Chapitre VIII : Brasier (Partie I)

       

          Les deux femmes étaient finalement arrivées au lieu convenu. C'était une auberge, la seule du village duquel son nom était tiré : le Gram. Celle dans laquelle Heytor, le chevalier bourru, voulait les loger. À l'image du bourg, le bâtiment paraissait modeste. Du moins, il n'était pas comme ceux qu'Aurane avait déjà vus à la capitale.

 À peine arrivée, un soldat les accueillit. Laura plissa les yeux. L'aménagement des tables avait été refait pendant qu'elle était allée chercher Aurane. Un coin avait été arrangé au fond, la disposition des chaises ne laissait aucun doute sur ce qui les attendait. La brune regarda discrètement tout autour d'elle. 

Les neufs chevaliers étaient présents. Elle reconnut Joan qui, avec un sourire forcé et quelque peu gêné, lui bloquait la sortie. Heytor, le chevalier à l'air sévère, invita les deux à s'asseoir et fit signe aux autres de s'éloigner. L'interrogatoire commença. 

****

-À droite ! 

         Makerost brandit son épée vers sa gauche juste avant qu'il ne la voie lui échapper des mains. L'arme de Fran avait dévié de sa trajectoire initiale pour attaquer l'autre côté. Makerost se courba, penchant la tête et respirant avec peine. Il s'entraînait depuis une heure environ, mais il se trouvait toujours aussi faible. Entre deux inspirations, il félicita son partenaire d'exercice :

-J'avais compris votre droite, pas la mienne.

-C'est normal, répondit Fran. Je l'ai fait exprès. Vous êtes distrait, mais surtout trop confiant. Pensez-vous réellement qu'un ennemi annoncera l'endroit où il va vous frapper ?

-Il dira l'inverse ?

-Non, il ne dira rien du tout. Il vous tuera puis passera au suivant. Et, malgré vos récents progrès, il ne risque pas d'avoir du mal à le faire si vous croyez toujours tout sur parole... Arrêtons-nous en là pour aujourd'hui. 

         Fran rangea son épée dans son fourreau en regardant le cadet de la famille Ensta ramasser la sienne. Le commandant était satisfait de l'amélioration notable de Makerost depuis que celui-ci lui avait demandé de lui enseigner le maniement des armes. Il l'avait transformé durant ces trois années de formation, passant du simple rat de bibliothèque érudit au combattant qu'il tentait de devenir. 

Cependant, cela ne semblait pas assez. Makerost avait atteint tout son potentiel et connaissait maintenant ses propres limites. Cela ennuyait Fran qui pensait que ce niveau de maniement des armes restait bien insuffisant. Ou alors, il en espérait trop du cadet Ensta. 

        Naturellement, depuis son plus jeune âge, Fran avait été désigné comme prodige. Enfant, il se battait déjà fort bien surpassant le niveau de ses aînés. Puis, une fois arrivé dans l'adolescence, il n'avait plus connu la défaite. 

Affrontant maîtres d'armes renommés et mercenaires aguerris, aucun n'avaient réussi à faire durer le combat qui se terminait généralement en deux passes. Il exécutait alors sa technique devenue célèbre : l'envol du martinet. Il s'agissait d'un coup d'estoc visant la main de l'adversaire suivi d'un moulinet accrochant la garde et arrachant la lame de son propriétaire. 

Ce mouvement avait été baptisé ainsi par le seul chevalier qui eut tenu tête au commandant Anar, le capitaine Veyhnarte. Mais depuis, Fran n'avait plus jamais eu droit à un combat digne d'intérêt. Il regardait les yeux vides Makerost qui rentrait dans le donjon. Makerost s'arrêta :

-Vous ne venez pas, dit-il tirant le capitaine de sa rêverie. 

     Fran tourna la tête vers le blond. 

-Oui ? 

-C'est l'heure de la réunion du conseil. Venez-vous ? 

-J'arrive. 

****

-Donc, répéta Heytor, vous êtes deux fugitives de l'ouest...

-C'est ce que je vous dis depuis le début. 

       Le chevalier parut réfléchir un moment. Aurane eut un rictus, le soldat ne semblait pas croire à l'histoire que Laura lui racontait. Il était peut-être temps de dire la vérité. Après tout, ce camp n'était pas hostile à sa cause. Aurane se dégagea la gorge et voulut tout avouer. Toutefois, un léger coup de coude l'en dissuada. Laura était déterminée à garder leur identité secrète jusqu'au bout. 

-Je vois, fit Heytor. Le comte devrait venir dans peu de temps. Il décidera de votre sort. Je vous demanderai de ne pas quitter le village. Vous pouvez disposer. 

-Vous allez assigner un garde chez nous, soupira Laura, alors pourquoi nous demander de rester ? 

           La remarque frappa le chevalier comme un soufflet. Cependant, il ne répondit rien devant cette insolence. Lorsque les deux femmes quittèrent l'auberge, il ordonna un soldat pour garder les inconnues. Il ne leur faisait pas confiance. Sa raison principale était leur comportement. Même si l'adolescente faisait de son mieux pour paraître humble, son aînée avait toujours été hautaine avec lui. 

Il connaissait bien cette attitude prétentieuse. Elle était typique des nobles, trop habitués à toujours obtenir ce qu'ils veulent. Néanmoins, quelque chose perturbait le chevalier à son sujet. La prestance de Laura la rendait autoritaire et impressionnante. Pourtant, il n'avait jamais été surpris et ne s'était jamais inquiété ni même devenu anxieux en sa présence. Plus étrange encore, qu'était ce sentiment de paix qui s'installait dès qu'il la voyait. Comme s'il la connaissait déjà, et l'avait côtoyée à plusieurs reprises. Méditant encore, il se leva enfin de table et sortit se rafraîchir les idées. 

-Laura, hein... 

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