Chapitre VI : Préparatifs (Partie III)
La jeune femme se reposait, assise sur son fauteuil. Les jambes croisées sous sa robe, elle avait un livre épais entre ses mains. Lire : il s'agissait de sa seule occupation ces derniers jours. L'ouvrage dont elle parcourait les lignes était épais et devait contenir plus de cinq cents pages. Cinq cents pages manuscrites copiées par un prêtre isolé.
"Quelle vie merveilleuse..." La jeune femme se faisait cette remarque ironique. Pour elle, ces roturiers n'avaient qu'une existence fade et monotone. Les fermiers labouraient leurs champs. Les bûcherons coupaient du bois. Les prêtres prêchaient et copiaient des livres. Tous avaient leurs habitudes, leur routine quotidienne qu'ils reproduisaient sans cesse. Il n'existait qu'une échappatoire pour eux : la mort. Mourir malade, mourir de vieillesse, mourir tué... Il existait une bonne quantité de morts différentes et chacun aurait droit à la sienne.
La jeune femme le savait : la vie ne tient qu'à un fil et la mort trouve un malin plaisir à le trancher. Elle l'avait vue emporter hommes et femmes, les ramassant précipitamment, comme un enfant qui cherche ses sucreries. Tout cela en une soirée. Une nuit fatale à des dizaines de gens. La mort avait réclamé leurs âmes et les avait allègrement dégustées. Pourtant, la jeune femme était là, échappant au spectre fatal, ou bien l'avait-il laissé vivre ? Peut-être n'était-ce tout simplement pas pour tout de suite.
Elle était une des rescapées du massacre, et comme d'autres survivants, elle y avait perdu des proches. Un père, une aînée, une cadette. Les deux premiers, morts, et la troisième, disparue. Elle ne l'aimait pas. Pourtant, cette cadette était à présent sa seule famille. Elle n'avait pas le choix, et devait la retrouver : sa petite sœur, malgré tout bien-aimée. C'est pour parler au sujet de cette dernière qu'un homme lui avait proposé une entrevue. Il était en retard d'une heure et c'était pour cette raison que la jeune femme avait ouvert ce livre ennuyeux sur des légendes des temps anciens.
Lassée de lire ces lignes noires et épaisses, elle se leva de son siège et ouvrit la vitre pour admirer la vue qui s'offrait à elle, depuis la fenêtre de sa chambre. Le ciel était encore masqué par les nuages. Tout comme son cœur, le temps était triste et en deuil. Ses cheveux châtains, encore balayé par le vent, se baladaient de la droite vers la gauche. Ils s'agitaient sous l'effet de deux forces contraires. L'une provenait du dehors, l'autre de derrière.
-Quelle vue impressionnante !
La jeune se retourna et vit celui qui s'était adressé à elle. Un homme brun au regard hautain avait pénétré dans la chambre. Respectueusement, il s'inclina devant la jeune femme.
-Je vous prie de bien vouloir excuser mon retard, princesse.
-Et moi, je vous conseille de ne plus entrer sans ma permission, duc de Sharleen.
Le duc sourit et se relevait tandis que Melonie s'installait dans son fauteuil.
-Pour quelle raison vouliez vous me parler ?
-Nous avons retrouvé votre sœur. Les Anar la cachent mais ils ne pourront pas la garder. Nos armées devraient revenir d'ici peu avec elle. Ainsi nous...
-Duc Aukman, en quoi serait-ce mes affaires ? Si vous n'avez rien à me dire, je préférerais que vous partiez sur-le-champ.
-Je pensais que vous vouliez avoir des nouvelles de votre sœur...
-Je m'en fiche. Et arrêtez de faire semblant de bien faire, vous n'agissez que dans votre propre intérêt.
-Je vous demande pardon, princesse ?
-Vous m'avez très bien comprise, Aukman. Vous ne cherchez qu'à anéantir une menace potentielle entre vous et le trône.
-Princesse, je crois que...
Un homme en armure cogna la porte ouverte. D'un signe de tête, le duc fit signe au soldat de l'attendre. Puis il salua la princesse et quitta la princesse. Celle-ci, enfin soulagée de cette entrevue, gromella : ce duc l'importunait. Il essayait d'éliminer son rival Lorand Anar, fiancé de Melonie et donc futur roi.
Toutefois, la princesse ne pouvait rien faire. Son armée était démantelée et elle n'avait pas encore acquis l'autorité nécessaire pour se faire obéir. Pour cela, il lui faudrait un couronnement, mais depuis le massacre, un mois plus tôt le grand pontife, Elan Doyl, était introuvable. L'autre possibilité était que son fiancé, Lorand Anar, parvienne jusqu'à la capitale. Toutefois, la princesse n'y croyait pas. Malgré cela, Melonie refusait de voir la vérité, de voir qu'elle n'était qu'un otage des Eine.
****
Le soldat marchait dans le couloir aux côtés du duc. Le pas pressé, il le suivait de peu derrière, peu rassuré de se trouver en présence de son maître. Le duc s'arrêta inspecta les alentours, puis reprit son chemin en permettant à celui qui l'accompagnait de parler. Celui-ci hésita dans un premier temps avant de se lancer.
-Seigneur Eine, nous avons perdu.
Le duc s'arrêta brusquement et regarda son interlocuteur. Ce dernier regretta sur le champ d'être annonciateur de mauvaises nouvelles. Cependant, mentir était encore pire. Le soldat prit son courage à deux mains et continua.
-Notre armée est en déroute, elle reviendra à la capitale d'ici deux jours.
-Comment ça "perdu"?
L'homme en armure ne sût pas quoi répondre sur l'instant, et le moment suivant, parler lui était difficile à faire après le choc qu'il venait de recevoir. À genoux, il essaya de se redresser pour faire face au duc. Il avait le visage amoché par un gantelet en fer et la mâchoire certainement cassée. Le duc s'approcha de l'officier l'air menaçant avant de lui asséner des coups de pied.
-Comment ? Pourquoi avez-vous perdu ? Je vous ai confié mon armée, sept mille hommes contre un château vide. Et vous n'êtes pas capable de le prendre ! Incapable ! Qu'est ce qui s'est passé ? Réponds !
-Ce n'est pas notre faute, gémit le soldat. L'ennemi attendait des renforts. Leur commandant, c'est lui qui nous a mis en déroute. Pitié, seigneur, ne me frappez plus .
-D'où me donnes-tu des ordres ?! Son nom !
-Pitié seigneur. Son nom est Ast.
Le duc cessa de martyriser son officier, surpris par ce nom qui lui était inconnu. Ast... Qui était-ce ? Un jeune chevalier ? Non, mais il connaissait les noms de tous les grands commandants du royaume. Existait-il vraiment quelqu'un de la nouvelle génération capable de contrer son attaque surprise ?
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