Chapitre 11 - Rencontres oniriques

— Hé ! s'écria Milanne. Attends !

Voyant que l'elfe ne l'écoutait pas, la jeune fille s'engagea à sa suite, malgré les cailloux qui s'enfonçaient dans ses pieds nus. Il fallait qu'elle la rattrape ! Comment avait-elle le don de rêver de l'Iracyl ?

Mais son assaillante s'approchait de la brume, bien plus rapide qu'elle. Si elle y disparaissait, jamais Milanne ne pourrait la retrouver. Sans écouter les protestations de ses muscles, elle accéléra la cadence. Les cailloux instables la firent chanceler, mais elle tint bon, le souffle court.

Ce ne fut pas le cas de l'autre elfe, qui trébucha dans la pente de la cuvette. Emportée par son poids, elle dégringola d'un bon mètre avec un cri de surprise. À la grimace de douleur qu'elle afficha, Milanne devina qu'elle avait dû se tordre la cheville. Quand elle s'approcha d'elle, la Dalrenienne leva les mains en signe de paix.

— Je ne suis pas venue pour te faire du mal, déclara-t-elle.

Un rictus carnassier s'afficha brièvement sur les lèvres de l'inconnue, qui se releva. Milanne déglutit, les yeux fixés sur les cailloux au sol. Si l'une des deux avaient quelque chose à craindre, c'était plutôt elle, pas celle qui l'avait agressée avec un simple bout de caillou tranchant.

Pourtant, l'inconnue avait planqué son dos contre la paroi, dans une position de repli. Sa peau pâle et ses yeux d'un bleu glacier indiquaient qu'elle était askanienne.

— E...est-ce que tu es une Dymon ? s'enquit celle-ci.

— Une Dymon ? s'esclaffa Milanne. Bien sûr que non, je suis une elfe. Comme toi.

Mais l'adolescente l'observait toujours d'un air effrayé, comme si elle allait la réduire en morceaux grâce à des pouvoirs magiques.

— Une elfe n'a pas des cheveux violets, répliqua-t-elle en plissant les yeux.

Milanne saisit une de ses mèches, constatant avec effroi que sa teinture avait disparu.

— Ah, ça, lâcha-t-elle. J'ignore d'où ça vient.

Enfin si, elle savait que cela lui venait de sa mère, mais elle ignorait le comment du pourquoi. Son explication ne parut pas satisfaire l'Askanienne, qui s'était baissée pour attraper un caillou. Elle le tenait fermement dans son poing, pointé vers elle. Les muscles de Milanne se raidirent, luttant contre son envie de détaler. Elle aurait dû insister auprès d'Anlin et prendre ses somnifères, fuir cet endroit qu'elle haïssait.

— J'ignore aussi comment tu peux te rendre ici, ajouta-t-elle dans un souffle.

— Je te retourne la question, siffla l'inconnue.

Sur les mains de l'Askanienne, on pouvait voir trois losanges noirs. Elle portait une tunique trop grande pour elle, qui cachait presque son caleçon de grossière facture. Il s'agissait sans doute de ses vêtements pour dormir, si Milanne se fiait à sa propre chemise de nuit.

— Tu es Numarienne, n'est-ce pas ? l'interrogea Milanne.

Son accent ne la trompait pas, c'était le même que celui de sa garde du corps. Si l'inconnue vivait près de la frontière, cela expliquait aussi son hostilité à son égard. Sans doute vivait-elle dans un endroit qui avait été envahi par le Dalren pendant la guerre.

— Je ne suis pas ton ennemie, tu n'as rien à craindre de ma part, voulut la rassurer Milanne.

— Tu oublies un peu vite quelques dizaines de guerres, objecta-t-elle.

— Mais cela fait trente ans que le continent est en paix.

— Jusqu'à ce qu'elle soit brisée à nouveau.

Milanne se mordit la lèvre. C'était son pays qui avait commencé la Guerre de Dix ans, quand la reine Tirina avait vu dans une éclipse de lune le signe favorable à l'invasion de l'Askan. Dias disait que c'était cependant un événement mineur, dont elle s'était servie pour justifier sa soif de nouveaux territoires.

— Va-t'en, cracha l'Askanienne.

— Pourquoi ? s'offusqua Milanne, croisant les bras. On n'est pas dans ton royaume.

Elle laissa échapper une exclamation de douleur quand pour toute réponse, l'elfe lui jeta un caillou à la figure.

— Mais arrête ! s'irrita-t-elle. Par Liha, je ne t'ai absolument rien fait, pourquoi est-ce que tu t'en prends à moi ?

L'Askanienne lui tourna le dos, puis se remit à gravir la pente. Milanne serra les dents, sa vision brouillée par la colère, puis s'élança. Ses mains se refermèrent sur la cheville de la jeune fille – probablement celle tordue, car elle poussa un glapissement qui vrilla les tympans de la Dalrenienne.

L'excuse que Milanne voulut formuler mourut dans sa gorge, devant l'éclair sombre qui jaillit hors de la brume. Son Corps fut balayé vers l'arrière, comme pris dans le souffle d'une explosion.

La lumière disparut pendant une seconde, avant que Milanne ne heurte une surface dure. Le choc l'étourdit quelques instants, mais tous ses sens se mirent en alerte lorsqu'elle recouvra une vue nette.

L'Askanienne et les créatures lumineuses avaient disparu : elle se trouvait dans une immense pièce cubique. Mais Milanne n'était pas seule : des visages d'elfes apparaissaient le long des murs de roche noire, tous aussi différents les uns que les autres. La plupart affichaient une expression de pure terreur, figés.

Un Dymon se tenait devant elle, plus grand qu'un elfe. Ses vêtements – des volutes de fumée noire – flottaient autour de lui, et lui dessinait un capuchon qui plongeait son visage dans l'ombre. Lorsqu'il redressa la tête, elle ne vit qu'un masque d'une blancheur irréelle. Trois yeux peints, écarlate, bleuté, et doré, la fixaient.

Terrorisée, Milanne voulut reculer mais ne rencontra qu'un mur. Pourquoi Anlin n'était-elle pas là, elle qui pouvait la protéger de n'importe qui ? La femme n'aurait pas hésité à se jeter sur la créature. Mais en son absence, la jeune elfe était sans défense.

— Qui êtes-vous ? murmura Milanne malgré sa gorge nouée.

Le Dymon s'approcha. Sa bouche anormale se tordait en un sourire sur le côté gauche, et une grimace sur le droit. Des doigts sombres, à l'apparence squelettique, se saisirent de ses joues. Milanne hurla, tenta de se débattre, mais une odeur de cendre l'asphyxiait.

— Je suis vexé que les elfes m'aient oublié à ce point, répondit la créature d'une voix grinçante. Au moins, cela me donnera bonne conscience pour avaler ton joli minois.

M'avaler ? s'horrifia Milanne. Elle commença à courir même si aucune issue n'était visible à l'horizon, mais s'arrêta net quand le Dymon se déplaça devant elle à la vitesse de l'éclair.

— Il ne sert à rien de lutter : plus tu résistes, plus tu souffriras. Abandonne, tu n'es pas assez forte.

Milanne détourna le regard. Une douleur térébrante traversa son crâne et lui arracha un hurlement.

Tout devint noir. 



Oui, je sais, vous m'en voulez pour cette fin de chapitre, sorry not sorry ;) 

J'espère que votre lecture fut bonne :3

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