarky secoua la tête négativement :
"Au risque de vous paraître pessimiste, Miss Huxley, vous risquez de ne rien apprendre plus : elle n'a pas prononcé un mot depuis...
Le policier fut interrompu par la voix peu audible de la jeune fille :
"Eileen..."
Relevant la tête, la jeune fille répéta :
"Je me nomme Eileen Foster, m'dame !"
"D'accord, Eileen : dis moi tout ce que tu sais !"
La jeune fille lança un regard apeuré :
"Pas ici..."
Serena comprit et emmena la jeune fille après avoir remercié Clarky pour son aide précieuse. Arrivant près de ses amis, elle déclara :
"C'est cette jeune fille qui a tout vu !"
"Parfait ! Nous l'écoutons !" répondit Mycroft.
"Mycroft... Je pense qu'il faudrait mieux lui poser les questions ailleurs, si vous me comprenez..."
"C'est plus prudent, en effet... Sherlock !"
"Oui ?!"
"Si tu as fini, je conseille vivement qu'on retourne chez toi pour interroger notre jeune témoin ! Histoire qu'elle voit autre chose que ce sinistre environnement..."
"J'ai compris ! John, on est repartis !"
Et deux heures plus tard, tout le monde était de retour au 221B Baker Street et attendait que Mrs Hudson finissait de prendre soin de la jeune Eileen. Quand la logeuse réapparut avec la demoiselle, cette dernière était plus propre qu'à son arrivée et portait des vêtements neufs.
"Et voilà : notre jeune invitée est comme un sou neuf !"
"Merci, Mrs Hudson !"
Une fois la dame partie, nos amis se tournèrent vers Eileen qui semblait se ratatiner sur sa chaise, tant elle était intimidée par ces personnes.
"Bon, commençons par le commencement : et si tu te présentais ?" demanda Jim.
"Je... Je m'appelle Eileen Foster, monsieur !"
"Quel âge as-tu ?"
"17 ans !"
"Est- que tu habites à Whitechapel ?"
"Oui, m'sieur. Du côté de Coulston Street."
"Coulston Street... Ce n'est pas loin d'un autre meurtre, non ?" demanda Serena.
"Oui, celui d'Alice Mackenzie !" lui répondit Sebastian.
"Et que fais-tu dans ces rues ?"
"J'suis lavandière."
"C'est bien ce que je me disais... Vu vos mains assez rêches - même les baumes de Mrs Hudson n'en sont pas venus à bout -, on peut imaginer que vous les utilisez souvent et que vous ajoutez à vos travaux nombreux savons et autres produits lavants qui peuvent abîmer rapidement la peau !" déclara Sherlock.
"Et le voilà qui veut étaler son génie !" ricana Jim.
"Je ne me souviens pas qu'on ait demandé votre avis, Moriarty !" lui fit remarquer John.
"Et moi, je ne me rappelle pas vous avoir connu aussi grossier !" lui répondit l'intéressé d'un ton menaçant.
"Ne commence pas, Jim ! Je tiens à te rappeler que tu veux absolument connaître le fin mot de cette histoire glauque et pour ça, tu as besoin de Holmes !" le sermonna Sebastian.
"Je sais, mais je peux trucider Watson ?"
"QUOI ?!" s'écria le médecin, paniqué.
"Désolé, mais non : un toubib, c'est toujours utile ! Et celui-ci, encore plus, vu qu'il connaît l'affaire aussi bien que le détective !"
"Zut !" grommela le criminel.
"S'il vous plaît, est-ce qu'on pourrait se reconcentrer sur notre jeune invitée, messieurs ?" demanda Serena qui reporta son attention vers Eileen.
"Je suis consciente que ce que je vais te demander est très éprouvant, Eileen, et j'en suis désolée. Mais grâce à ce que tu vas nous dire, on va empêcher l'Éventreur de faire d'autres victimes. Alors, dis nous tout ce que tu as vu, même les détails les plus insignifiants !"
"En quoi cela a t'il de l'importance ?" demanda Mycroft.
"Parce que le diable se cache dans les détails !" lui répondit Lestrade.
"Vous remontez dans mon estime, inspecteur !" déclara Jim.
"Et si on écoutait Eileen, plutôt ?"
"Oui, pardon. On vous écoute, jeune fille !"
Se redressant légèrement sur sa chaise, la jeune lavandière commença son récit :
"Il faisait déjà nuit et j'avais fini d'apporter des paniers de linge dans la rue. J'allais rentrer chez moi quand j'ai croisé Rose..."
"Tu la connaissais ?" demanda Sebastian.
"Un peu. Il m'est arrivé de lui faire quelques paniers de linge. Elle était assez gentille et elle essayait de me payer correctement !"
"D'accord... Donc, tu étais sur le chemin du retour et tu as croisé Rose Mylett. Et ensuite ?"
"On s'est salués et j'ai continué un peu mon chemin quand je l'ai entendu aborder quelqu'un. Un monsieur..."
"Comment tu le sais ?"
"Parce qu'elle a dit "Alors, milord, vous cherchez de la compagnie pour ce soir ?". Je me suis tournée et j'ai vu qu'elle était en train de parler à un homme. Mais il ne venait pas du quartier..."
"Qu'est-ce qui te fait dire ça ?"
"Il était habillé élégamment... un peu comme m'sieur Jim !"
Cette information intrigua grandement nos héros : Jack l'Éventreur serait issu de la haute société ?
"Continue."
"J'étais curieuse : un homme chic dans le coin, ça détonne. Alors je me suis cachée et c'est là que je l'ai vu..."
"Quoi ?"
"Le couteau... Dans sa main... Puis il lui a pris le cou. Rose s'est débattue mais il était plus fort qu'elle et..."
Eileen déglutit de peur.
"Il a commencé à la frapper. Elle n'arrêtait pas de crier... et moi, je... je voulais l'aider, mais je n'arrivais pas à parler..."
"Tu n'as pas à culpabiliser, Eileen ! Même si tu étais intervenu, je ne pense pas que tu aurais fait le poids..." lui dit gentiment Greg.
"Vous savez, il y a des phrases plus diplomates pour remonter le moral des troupes !" ricana Jim.
"Ne t'occupe pas d'eux et continue !" la rassura Serena.
Malgré ses tremblements de peur, la jeune fille eut le courage de poursuivre son sinistre récit.
"Elle s'est battue un moment, avant qu'il ne lui coupe le cou et elle s'est écroulée. Comme si elle était une poupée de chiffon. Puis, il s'est penché au-dessus d'elle et a frappé plusieurs fois son visage avec son couteau. Il y avait du sang partout... Et quand il a voulu l'ouvrir, j'ai hurlé au secours : ça a du lui faire peur et il est parti aussitôt. Je suis resté cachée jusqu'à que m'sieur Lestrade me trouve !"
"Je vois... Et est-ce que tu as pu voir son visage ?"
"Pas vraiment, il faisait sombre ! Par contre, je suis sûre que ce n'est pas un vieux monsieur : il n'avait pas de cheveux blancs !"
"Bonne nouvelle, Sherlock : tu peux officiellement éliminer de ta liste de suspects Messieurs Gull et Williams !" triompha Mycroft.
"Et pourquoi donc ?"
"Ils sont d'âge assez vénérable ! Et je vois mal Sir Gull jouer le meurtrier alors qu'il est encore en convalescence suite à son attaque cardiaque."
"Tu aurais pu me le dire avant !"
"Peu importe : on a déjà deux personnes éliminées de la liste et ça nous fait avancer !"
Tout à coup, on entendit des pas qui se précipitaient vers la porte de l'appartement et la voix paniquée de Mrs Hudson qui suppliait les nouveaux arrivants de rester dehors :
"Monsieur Holmes est occupé, vous ne pouvez pas le déranger !"
Mais cela ne suffisait pas à calmer un des visiteurs qui sembla accélérer la cadence tout en fulminant :
"Je m'en contre-fous ! Ce n'est pas parce qu'il habite les beaux quartiers qu'il peut se croire tout permis !"
"Je t'en supplie, Callahan ! Ne fais pas n'importe quoi !" le supplia une voix féminine.
"Mais que diantre se passe t'il ?" demanda Mycroft
"On ne va pas tarder à le savoir..." lui répondit John.
"Je vais voir !" déclara le détective qui se leva et se dirigea vers l'entrée.
Soudain, la porte s'ouvrit sur un homme assez grand, aux cheveux blonds courts et aux yeux bleus clairs qui semblaient lancer des éclairs sur Sherlock. Au vu de ses habits, il devait être un ouvrier...
"C'est vous, Holmes ?"
"Oui, et à quel sujet ?"
Pour toute réponse, il se fit empoigner par le dénommé Callahan.
"Ou est-elle ? Qu'avez-vous fait de ma fille, espèce de sale type ?"
Arriva alors une femme, vêtue d'une robe faite d'un tissu peu coûteux et dont les cheveux bruns étaient attachés en un chignon rapide.
"Callahan, lâche-le tout de suite !"
"Susan, ce type a kidnappé notre fille !"
Au même instant, Eileen arriva dans le couloir et s'exclama :
"Maman ? Papa ?"
"EILEEN ?!"
"Ah, on dirait que l'identité de nos visiteurs n'est plus un mystère à présent..." déclara Ciaran.
"En effet... Voici Mr et Mrs Foster !" constata John.
"Mais comment avez-vous su où trouver votre fille ?" demanda Sebastian.
"On a appris qu'il y avait eu un autre meurtre dans le quartier . Comme Eileen n'était pas rentrée, on a eu peur et on l'a cherché partout. C'est un policier qui nous a dit qu'il avait vu notre fille partir avec vous !" expliqua Susan.
"Croyez-moi, on n'a jamais voulu vous causer le moindre tourment. Si Eileen est ici, c'est parce qu'elle avait des choses à nous dire !" leur expliqua Serena.
"Qu'est-ce qu'elle avait à vous dire ?" demanda Callahan, suspicieux.
Lestrade s'avança.
"Mr Foster, votre fille a été témoin du meurtre de Rose Mylett par Jack L'Éventreur et elle nous a apporté des éléments capitaux pour notre enquête !"
Callahan se tourna vers sa fille
"Et tu n'as rien ?"
"Non, papa. Je vais bien !"
Tandis qu'Eileen rassurait ses parents, Jim réfléchissait à la situation.
"Alors comme ça, Jack l'Éventreur serait de la haute ? Je ne vous dis pas le scandale que ça va provoquer !"
"Je vous l'accorde, Moriarty ! Mais maintenant qu'on a de nouveaux éléments, il ne reste qu'une chose à faire : l'arrêter !" lui répondit Mycroft.
"Encore faut-il avoir un plan !" lui fit remarquer Sherlock.
"Est-ce qu'on ne pourrait pas... lui tendre un piège ?" proposa Ciaran.
"Pourquoi pas ? Mais comment on va pouvoir attirer son attention ?" lui demanda Serena.
"Avec un appât !"
"Alors là, bon courage ! Personne ne serait assez fou pour se porter volontaire !" ironisa John.
"Je vois mal une prostituée accepter de jouer les appâts pour mettre la main sur le monstre qui égorge ses amies à tour de bras, et encore moins accepter de travailler pour Scotland Yard !" ronchonna Greg.
"Pas faux..."
Soudain, Eileen se leva et déclara d'un ton sobre :
"Je vais le faire..."
"Que dis-tu ?" demanda Sebastian.
"Je suis volontaire pour attirer Jack l'Éventreur !"
"HORS DE QUESTION !" s'écrièrent ses parents, affolés.
"Papa, maman : il faut faire quelque chose ou il va dépeupler Whitechapel !"
"Je sais bien, Eileen, mais tu n'as pas à te jeter dans la gueule du loup ! Si il t'arrivait quelque chose, je ne me le pardonnerais jamais !" lui expliqua son père.
Cette impulsion de courage - ou de folie - de la jeune fille impressionna Sebastian qui laissa ses méninges travailler : certes, Eileen mettait sa vie en danger en faisant cela, mais si ça pouvait arrêter L'Éventreur, alors il fallait tenter le coup...
Se redressant, il prit la parole :
"On peut tenter le coup ! Et j'ai une idée..."
Le lendemain soir, dans Meneage Street, Eileen était adossée à un mur, vêtue d'une robe sombre qui marquait ses formes de jeune fille et laissait apparaître un décolleté qui ferait hurler de scandale les esprits puritains de son temps. Son maquillage la rendait plus mature qu'elle ne l'était en réalité. De la sorte, elle était une proie de choix... A son cou, elle avait son petit pendentif, ainsi qu'un sifflet que lui avait donné Sherlock pour l'avertir en cas de danger.
Pendant ce temps, nos héros étaient dans les ruelles adjacentes, guettant le moindre personnage suspect.
"Si jamais il fait du mal à ma fille, je vous en tiendrais pour responsable, Holmes !" grommela Callahan.
"Vous devriez vous en prendre à Moran : c'est lui qui a eu l'idée !" lui répondit le détective.
"Dois-je te rappeler que tu as donné ton accord ?" lui fit savoir Mycroft.
"Au lieu de vous disputer, surveillez ce qui se passe !" les sermonna Jim.
Mais alors que l'attente se faisait longue, un homme s'approcha d'Eileen. Son habit, sobre et élégant, attira l'attention de la jeune fille. Malgré l'obscurité de la rue, les lumières faibles des lanternes laissait apparaître un visage assez jeune et souriant qui s'adressa à elle :
"Bonsoir, mademoiselle."
"Bonsoir, milord. Êtes-vous perdu ?"
"Du tout. Je cherchais... de la compagnie !"
Mouvant son petit corps de manière sensuelle, Eileen répondit :
"Si vous voulez, je peux vous l'offrir, cette compagnie !"
"Pourquoi pas... Vous m'avez l'air d'être charmante !"
Il passa sa main sur la joue de la jeune fille qui eut un petit frisson : quelque chose lui disait que cet homme cachait quelque chose...
"En plus, vous avez une belle voix..."
"Ah... Ah oui ?"
"Oui, c'est vrai : un joli brin de voix. Quel dommage qu'elle n'ait servi qu'à crier !"
"Comment ça ?"
Le visage fermé de son interlocuteur ne lui présageait rien de bon.
"Pourquoi a t'il fallu que tu t'égosilles ? Je n'ai pas pu finir mon travail à cause de toi !"
Baissant le regard, Eileen vit une lueur menaçante dans la main de l'homme. Terrifié, elle eut le réflexe de partir en courant. Mais elle entendit son poursuivant la talonner en criant :
"Reviens ici, sale garce !"
Tout en courant, elle prit le sifflet et souffla dedans, alertant Sherlock et ses amis qui se précipitèrent vers l'origine du bruit.
"Par là, dépêchez-vous !" s'écria John.
Pendant ce temps, Eileen fuyait le plus vite qu'elle pouvait tout en criant au secours. Mais malheureusement, elle se prit le pied dans un pavé brisé et elle chuta lourdement sur le sol glacial. Mais alors qu'elle tenta de se relever, une main la plaqua violemment contre terre.
"Terminé, petite fouine ! Tu ne crieras plus jamais !"
Et alors que L'Éventreur s'apprêtait à frapper, il fut stoppé par Sebastian et Sherlock qui le plaquèrent au sol et lui tordirent le bras, lui faisant lâcher son arme. Tandis que John aida Eileen à se relever, le détective découvrit l'identité du meurtrier de Whitechapel :
"Alors ça, pour une surprise : Mr Cutsbush !"
"L'étudiant de médecine ?" demanda Mycroft.
"En effet."
Maintenu fermement par Sebastian, le coupable s'agitait comme pris par une rage intense :
"Elle doit crever ! Elles doivent tous crever ! Ces salopes n'apportent que des malheurs avec elles !"
"Mais pourquoi un tel massacre ?"
"Je fais ça pour Dieu !"
"Je n'y crois pas trop..." marmonna Sherlock.
Intrigué par le comportement erratique de Cutbush, Jim s'approcha de l'homme et marmonna :
"Il y a peut-être une raison toute bête..."
Ôtant le veston de Cutbush, il dévoila une partie de son torse et en fut stupéfait : en effet, des plaques rose pâle couvraient la peau et semblaient se prolonger sur le reste du corps. Des signes que Jim reconnut :
"Mais bien sûr... Il a chopé le mal de Naples !****"
"Le mal de... Oh ! Je vois : en fréquentant des prostituées, il a du attraper cette charmante maladie et voyant sa vie complètement fichue, il a décidé de se venger de manière spectaculaire !" en conclut Serena.
"Et ce salopard a failli tuer ma fille !" s'énerva Callahn qui a bien failli rouer de coups Thomas Cutbush, si Lestrade et Susan ne l'avaient pas retenu.
"Calme-toi ! Il est arrêté, maintenant ! Il ne pourra pas lui faire de mal !" le rassura sa femme.
"Mais pourquoi les organes en moins ?" demanda Ciaran.
"Il voulait garder un souvenir... comme un chasseur qui collectionne les trophées !" lui répondit Mycroft.
Quelques instants plus tard, plusieurs calèches arrivèrent dans les rues de Whitechapel, l'une amenant Cutbush vers la prison, et sans doute la corde du bourreau.
"Et voilà, le crime le plus terrible du royaume est enfin résolu ! Je te complimente, cher frère : tu as fait du bon travail !"
"Au moins ça de fait ! Bon, maintenant, rentrons ! J'ai hâte de voir mes prochaines enquêtes !"
"Ne t'arrêtes-tu donc jamais ?" demanda Serena, amusée.
"Mmmh... Non !" lui répondit le détective avec malice.
"Je sens que je vais avoir de tes nouvelles sous peu, à mon plus grand désespoir !" râla Jim.
"Tu dis ça, mais t'es bien content qu'il court après !" ironisa Sebastian.
Mais alors que Sherlock, John et Serena s'apprêtaient à repartir, Eileen les héla :
"Attendez, M'sieur Holmes !"
Arrivant près d'eux, elle détacha son collier qui avait une petite bulle faite de verre bleuté et le donna au détective.
"Tenez, m'sieur Holmes ! C'était pour vous remercier de m'avoir sauvé la vie !"
Surpris par ce cadeau, Sherlock adressa un sourire sincère à la jeune fille :
"Je te remercie Eileen. Sache que c'est grâce à toi que j'ai arrêté Jack l'Éventreur, et je suis heureux d'avoir pu sauver une innocente de Whitechapel !"
Après lui avoir fait un dernier signe de la main, la jeune fille alla rejoindre ses parents. Puis, la calèche se mit en route, permettant à Sherlock Holmes de se laisser bercer par la cadence des chevaux et de plonger dans un repos bien mérité....
Lorsqu'il se réveilla, Sherlock constata qu'il état dans une chambre d'hôpital... entouré par Serena, Sebastian, Jim, Mrs Hudson, Greg, Molly, John, Mary et Mycroft !
"Dieu merci ! Tu es enfin réveillé !" s'exclama Serena, soulagée.
"Mais qu'est-ce qui s'est passé ?" demanda le détective.
"Tiens, t'es devenu amnésique ?" ironisa le criminel consultant.
"Je t'emmerde, Jim !"
"Ah, apparemment non !" ricana Sebastian.
"Tu ne te souviens pas de l'explosion ?" demanda John.
"L'explo... Ah si ! Et toi, tu vas bien ?"
"T'en fais pas : j'en ai connu d'autres !" le rassura le médecin.
Se rendant compte de la situation, le détective sourit : toute son aventure face à Jack L'Éventreur n'était qu'un rêve ! Dommage, mais bon, il aimait mieux son époque !
Soulagé, Sherlock se releva quand il sentit quelque chose dans sa main. Ouvrant sa paume, il vit un petit collier orné d'une bulle de verre. Un objet qui lui semblait familier...
"Qu'est-ce que c'est que ça ?"
"Ah, ça ? C'était à la jeune fille qui a appelé les secours ! Elle est resté auprès de vous jusqu'à ce qu'une ambulance arrive !" lui expliqua Mrs Hudson.
Soudain, la porte s'ouvrit et une jeune fille apparut, laissant Holmes pantois. Ce n'état pas possible
"Ah, la voilà !" s'exclama joyeusement Mary qui fit les présentations.
"Sherlock, je te présente Ellen Foster : c'est elle qui t'a secouru !"
La jeune fille adressa un sourire aimable et demanda :
"Bonjour, monsieur Holmes ! Vous allez mieux ? En tout cas, je suis contente de vous voir en forme !"
Une fois le choc passé, le détective sourit et prononça cette réponse qui surprit ses amis :
"Oui, merci, Eileen ! Moi aussi, je suis content de te voir !"
*Sir John Williams (1840-1926) : médecin gallois chargé de la santé gynécologique de la princesse Béatrice. A été suspecté d'être Jack l'Éventreur car, selon un livre controversé sorti en 2005, il aurait mutilé des prostituées pour chercher des causes à l'infertilité. Un peu fumeux...
**Sir William Withey Gull (1816-1890) : docteur anglais et médecin personnel de la reine Victoria. Si on a pensé qu'il aurait pu être le tueur, cette hypothèse a été écartée car il souffrait de problèmes cardiaques qui auraient été incompatibles avec l'activité criminelle de l'Éventreur.
***Princesse Béatrice du Royaume-Uni (1857-1944) : Dernier enfant du couple royal, elle était la la dernière membre de la famille royale encore en vie lors de son décès en 1944.
****Le mal de Naples : autre nom pour la syphilis, car il est dit que cette MST viendrait de cette ville italienne.
Voilà pour cette commande !
Elle me prit du temps, mais je suis très fière de vous offrir un écrit qui soit assez documenté pour être crédible (même avec quelques libertés).
J'espère que vous avez apprécié cet écrit (surtout toi, @Lili-Arwen) et je vous remercie de votre fidélité !
Bisous ! 😘🥰😍💖
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top