Chapitre VII : Quatre ans (Partie I)
Les deux chevaliers galopaient côte à côte. Leurs chevaux avançant au pas, ils discutaient. Une fois de tout, une fois de rien, et enfin de la mission qu'ils devaient accomplir. Cette dernière était claire et simple à remplir : patrouiller dans la forêt jouxtant le village et au besoin, démanteler les éventuels groupes de voleurs qui y résidaient.
Cet ordre leur avait été donné par leur seigneur, le comte Volan Ensta, et ils l'avaient accepté avec enthousiasme. Après tout, quoi de mieux que cette tâche digne et honorable par ces temps incertains. L'effort de guerre était conséquent et les plus pauvres avaient à peine de quoi se nourrir.
Alors que la famine se profilait, les plus désespérés et les plus malhonnêtes quittaient leurs foyers et se regroupaient en bandes, attaquant les hameaux sans défense et les quelques marchands inconscients voyageant seuls. Leurs besaces remplies après leur maraudage, ces malfrats se partageaient le butin augmentant leurs chances de survie au détriment des autres.
Ils pouvaient être vingt, cinquante ou cent par groupe de bandits, terrorisant ainsi les villageois. Toutefois, cela ne faisait pas peur aux deux soldats. Au final, ces brigands n'étaient que des paysans non équipés qui savaient à peine manier une épée, et ne représentaient donc aucune menace pour des guerriers entraînés.
Cependant, protéger tout un village à cinq chevaliers relevait d'une certaine difficulté. C'était la raison pour laquelle seuls eux étaient partis à la chasse aux voleurs. Leur destination était le cœur des bois, genre de lieux typiques, connus pour abriter des repaires de hors-la-loi.
-Heytor, dit l'un des chevaliers, tu penses qu'il y en a combien de ces fripouilles ?
-Pas beaucoup, répondit l'autre à son camarade Joan. Ils doivent avoir peur de nous. Sinon, ils auraient déjà attaqué le village.
-Heureusement que trois d'entre nous sont restés là-bas... C'est vraiment bête tout ce qu'il se passe. En quatre ans, le pays a vraiment changé. Sans cette catastrophe à la capitale... Au fait, as-tu des nouvelles de la guerre ?
-Hum, réfléchit Heytor. On a repris la ville d'Hastin le mois dernier. Mais le duché n'est pas encore sous notre contrôle : certains comtés nous résistent encore. Ces satanés Eine sont coriaces...
Les deux compères continuèrent de discuter du conflit. Il avait débuté quatre années plus tôt et opposaient deux factions, menées par les deux plus grandes maisons nobles du royaume. À l'ouest, les Eine avaient déclenché la guerre. Leur chef, le duc Aukman Eine accusait les Anar de lui avoir enlevé sa fiancée, la princesse Ereane Laoric.
Il était immédiatement parti avec ses troupes en direction de la forteresse ennemie, Anar, bastion de la famille éponyme. Ces derniers avaient été pris de cours par cette déclaration de guerre et avaient défendu avec peine leur capitale. Demandant l'aide de tous leurs alliés, les Anar s'étaient battus farouchement pour contenir leurs ennemis.
Cependant, maintenant que les Anar étaient préparés, les deux armées se valaient, en hommes et en ressources. Une sorte d'équilibre des forces en résultait et aucun des deux camps ne parvenait à obtenir une victoire décisive, chacun d'eux préférant éviter une quelconque bataille rangée.
Néanmoins, les Eine possédaient plus de terrain, les territoires sous leur domination comprenant les duchés de Sharleen, de Vannyl, ainsi que les terres de la couronne, le duché de Walmond. De l'autre côté, les Anar étaient alliés aux ducs d'Hastin, d'Heim, mais n'avaient pas réussi à obtenir le soutien des familles les plus à l'est.
-Heytor, interpella Joan en arrêtant son cheval. Tu n'entends rien ?
L'autre chevalier arrêta sa monture. Il entendait quelque chose, effectivement. C'était un bruit lointain et proche en même temps. Les arbres devaient renvoyer les bruits en écho. Il tendit l'oreille et crut distinguer des sons aigus. Heytor devina instantanément de quoi il s'agissait. Son ouïe lui faisait rarement défaut, et en ce moment, il entendait le son répétitif de l'acier qui s'entrechoque.
-Qu'est-ce que c'est, demanda Joan, plutôt inquiet.
-Des bruits d'épées.
-Il y a un combat ?
-Oui, allons-y, décida Heytor avant de piquer son cheval. Yah !!
****
- Yah !!
Un autre homme tomba sous ce cri suivi d'un coup d'épée. Retirant sa lame du corps de la victime, la jeune femme se retourna vivement pour faire face au reste de ses adversaires qui formaient un joli cercle. L'adolescente qui l'accompagnait vint plaquer son dos contre le sien :
-Je protégerai vos arrières.
-Je veux bien, répondit la brune à la blonde, mais comment voulez-vous faire ça sans arme ?
-Euh je, balbutia l'adolescente.
-Ce n'est pas grave, répondit la jeune femme. Dès que vous le pourrez, emparez-vous d'une arme.
Une fois la discussion terminée, la brune regarda tout autour d'elle. Les brigands devaient être un peu moins d'une vingtaine. Elle en compta quinze. En comptant celui qu'elle venait d'abattre, cela faisait un total de seize. Son compagnon était sans arme. Il lui faudrait donc mener l'attaque sur un seul front.
Un coup de vent anima sa chevelure noire dont quelques mèches voletèrent devant ses yeux. C'était le moment qu'attendait l'un des hommes pour se ruer vers la jeune femme. Toutefois, cette dernière en avait vu bien des pires. D'un coup vers le haut, elle désarma son opposant. D'un coup vers le bas, elle lui entaillait profondément le bras. Son acolyte blonde en profita pour récupérer l'épée et prit le temps de l'examiner. Soudain, après quelques secondes de réflexion, elle la tendit à l'homme blessé, encore à terre.
-Vous pouvez la reprendre, si vous le voulez. Elle n'est pas d'assez bonne facture.
La brune, exaspérée, soupira longuement en roulant des yeux. Le blessé regarda l'adolescente, les yeux grands ouverts, avant de tenter de prendre la fuite en reculant du mieux qu'il pouvait.
-Tant pis, déclara la jeune fille. Au moins, le combat est équilibré à présent.
-Ah, ricana un des bandits. Comme si deux fillettes pouvaient battre un groupe d'hommes !
-Nous verrons ça plus tard, rétorqua sèchement la brune.
Puis à son compagnon :
-Je vous laisse ceux en face de vous.
-Mais, protesta l'intéressée, j'en ai moins que vous !
Trop tard, la brune fonçait déjà sur son groupe d'ennemis. La blonde fronça les sourcils en ajoutant une moue boudeuse avant de remarquer le groupe de brigands qui se ruaient sur elle.
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