Chapitre VII : Quatre ans (Partie V)

-Je ne demanderais qu'une faveur, Votre Altesse : être présente lorsque ce moment arrivera.

            Melonie approuva d'un hochement de tête. Le soutien d'Oria la confortait dans ses convictions. Elle avait déjà pensé à quelques stratagèmes, toutefois, ceux-ci restaient inutiles tant qu'Ereane n'aurait pas été retrouvée. La porte grinça une seconde fois et une autre dame fit son apparition. La reine grimaça en voyant ces cheveux noirs lisses et bien peignés qui appartenaient à son insupportable belle-mère : Alye Eine.

Melonie congédia Oria qui s'éclipsa discrètement, avant d'inviter la dame à s'asseoir sur l'un des sièges. Celle-ci sourit d'un air affable, cependant, la reine savait qu'elle le faisait uniquement par une politesse non dénuée d'hypocrisie. Néanmoins, elle s'était habituée avec le temps à jouer cette attitude. Elle décida donc de se prendre au jeu en répondant avec la même fausseté.

-Chère Belle-mère, comment vous portez-vous ?

-Très bien, Votre Altesse. Et mon petit-fils ? Je voudrais le saluer avant qu'il ne soit couché.

-Il est avec sa nourrice. Je me préparais justement à lui rendre visite avant le dîner. Voulez-vous m'accompagner ?

-Ce serait avec grand plaisir Votre Majesté.

            Alye se leva en émettant un rictus et suivit sa fille par alliance. Celle-ci se dirigea vers le couloir central de l'étage et entra dans les anciens appartements d'Ereane qu'occupait désormais son fils âgé de trois ans. Une clameur émana de l'antichambre. Un jeune garçon brun jouait, baguette à la main, à faire des moulinets.

A ses côtés, une servante veillait à ce qu'il ne se blesse pas, tout en arrangeant cette partie de la pièce. Elle se courba aussitôt lorsque les deux femmes entrèrent. Melonie se mit de côté pour laisser passer Alye. Celle-ci se précipita vers le bambin avant de jouer avec ses petites mains.

-Mon prince, regardez qui est là !

-Grand-mère !

-Oui ! Comment all...

-Et mère, s'écria t-il aussi, coupant la question de sa grand-mère.

-Lukas, fit Melonie, déposez cette baguette.

-Oui mère, obéit le prince. Où est père? A cheval ?

           Melonie eut un sourire triste en l'entendant parler ainsi. C'était encore un bébé, pourtant, il connaissait déjà les activités de son époux. Cela faisait cinq mois qu'il posait cette question, depuis qu'il réussissait à aligner trois mots, en fait.

-Je veux faire comme père. Etre à cheval !

          La reine caressa un peu les cheveux de son fils avant d'ordonner à sa nourrice de le préparer pour son souper. Lukas fit une drôle de mine qui lui rappela celle qu'avait Ereane lorsqu'elle boudait : il avait compris qu'il serait bientôt seul. En effet, le petit voyait rarement les membres de sa famille, tout au plus à son lever et à son coucher. Cependant, la reine se montra intraitable et le garçon dut s'avouer vaincu. Melonie se dirigea vers la porte, puis se retourna voyant qu'Alye ne la suivait pas.

-Belle-mère, il faut que Lukas soupe pour dormir.

-Je peux bien rester encore un peu avec lui...

-Oh oui, s'excita Lukas, heureux de passer plus de dix minutes avec sa famille.

-Alye, intervint Melonie. Qu'ai-je dit ?

-Je suis sa grand-mère...

-Et moi, sa mère ! Je vous ai dit de quitter ces lieux, alors retournez dans vos appartements.

-Je n'ai pas à vous obéir, d'autant plus...

-Mère !

           Alye se tut au même moment où Lukas se mit crier de joie. Au même endroit que la reine se trouvait son fils, Aukman, époux de cette dernière. Il venait de rentrer de sa campagne guerre. Sans doute, il y aurait-il une trêve hivernale comme l'année précédente... Le roi fronça les sourcils en direction de sa mère. Son regard était plein de reproches, Alye ne l'avait jamais vu ainsi, aussi en colère. Elle s'éclipsa discrètement pendant que son fils et sa belle-fille embrassaient le prince.

            Avant que la porte ne se ferme sur elle, elle aperçut sa bru et son fils en train de s'étreindre tendrement. Le sang bouillonnant de rage, elle retourna à ses appartements. Comment tout cela avait-il pu arriver ? Le plan se déroulait comme prévu. Aukman avait fini par épouser Melonie et devenir roi. Cette dernière lui avait même engendré un héritier, mâle qui plus est ! Le complot initial prévoyait de se débarrasser de la reine peu de temps après.

Toutefois, son fils s'était entiché d'elle. Il ne l'écoutait plus, elle, sa mère. Il l'éloignait même parfois. Melonie avait réussi un tour de force, celui de retourner le fils d'Alye contre elle-même. L'ancienne duchesse grinça des dents en déchirant les coussins de son lit. Elle tuerait Melonie. Elle la ferait souffrir, elle la torturerait, la ferait hurler de douleur jusqu'à ce qu'elle n'en puisse plus. Ce serait le prix à payer pour lui avoir enlevé son fils.

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