Chapitre IV : La Skandrulia de Guendolen (Partie II)



            Dans une région à l'ouest du pays, une calèche, qui traversait le duché d'Heim, arriva dans le modeste château d'Essol. En dedans se trouvaient deux personnages dont un jeune homme. Les cheveux bruns et bouclés, il avait le visage fermé, mais seuls ses yeux pouvaient trahir l'ombre d'une expression.

Sa mère, qu'il accompagnait, lui fit remarquer qu'il était sans doute trop vieux pour avoir un tel comportement, ce à quoi le jeune garçon répondit par une moue bougonne. Désespérée, la dame leva les yeux et secoua sa chevelure blonde cendrée et ondulée. Cet adolescent boudeur était déjà réputé dans cette contrée et son ascendance était noble et élevée.

Il s'appelait Lorand, fils d'Udo, le chef de la famille Anar. Udo était un homme dur, plein de passion, mais mûrement réfléchi et, malgré le fait qu'il n'ait pas fait de l'éducation de ses fils une priorité, sa nature avait déteint sur eux. Si bien que physiquement et mentalement, il était possible de les confondre en dépit de leur différence d'âge. Lorand était pressenti pour être le successeur de son père. Malheureusement, il n'avait pas reçu l'éducation nécessaire pour assurer ce devoir.

           Trois heures après son départ, le carrosse arriva enfin dans la cour du château d'Essol. Lorsqu'il fut enfin à l'arrêt, Lorand descendit et aida sa mère à mettre le pied à terre. Ce fut une voix grave et joyeuse qui l'accueillit.

-Enra, ma chère fille ! Comment te portes-tu ?

-Père, répondit l'intéressée, cela fait si longtemps. Je suis si heureuse de vous voir. Je vais bien, merci.

-Je le vois, tu rayonnes. Et vous mon prince ?

-Je ne suis pas encore prince, grand-père.

            Lorand avait répondu d'une voix sèche, à laquelle son aïeul n'avait pas été habitué. Sa fille s'empressa de lui transmettre ses excuses : "Il est encore sous le choc.". Le vieil homme hocha la tête, regardant le jeune homme d'un air suspicieux, avant d'inviter ses hôtes à entrer dans sa demeure.

Il était l'heure du souper et une vieille dame était déjà assise à table. Lorsqu'elle aperçut les convives, elle ne put s'empêcher de torturer ses genoux âgés pour se dépêcher de venir les saluer. La mère et la fille s'embrassèrent tendrement, mais le baiser fut plus sobre avec Lorand, repoussant non sans une quelconque douceur, sa grand-mère qui resta surprise.

Gêné par la situation, le maître des lieux proposa à sa famille de se mettre à table. Il y avait un gigot pour le repas. Enra le trouva succulent et n'hésita pas à donner son avis. La grand-mère en profita pour s'adresser à son petit-fils.

-Lorand, comment trouves-tu la viande ?

-Je n'ai pas faim, répondit-il.

-Vous avez l'air triste, êtes-vous sûrs que tout va bien ? Insista-t-elle.

-Demandez à mon frère. Peut-être qu'il vous répondra, rétorqua-t-il.

         À ces mots, il se leva de table et partit vers une des chambres inoccupées, la seule qu'il avait utilisée étant enfant. Enfin, le maître et son épouse, interloqués, questionnèrent leur fille sur l'attitude de son fils.

-Veuillez l'excuser, père. Il n'arrive pas à faire son deuil.

-Mais enfin, Enra. Cela fait un an maintenant ! Il devrait passer à autre chose.

-Je le sais bien. Je vais lui parler, si vous voulez bien m'excuser.

         Enra quitta à son tour la table pour rejoindre son fils. Ce dernier attendait dans sa chambre, près de la fenêtre, le regard perdu vers l'horizon bleu nuit. De l'eau vint remplir et ternir ses yeux bleus. Cependant, au son des bruits de pas qui se rapprochaient, il sursauta. Sa mère venait d'entrer et Lorand se dépêcha de dissimuler toutes les preuves de sa tristesse. Cependant, Enra n'était pas dupe.

-Tu pensais à lui ?

-...

-Lorand... ?

-... Je pense toujours à lui. C'est mon frère. Je n'ai pas le droit de l'oublier, ni lui, ni nos souvenirs.

-Il n'est pas nécessaire que tu l'oublies, ou bien que tu renies votre passé commun. Tu dois seulement accepter qu'il ne soit plus parmi nous.

-...

-Penses à ton mariage qui arrive bientôt. Penses-tu que Kolain serait heureux que tu vives ainsi ?

-Je ne sais pas, si je vais me marier. Et en ce qui concerne mon ainé, il penserait sans doute à ses assassins.

      Enra se mit en colère.

-Encore avec cette histoire ?! Quand est-ce que tu comprendras ? Ton frère a été pris en embuscade par des voleurs, son cheval s'est affolé et ils sont tombés dans la rivière.

-Vous me racontez cela comme dans un livre !

-Ce sont les faits. Les responsables ont été pendus, que veux-tu de plus ?

Elle souffla.

-Je veux que ce soit clair, n'évoques plus le sort de Kolain et cesses d'avoir cette attitude d'enfant. Demain, nous nous rendrons à la capitale. Je veux que tu te comportes en homme digne de succéder à la tête de notre famille, et que tu prouves que le roi a bien agi en te confiant sa fille.

        La mère de Lorand regardait sa progéniture l'œil sévère et quitta la pièce en faisant claquer ses chaussures au sol. Le jeune homme maugréa un peu avant de se coucher. Après avoir réfléchi longuement sur son lit. Il devait bientôt se rendre à Walmond pour honorer la future reine.

Bien qu'il ne portait pas cette branche de sa famille dans son cœur, il s'agissait de l'opportunité rêvée pour apprendre ce qu'il voulait à propos de la mort de son défunt frère. C'est le sourire aux lèvres qu'il s'endormit promettant une mort lente et douloureuse à celui qui les avait séparés.

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