Chapitre VI : Préparatifs (Partie I)

       Le jeune homme cogna le visage du soldat avec son gantelet. Ce dernier trébucha et s'étala de tout son long heurtant avec violence la surface dure du sol. Il se releva péniblement, le nez cassé et la joue en sang. 

-Seigneur Eine...

-Ne m'adresse plus la parole ! Je ne veux plus jamais te voir !

           L'homme blessé ne se fit pas prier et quitta précipitamment la pièce, presque heureux de ne plus être au service de son maître. Il faut dire que les sautes d'humeur de celui-ci étaient impressionnantes et sa colère était crainte de tous. Il plaignait ses camarades qui devraient suivre ce tyran encore plus longtemps tout en s'excusant, car il était responsable du courroux du duc. C'était à lui de choisir les hommes capables de remplir cette mission. Il avait échoué, lamentablement échoué. Il avait préféré utiliser les services de brigands plutôt que ceux de mercenaires. Et voilà comment il était récompensé pour avoir voulu préserver l'argent de son suzerain. S'il avait voulu débourser quelques pièces d'or en plus, il aurait pu engager des hommes capables et non pas des bons à rien.

       De son côté, le duc n'était pas moins tranquille. Son père avait préparé ce projet pendant des années. Puis, il avait succédé à sa volonté et avait continué ce qui avait été commencé, et ce, des mois durant. Tout avait été minutieusement calculé. Tout était parfait. Le début du plan s'était déroulé à merveille. Sa mère Alye Eine avait libéré la créature de son coffret qui avait réussi à infecter une personne. Cette dernière avait massacré une bonne partie des convives, mais quelques-uns avaient échappé à la mort. 

     Toutefois, ce n'était pas la raison du courroux d'Aukman. La seule chose qui avait failli n'était qu'un détail dans cette grande conspiration. Le compte n'y était pas. Certes, l'aînée avait été tuée avec son père et il avait mis la main sur la seconde, mais il restait encore la dernière, la plus jeune princesse. Il n'avait plus eu de nouvelles d'elle, pourtant, la patrouille qu'il avait employée avait fouillé la ville de fond en comble. Le duc se tourna vers son prisonnier à sa gauche, entouré par des gardes.

-Tu m'as menti, l'accusa-t-il. La princesse a quitté la ville, notre pacte est rompu.

-C'est impossible. Ce sont vos hommes qui nous ont empêchés de sortir. 

-Pense-tu que j'emploie des bons à rien, alors ?

-Non, mon seigneur. Cependant, la capitale a été construite de manière à n'avoir qu'une seule sortie. Cela dit, il n'est certainement pas impossible qu'elle ait trouvé un autre moyen de s'échapper. C'est la princesse après tout, elle connaît peut-être d'autres manières de quitter cet endroit.

-Que dois-je comprendre dans ta propre contradiction ?

-Elle n'aurait pas pu s'échapper seule. Il y a forcément quelqu'un qui l'a aidée.

-Je me fiche de savoir si quelqu'un l'a aidée. Je veux savoir où elle est !

     Le jeune homme ligoté retint un rire, mais un rictus plana sur ses lèvres, l'espace d'un instant. Il rétorqua en haussant les épaules du mieux qu'il lui était permis par la corde qui liait ses poings.

-Lorsque quelqu'un souffre, il va retrouver du confort dans sa famille, n'est-ce pas ?

-...Anar... Le corps de l'héritier n'a pas été retrouvé...

-Je vous avais dit que je vous serais utile.

-Olan Mus, c'est cela ? 

       Le duc fit signe aux gardes qui libérèrent le prisonnier de ses cordes avant des s'éclipser avec les autres personnes présentes. Enfin seuls, Aukman l'invita l'espion à prendre un siège. Ces deux-là allaient discuter longuement des plans à venir.


*******




-C'est insensé. Et personne n'a survécu ?

-Et pourtant, c'est la pure vérité. Elle a massacré la plupart des gens présents. Je ne sais pas qui a survécu, mais le roi et la princesse héritière ont péri sous mes yeux.

-Tu ne parles ni de père ni de mère. J'imagine qu'ils sont morts aussi, c'est bien cela ?

     L'homme brun passa nerveusement ses doigts dans ses cheveux. Sa douleur était grande, mais il s'obligeait à garder un comportement digne de son rang. Néanmoins, la tâche était difficile. Il venait d'apprendre par la bouche de son frère le massacre du château de Walmond. Ses parents étaient morts ainsi que la plupart des nobles présents pour la Skandrulia de la princesse héritière. Il était à présent Volan, comte d'Ensta, et devait succéder à son père, pour protéger ses habitants et faire prospérer le comté en suivant les ordres de son suzerain.

Toutefois, il ne restait rien de la famille royale, l'héritière était morte avec son père. De plus, ses deux autres représentantes, Melonie et Ereane, n'avaient toujours pas été retrouvées, même vingt jours après l'accident. Qui devait succéder à Aricad III pour le trône du Laor ? Étant libre de prétendant, n'importe qui pouvait s'emparer de la couronne s'il avait l'armée suffisante pour s'imposer comme roi. Le Laor était en crise et seul un chaos se profilait à l'horizon.

     Un conseiller arriva dans la salle, interrompant les réflexions de Volan et annonça d'une voix monotone :

-Mon Seigneur, une missive provenant d'Anar.

 

    Le comte prit et parcourut la lettre, ses traits se renfrognaient au fur et à mesure de sa lecture. Lorsqu'il eut terminé, il déposa le papier et tapota la table de ses doigts.

-Que se passe-t-il, demanda Makerost bien qu'il devinait le contenu de la lettre.

-Les Anar nous demandent de renouveler notre serment d'alliance. Je dois me rendre là bas d'ici cinq jours. Si ce n'est pas fait...

-...Alors ?

-Ce n'est pas écrit mais tu imagines bien qu'ils vont envoyer leur armée nous rendre une petite visite...

-Je vois, j'imagine que la lettre est signée Lorand. C'est donc le seul de sa famille à avoir survécu. Que comptes-tu faire ?

   Pour Volan, la question n'avait pas vraiment de réponse. S'il avait reçu cette lettre, c'est que Lorand comptait partir en guerre. Mais contre qui ? Il ne le savait pas, et ce n'était pas réellement important. Cependant, il était certain d'une chose: il n'avait pas les ressources ni le temps nécessaires pour se préparer à faire la guerre aux côtés de Lorand Anar, et ce indépendamment de son adversaire.

     Pourtant, il devait faire un choix. Accepter l'obligerait à sacrifier le bien-être de ses gens. Refuser, le forcerait à se battre contre un adversaire plus puissant et il n'avait pas le temps non plus de contacter ses autres alliés.

     Makerost considéra son aîné, silencieux depuis quelques moments avant de déclarer.

-Je vais y aller.

-Où ça ?

-Je vais me rendre à Anar à ta place. Je vais essayer de gagner du temps pour toi pour que tu puisses faire les préparatifs nécessaires.

-Du temps pour quoi ? Nous n'avons aucune unité expérimentée. Même si j'acceptais les termes de ce Lorand Anar, je ne pourrais certainement pas honorer cette alliance en lui fournissant des troupes.

Makerost sourit et se leva avant de lancer la bouche en coin :

-C'est pour ça que j'y vais : pour redéfinir les termes de l'accord.

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