Chapitre VII : Quatre ans (Partie II)
Un autre homme s'écroula. La jeune blonde regarda son épée : le tranchant était ébréché. Elle soupira. Sur toutes les armes qu'elle avait examinées sur les corps des bandits, aucune ne convenait à ses critères de sélection. Elles étaient toutes rouillées, avec une garde forgée par un artisan amateur et des rayures sur la lame.
Le jeune fille se tourna comme son compagnon vers les deux bandits restants. Celui qui avait la plus grande stature semblait être le chef, mais aussi le plus enclin à s'enfuir. Il venait de voir tous ses compagnons tomber.
Il regarda son acolyte, ses yeux fixant d'abord les deux femmes puis le visage effrayé de son compagnon. Il regrettait que son dernier rempart face à la mort ne soit que sa frêle dernière recrue, il le maudissait déjà de trembler comme une feuille. Ce dont il ne s'était pas rendu compte, c'est qu'extérieurement, il était dans le même état psychologique.
D'un côté, cette réaction était compréhensible. Comment une femme et une adolescente pouvaient terrasser à elles seules seize hommes bien constitués et armés ? Depuis le début de la guerre, quatre ans plus tôt, le monde avait-il perdu tout son sens ? Sa femme l'avait quitté pour s'installer à l'est du pays, encore épargné par le conflit. Il avait aussi voulu la suivre, mais il s'était arrêté n'ayant plus d'argent et se croyant en sécurité. La vie n'était pas facile non plus, il avait dû trouver de quoi se nourrir, mais ne possédant pas de monnaie, il s'était résolu à voler.
C'était plus productif et plus efficace que de travailler la terre. Néanmoins, il constatait, alors que la lutte finale commençait, que stopper son voyage avait été la plus grossière erreur de sa vie. La brune remarqua ses genoux qui tremblaient.
Elle fit un pas en avant. Le chef recula aussi. Son acolyte voulut en faire de même, mais la peur le fit trébucher. Il effectua une piteuse chute, tombant lourdement sur son postérieur. Il ne put se relever. À mesure que la brune s'approchait, ses dents claquèrent d'une intensité croissante. Elle réussit à acculer les deux voleurs contre un arbre. L'ayant vue mettre à l'œuvre ses talents d'épéiste quelques secondes plus tôt, le chef comprit que son heure était arrivée. Il n'y avait aucune échappatoire possible. Un sourire s'afficha sur les lèvres de la jeune femme.
-Alors, vous avez peur maintenant ? Vous aviez l'air plus confiant tout à l'heure.
Le combat, si on pouvait l'appeler ainsi, ne fut guère long et se termina par l'écrasante victoire des deux inconnues. La blonde s'approcha de son compagnon.
-Vous ne faites jamais dans la dentelle, soupira t-elle.
La brune regarda l'adolescente un instant avant de comprendre. Son épée était encore rouge de sang. Elle regarda les victimes de son acolyte qui traînaient aussi par terre. Néanmoins, contrairement aux siennes, celles-ci respiraient toujours.
-Vous êtes trop douce avec eux, soupira t-elle, c'est tout.
-Ou bien, c'est vous qui êtes trop dure. Ils n'ont même pas été jugés, mais vous les aviez condamnés sans qu'ils puissent se défendre. Ils avaient peut-être des enfants, une épouse, une famille...
-Lorsqu'une personne vole, elle jette l'opprobre sur sa propre famille. Croyez-moi, il n'y aura personne pour les plaindre, car aucun acte n'est plus condamnable que de sacrifier ceux qui ont tout donner pour soi. Et devrais-je vous rappeler que ce sont eux qui nous ont attaquées ?
-Oui, mais c'est le rôle du seigneur de rendre justice. Cela ne sert à rien de vouloir la faire soi-même, c'est seulement de la pure vengeance ou même un simple meurtre.
-Je vous prie de bien vouloir m'excuser. Cependant, prononcer la sentence n'aurait rien changé à l'affaire. Ils savaient très bien ce qui les attendait en agissant de la sorte. Je pense que votre naïveté est due à votre inexpérience, mais essayez de retenir ceci : c'est la guerre. Où pensez-vous trouver un semblant de justice ? Ces hommes n'étaient pas innocents, pourtant ils...
La brune s'arrêta tout d'un coup. Un son lui parvenait rapidement. Plutôt confus au départ, elle parvint à le distinguer. Ce son était celui provoqué par les bruits de sabots qui foulaient la terre. Quelques secondes plus tard, deux cavaliers arrivèrent sur les lieux. À leur arrivée, la jeune femme brune fit signe à son compagnon d' abaisser son arme.
Les deux chevaliers regardèrent autour d'eux la terre avec stupéfaction. Le plus jeune, surtout, était choqué de voir cette dizaine de cadavres joncher le sol. L'autre homme était étonné de voir deux membres du sexe opposé en plein milieu d'un tel théâtre. En fait, il refusait de croire ce que ses yeux voyaient : deux jeunes femmes ayant vaincu seules presque vingt brigands. Ou plutôt, une jeune femme et une jeune fille, remarquant à ses traits que la blonde n'avait pas encore atteint la majorité. Encore sous le choc, il lui demanda de manière sèche et quelque peu agressive :
-Qui êtes-vous ?
L'adolescente piqua un fard, indignée de la manière par laquelle le chevalier s'était adressé à elle.
-Je suis, commença t-elle.
-Voici Aurane, coupa la brune, et je m'appelle Laura. Nous avons été capturées, mais nous réussi à leur échapper, en quelque sorte...
Heytor, qui avait posé la question, grimaça. N'importe qui aurait pu remarquer qu'elles s'étaient échappées. Il savait aussi que les morts n'apparaissaient pas tout seuls non plus. Donc, manifestement, ces femmes avaient bien blessé ou occis tout ce monde. Comment une telle chose était possible ? Regardant leurs habits, il s'agissait sans doute de nobles. Pourtant, l'escrime n'était jamais enseignée aux filles, ceux qui bravaient ce décret religieux s'exposaient à des sanctions lourdes. En tout cas, historiquement, les rares qui avaient enfreints cette règle sacrée étaient tous passés par la corde.
Heytor se résolut à les interroger. Cependant, l'interrogatoire viendrait plus tard. Questionner les jeunes femmes en pleine forêt aurait été malvenu et impoli de sa part. Il ne pouvait pas les laisser dans le bois non plus alors que le soir n'allait pas tarder. La seule chose à faire était de les ramener au village. Usant des quelques formules de politesse et de galanterie qu'il connaissait, Heytor fit installer Aurane et Laura sur leurs chevaux.
-Joan, dit-il, conduis-les village. Je vais m'occuper de ceux qui bougent encore.
Ce faisant, le soldat se dirigea vers les miraculés qui avait eu la chance d'affronter la blonde plutôt que Laura. Aurane comprit ce qui allait se passer, mais Laura la regarda l'air presque suppliant, secouant ses cheveux bruns : elle ne devait absolument pas intervenir.
La blonde préféra détourner la tête et fermer les yeux, ayant seulement quelques cris lointains pour la ramener à la réalité. Mais ces hurlements et ces râles imposèrent cette vision à ses yeux : celle de Heytor qui passait les brigands survivants au fil de son épée, achevant ainsi leurs vies.
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