Chapitre IV : La Skandrulia de Guendolen (Partie III)

Wiganvor. C'était la veille du grand jour. Les préparatifs pour la fête de Guendolen avaient été terminés avec beaucoup d'avance, les seuls domestiques qui travaillaient encore d'arrache-pied étaient ceux affectés aux cuisines. Encore que même eux n'étaient pas si occupés.

Par exemple, Oria, l'amie d'Ereane, et ses autres collègues du service d'approvisionnement n'avaient presque plus rien à faire. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle les deux adolescentes se trouvaient dans la partie sud du jardin à converser.

Leur discussion les avait menées de la fête du lendemain à l'absence d'Ereane aux instructions. En effet, ces deux derniers jours, la princesse avait préféré ne pas quitter sa chambre. N'assistant pas aux leçons, elle avait plus de temps pour lire les livres qu'elle avait obtenus de Patrid Lok. Cet après-midi, la jeune fille avait enfin terminé Maitrise et magus, ouvrage que le professeur lui avait donné.

-Alors, qu'est-ce qu'il y a dedans, supplia Oria ne supportant plus l'attente que lui faisait subir son amie.

-Regardes, dit la princesse en ouvrant Maitrise et magus à la première page. C'est un vrai livre de magus.

-Vraiment ?

-Oui, il y est même écrit comment faire pour s'en servir.

-Incroyable, qui aurait cru qu'un tel ouvrage existait. Vous avez essayé ?

-Essayer quoi ?

-Ben, répondit Oria comme s'il s'agissait d'une évidence, à maîtriser le magus.

Ereane regarda son amie avec étonnement puis elle-même avec stupéfaction. Elle n'avait jamais cherché à se servir du magus, car elle n'avait cherché ce savoir seulement pour savoir. Elle regarda Oria en lui avouant qu'elle n'avait jamais essayé. Puis, voyant la mine décomposée de son amie, elle ajouta le sourire en coin "Mais je peux corriger cela.". La princesse ouvrit le livre à une autre page et commença à réciter les caractères inscrits.

****




Le temps passa rapidement et avant qu'Ereane ne puisse réussir quelque incantation que ce soit, il était déjà l'heure d'accueillir les invités. Les deux camarades étaient déçues que leur expérience ait échoué.

Cependant, la princesse devait remplir les devoirs que lui incombait son statut. Une heure plus tard, la petite princesse revint de sa chambre entièrement changée. Elle avait opté pour une robe bleu royal et des espadrilles de la même couleur. Toutefois à peine entrée dans le couloir, elle croisa son aînée Melonie. Elle portait une magnifique robe d'un vert émeraude éclatant. Cette dernière la considéra un instant avant de pousser un soupir.

-Je pensais que tu ferais attention pour une fois, mais il a fallu que tu prennes cette robe. Parfois, je me demande si tu apprends vraiment quelque chose en cours ou si ta réputation de génie n'est pas un peu exagérée.

-Qu'a-t-elle a ma robe, répliqua la princesse exaspérée par le regard de sa sœur.

-Il faut la changer, lança une voix derrière elle. Je suis la seule qui doit porter une telle robe ce soir. Tu mettras la robe rouge. Je vais t'aider.


Ereane soupira puis se dirigea vers l'entrée de sa chambre suivie de Guendolen. Elle détestait mettre la robe rouge pale en question : trop terne par moments, sinon trop voyante. Alors qu'elle changeait sa sœur, Guendolen lui demanda.

-Tu as fait un autre rêve depuis ?

-Non, aucun.


Une sorte de sourire amer se dessina sur le visage de l'héritière. "Tant mieux." pensa-t-elle. "S'ils ne se reproduisaient plus, Ereane pourrait avoir une vie normale, contrairement à moi.". Ce qui étonnait Guendolen était plutôt l'absence de ces rêves chez son autre sœur. Ce phénomène avait commencé à ses huit ans et, même si la première s'était manifestée à l'âge de treize ans pour Ereane, il aurait aussi dû se manifester pour Melonie. Or, celle-ci avait déjà dix-sept ans. A t-elle aussi hérité de ce don ? Et, si non, pourquoi ? Bien qu'elle se doutât de la réponse, Guendolen préféra ne pas y penser.

-C'est fini. Te voilà enfin prête, déclara-t-elle après avoir réajusté le dernier gant.

-Merci beaucoup grande sœur, lui répondit Ereane en lui lançant un sourire suivi d'une grimace.

-Quelque chose ne va pas ? Demanda l'héritière.

-Je n'aime pas cette robe. Elle me donne l'impression d'être trop grande.

-Il faut bien que tu grandisses un jour.

-Mais si je grandis, je ne pourrai plus avoir cours avec le professeur.

-Tu aimes vraiment étudier.

-Je veux avoir connaissance de tout ce qui peut exister, que ce soit dans le présent, le passé ou même l'avenir si cela est possible. Est-ce un mal d'être curieuse ?

-Non. Cependant, à vouloir tout savoir, il peut arriver que l'amoncellement de connaissances mène à sa propre perte.

-Que veux-tu dire ?

-Parfois, il vaut mieux ignorer certaines choses plutôt que d'en avoir la connaissance. Par exemple, si tu sais que quelqu'un va mourir, cela peut t'empêcher de vivre au mieux avec cette personne, car tu sauras au fond de toi que tu ne pourras rien faire pour empêcher cet événement. J'ai pris un exemple, mais il peut exister beaucoup de ce genre. Parfois, il vaut mieux garder certains secrets.

Le regard de Guendolen s'était perdu dans le vide. Fallait-il qu'elle continue ou devait-elle laisser sa sœur l'apprendre par elle-même ? Ereane, inquiète, regarda son aînée. Les mains de cette dernière tremblaient.

-Tout va bien, grande sœur ?

-Oui, répondit-elle après un bref instant, la voix peu assurée. Ne t'en fais pas.


Il était bientôt temps. On entendait déjà une rumeur de plus en plus importante s'approcher du château. Les invités arrivaient déjà. Les princesses descendirent les escaliers jusqu'à la salle de réception. Toujours disposée de la même manière, elle avait néanmoins été nettoyée de fond en comble.

Au fond se situait le trône où le roi recevait habituellement les Walmondins. A côté, on y avait installé un autre trône plus modeste et deux sièges aux extrémités. Aricad était déjà présent, assis, et prêt à accueillir les invités et présider le repas qui allait suivre. Les jeunes filles se dépêchèrent de se mettre à leur place : Melonie et Ereane sur les côtés et Guendolen sur le second trône, à la droite de son père. Place d'honneur qu'elle recevrait officiellement plus tard après la fête et la cérémonie officielle de passage.

Les premiers nobles entraient dans la salle. L'ordre de passage était important, et chacune des maisons invitées ne venaient pas présenter leurs hommages n'importe quand. En premier venaient saluer les chevaliers, issus de la petite noblesse. Puis venaient les comtes et enfin les ducs. Cependant, cette cérémonie s'exécutait à la manière d'un roulement par hiérarchie, le but étant de faire savoir au roi qui on avait directement sous ses ordres.

On avait donc en premier, tous les chevaliers du comte A, puis lui-même se présentait, puis tous les chevaliers du comte B... Lorsque tous les comtes d'un même duc étaient passés, il faisait ses hommages et c'était au tour d'un comte sous la protection du duc suivant de présenter ses chevaliers avant de s'agenouiller devant la famille royale.

Cela faisait une heure et demie que les nobles défilaient ainsi devant les yeux d'Ereane. La voix du Premier ministre qui annonçait chacune des maisons lui était devenue insupportable. Mais enfin, son visage s'illumina alors qu'Ordric Lok s'écria "Votre Majesté, le duché d'Heim". Toute excitée, la princesse tenta de se calmer : "Où était-il ?". Les comtes passèrent les uns après les autres jusqu'au moment où ce fut son tour.

-Votre Majesté, Herald Ensta pour vous servir.

Celui-ci était accompagné de sa femme et d'un jeune garçon. Ereane posa son regard sur l'adolescent.

-Je suppose que vous vous souvenez de mon épouse Frigett et notre fils cadet Makerost.

-Oui, effectivement. Vous étiez venus pour le dernier banquet il y a quatre ans, je crois.

Pendant que les adultes échangeaient, le plus jeune des fils, Makerost, lança un regard plein d'amitié à Ereane qui prit pour la première fois la parole.

-Petit comte Makerost, je suis heureuse de vous revoir. Comment se porte votre frère ?

-Il va bien. Néanmoins, il a quelques problèmes de santé d'où son absence. J'espère que cela ne vous offensera point.


Le jeune comte s'était adressé à Guendolen. Cette dernière, compréhensive, lui fit ses salutations en excusant l'indisposition de l'héritier Ensta. La petite famille alla rejoindre le groupe des nobles étant déjà passés.

La soirée d'accueil fut longue pour Ereane, mais elle eut quand même une fin. Les deux derniers ducs à présenter leurs hommages étaient Udo Anar et Aukman Eine. Il semblait que le père de ce dernier, Ylefol, était décédé deux semaines plus tôt. Quant au chef de la branche royale cadette, son visage restait impassible et presque dénué d'émotions. Toutefois, tout le monde était habitué au comportement du duc, c'est pourquoi les invités ne furent guère étonnés de constater que son fils avait hérité de son caractère.

Heureusement, la soirée n'avait pas était désagréable pour autant. Ereane avait vu Makerost, son ami d'enfance, et le lendemain, ils auraient tout leur temps pour jouer ou discuter ensemble. La petite princesse se coucha dans son lit n'attendant que le sommeil pour l'aider à passer au mieux sa nuit.

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