Chapitre III : Réponses oniriques (Partie I)


             Il faisait clair. La lumière était blanche, intense et vive. La jeune fille était assise sur son lit. De ses yeux, elle vit ses bras qui se croisaient, en position de défense. Le bruit du vent avait cessé et elle sentit dans son dos une sorte de douceur, qui contrastait avec la sensation du mur de pierre qu'elle avait tantôt derrière elle. Peu à peu, ses yeux s'habituèrent à la lumière.

La lune rouge s'effaça, laissant place au lustre qui pendait au plafond. Le luminaire suspendu tournait légèrement sur lui-même. Les bougies, encore allumées, laissaient dans leur mouvement la trace d'un halo lumineux circulaire. Alors Ereane ressentit une douleur lancinante dans son bras et l'adolescente constata avec soulagement qu'elle était en vie, et seule dans une pièce qui semblait être sa chambre.

              Rien de ce qu'elle avait vu ne s'était passé. Il s'agissait simplement d'un mauvais rêve. Ereane se surprit, encore toute chamboulée par son expérience, face à la vraisemblance de son rêve. Pourtant, elle savait que la soirée s'était bien passée. Elle se souvenait de la bénédiction de l'évêque, de la joie qu'avait eu le roi voyant son héritière enfin adulte - elle avait même été jalouse de sa sœur, d'apercevoir une si belle lueur de bonheur et de voir un sourire si radieux sur le visage de son père.

Elle se rappelait s'être endormie très rapidement après s'être couchée. Dans son songe, elle avait effectué sa journée comme à l'accoutumée. Comme dans la réalité. L'adolescente se rappela alors son entretien avec le roi deux jours plus tôt. Était-ce de cela dont il parlait ? Un rêve qui pouvait paraître réel... 

             Lentement, la princesse se leva de son lit, se dirigea vers la fenêtre et l'ouvrit. Un vent chaud et léger effleura les joues de la princesse. Un vent différent de brise matinale. Après avoir vu les quelques courtisans qui se promenaient dans le jardin, elle constata avec stupeur que le soleil était déjà haut dans le ciel : elle était en retard.

Sans se préoccuper de sa présentation, Ereane courut vers son bain emportant au passage, dans son armoire, la première robe qui se présentait. La jeune fille étouffa un cri : l'eau stagnante de la baignoire, qui avait sans doute été chauffée aux aurores, s'était complètement refroidie. La princesse regretta encore davantage d'avoir tardé au lit. Sept minutes de souffrance dans une eau glacée plus tard, Ereane prit sa robe. Rouge pâle. C'était la robe de réception qu'elle utilisait pour les fêtes.

Après avoir changé d'habits, la jeune fille quitta en hâte ses appartements pour se diriger vers les appartements de son professeur. Un peu anxieuse, la vue des gardes en faction à chaque couloir la rassura : cette fois, elle ne rêvait pas. Il fallut seulement une minute à l'adolescente pour arriver devant la salle de classe.

Cette promptitude, qui aurait pu lui coûter une blessure, lui avait coupé le souffle, mais ne lui permit pas de préparer son excuse. Elle resta quelques instants devant la porte cherchant un motif pour sa défense, avant de se rappeler à quel rang elle appartenait.  


                C'était Pinrati, le premier jour de la semaine. Comme toujours, les enfants de la cour étaient présents au cours de Patrid Lok. Melonie était aussi présente ce jour-là. C'était l'une des rares choses que le roi avait pu obtenir de son esprit têtu et indépendant. L'affaire était la suivante : deux journées de cours obligatoires pour que le roi ferme l'œil sur ses activités, pour le moins...secrètes, mais surtout indignes d'une princesse.

Ces activités de la princesse consistaient à "étudier" les appartements du château. L'adolescente prenait tantôt une affaire, puis la remettait dans la chambre d'un autre, ou alors, elle la jugeait digne d'intérêt auquel cas, elle la gardait. Personne n'échappait à la princesse : gardes, courtisans, cuisiniers...

Toutefois, Melonie se gardait de faire ce genre de pratiques au deuxième étage de l'aile nord du château (la famille, c'est sacré !). Elle s'amusait à créer la discorde parmi les gens de la cour et se félicitait de réussir sans être découverte.

              Mais un jour, la jeune fille prit un objectif trop élevé, et s'empara de documents confidentiels chez un conseiller royal. Il s'agissait du ministre du Trésor, Echil Marka. Le ministre avait signalé le vol ce qui alerta tout le château. Cependant, lorsque l'on retrouva les documents deux jours plus tard, le roi fit arrêter Marka et le fit pendre sur la place publique de la capitale pour haute trahison.

Dans les documents retrouvés figuraient des rapports écrits des réunions du conseil, censées être confidentielles. On dit qu'un domestique avait emmené les documents par erreur avant de les lire et les montrer au roi. Ce domestique fut puni pour son acte de curiosité et renvoyé. En réalité, le roi avait surpris Melonie au moment où elle essayait de remettre les documents à leur place d'origine. Lisant au passage les papiers, le roi découvrit la double identité de son conseiller, le punit, et fit de même pour sa fille en lui imposant deux journées scolaires : Pinrati et le deuxième jour, Mechanor.

               Au début du cours, Patrid Lok n'eut pas à faire de rappel de cours pour Olive Mus, le cancre de la classe. Ce dernier récita, avec l'aide de sa voisine de table Guendolen, sa leçon sur le bout des doigts. La présence de cette dernière semblait le mettre en confiance. Cela était peut-être dû au fait qu'ils soient, tous les deux, les élèves les plus âgés. Ou alors, il s'agissait de l'affection que portait l'idiot pour l'héritière.

                  Guendolen venait en cours seulement le Pinrati et le troisième jour de la semaine, Giusga. Le Mechanor, l'héritière travaillait avec son père. Le Wiganvor, quatrième jour de la semaine, elle s'exerçait à l'équitation et à l'escrime : deux arts qu'il était indispensable de maîtriser pour ne serait-ce qu'espérer affirmer son autorité. Posture, regard, expression du visage, respiration, manière de marcher, moyen de locomotion pour les voyages, gestuelle... Tous ces éléments ne servaient qu'à renforcer son autorité.

Guendolen les étudiait et les mettait en pratique depuis son plus jeune âge. Si, un jour, elle parvenait à tous les maîtriser, elle serait une reine à la fois crainte et respectée. Avec son âme charitable et sa piété innée, elle pouvait déjà être un guide spirituel pour le peuple. A présent, il lui fallait montrer sa capacité en tant que dirigeante à tous les nobles du pays, car, malgré leur insuffisance numérique, ils représentaient la classe la plus puissante de la société.  

                       Le professeur avait déjà commencé sa leçon lorsqu'un bruit sec résonna deux fois derrière la porte. Patrid Lok continua de faire son cours, malgré tout. Il savait qui se trouvait sur le palier et n'était pas décidé à faire entrer cette personne. Au début du cours, il avait été déçu de ne pas voir son élève favorite à sa place habituelle devant lui.

Heureusement, Ereane n'était pas la seule personne intelligente assistant à son cours. Quelques élèves se détachaient du lot et les deux autres princesses, Guendolen et Melonie avaient, elles aussi, quelques facilités avec l'apprentissage, même si la plus jeune n'aimait guère assister aux cours. L'héritière avait d'ailleurs remplacé sa sœur, ce matin. Les élèves, qui eux aussi savaient qui se trouvait sur le pas de la porte, pressèrent le professeur du regard. Lorsque Lok se décida enfin à accueillir la retardataire, la porte s'ouvrit d'elle-même et tout le monde vit Ereane qui se tenait sur le palier. 

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