Avant de commencer, j'aimerais dédier cette partie  de chapitre à trois de mes lecteurs les plus assidus:@whitevador , @Denescor, @Hudren. Pour Whitevador et Denescor: ne lisez pas plus bas ahah ! Oh vous allez vous spoiler sévère ! Mais je me devais de vous dédier cette partie, comme je sais que ça vous obsédait (*wink wink*). J'espère qu'elle vous plaira ! Gros bisous à vous trois !

Ces yeux rouges vifs, qui brûlaient ou saignaient -elle n'aurait pas vraiment su le dire-, tenaient son regard d'une prise ensorcelante.

Drakaïs pouvait encore percevoir la fête au loin. La musique qui résonnait, distante; les cris de la foule qui continuait de festoyer, toujours aussi animée; le jeu des lumières qui illuminait la cité, la faisant resplendir comme une gemme perdue dans le noir.

Mais elle se focalisait sur Onyx.

Le vent fit valser ses boucles rousses et elle les écarta d'un geste agacé. Elle en profita pour couper le contact visuel, envahie par des émotions qu'elle n'arrivait pas à contrôler totalement.

Peur, excitation et euphorie.

Elle continua d'avancer dans la rue vide de Quantamoniam, s'arrêtant sur l'écho de leur pas. A ses côtés, le Dragon Ancestral se tenait droit, les mains dans les poches: détendu. Elle pouvait sentir son regard sur elle. Son regard reptilien, enflammé ou ensanglanté. L'image ne voulait pas la quitter. Elle fronça les sourcils.

Ils avaient quitté l'agitation de la fête pour s'isoler. Les regards curieux les avait suivi un instant, et ils s'étaient engouffrés dans les ruelles de Quantamoniam pour s'y soustraire. Elle était incapable de dire où ils se trouvaient.

Un petit rire, grave et sombre, la figea sur place. Elle resta plantée dans la rue, avec Onyx qui continuait son chemin. Son dos s'éloignait et elle le voyait secouer la tête, dans un geste qu'elle trouva rempli de cette affection bourrine qu'elle lui connaissait.

Une bouffée d'amour la traversa, accompagnée d'une vague de nostalgie.

L'irritation les engloutit aussitôt.

Amour, nostalgie... Incompréhensible.

Elle chercha à se dire que ces émotions venaient de Rubis, étrangement apathique dans son esprit, mais ne fut pas satisfaite de cette réponse.

Onyx remarqua sa soudaine immobilité et s'arrêta à son tour, pour lui jeter un coup d'œil.

"Alors quoi ? T'avais l'air plutôt motivée tout à l'heure. Et maintenant, tu joues à la statue ?"

Le ton était dur et sa voix grave, aux sonorités désagréables et sifflantes.

Mais pourtant, Drakaïs sentit un sourire ému poindre sur ses lèvres. C'était plus fort qu'elle: elle était heureuse. Elle en pleurait presque.

Son cœur faisait des bonds dans sa poitrine quand elle regardait Onyx et qu'elle réalisait qu'elle l'avait enfin retrouvé.

Elle fit quelques pas chancelants vers lui et il l'observa faire sans un mot et sans expression, si ce n'est le nez froncé. Arrivée près de lui, elle leva ses mains vers son visage, tremblantes. Elle se stoppa en chemin, tout à coup glacée par son geste.

A quoi est-ce qu'elle jouait ?

Elle sursauta lorsqu'Onyx lui prit les mains, pour les poser sur ses joues rasées.

"Là, fit-il, ronchon. Je suis là, tu vois ? Pas la peine d'en pleurer, idiote."

Les larmes coulaient sur ses joues et elle s'écarta, surprise de ne pas les avoir senties plus tôt. Elle les essuya avec rage, confuse.

Son comportement n'avait aucun sens.

La joie portait sur son cœur une emprise féroce et l'amour irradiait aussi dans sa poitrine. Stupide et illogique: c'était la première fois qu'elle parlait à Onyx. Pourquoi de telles émotions ?

"Pourquoi est-ce que j'ai l'impression de vous connaître ?", demanda-t-elle soudain.

Onyx soupira, ennuyé. Il leva la tête vers le ciel et soupira une nouvelle fois, son souffle apparaissant dans le froid environnant.

"Seth est vraiment un petit con.", marmonna-t-il pour lui même. Puis à elle, énervé: "Ils ne t'ont rien dit, hein, ces salopards ? Qu'est-ce qu'ils font chier à retarder autant les choses..." Il se tourna vers elle, le visage soudain allumé d'une vivacité exaspérée. "Il faut que tu saches que je n'étais pas d'accord. Je ne voulais pas que l'on te garde autant dans le noir. Non, je n'étais pas d'accord avec eux. C'est stupide, de te cacher autant les choses. Stupide et dangereux. Ils pensent que tu n'es pas prête, mais la réalité, c'est que l'on ne peut jamais être prêt pour ce genre de chose."

Drakaïs lui prit le bras, soulagée de voir qu'il en venait enfin à ce qui l'intéressait.

"Non, ils ne m'ont rien dit. Rien. Et je veux savoir."

Elle s'agrippa à son bras avec la force du désespoir. Onyx l'examina un instant et soupira encore. Il lui tapota la tête gentiment.

"Ah, quelle merde..."

Et il reprit sa route.

Drakaïs se mordilla les lèvres. Quoi ? C'est tout ? "Merde"?

"Et quoi, "merde", ça veut dire "oui, je vais t'expliquer" ou "non, débrouille-toi"?", siffla-t-elle en se mettant à sa hauteur, l'allure vive et furieuse.

Onyx lui adressa un vague coup d'œil et sourit. Un sourire amusé et tendre.

"A toi de me le dire: t'as toujours été mieux placée que moi pour savoir ce que mes insultes signifiaient."

La Draconique grogna. Non, pas seulement amusé et tendre. Moqueur, aussi. Elle s'arrêta encore, hors d'elle.

"Va te faire foutre ! Tu es comme les autres !", cria-t-elle finalement, tremblante.

Onyx haussa un sourcil, peu impressionné.

"Ah non, arrête, je suis pas d'humeur pour ça.", gronda Onyx.

Et il reprit sa route, en continuant à parler.

"Mon petit fils me déteste. Bon, tu me diras, c'est normal, j'ai agi comme le dernier des salopards... Oui, Drakayn me déteste, mes gosses doivent me détester aussi, et je viens de passer la soirée à supporter la présence de l'autre enfoiré démoniaque... J'ai pas besoin que tu viennes me faire chier à ton tour."

Ce fut plus fort que Drakaïs, elle explosa et sa langue parut comme possédée:

-Avec une attitude pareille, ce n'est pas étonnant qu'il te déteste: t'as toujours été un sale con qui ne pense qu'à sa petite gueule.

Aussitôt après, elle mit la main devant sa bouche, les yeux écarquillés. Par les six ! Les mots lui avaient échappé ! Non... C'était comme si... comme si une autre parlait à sa place.

Elle crut défaillir lorsqu'elle comprit ce qui se passait.

Rubis.

"N'essaye même pas de prendre le contrôle de mon corps !", hurla dans son esprit la Draconique.

La Dragonne Ancestrale ne se manifesta pas. Etrange... Drakaïs la chercha dans son esprit, mais ne perçut rien. Elle fronça les sourcils, perdue.

Un reniflement amusé la tira de ses pensées.

"T'es tellement paumée... Vraiment, non, tu me fais pitié va." Il prit une voix mielleuse. "Pauvre petit Dragonneau, qui ne sait pas quoi penser de toutes ses émotions et qui se fâche toute rouge quand on lui cache des choses..." Il secoua la tête et roula ses yeux vermeils. "Ah, non, pire que la dernière fois..." Et en murmurant:" Je te jure, ce que je ne ferai pas pour toi, vieille conne..."

Drakaïs se contenta de le dévisager, absolument perdue par ses paroles. Par les Six, qu'est-ce qu'il entendait par "la dernière fois" ?

Un abysse se forma dans ses tripes.

"Tu sais ce qu'est un Dragon Ancestral ?", l'interrogea-t-il en croisant les bras sur son torse.

L'image d'un Dragon gigantesque lui traversa l'esprit, suivie d'une ville détruite et d'une armée décimée par un orage d'éclairs pourpres

"Les plus puissants de leurs races ?", argua-t-elle.

Onyx ricana.

"Ah, c'est vraiment trop mignon... et naïf. Non, dis-moi, quoi d'autre ?" Il marqua un temps. Elle ne répondit rien."...quoi, sérieusement ? C'est tout ?"

Elle resta silencieuse et baissa le regard. Ne pas s'énerver, ne pas s'énerver, ne pas s'éner_

"Bordel, je comprends mieux pourquoi t'es aussi paumée si c'est tout ce que t'as à me dire.", se moqua-t-il.

Oh, qu'il aille se faire foutre !

"La ferme ! siffla-t-elle en s'approchant de lui pour lui taper le torse du doigt. Moi, je comprends mieux pourquoi tes relations avec ta famille sont aussi mauvaises !"

Onyx emprisonna son doigt dans sa main et lui montra les dents.

"Coup bas, ça. Vraiment sale de ta part.", la réprimanda-t-il.

Drakaïs montra les crocs à son tour.

"Ah pardon, aurais-je blessé le Grand Onyx ?", le nargua-t-elle, acide.

Il rit sèchement.

"A d'autres." Il lui secoua le doigt gentiment. "Mais toi, tu reste toujours aussi ignorante. Alors, tiens-toi tranquille si tu veux avoir tes réponses."

Elle s'exécuta, mais maugréa quelques jurons au passage.

"Tu sais pourquoi on nous appelle Dragons Ancestraux ? commença-t-il doucement. C'est parce qu'on est vieux comme le monde. On a tout vu, la destruction et la création de mondes: tout. Pourtant, on est pas immortels; on crève comme tout le monde. Non... On est pas immortels, mais ça s'en rapproche: on se réincarne."

Tout à coup, sa bouche s'assécha et elle se mit à trembler.

Réincarnation. 

La panique s'insinua dans ses veines, brûlante et ébranlante.

Il la prit par les épaules, comme pour la ramener sur terre.

"On a des œufs, tu vois... A chaque fois qu'on se réincarne, il y a un œuf de rechange, qui contient une sorte d'enveloppe vide. A notre mort, notre âme s'y incarne et l'œuf éclos. Mais on renait à un stade de nourrisson. C'est la phase dans laquelle on est les plus fragiles, physiquement comme mentalement. Alors on veille sur nous. Physiquement, ça peut être notre harde ou l'un d'entre nous. Prend Topaze et Saphir par exemple: quand l'un crève et que l'autre est en vie, c'est toujours celui qui reste qui s'occupe de protéger l'autre, le temps qu'il devienne fort. Mais mentalement..."

Il s'arrêta, cherchant ses mots.

"Mentalement, c'est un peu différent. Quand on se réincarne, on garde tous les souvenirs de nos vies précédentes." Il pointa sa tempe. "Là dedans, là, c'est comme une bibliothèque. Tout y est." Il écarta les cheveux roux de Drakaïs, pour lui dégager le front. "Mais quand on est au stade de Dragonneau, c'est trop d'informations. On est encore trop jeune pour pouvoir les supporter. Ca peut nous rendre fou. Ca m'a un peu rendu fou, parfois. Alors, on les met sous bonne garde."

Il lui caressa le front du pouce, l'air songeur. Drakaïs tenta de s'accrocher à sa présence, pour ne pas s'écrouler sous les nouvelles. Petit à petit, ses mots formaient un puzzle au dessein vague et obscur.

Tiraillée; elle voulait à la fois voir le puzzle terminé  et se cacher dans un coin, la tête enfouie dans les jambes et les mains sur ses oreilles.

Elle aurait voulu continuer à vivre comme si de rien n'était.

Mais difficile de continuer à vivre comme si de rien n'était, lorsqu'une Dragonne Ancestral habitait son esprit et qu'autour d'elle, le monde semblait partir dans tous les sens.

"Quand on se réincarne, on reste la même personne." Il se frotta les cheveux, les lèvres serrées. "Enfin, on reste la même personne dans le sens où lorsque je pense au moi d'hier, je sais qu'il s'agit de moi, tout en étant différent de mon moi actuel." Il fronça les sourcils. "Ah, j'ai jamais aimé toute cette merde philosophique... Foutu Seth... Ce con l'expliquerait bien mieux que moi. Tu comprends ce que je veux dire ?"

Machinalement, Drakaïs hocha la tête.

"Bien, fit-il avec un soupir. A chaque réincarnation, il y a comme des échos de nos "moi" précédents. Certains peuvent être plus forts que d'autres. Notamment celui de la vie précédente." Il lui tapota le crâne. "Il traine là-dedans aussi, lové dans notre esprit, à veiller sur notre petite bibliothèque, pour éviter le débordement d'informations. Et il nous sert de guide. On est paumé au début: il nous aide à y voir plus clair. Parfois, il peut prendre le contrôle de notre corps, pour nous sortir d'une mauvaise situation." Il eut une petite grimace. "Je t'avoue que c'est pas la meilleure des expériences... Bref. L'écho, lui, il finit par disparaître, si je peux dire. Disons qu'il finit par se mêler à notre inconscient, à retrouver sa place. On peut toujours faire appel à lui si besoin. C'est un peu comme se parler à soi-même." Il rit un instant. "Ouais, c'est vraiment quelque chose de particulier. On appelle ça l'Eveil: les portes de la bibliothèque nous sont ouvertes."

Drakaïs ne réfléchissait pas. Elle entendait et comprenait, mais les mots ne voulaient pas totalement prendre sens.

"Pour Rubis... Pour Rubis, c'était plus compliqué encore. Quand elle a tenté de me sauver, elle est tombée droit dans le piège du Chaos." Onyx enfonça ses griffes dans la peau de la Draconique. "Ce sont les Anges qui gardent nos œufs, en signe de coopération. De paix. On leur avait passé nos œufs. Donc, quand Rubis est morte, c'étaient les Anges qui avaient son œuf. Et elle ne voulait pas retomber dans leurs pattes. Pas alors qu'elle les savait alliés, d'une quelconque façon, au Chaos."

Une migraine pointa dans son esprit, vicieuse et brûlante. Elle fronça les sourcils,  restant toujours interdite. Tout se mélangeait. Tout allait trop vite. Le gouffre de la vérité était revenue devant elle, et elle avait un pied dans le vide.

"Alors elle a cherché une autre enveloppe pour se réincarner. Elle a pris ce qui lui tombait sous la main. Je ne peux pas trop te dire ce qui s'est passé entre temps, mais elle n'a pas trouvé la bonne enveloppe du premier coup. Elle te l'expliquera mieux que moi, je pense. Je sais qu'elle a poursuivi le Chaos et qu'il a continué à l'éliminer. Je sais qu'elle a fait quelques affaires avec Seth et les autres. Mais elle finissait toujours par mourir. Elle était trop faible après tout. Et les enveloppes n'étaient pas les bonnes. Et puis, finalement, elle a fini par trouvait celle qui irait: une Draconique."

Elle se sentit vaciller au bord du gouffre, déséquilibrée. La chute était imminente. Ne restait plus qu'une petite poussée.

"Je ne comprends pas.", lâcha-t-elle, la voix atone.

Oui, plus qu'une petite poussée, et ce serait le grand saut.

Onyx parut agacé et marmonna dans sa barbe, avant de reprendre plus clairement:

-Drakaïs... Rubis, toi... Vous êtes la même personne. Tu es une Dragonne Ancestrale.

Il ne lui en fallut pas plus.

Elle tomba dans le vide.

Note:

Bonjour à tous :D !

Je reviens avec une petite partie (j'ai essayé de l'étoffer, mais en même temps, elle est surtout là pour ça, et j'allais pas tourner davantage autour du pot)!

Et pas des moindres !

Bon, j'ai pas envie de dire que c'est LA GRANDE révélation, parce que perso, je trouve que c'était cramé ahah et que je ne suis pas contente du rendu du passage.

Mais voilà, maintenant, vous savez. J'ai mis des indices tout le long de cette version (peut-être trop, lol ?), j'ai essayé de rester vague tout en ne voulant pas faire ma rétentrice d'informations, mais voilà.

Bref.

Du coup, j'attends vos impressions avec impatience.

Il reste encore des choses à dire, des questions sans réponses, donc l'affaire n'est pas terminé. Mais enfin, vous savez ce qu'il se cache derrière ce mystère et pourquoi tous les autres faisaient tant de chichis avant.

Aussi ! J'ai beaucoup aimé écrire Onyx dans cette partie ahah ! Il est tellement rustre... je l'adore lol ! J'ai à la fois envie de le tarter et de lui faire un gros câlin pour lui donner un peu d'amour (#GiveSomeLoveToOnyx)!

Bon, j'arrête mes conneries, j'espère que cette partie vous aura plu et qu'elle aura éclaircie certains points ! Merci à tous ceux qui ont voté et commenté, ce soutien est un véritable baume au cœur <3 ! Je ne pourrai jamais assez vous remercier !

Gros bisous et à la prochaine, pour la dernière partie du chapitre 39, qui sera beaucoup plus consistante que ça !