Chapitre V : Sombre pluie (Partie II)
-Ils sont morts.
Puis, devant la mine incompréhensive de son interlocutrice, il ajouta.
-Votre père et votre sœur ont péri cette nuit.
Olan avait plongé ses yeux dans ceux d'Ereane. Muette et immobile, cette dernière regarda le visage de son camarade, puis ses mains, et finalement le sol. Sa tête était lourde. Son esprit se chargeait d'idées et d'images. Au fur et à mesure, une vision s'imposa. Floue dans un premier temps, Ereane la vit se préciser au fil du temps. Soudain, la tête de la princesse chuta, elle termina sa course aux creux de ses mains. Sa poitrine se soulevait désormais de manière irrégulière et des perles salées, toujours plus nombreuses, s'échappaient du coin de ses yeux.
Le jeune homme, voyant l'état de la princesse, s'approcha doucement et lui tendit un morceau de torchon propre. Il était pris par la pitié en voyant cette jeune fille qui lui semblait hautaine par le passé, mais à présent si fragile. A présent, il regrettait d'avoir été si brusque et de ne pas avoir pris le temps choisir ses mots pour lui annoncer cette nouvelle.
-Princesse, je suis désolé.
Toutefois, ce n'était pas le jeune courtisan qui se sentait le plus mal, et ses paroles ne permirent en rien à atténuer le chagrin de la princesse. Ereane ne parvenait pas à se calmer. Les scènes de terreur, qu'elle avait vécues quelques heures plus tôt, la faisaient atrocement souffrir. D'autant plus que d'autres questionnements jaillissaient de passé proche et horrifiant.
Le premier visage qu'elle revit était celui de sa sœur aînée. Son visage blanchit par sa toilette qui était devenu blême l'instant précédant sa mort. Son père, lui, n'avait plus de visage. Les seuls traits qui revinrent dans la mémoire de l'adolescente étaient ceux qu'il arborait toujours dans ses songes. Ceux d'un père aimant ses filles et qui vivait heureux avec sa famille. Néanmoins, il s'agissait de souvenirs fictifs, inventés par son esprit en quête d'amour paternel. Et lorsque la jeune fille s'en rendit compte, ses larmes redoublèrent.
***
Makerost Ensta se réveilla sous un tas de feuilles et de fleurs. Le parfum modéré des plantes combiné à celui de l'humidité lui chatouilla le nez et l'obligea à se lever. Enfin debout, il essaya tant bien que mal à se débarrasser des herbes, qui restaient accrochées à ses vêtements trempés, avant de lever les yeux. Un spectacle macabre s'offrit à lui, proposant des dizaines de corps ensanglantés.
Certains avaient le visage tourné vers le ciel, d'autres étaient face contre terre. Le petit comte pensa amèrement : "Triste fin que de ne pas connaître la raison de sa mort.". La plupart des corps appartenaient à des domestiques, cependant, Makerost remarqua certains cadavres mieux habillés que d'autres. Il s'agissait sans doute de courtisans.
Le jeune homme choisit de continuer et d'aller à l'intérieur. La vue n'y était pas plus réjouissante que dans le jardin, mais cette fois, l'adolescent remarqua qu'il n'y avait aucun domestique : chacun des cadavres présents avait une quelconque marque de noblesse. Ces dépouilles n'étaient pas très différentes de celles au-dehors. Le seul point de comparaison existant était le degré d'humidité, à l'évidence plus faible sur les corps gisant dans les couloirs du château.
D'autre part, tous les cadavres, sans exception, avaient été frappés de sorte que seule une marque fine et droite y figurait. Plus Makerost avançait, plus il ne pouvait être que certain de l'identité de ce meurtrier de masse, la femme qui avait été son garde personnel pendant ces quatre dernières années. Toutefois, avec ces observations, le jeune comte n'avait plus vraiment d'espoir de retrouver ses parents en vie.
Bientôt arrivé devant le trône, il détourna les yeux pour ne pas insulter la mémoire de ses défunts seigneurs suzerains. Malheureusement, ce geste le fit inévitablement bifurquer vers d'autres visages à la fois horrifiés et inexpressifs. Une larme coula de son œil droit, en voyant ainsi ses parents. Cette fois, il avait enfin l'assurance de leur offrir de correctes funérailles. Sans plus s'attarder, Makerost se tourna vers d'autres corps menant vers d'autres pièces du château. Les traits de son visage crispés, il grinçait des dents, en se répétant la même chose.
-Laya !...
Les yeux rouges et émus, il partit suivant la piste des nombreux corps qui jonchaient le sol, prêt à faire son devoir. La vengeance ou la mort ? Ce chemin le mènerait-il vers la paix intérieure ou bien vers le repos éternel ?...
****
Ereane pleurait toujours, malgré le soutien d'Olan. Depuis qu'elle s'était souvenue des événements de la veille, il était impossible pour elle d'adoucir sa douleur. Ses visions continuaient toujours et la tourmentaient, comme pour lui rappeler sa passivité. Et en accord avec ces souvenirs, des remords accompagnaient la princesse. Elle revoyait comment les gardes royaux, Euser et Natan, avaient dû la sortir de la salle de réception avant qu'ils ne donnent chacun leur vie pour laisser le temps au professeur Lok de l'emmener loin en sûreté.
Elle avait vécu ces événements en les subissant, incapable de sortir de sa propre terreur. Et son inaction avait entraîné la mort des deux gardes en qui elle avait le plus confiance.
De son côté, malgré les différentes manières de voir les événements, Olan ne comprenait toujours pas ce qui avait pu pousser Laya Veyhnarte, le garde personnel de l'ami d'enfance de la princesse Makerost Ensta, à commettre ces crimes. En y repensant et analysant toutes les possibilités possibles, il n'aurait pu imaginer qu'il s'agissait d'un acte spontané. Rien n'avait semblé prédire cette action. Alors, comment qualifier autrement cet acte que par le mot "folie" ?
****
Makerost arriva enfin dans la ruelle. Laya tenait encore son épée et le sang qui la maculait prouvait qu'elle n'avait pas chômé durant la nuit. Lorsqu'il arriva, elle se retourna et une voix des plus faibles et étranges sortit de sa bouche. Makerost dut lire sur les lèvres.
-Fuyez !...
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