Epilogue:
Les lueurs de l'aube traversaient les vitraux et inondaient le couloir marbré d'éclats multicolores. Le silence régnait, insondable et total.
En temps normal, le palais aurait déjà dû commencer à s'éveiller. Mais ce jour là, personne n'était d'humeur à se lever. La défaite hantait les lieux.
La déroute de l'armée Impériale à Quantamoniam avait jeté un froid sur la célébration du couronnement de la nouvelle Impératrice. L'Empire avait gagné une nouvelle souveraine, seulement pour se la faire quasiment enlever le même jour. Cette pensée harcelait chaque esprit: Fen Chun aurait pu mourir.
Mourir comme ses soldats, massacrés par Onyx.
Onyx. Personne ne l'avait vu venir. Même affaibli par le sort des Anges, il restait un adversaire redoutable, terriblement dangereux.
Barrock frissonnait encore en se rappelant les hurlements bestiaux, l'odeur puante du sang et la vue glaçante du Dragon qui s'approchait d'eux, si près qu'il avait pu apercevoir les corps de soldats entre ses crocs, discerner son haleine fétide teintée de fer ou encore sentir le sol trembler sous ses pied...
Non personne n'avait vu venir Onyx. Personne, pas même ceux qui se targuaient de lire le fil du temps.
Le Démon revoyait encore la figure pâle et terrifiée de Fen Chun alors qu'elle avait déboulé dans la salle des Portails, à genoux sur les dalles de marbre blanc, les bras tremblants. Le doute et l'horreur, ces douces émotions qu'il aimait tant normalement, il les avait aperçues dans les yeux de l'Impératrice et n'avait ressentit qu'un malaise atroce.
Car le Temps avait fait faux bond aux Yuuzans. Et il y avait quelque chose de malsain dans ce changement soudain. Les Yuuzans avaient toujours su lire le temps. Toujours. Si ses méandres restaient muets face à eux... Quelque chose n'allait pas. Quelque chose de grave.
Le silence du Palais secoua Barrock d'un tremblement. A présent, il n'était plus sûr de l'apprécier. ll aurait pourtant dû se réjouir: tout se déroulait au mieux selon le plan de son roi.
Et pourtant... Tout ce qu'il voyait, c'était que ce conflit prenait des dimensions inimaginables, qu'il semblait aller plus loin que de simples problèmes et manipulations de mortels, qu'il n'était pas contrôlé par le Diable, mais par des forces qui le dépassaient, des forces qui les dépassaient tous.
Oui, ce qui le terrorisait le plus était de comprendre que Naï'Seck Abaddon n'était pas le roi sur cet échiquier, mais un simple pion entre les mains du véritable maître du jeu.
Peut-être que Fen Chun en était venue aux mêmes conclusions. Cela expliquerait sa fuite enragée dans sa suite, où elle s'était cloitrée avec ses servantes et sa garde rapprochée.
Barrock aurait voulu en faire de même.
Welkim l'en avait empêché.
Le Démon observa le mémorial qui trônait dans un coin de la cours du Palais, oublié de tous et recouvert par la végétation. Sans doute représentait-il une figure mythique et héroïque. Il ne pouvait pas le dire. Elle restait dans l'ombre des murs, là où personne ne posait son regard. Barock ne s'y était jamais intéressé auparavant.
Le vieux Fée de la Nuit n'avait pas regagné sa chambre une fois leur retour au Palais. Non, le Démon l'avait remarqué, qui s'échappait dans le tumulte, discrètement, mais pas assez pour le berner. Et malgré lui, l'intérêt de Barrock avait été titillé.
Il l'avait suivi et l'avait vu s'engouffrer dans la statue à l'abandon, en passant par un passage secret insoupçonnable.
Et depuis, à l'abris derrière une colonne, Barrock attendait que Welkim ressorte. L'attente durait depuis le crépuscule. Le sommeil tirait sur ses yeux. Mais il s'encourageait à rester éveillé: il ne devait pas louper la sortie de Welkim. Car il ne pouvait pas prendre le risque de s'engouffrer dans l'antre du vieux renard alors que celui-ci y était toujours.
Et enfin, sa patience et son travail furent récompensés. Il y eut d'abord un crissement, qui annonça l'ouverture du passage secret, puis la figure de Welkim, qui regarda autour de lui en sortant, le visage sombre, mais les yeux pleins d'un plaisir qui dérangea Barrock, plus que jamais tapi contre sa colonne protectrice.
Le vieux Conseiller se faufila en silence à travers les jardins, disparaissant dans l'aube naissante tout en jetant des coups d'œil par dessus son épaule.
Le Démon attendit de longues minutes avant de passer à l'action, pour être sûr que Welkim ne revienne pas sur ses pas. Un brouillard, si habituel en cette période, se levait et envahissait les jardins, comme pour l'accompagner dans sa mission.
Doucement, il parvint jusqu'à la statue, son attention focalisée sur le mécanisme caché. Il tâtonna à travers la végétation et sur la pierre glacée, là où il avait vu Welkim s'affairer. Les sourcils froncés, il espéra qu'il n'y avait rien de magique là-dessous: il était foutu sinon. Mais la peur ne lui étouffa pas le cœur. Il avait trouvé un but, aussi futile qu'il soit, et il irait jusqu'au bout dans cette action. C'était le peu de sens qu'il lui restait s'il ne voulait pas perdre la tête.
Il resta surprit en sentant un creux sous ses doigts, recouvert de reliefs qu'il identifia comme des runes. Il appuya en retenant son souffle, prêt à rencontrer la Mort s'il y avait là une protection contre des intrus.
Un déclic retentit, suivi du crissement familier de la pierre. Là, dans la roche de la statue, juste sous les yeux de Barrock, une pan de pierre coulissa, qui révéla un escalier obscur qui s'enfonçait dans les tréfonds du Palais. Un souffle glacial s'échappa et une odeur de poussière lui envahit les narines.
Sans même regarder derrière lui, Barrock s'engouffra à l'intérieur.
Il entendit le passage se refermer derrière lui, avec ce même crissement sombre, et préféra ne pas songer que s'il ne trouvait pas le mécanisme pour sortir, il resterait bloqué ici. Non, son esprit était ailleurs. D'un claquement de doigts, il invoqua une flamme qui vola devant lui, éclairant les marches auréolées de ténèbres et les toiles d'araignées qui pendaient au plafond.
Il resta un moment à contempler les marches qui s'enfonçaient dans les entrailles de la terre. Et avec une grande expiration, il entama la descente.
Le passage devait être vieux, et il se demandait qui l'avait construit, quand, pourquoi et comment il avait pu rester inconnu si longtemps. Au fond de lui, quelques réponses trouvèrent leur chemin jusqu'à sa raison, mais aucune ne le satisfit réellement. Il y avait encore trop de trous et de mystères pour qu'il se fasse une idée claire sur le sujet.
Ces réflexions l'accompagnèrent tout le long de sa route, et il fut soulagé de les avoir pour ne pas penser au chaos qu'était désormais sa vie. L'écho de ses pas et de sa respiration furent aussi de bons compagnons.
Ainsi, il descendit pendant longtemps. Il n'aurait pas su dire combien de temps les marches défilèrent sous ses pieds, mais quand il arriva au bout, ses jambes le faisaient souffrir et il avait le souffle court.
L'air se refroidit et il resta sans voix face à ce qu'il venait de découvrir.
C'était une cavités immense, plongée dans un noir d'encre, que même sa flamme n'arrivait pas vraiment à transpercer. Un silence intense et pesant gardait son emprise sur le lieu. Un silence comme il n'en avait jamais connu et qui lui donna de longs frissons.
Il prit une inspiration violente, qui résonna dans la cavité, en apercevant les contours d'une tombe, qui trônait au centre du lieu.
Un mausolée.
Comme possédés, ses pieds le menèrent vers la tombe. Il tremblait de tout son corps désormais, et il ne pouvait dire si c'était à cause du froid, qui se faisait plus mordant à chaque pas, ou à cause de la terreur, qui plantait ses griffes acérées dans son torse à mesure qu'il s'approchait. L'ambiance était funèbre, et l'écho de ses pas funeste à ses oreilles. Il se sentait en danger, comme si des monstres se tapissaient dans l'obscurité, la lueur vacillante de sa flamme insuffisante pour les sonder correctement. Pourtant, il se savait seul: c'était la pression des ténèbres qui l'influençait. Mais le moindre petit son, qui devenait un vacarme assourdissant dans la cavité, le faisait sursauter.
Après une traversé laborieuse, il atteignit la tombe, un rectangle de pierre dénué de tout ornement, révélé sous la pâle clarté de sa flamme.
Imperceptible, une aura en émanait. En de fins filaments, elle venait empoisser l'air, malsaine et sombre. Il la sentait s'enfoncer dans son cœur et y implanter des piques d'angoisse. Il mit la main à la poitrine. La sueur coulait dans sa nuque.
"Par le Mal Suprême.", chuchota-t-il.
Son murmure résonna dans la cavité, amplifié par le silence. A ses mots, l'aura se fit légèrement plus forte. Barrock lâcha un gémissement.
Il aurait aimé faire demi-tour, mais une curiosité morbide anima sa main, qui se posa sur la dalle qui gardait la tombe fermée. La texture rugueuse et glacée de la roche lui arracha un nouveau gémissement. Ses yeux se posèrent sur une inscription, gravée dans la pierre et qui lui avait échappé.
"Celle qui loue Son nom et attend Son appel.", lit-il à voix haute.
L'envie de retirer sa main l'enflamma. Pourtant, la seconde vint rejoindre la première. Avec une poussée, il fit glisser la dalle, qui s'écarta dans un frottement lourd.
Comme un monstre retenu prisonnier trop longtemps, l'aura jaillit hors de sa cage de pierre pour l'assaillir. Une aura monstrueuse, envahissante, écrasante, malsaine et sibérienne. Il se plia en deux, les tripes tordues par la nausée. Il dut couper tous ses sens à la magie pour ne pas s'évanouir.
Pendant un instant, seul l'écho de son souffle paniqué résonna dans la chambre. Puis, il reprit le contrôle et avec une appréhension instinctive, osa jeter un coup d'œil dans la tombe.
Son sang se glaça dans ses veines.
Une femme, vêtue d'une tunique immaculée, reposait sur des coussins de velours écarlates. Ses longs cheveux dorés coulaient sur ses épaules et sa poitrine, en brillant de reflets féroces. Son visage sévère semblait prit dans le marbre: laiteux, les lèvres pulpeuses d'un rouge sanglant, les joues musclées et les pommettes saillantes, des cils ombrageux et épais. Ses mains, des serres aux poignards acérés, étaient croisées sur son ventre. D'une immobilité crispée, elle paraissait morte.
Une véritable beauté, ensorcelante et terrible.
Mais Barrock savait ce qui se cachait derrière une telle façade.
La tombe, l'aura, sa présence en ces lieux: ses pires craintes se concrétisaient.
Pas morte, non, mais un monstre en hibernation qui attendait de se déchainer.
Il avait entendu suffisament d'histoires pour savoir dans quel lieu il se trouvait: l'antre d'une arme parfaite.
L'antre d'un Désastre.
Et se fut comme si un abyme sans fond s'ouvrait sous ses pieds lorsqu'il vit que le Désastre n'était plus si immobile qu'auparavant. Ses lèvres s'entrouvraient pour prendre une inspiration saccadée et ses yeux s'agitaient sous ses paupières.
"Fascinante, n'est-ce pas ?"
Barrock se figea, le dos tendu. Il s'était laissé surprendre, trop absorbé par l'horreur.
Cette voix râpeuse, accompagné d'un rire doux...
"Welkim.", lâcha le Démon en se retournant, laissant de côté sa terrifiante découverte.
Et effectivement, le vieux Fée de la Nuit lui faisait face, avec ce petit sourire de grand père. Une expression trompeuse. Son aura, à cet instant, était écrasante. Soudain, Barrock trouva qu'il y avait quelque chose de tordu dans son sourire. Une touche de dangerosité grotesque et d'amusement cruel.
"Je me disais bien que j'étais suivi.", déclara nonchalamment Welkim, en faisant quelques pas vers Barrock.
Le Démon le fixa en silence, sa main allant à sa ceinture, là où se trouvait une dague. Le sourire du vieux Conseiller se fana sur ses lèvres. Une dureté carnassière miroitait dans ses yeux rouges. Les doigts de Barrock tremblèrent sur sa dague.
Et alors que son regard filait vers la sortie à l'autre bout de la salle, tout en évaluant ses chances d'y parvenir, une main surgit sur son épaule, pour le clouer sur place dans une emprise déchirante. Un souffle retentit derrière lui, sec et épouvantable.
Le regard de Welkim passa dans le dos de Barrock et un rictus animal dévoila ses dents.
"Je crois qu'il est temps d'avoir une petite discussion, Démon."
Note:
Eh oui, je vous laisse sur cette fin :p ! Est-ce que je suis affreuse ? Très certainement ahah !
Oui, notre cher Barrock est dans la merde jusqu'au cou c: ! Je voulais terminer en beauté sur cette dernière révélation, en terminant comme j'avais commencé, c'est-à-dire avec ce personnage :) ! La boucle est vraiment bouclée cette fois !
J'espère que cet épilogue vous aura plu ! J'aurais aimé davantage accentuer le côté morbide et sombre de ce passage, mais je crois bien que ce ne sera pas possible pour ce week end (je suis débordée, et c'est tout juste si je vous le sors maintenant. Je n'étais d'ailleurs pas sûre de le poster ce week end, pour vous dire !). J'espère faire mieux pour la réécriture :D !
Et vous, qu'avez-vous pensé de cet épilogue :) ?
Je dédie cet épilogue à une amie qui se lance sur Wattpad, @Alundar avec Chroniques de Mile Storàn, une histoire d'heroic fantasy à laquelle je suis déjà accro ahah ! N'hésitez pas à aller y jeter un coup d'œil :) !
Bon, maintenant, je vais jouer des violons, mais la situation le mérite !
Avec cet épilogue, c'est la fin de cette version. C'est la première fois que je termine un ouvrage de cette taille (que je termine un ouvrage tout court, en fait). C'était un peu une sorte de défi, et même si j'ai eu envie de la laisser tomber pour la réécriture, j'ai choisi d'aller jusqu'au bout.
Donc, c'est avec une grande émotion que je peux enfin le dire: cette version du tome un est terminée. Avec une grande fierté, je vais pouvoir mettre l'onglet "terminée" sur cette histoire.
*fait péter les conffetis et la bouteille de champagne*
J'ai écris le prologue en automne de 4ème et je suis maintenant en hypokhâgne. J'ai commencé à publier la Révolte des Dragons en automne de première et au bout de deux ans, voilà où nous en sommes. Quand je réfléchi e à tout le chemin parcouru, aux rencontres que j'ai faites, à l'expérience que j'ai gagné, j'ai le cœur gros. Cette aventure, c'est aussi un peu la vôtre, car parmi vous, il y a des lecteurs de longues dates. Je ne sais pas comment vous remercier, tous autant que vous êtes, pour le soutien que vous m'avez apporté durant l'écriture de cette version. Car en lisant, votant ou commentant, vous m'avez beaucoup aidé. Donc, merci, vous ne pouvez pas savoir à quel point ça me fait chaud au cœur de vous avoir.
Maintenant, je vais partir dans une autre aventure: la réécriture. Je ne sais pas pour combien de temps j'en aurais, mais je sais en tout cas que je ne vais pas lâcher l'affaire ahah ! Pas de crainte, vous finirez par avoir la suite ! Pour ceux qui auraient peur de relire la même histoire, mais avec une écriture différente, je tiens à les rassurer: il y aura énormément de changements et d'ajouts que je n'ai pas voulu mettre dans cette version. Les personnages seront les mêmes, l'histoire de base sera la même, mais ce ne sera pas la même. Walla.
La réécriture ne sortira cependant pas tout de suite. Je me prévoie au moins une pause de 6 mois pour bien planifier tout ça, et selon mes études, peut-être que cette pause sera plus longue. Mais je ne veux pas vous abandonner, donc sachez que je continuerai de poster des nouvelles quant à mon avancée dans la réécriture sur cet ouvrage. J'aurais aussi besoin de votre avis sur quelques points, et je vous mettrai donc à contribution :).
Maintenant que cette versions de La Révolte des Dragons est terminée, qu'en avez-vous pensé :) ? Quels sont vos moments préférés ? Ceux que vous n'avez pas aimé ? Vos personnages favoris ? Ceux que vous ne pouvez pas vous blairer ? N'hésitez pas à me faire part de vos avis en commentaire :D !
Je vous fais un gros bisous, et je vous dis à très bientôt pour des nouvelles sur la réécriture !
Ps: Merci merci merci merci merci merci |insérer une infinité de "merci"| à vous tous <3 !
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