La Rose
« La vie est une rose dont chaque pétale est une illusion et chaque épine une réalité. »
Depuis qu'elle les avait lus, ces mots ne cessaient de tourner encore et encore dans sa tête tels un refrain, faisant de l'ombre au reste de ses pensées. La première fois qu'elle les avait lus, environ une demi-heure auparavant, elle s'était arrêtée, le cur battant la chamade face à ces mots qui l'avaient heurtée de plein fouet. Elle les avait alors répétés, encore et encore, cette phrase glissant avec une simplicité déconcertante et avec grâce entre ses lèvres, comme si elle les avait toujours répétés, toujours connus. Puis, rapidement, un schéma s'était formé dans sa tête. La vie, aussi délicate qu'une rose, qui se brise si facilement et qui a besoin de tant d'attention pour grandir ; magnifique lorsqu'on l'admire, au loin, mais intransigeante lorsqu'on l'approche.
Tout d'abord, vient ce doux parfum sucré, chaleureux, intrigant. Envoûtant. Cette douce odeur qui vous attire, vous attrape et vous piège entre ses mailles, pour le meilleur et pour le pire. Un parfum malicieux, qui vous chuchote, doucement, au creux de l'oreille, monts et merveilles ; mais qui, au bout du chemin, ne sera plus qu'un vague souvenir, désormais lointain. Qui était-il donc, cet inconnu que j'ai vu ? On ne sait plus. On ne veut plus savoir. Reste pourtant, comme le rire d'un enfant, ce on ne sait trop quoi de merveilleux, porteur de bonnes nouvelles, de rires et de soleil. Le souvenir d'un être aimé. Le souvenir de cet été. Le souvenir de ce temps-là. Puis, vient chaque pétale. Un moment, une personne de notre passé, qui nous avait fait connaître un sentiment si agréable, et bien que plus toujours très limpide, un souvenir néanmoins marqué à l'encre indélébile dans notre mémoire et que rien ne saurait effacer, se battant contre vents et marées. Alors, on se heurte face aux épines qui nous ramènent à la réalité : ces souvenirs-là, trop beaux pour être oubliés sont souvent biaisés, faux. Ils nous remémorent une personne qui a finalement disparu de notre vie, avec plus ou moins de douceur, qui nous amènent au mieux au sentiment doux-amer de la mélancolie.
Et sinon, quoi alors ? C'est le retour sur Terre de l'esprit perdu dans les airs : un secret dévoilé, un mensonge éclaté, décimant au passage ce à quoi l'on se rattachait. Mais il reste le cur de la rose, n'est-ce pas ? Quand l'atteindrons-nous ? Ce cur si tendre et si chaleureux, là où finalement on trouvera sa place, là où les intempéries nous paraîtront moins fortes, plus faciles à combattre. Qu'est-ce que le cur ? Un foyer, un chez-soi, une personne - ou plusieurs -, des souvenirs : les bons comme les (un peu) moins bons ; les pétales et les épines endurées : une forme de test de la Vie, nous incitant à nous battre ? Non. On ne sait pas. Les roses sont toutes différentes, comme le sont les Hommes.
Alors comment réagir ? Le savons-nous, finalement ? Quel était le message ? Le monde était-il à ce point fait de faux semblants ? L'apparence avait-elle autant d'importance ? Pourquoi endurer tout cela ? Et puis, la vie avait-elle réellement un sens ? Pourquoi certaines personnes semblaient-elles trouver un petit quelque chose leur permettant de se battre contre les éléments, là où d'autres ne parvenaient simplement à obtenir quoique ce soit, ballotés dans tous les sens entre illusions et réalités difficiles à avaler ? Un ballet de mascarades toutes plus belles, plus artificielles les unes que les autres ; toujours plus fortes, semblant savoir où taper pour mieux blesser. Ces personnes, doivent-elles abandonner ? Continuer ? Devaient-elles subir les pires vicissitudes que la vie leur offrait ?
Une rose. Si belle. Si dangereuse. Si entêtante, envoûtante, et nous revoilà, retombés dans cet infini ballet, entre mensonges et vérités.
Les fois suivantes, elle avait relu ces si petits mots, pourtant si puissants, telle une personne sous addiction. En si peu de temps, cela avait viré à l'obsession. Oui, les mots étaient une arme puissante, capables d'empoisonner l'esprit du plus saint des Hommes. Alors, dans un sursaut de lucidité, elle referma l'ouvrage en sa possession et alla le ranger sur l'étagère, à côté de ses congénères. Puis, elle retourna s'asseoir sur son canapé et posa ses doigts sur ses tempes. Ne pas sur-réfléchir. Se poser. Respirer. Puis, se lever, marcher. S'arrêter. Recommencer. Se concentrer sur sa respiration. Inspirer. Expirer. Recommencer.
Elle sortit finalement, et se délecta de la sensation vivifiante de l'air caressant son visage. La rose n'avait pas le monopole, elle était peut-être le centre, mais pas la totalité. Et malgré tout, elle pouvait toujours sentir ce très fin parfum, comme une réminiscence, de rose.
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J'ai écrit ça l'année dernière, et après l'avoir réédité pour obtenir cette version, je me suis dit que je pourrais vous la partager ^^
Alors n'hésitez surtout pas à me donner votre avis dessus, que ce soit sur le fond ou la forme, ou ce que vous en avez (ou pas) compris :))
Publié le 21/10/2021
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