Chapitre 32:
« Merde. », souffla Drakayn, sa main encerclant avec fermeté la garde de sa lame, qu'il tenait devant soi.
Merde, en effet.
Le reste de l'armée attendait le signal pour pouvoir lancer l'assaut en toute sécurité. Mais avec l'arrivée de Trei Kinger et son escouade, l'opération allait être retardée.
Et il restait la question suivante : la présence de Trei signifiait-elle qu'ils étaient découverts ?
Mais pas le temps de réfléchir plus. Déjà, Firma lança une de ses dagues vers Trei, qui l'esquiva d'un mouvement leste de l'épaule.
Il n'en fallut pas plus pour engager le combat.
Pas de bla bla inutile.
Drakayn vit Drakaïs, l'expression sévère, se jeter sur un homme venant à sa rencontre, vive comme l'éclair et impardonnable dans ses attaques. Il la perdit cependant de vue pour se focaliser sur son premier adversaire, qu'il rejoignit en quelques pas rapides.
Son épée fendit l'air avec célérité et puissance, se faufilant dans le trou de la garde de l'homme, lui coupant le torse de bas en haut. Le sang gicla, telle une rivière écarlate, l'aspergeant d'une gerbe vermeille.
L'ennemi n'avait rien pu faire.
Et c'était le but.
Aux tréfonds de son esprit, Drakayn savait que la situation était critique. Qu'il devait se battre avec fureur, chercher à tous les tuer, quel qu'en soit le prix.
Il savait qu'il devait appliquer les règles de la guerre démoniaque : déchiqueter, brûler, détruire.
La sûreté de l'assaut, ainsi que leurs vies, étaient en jeu.
Il aperçut rapidement Fergon, qui lui aussi, se battait avec rage. Son ami virevoltait, enchaînant les acrobaties avec vivacité et dextérité. Il assenait une pluie de coups sur la femme qu'il affrontait, et elle peinait à les esquiver, comme le prouvaient les multiples plaies qui décoraient son corps.
Drakayn ne se faisait aucun souci pour son congénère.
Il fit un pas sur le côté, évitant un poignard meurtrier, qui tomba au sol avec un son clair. Il reporta son attention sur l'attaquant, un léger sourire prenant forme sur ses lèvres en voyant ses oreilles, légèrement pointues : le descendant d'un Elfe.
Le combat serait difficile.
Et donc, intéressant.
D'un geste aérien, il abaissa son arme vers le Chasseur, qui le para de la sienne en un fracas crissant.
Drakayn laissa un rictus mauvais glisser sur son visage, ses yeux se teintant d'une couleur pourpre tandis qu'il les plongeait dans ceux du demi-Elfe.
Intéressant, oui.
Mais Drakayn n'avait pas le temps de jouer.
Utilisant toutes ses forces, il repoussa le demi-Elfe, qui reprit cependant vite son équilibre.
Trop tard, pourtant.
Drakayn, d'une petite pirouette, se plaça aux côtés du Chasseur. Fusant comme une vipère sur le point de mordre sa proie, sa main libre fila sur celle de l'homme, emprisonnant alors son poignet dans son poing féroce. Aussitôt attrapé, Drakayn y exerça une violente pression et sentit un craquement sinistre sous ses doigts, suivi par un cri de douleur.
Et Drakayn n'en avait pas terminé.
Car une fois son poignet brisé, le demi-Elfe lâcha sa lame. Réactif, le Démon l'attrapa au vol, et faisant face à son adversaire, croisa ses épées en une attaque mortelle, décapitant le Chasseur d'un coup vif et précis. Sa tête sauta dans les airs et son corps tomba au sol mollement, un geyser de sang coulant autour de lui par la même occasion.
Le Démon observa un instant sa seconde épée. De bonne qualité. Mais Drakayn n'avait jamais vraiment su se battre avec deux armes à la fois.
Il la planta dans le cadavre.
« Drakayn, baisse-toi ! », lui hurla Fergon.
Saisissant l'alarme dans l'ordre de son ami, le Démon l'écouta aussitôt.
Il avait bien fait.
Une boule de feu, ardente et rougeoyante, jaillit juste au dessus de sa tête pour percuter un homme, qu'il n'avait pas remarqué, et qui s'apprêtait à lui porter un coup.
D'un saut agile, le Démon se releva, et offrit un bref hochement de tête à Fergon. Mais l'autre Draconiaque était trop occupé pour le voir. Cette fois, Fergon combattait un Magicien. Et son ami préparait déjà un autre sort, ses doigts s'agitant avec frénésie dans l'air ; sa bouche articulant des formules complexes. A ses côtés, Enzo surveillait ses arrières, tailladant un autre Chasseur, qui se défendait du mieux qu'il pouvait sous les assauts rusés et fourbes du Yuuzan.
Enzo était une vraie saleté lors de ses combats. Le pire. Pas particulièrement fort, c'était par son esprit qu'il se démarquait. Il trouvait les points faibles d'un simple regard et les titillait jusqu'à ce que son adversaire fasse un écart, mortel.
Fergon était entre de bonnes mains.
Drakayn, du coin de l'œil, aperçut la chevelure de feu de Drakaïs, qui combattait dos à dos avec Sin, un corps déjà aux pieds de la Draconique. Sin, lui, semblait également se débrouiller, et avait pris son apparence reptilienne, aux écailles d'un vert clair, l'expression concentrée.
Bien.
Pas le temps de reprendre son souffle.
Balayant la salle du regard, Drakayn aperçut Firma affronter deux Chasseurs en même temps ; une femme et Trei Kinger. L'assassin esquivait leurs attaques avec félicité et célérité, mais ne pouvait pas toutes les éviter, récoltant alors quelques estafilades sur ses bras et sur son torse.
Mais les blessures que le Mercenaire Sanglant recevait, il les rendait au centuple. Avec son style de combat unique, qui mélangeait épée courte et dague, Firma était incroyablement dangereux. Drakayn, en avançant vers lui pour l'aider, le vit donner un méchant coup de pied dans le ventre de la femme, afin de porter une attaque prompte et brutale à Trei.
Drakayn sourit.
Firma était diablement puissant.
Il se porta à sa hauteur rapidement, se chargeant de la femme, qui revint au combat avec furie. Le dos contre celui de Firma, Drakayn ressentit un violent sentiment de nostalgie.
Cela faisait des années qu'il n'avait pas combattu ainsi avec l'assassin.
« J'ai...quelques souvenirs... qui me reviennent...pas toi ? », lui demanda Drakayn, ses mots ponctués par sa respiration haletante.
Une vive douleur au bras le saisit. Un bref coup d'œil lui apprit que la femme, qui souriait d'un air victorieux, venait de faire mouche. Une vilaine blessure, qui saignait déjà abondamment.
Peut-être que parler, en cette occasion, n'était pas la meilleure des idées...
Drakayn se recadra, réalisant tout de même que Firma ne lui avait pas répondu.
Son combat avec Trei Kinger devait requérir toute son attention.
Et en sachant que Firma était le plus bavard des hommes lorsqu'il se battait, Drakayn en déduisit que Trei Kinger devait être un combattant hors pair.
L'adversaire du Démon était également excellente.
Il l'observa entre deux échanges. Sa chevelure blonde était regroupée en un chignon froid et austère, quelques mèches débordant sur son visage carré. Plutôt bien bâtie, ses muscles s'activaient sous sa peau, et ses bras puissants, striés de cicatrices, maniaient son arme sans aucune hésitation. Il croisa son regard gris, dans lequel miroitaient de l'orgueil et de la rage.
Elle feintait avec ruse, paraît avec dextérité, et le frappait continuellement, sans lui laisser le temps de répliquer.
Le Draconiaque sourit.
Encore, les souvenirs se saisirent de lui. Lors de son premier combat avec Drakaïs, elle avait aussi adopté cette stratégie. Une marque de confiance, peut-être même d'arrogance.
Mais qui était-il pour juger ?
Alors que la Chasseuse s'apprêtait à abaisser sa lame sur lui, il la devança, la surprenant par la vitesse et la férocité de son attaque. Ce serait un combat de force.
Là encore, la blonde reprit vite contenance, rencontrant chaque poussée du Démon par une des siennes.
Jeu égal.
Ou presque.
Avec un petit rictus, Drakayn songea qu'on ne faisait presque jamais jeu égal avec lui.
Bandant ses muscles, des écailles noires apparurent sur ses bras. Un petit élancement au sommet de son crâne lui apprit que ses cornes, noires et épaisses, étaient également apparues .
Cette fois, il fit reculer la Chasseuse, dont le visage se barra d'une grimace peinée.
Oh, plus si victorieuse, n'est-ce pas ? Drakayn laissa échapper un ricanement.
Et alors qu'il s'apprêtait à la projeter en arrière pour pouvoir lui porter le coup de grâce, il entendit un grognement rauque derrière lui et sentit un corps tomber dans son dos.
Il se tendit.
Firma.
Brutalement, il poussa la Chasseuse en arrière, lui arrachant un hoquet de surprise tandis qu'elle s'écrasait au sol avec force. Drakayn se retourna, alerte et inquiet.
Firma était à terre, une dague à la main, l'autre au ventre sur une plaie béante. Trei, juste au dessus de lui, était prêt à l'achever, l'épée levée et l'air solennel.
Oh, non, pas tant que Drakayn pourrait l'en empêcher.
La rage et la panique prirent le contrôle du Draconiaque, et avant même qu'il n'en prenne conscience, il s'élança en avant, plaquant le Chasseur avec lui dans sa chute.
Trei Kinger était bien plus puissant qu'il ne l'avait imaginé, s'il avait réussi à désarmer partiellement Firma et à le mettre dans cet état...
Mais venant d'un tueur de Dragons, ce n'était pas si surprenant.
Trei Kinger représentait une menace sérieuse, qui devait être éliminée. Tant pis pour Drakaïs, Drakayn ne louperait pas l'occasion de lui régler son compte.
Il ceintura Trei Kinger entre ses jambes. Les sourcils froncés et le regard haineux, le Démon leva sa lame et l'abaissa sur la tête du Chasseur, encore sonné par son assaut.
Mais pas suffisamment pour rester paralysé lorsque sa vie était en danger.
Les réflexes acérés, Trei Kinger, l'expression surprise et sombre, bougea sa tête et évita le coup. L'épée de Drakayn, dans son emportement, se planta solidement dans les dalles de la salle, bloquée.
Merde. Le salaud avait de l'énergie à revendre.
En jurant, le Draconiaque évita un coup de Trei, qui visait sa jugulaire. Cette fois pleinement revenu à ses esprits, le Chasseur se débattait avec fureur. Il n'avait pas lâché son arme, lui.
« Ce n'était pas ma meilleure idée... », songea Drakayn amèrement, en évitant une nouvelle attaque, forcé de se relever pour ne pas perdre la vie.
Il lui faudrait finir la chose à mains nues, avec ses griffes.
Les crocs, même, s'il le fallait.
Mais il tuerait Trei Kinger.
Se tournant à demi, il sentit l'arme du Chasseur érafler sa poitrine. En retenant un sifflement de rage, Drakayn assena un violent crochet du droit dans le menton du Chasseur. Trei vacilla, de nouveau légèrement sonné. Cela eut pour effet de l'éloigner du Démon.
Cette fois, le Draconiaque pourrait l'achever. Les griffes à découvert, il savait qu'il les plongerait droit vers le cœur du Chasseur, pour le lui arracher et l'écraser sous ses yeux impuissants.
Mais Drakayn avait fait une grave erreur.
Une lame transperça la poitrine du Démon, juste au dessus de sa clavicule.
Une douleur lancinante, brouillée par le feu de l'action, fusa dans son torse.
La femme.
Trop concentré sur Trei Kinger, Drakayn l'avait complètement oubliée.
Par le cul du Diable. Une erreur absurde.
Mais Drakayn n'était par hors-jeu pour autant. La blonde regretterait de lui avoir offert une telle occasion pour lui ôter la vie, sur un plateau d'argent.
En serrant les dents, il serra son poing sur l'épée perçant son torse, empêchant alors la Chasseuse de la sortir pour terminer le travail. D'un geste brusque, il la tira en avant, l'arrachant des doigts de sa propriétaire.
Putain.
Un sale coup, vraiment.
Un sale coup qui pourrait le tuer s'il ne faisait pas plus attention.
N'y réfléchissant pas davantage, le Démon agrippa la Chasseuse, qui était transie par le choc.
« Oh, oui, ma mignonne... Il en faut beaucoup plus pour me tuer. », pensa-t-il avec rage.
Tellement plus, oui.
Et d'un petit geste, il l'attira contre lui, empalant la blonde sur sa propre lame, lui arrachant un hoquet de surprise.
Juste retour des choses.
Il planta son regard vermeil, rempli de fureur, dans celui de son adversaire, rempli de peur et de réalisation.
La réalisation qu'elle allait mourir.
Elle jeta un coup d'œil à sa blessure.
Droit vers le cœur.
Mais pas assez efficace. Elle pouvait encore faire des dégâts. Comme le montrait sa main, qui filait vers un poignard à sa ceinture. Elle avait de la ressource.
Mais Drakayn aussi.
Il lui empoigna le bras, le releva en arrière en une prise féroce. Et sans plus attendre, il plongea sa tête dans son cou, les dents plantées dans sa chair tendre. Un goût amer et poisseux, métallique, emplit la bouche du Démon.
Griffes et crocs, oui.
Elle cria et se débattit dans ses bras, du sang giclant sur le visage du Draconiaque tendit qu'il lui arrachait la gorge.
Jusqu'à ce qu'elle cesse de bouger dans ses bras.
Cette fois, c'était bon.
Il la laissa tomber au sol comme une poupée de chiffon, essoufflé et crachant une gerbe écarlate au sol.
La garce ne l'avait pas loupé. Une sacré blessure. Heureusement, il avait vu pire par le passé, et avait été préparé à se battre dans les pires conditions physiques.
« Me tourner le dos, c'était vraiment une sale erreur, Démon. »
Drakayn serra les mâchoires et ferma les yeux.
Trei Kinger, désormais, hein ?
Une lame reposait sur son cou, froide, menaçante ; mortelle.
Une erreur stupide, oui.
« Ne me sous-estime pas, Chasseur. », répliqua-t-il, la voix sombre.
Il lui restait encore une carte à jouer.
Mais elle risquait de foutre en l'air l'opération : ses Flammes.
« Oh ? De vaines paroles pour créer diversion, n'est-ce pas ? », rétorqua Trei, en appliquant plus de pression sur son cou, dessinant un sillon pourpre sur sa peau mâte.
A moins que Firma ne lui vienne en aide.
En jetant un bref regard à l'assassin, Drakayn eut vite une réponse: baignant dans son sang, l'assassin était inconscient. Peut-être mort, même s'il en doutait très fortement.
Firma aussi était résistant. Il en avait vu d'autres.
Les Flammes, donc.
« Et ça marche. », cracha Drakayn, la respiration sifflante à cause de sa blessure au torse.
Et alors qu'il faisait appel à son pouvoir, sentant la chaleur si familière de ses Flammes sous sa peau, un cri perçant retentit, brisant sa concentration :
-Relâche-le !
Drakayn focalisa son attention sur la voix, qui venait de derrière lui et qu'il aurait reconnue entre mille.
Drakaïs.
Il entendit le Chasseur rire dans son dos, sa lame stable.
« Ou quoi, Lézard ? Tu vas me tuer ? Te sens-tu suffisamment rapide pour le faire avant que je ne règle son compte à ton complice ? », se moqua le Chasseur, le ton sec ; dédaigneux.
Régler son compte... ? C'était lui qui allait lui régler son compte ! Il le ferait cramer, non, exploser !
Drakayn observa la salle, pour tromper sa colère.
Trei Kinger était le seul survivant de son groupe.
Sin se tenait l'épaule, sanglante, une grimace de douleur barrant son visage. Fergon, lui, observait son ami, le souffle court et l'inquiétude teintant son expression, d'habitude si maîtrisée en ce type de situation. Enzo, à ses côtés, avait le regard calculateur. Mais Drakayn voyait bien, à l'imperceptible tremblement de ses poings serrés, que le Yuuzan était furieux.
« Nous avons gagné et tu es seul, lâcha Drakaïs, avec sévérité. Tu es à notre merci, et pas le contraire. »
Drakayn planta ses yeux dans ceux de son ami, attendant le signal, quel qu'il soit, qui lui dirait quand agir.
Trei Kinger, lui, éclata de rire. Mais toujours, l'épée restait droite contre la gorge du Draconiaque. Le Chasseur savait ce qu'il faisait.
« Seul, tu es sûre ? »
Drakayn vit Fergon, qui hocha la tête.
Le signal.
Oh, ce sale con allait voir de quoi ils étaient capables...
Le Démon, avec vivacité, fit un pas sur le côté, retenant un grognement de douleur.
Saloperie d'épée...
Un voile noir envahit sa vision, et il crut un instant qu'il allait s'évanouir. Mais il se laissa simplement glisser au sol, fatigué comme jamais auparavant.
Il avait atteint ses limites.
Drakaïs, elle, avait profité de l'occasion pour rendre à Trei Kinger la monnaie de sa pièce : c'était désormais elle qui le tenait sous son contrôle, sa lame sur le cou du Chasseur, de la même prise stable.
Fergon fut aussitôt aux côtés de Drakayn, comme Enzo et Sin, qui se posèrent près de Firma
Son ami examina sa blessure un instant, touchant la lame enfoncée dans son buste avec délicatesse.
« Tu as de la chance, elle a évité une artère de peu. », lâcha finalement Fergon.
De la chance, oui. Il aurait pu en crever.
« Je m'en doutais. Je n'aurais pas tenu si longtemps sinon... répliqua-t-il dans un souffle. Enlève-moi ça, tu veux bien ? »
Drakayn, à travers les points noirs qui ornaient sa vision, fixait toujours le Chasseur et Drakaïs. Quelque chose n'allait pas... Un petit sourire ornait les lèvres de Trei Kinger, celui d'une personne qui savait quelque chose ignoré par l'autre, et qui préparait un mauvais coup.
Drakayn ne connaissait que trop bien cet air là.
Celui présageant un revirement de situation.
Une douleur monstrueuse le saisit, le forçant à serrer les dents pour ne pas crier : Fergon retirait la lame. Mais avant que les piques de souffrance ne s'installent davantage, son ami posa sa main sur son dos, et se mit à tracer des runes avec ses doigts agiles, des formules de soin quittant ses lèvres en des murmures réconfortants. Une fraîcheur apaisante s'empara de son corps, et il sentit les tissus se refermer lentement. Mais il ne fallait pas s'y tromper : une blessure aussi sérieuse nécessitait plus qu'un sort de guérison pour se rétablir correctement.
Le repos était de mise.
« Lâche ton arme. », ordonna Drakaïs, les sourcils froncés.
Les épaules de Trei tremblèrent et son torse tressauta. Puis, il éclata d'un rire hystérique, la tête baissée en arrière.
Il y avait une lueur de folie dans son regard ; un mauvais présage.
« Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ? grogna Sin, qui faisait les cent pas, l'épée toujours au poing, prêt à seconder Drakaïs à tout instant.
-Oui, seul... l'ignora Trei, le ton soudainement sérieux et coupant. Sauf que ce n'est pas le cas. »
Et appuyant ses paroles, une silhouette au visage cachée par une large capuche apparut dans la pièce, par la porte d'entrée.
Personne ne l'avait remarquée jusqu'à présent.
L'atmosphère se teinta d'un insaisissable sentiment de malaise.
La démarche chaloupée et le pas silencieux, elle s'avança vers eux en abaissant sa capuche. Une cascade de cheveux argentés coula autour de son visage ovale, et des yeux d'améthyste leur fit face, accompagnée d'une forte aura, étouffante et imposante.
Une Rêveuse.
Si puissante qu'il paraissait absurde que sa présence leur ait échappée.
Mais ces êtres savaient berner les sens, même les plus difficile à tromper.
Tous s'étaient figés à son arrivée, paralysés par son pouvoir, qui les tenait sous son emprise.
Son regard, d'un violet profond, les attachait à elle.
« Les sorts de hauts niveaux demandent du temps... », déclara la nouvelle venue, sa voix, un murmure féerique et hypnotisant, résonnant dans leur esprit, violatrice.
Foutus Rêveurs...
Captant ses pensées, la Magicienne braqua ses yeux perçants sur lui, focalisant toute son attention sur lui et relâchant les autres, qui lâchèrent une inspiration collective. Un sourire cruel décorait ses lèvres pâles. Drakayn sentit sa présence dans sa tête, inquisitrice et curieuse, ses doigts invisibles épluchant chacune de ses barrières mentales, les faibles comme les plus fortes.
Un mince filet de sueur coula dans la nuque du Démon.
Une douleur sans nom lui vrilla le crâne, lui arrachant un sifflement de souffrance.
Il était trop affaibli pour lui offrir une résistance digne de ce nom.
« Un descendant d'Onyx... Trei, celui-là devrait t'intéresser...», fit-elle à voix haute, d'autant plus envoûtante de cette manière.
Et sans plus de cérémonie, elle libéra Drakayn, qui s'écroula au sol, ébranlé et épuisé.
La chienne... Dans son état, c'était le coup de grâce.
« Fais plutôt ce que je t'avais demandé, Astria. On verra après. », répondit Trei, agacé.
Premier à se reprendre complètement, Sin se jeta en travers du chemin de la Rêveuse, prêt à s'opposer à elle.
L'imbécil.
Haletant, Drakayn n'eut pas le temps de le prévenir de l'inutilité et de la stupidité de son acte. D'un mouvement sec de la tête, la Magicienne, qui comme tous les gens de sa caste, était aussi télékinésiste, le projeta à l'autre bout de la salle. Sin vola dans les airs, le souffle coupé, et termina sa course sur une vitre, qui éclata sous la force du choc.
Les dents serrées, Drakayn espérait que le jeune Draconique était seulement évanoui.
« Ah...Si exigeant... », fit en riant Astria, son éclat mélodieux arrachant un frisson de douleur au Démon.
Sa tête lui faisait un mal fou.
« Fais encore un geste, et je te jure que sa tête volera. »
Drakayn, à travers sa souffrance, sourit.
Drakaïs, toujours aussi féroce et sévère.
« Oh ? », lança Astria, en s'arrêtant, les mains sur les hanches, amusée. « Celle-ci à du répondant... C'est celle dont tu m'as parlé, Trei ? »
Drakayn, toujours au sol, sentit un filet de sang couler de son nez.
Oh oui, la Rêveuse ne l'avait pas loupé...
« Et maintenant, quoi ? », lança la Magicienne, avec un petit rictus moqueur. « Tu penses pouvoir tenir cette position longtemps, ma chérie ? Hum... » Elle mit un doigt sur ses lèvres, mimant un air songeur, la tête penchée sur le côté. « Pas sûr... »
Le Démon, en serrant les mâchoires, vit Drakaïs froncer les sourcils.
« Je la tiendrai aussi longtemps qu'il le faudra. », siffla la Draconique.
La Rêveuse plissa ses yeux, joueuse.
« Tu es amusante, toi... » Elle mit ses mains derrière son dos, avec un petit rire. « Pas de geste, donc... » Elle se tut, le visage soudain sombre. « Ce n'est pas comme si j'en avais besoin, de toute façon. », termina-t-elle froidement, sa voix résonnant de nouveau dans leurs esprits, arrachant un grognement sourd au Draconiaque, qui laissa tomber sa tête au sol, à deux doigts de l'inconscience.
Un tintement clair, celui d'une lame tombant sur les dalles de la salle, retentit dans le silence de la pièce.
A travers le voile sombre qui obscurcissait petit à petit sa vue, Drakayn distingua Drakaïs, qui semblait prise d'un terrible tourment, les mains au crâne.
Son visage se tordait d'une expression torturée, du sang jaillissant de ses yeux, de son nez, de ses oreilles : partout.
L'œuvre de la Rêveuse.
Le Démon chercha à se relever.
Peine perdue. Son corps ne lui répondait plus.
Et Drakaïs n'était pas la seule à souffrir sous son pouvoir : Fergon et Enzo gisaient au sol, impuissants et immobilisés sous l'influence de la Rêveuse.
Profitant de l'état de ses tortionnaires, Trei s'échappa, se plaçant vivement près de son alliée, une main plaquée à son cou, où apparaissait une longue ligne pourpre.
« Arrête de jouer, et finis en... », grogna le Chasseur, impatient.
La Magicienne leva ses yeux violets au ciel.
« Les désirs de sa Seigneurie sont des ordres... », lâcha Astria, sarcastique.
Et elle libéra sa magie.
Suffocante. Destructrice. Mortelle.
Puis, vinrent les ténèbres.
∞
Une douce odeur sucrée flottait dans l'air.
Celle d'une tarte aux pommes.
Une brise chaude soufflait avec délicatesse à travers la cuisine, secouant lentement le rideau de la fenêtre. Dehors, le soleil brillait et une enfant jouait, comme le prouvaient les échos de son rire cristallin.
Drags.
Au dessus d'une commode, hors de portée des mains avides, la tarte reposait, fraîchement sortie du four.
Sur la pointe des pieds, Drakaïs tentait de l'atteindre, en vain.
Mais elle voulait cette tarte. Pas dans quelques heure. Non : maintenant.
Elle se laissa tomber au sol avec lourdeur, le tout avec un soupir exaspéré.
Maman était vraiment affreuse.
Un vrai Démon !
« ...Grand, plus grand que moi... »
Elle sentit soudain des mains épaisses et fortes autour de sa taille, qui la soulevèrent, la portant jusqu'à l'objet de ses désirs. Elle lâcha un petit cri, entre le gloussement et l'exclamation de surprise.
« ...Il avait aussi de grandes mains... »
De ses petits doigts, elle prit la tarte, encore chaude, son fumée savoureux lui chatouillant ses sens.
« C'est bon, mon cœur ? »
Drakaïs hocha vivement de la tête, un grand sourire sur les lèvres.
« ...il était plus châtain que brun... »
Son bienfaiteur la reposa au sol et lui ébouriffa les cheveux.
« Ses yeux étaient gris, bleus au soleil. »
Elle planta son regard vert dans le sien, outragée.
« Papa ! », cria-t-elle en se dégageant, indignée et vexée.
Son père éclata de rire.
« Sacrée chipie...De quoi ai-je droit en échange de mon aide et de mon silence ? », lui demanda-t-il, les bras croisés sur son torse et un sourcil haussé.
En se recoiffant, Drakaïs lui jeta un coup d'œil suspicieux ; calculateur.
« Je te dois rien. Je t'ai pas demandé de m'aider ! J'aurais pu me débrouiller toute seule d'abord ! », expliqua-t-elle avec fierté, la tête haute.
De nouveau, son père rit.
« Ah, mais c'est injuste ! s'exclama-t-il, rentrant dans son jeu. Je m'insurge ! Je mérite une récompense ! »
Et avant même qu'elle le réalise, il lui avait volé la tarte, qu'il mit hors de sa portée avec un rictus taquin.
« Papa ! se plaignit-elle en tapant du pied. T'es pire que maman !
Son père fit mine de manger le dessert, avec des exclamations de délice. Drakaïs fulmina, les lèvres tremblantes.
« Maman ! »,cria une voix derrière eux, les faisant sursauter.
Le père et la fille se tournèrent vers la fenêtre, surpris.
Accoudée sur le rebord de la fenêtre, Drags les observait avec malice.
« Oui ? », lui répondit leur mère, plus loin dans la maison.
Drakaïs et son père s'observèrent un instant, figés sur place.
Drags, avec un large sourire, reprit, plus fort :
-Papa et Sisi sont en train de manger la tarte !
Et sur ce, elle fila, les laissant déconfits.
Et paniqués.
Ils se firent face longtemps, transis par le choc.
Il pouvait entendre Leyra approcher, le pas tambourinant.
Mais ils restèrent immobiles.
Finalement, quand la porte s'ouvrit à la volée, le père de Drakaïs cacha la tarte derrière lui, d'un geste brusque.
Dans l'embrasure de la porte se tenait Leyra, ses long cheveux bruns attachés en une tresse délicate. Les mains sur les hanches, elle les foudroyait de son regard de jais, furieuse.
« William. Drakaïs. On avait dit qu'on la gardait pour ce soir. », les sermonna-t-elle, la voix tonnante.
Drakaïs se trémoussa sous son attention.
«Voyons...Leyra... », souffla son père, qui laissa tomber le masque, posant la tarte sur la table derrière lui pour prendre sa femme par la taille, charmeur. L'air courroucé de Leyra faiblit, remplacé par un petit sourire. « Pourras-tu nous pardonner notre faiblesse ? Tu sais qu'on ne peut pas résister à ta tarte aux pommes... »
Drakaïs l'approuva, hochant sa tête frénétiquement à chacun de ses mots.
« C'est trop dur d'attendre ce soir, maman ! gémit-elle. Dis, on peut la manger tout de suite ? S'il-te-plaît ? S'il-te-plaît ? S'il-te-plaît ? Dis oui ! S'il-te-plaît !», la supplia-t-elle.
Elle rejoint ses parents et tira sur les vêtements de sa mère, en papillonnant des yeux.
Leyra, avec un soupir, baissa la tête vers elle, les mains sur le torse de son mari, qui les observait toutes les deux avec affection.
Soudain, la fenêtre se referma avec brutalité, en un bruit explosif. Drakaïs lui jeta un coup d'œil inquiet. Dehors, une tempête dévastatrice remplaçait désormais la journée ensoleillée. Des bourrasques gigantesques secouaient les arbres et les volets, qui claquaient méchamment, avec fracas. L'air s'était fait glacial ; la cuisine plongée dans une atmosphère ténébreuse et bleutée.
L'expression de sa mère se fit impassible, le regard dur et sans amour.
« Non. », fit-elle, froidement.
Drakaïs recula, comme frappée par son refus.
« Mais_
-Non. », la coupa cette fois son père, du même ton intransigeant et sombre.
Elle fit un nouveau pas en arrière, rencontrant une masse derrière elle.
Des doigts glissèrent sur ses minces épaules, les enserrant comme des serres, lui arrachant un cri de douleur.
« Comme c'est touchant... », susurra une voix féminine dans son oreille, mélodieuse.Un rire clair lui effleura la joue. « Et si banal... »
Drakaïs chercha à se retourner, mais les mains la tenaient fortement clouée sur place, en une prise cruelle et insupportable.
Elle était prisonnière.
Elle jeta un coup d'œil aux mains de sa tortionnaire. D'un blanc laiteux, elles s'enfonçaient dans sa peau, la meurtrissant avec violence. Fins et crochus, ses doigts ressemblaient à des griffes de monstre.
« Donc, ceci est ton souhait le plus cher... », souffla la femme. « Ah... Je suis déçue...Vu ce que m'avait raconté Trei, je m'attendais à quelque chose de plus...surprenant. »
Une peur sans nom contracta le cœur de Drakaïs, qui chercha à se débattre.
Danger.
Terreur.
Panique.
« Maman ! hurla-t-elle, en larme et en détresse. Papa ! »
Ses parents se contentèrent de l'observer, ce même air insensible sur leur visage.
« Chut, chut, chut, mon enfant... », lui chuchota la femme, en passant un doigt doux sur sa joue, en une tendre caresse. « Crier ne te mènera à rien... » Son geste se fit douloureux ; son ongle, aussi aiguisé qu'une griffe acérée, traça une ligne écarlate sur sa peau, lui arrachant une plainte aiguë.
« Maman ! Papa ! », s'époumona Drakaïs, qui s'agitait dans tous les sens.
Mais la femme continuait de la tenir contre elle, en un câlin pervers et cruel, continuant à lui déchiqueter le visage et à lui arracher des cris hystériques, qui lui déchiraient la gorge.
« Quel secret caches-tu, ma jolie ? »
Drakaïs regarda avec désespoir ses parents.
Avec un gémissement horrifié, elle vit leur visages se brouiller, tel un dessin aspergé d'eau. Leurs silhouettes se firent floues elles aussi, fantomatiques ; une image, et rien de plus.
La cuisine s'évapora également, pour laisser place à une obscurité totale, opaque, profonde.
Le noir complet.
Et toujours, la femme retenait Drakaïs contre elle, lui arrachant des hurlements de terreur et de douleur.
« Si fragile et si impuissante... rit la femme. Je ne vois pas ce que Trei trouve de si dangereux en toi...
-Je peux te le montrer. », déclara une voix atone, résonnant partout autour d'elles.
Les doigts sur Drakaïs se figèrent, son corps d'enfant secoué par les sanglots et les frissons.
« Qui est là ? », cria la femme, glaciale, de la surprise teintant sa voix.
Une figure émergea des ténèbres, silencieuse. Les mains croisées dans le dos, une longue épée à sa taille et un menton sombre flottant autour de lui, il semblait illuminé par une lumière extérieure.
« Qui es-tu ? », demanda froidement la femme, de l'inquiétude dans le ton.
A travers ses larmes, Drakaïs observa plus attentivement le nouveau venu.
Des yeux d'un bleu intense, pan aux reflets azurs. Des cheveux d'ébène, sombre comme la nuit. Une peau nacrée, immaculée comme la lune.
Elle connaissait cet homme.
« Drakaïs, ce n'est pas réel. », lui expliqua-t-il doucement, en se plaçant à sa hauteur.
Oui, elle le connaissait...
« J'ai dit : qui es-tu ? Un produit de son imagination ? », cria la femme, visiblement perturbée par l'arrivée de l'homme.
Il l'ignora, son attention rivée sur Drakaïs.
« Tu n'es plus une enfant. Ta mère est morte. Ta sœur également. Et tu n'as jamais connu ton père. Tu es une Draconique, à Quantamoniam, en pleine mission. Avec Drakayn. Avec tes autres compagnons : Fergon, Sin, Firma, Enzo. Tout n'est que l'œuvre d'une Rêveuse, Drakaïs : une illusion. Elle te manipule.»
Et à chaque mot, la Draconique sentit le calme l'envahir, sa terreur et sa panique la quitter. Jusqu'à ce qu'elle ne ressente plus rien, si ce n'est un vide, un néant émotionnel drainant.
Drakayn.
Fergon.
Sin.
Enzo.
Firma.
Trei Kinger.
Astria.
« Seth... »,souffla Drakaïs.
Tout lui revenait à présent.
« Tu ne devrais pas être là. lança la Rêveuse, haineuse.Tu n'as aucun pouvoir ici. »
Cette fois, Seth la fixa, un éclair de colère, menaçant et terrifiant, passant sur son visage lisse de toute émotion.
Sa réplique tomba, grave et intimidante, remplie de mises en garde funestes :
-C'est toi qui n'as aucun pouvoir ici, Rêveuse. »
Et sur ces derniers mots, il se volatilisa, disparaissant comme une ombre dans les ténèbres.
Le silence régna un moment.
Un moment.
« Relâche-moi. », ordonna Drakaïs, le ton posé.
De nouveau, les doigts d'Astria se figèrent sur elle.
Sa voix d'enfant s'était de nouveau faite adulte, son corps menue ayant retrouvé sa réelle apparence.
« Oh, non... Je ne te relâcherai pas ma belle... crâcha la Rêveuse après un instant. Je ne sais pas ce qu'était ce tour, mais je n'en ai pas fini avec toi... Ton rêve le plus ardent n'as pas suffi à te briser ? énonça-t-elle en lui abaissant brutalement la tête en arrière, pour croiser son regard, ardent et enragé. Voyons ce que ton pire cauchemar te réserve. »
Un grognement puissant, suivi d'un long sifflement bestial, déchirèrent l'air.
La Rêveuse sursauta, les yeux écarquillés.
Une forme gigantesque bougeait dans le noir; un corps immenses, aux reflets écarlates.
Un souffle lourd résonna devant elles, un reniflement d'ennui, de rage.
Deux orbes apparurent alors dans l'obscurité, telles deux phares dans la nuit.
Deux yeux d'un vert éclatant, aux pupilles en fente, qui se braquèrent sur Drakaïs et Astria.
Rubis.
« Tu veux connaître mon pire cauchemar, Artisane? », persifla la Dragonne, son regard intense ; celui d'un prédateur sur le point de dévorer sa proie.
Astria lâcha Drakaïs, pour faire quelques pas tremblants en arrière.
« Laisse-moi te le montrer. »
La Dragonne surgit des ténèbres, sa tête, longue et triangulaire, se plantant juste devant Drakaïs et la Rêveuse.
Ses écailles brillaient d'un rouge vif, aux milles reflets pourpres. De longues cornes s'enroulaient autour de sa tête, imposantes et incurvées. D'autres, comme une ramure, filaient vers son dos. Une parure de plumes, fines et élégantes, tapissait sa gorge et son front, et paraissaient d'une douceur incroyable.
Drakaïs en eut le souffle coupée.
Elle était d'une beauté époustouflante.
«Il vint à moi plusieurs fois par le passé. », commença la Dragonne, de sa voix gutturale.
Le son de pas s'éleva autour d'eux.
« Drapé de son aura malsaine et empoisonnée par sa folie. »
Une brise glaciale vint secouer la tignasse de Drakaïs, une odeur métallique lui effleurant les narines.
« Le cœur rempli d'une noirceur insondable, provoquant ruine et destruction sur son chemin. »
Une silhouette s'avança devant eux, une lame fine dégainée à ses côtés, l'atmosphère plus lourde en sa présence, oppressante et suffocante. A donner des sueurs froides et des frissons de terreur. A inspirer une panique inexplicable et une horreur sans nom.
« Certain le nommèrent le Fou. D'autres encore, l'appellent Abysse. Mais tous le connaissent sous un même nom : Chaos. »
Drakaïs et Astria lâchèrent un cri silencieux d'effroi.
Chaos.
L'Innommable.
L'homme se rapprocha, lentement, droit dans son armure grise, sur laquelle apparaissait un soleil sanglant. Il manipulait son épée entre ses doigts, une lame pourpre incrustée de sillons sombres ; impatient d'attaquer. Ses longs cheveux blancs, ressemblant à des toiles d'araignée, étaient attachés en une queue de cheval. Le visage caché par un voile noir, Drakaïs aperçut tout de même un sourire sinistre sur ses lèvres craquelées de sang.
La Rêveuse trébucha en arrière, l'expression figée par l'épouvante, tremblante comme une feuille.
Drakaïs, elle, était bien trop terrifiée pour faire quoi que ce soit.
« Il vint plusieurs fois, oui. Et toujours, le chaos le suivait sur son passage. Causant milles guerres. Causant des millions de morts. Causant les pires destructions qui soient. Et à chaque fois, j'étais impuissante. Nous étions impuissants.»
Les ténèbres laissèrent place à un champ de bataille, remplis d'une montagne de cadavres, sur lequel il marchait, le pas cette fois plus pressé ; plus furieux. Derrière lui, une plaine de sang et de morts s'étendait à perte de vue, le ciel strié d'éclairs et de nuages sombres. Son sourire n'était plus désormais : seule la haine apparaissait sur sa figure.
Il leva son arme, prêt à l'attaque.
« Monstre. », gémit la Rêveuse.
Et elle disparut.
Drakaïs ferma les yeux, ses bras devant son visage, maigre protection face au coup qui venait sur elle.
Mais rien n'arriva.
« Tu peux ouvrir les yeux, Dragonneau. Il est parti. Ce n'était qu'un souvenir. »
Drakaïs s'exécuta, tremblotante.
Le visage de Rubis lui faisait face.
« C_C'était_
-Rien, la coupa la Dragonne, sa langue dardant devant elle pour goûter l'air. Une extrémité comme une autre pour me débarrasser de cette foutue Rêveuse.
-Je_Je_
-Tu n'es pas en état pour affronter le Chasseur, Drakaïs.
-Qu_Quoi ? »
Rubis renifla de dédain.
« Incapable d'aligner deux mots. Non, tu ne ferais pas le poids face à lui. »
Drakaïs aurait aimé s'insurger. Crier et tempêter. Demander des réponses. Se poser des questions.
Mais cette...vision, l'avait bien trop secouée.
« Tu me remercieras après. », finit sa guide, amusée.
Et Drakaïs se retrouva seule dans les ténèbres, perdue.
Comprenant qu'elle pouvait se reposer, elle se laissa envahir par le silence apaisant de l'obscurité.
Elle se sentait en sécurité ici. Son cœur et son esprit lui soufflait qu'elle ne courait aucun danger en ces lieux.
Quel que soit cet étrange endroit.
Mais ce qu'elle venait de voir continuait de la terrifier, lui donnant de longs frissons, qui traversaient son corps de bas en haut.
Chaos.
Une entité mythique, aussi légendaire et connue que les figures des Six.
Leur Némésis.
Un cri de douleur déchira l'harmonie de la place, et par la même occasion, ses pensées funèbres.
Drakaïs se relava, alarmée, sondant le noir de ses yeux alertes.
Rien.
Mais les grognements de peine, suivis de fracas d'épée et de jurons, continuaient de résonner autour d'elle.
Drakaïs se tendit, plissant ses yeux pour tenter d'identifier d'où venait les plaintes.
Et finalement, au loin, la salle de la Tour se dessina petit à petit, apparaissant tout d'abord d'une façon abstraite, pour former une image nette et claire.
Une figure se battait dans la Tour, son adversaire invisible. En faisant quelques pas en avant pour mieux observer la scène, Drakaïs serra les mâchoires en reconnaissant l'individu.
Trei Kinger.
Le Chasseur était en bien mauvais état ; les bras recouverts de plaies sanguinolentes, une blessure lui barrant le visage, une autre fendant son torse.
Drakaïs s'arrêta sur cette dernière, intriguée.
Profonde et dégoulinante, elle laissait apparaître la chair ; une entaille sale, presque bestiale, qui semblait avoir été faite par les griffes d'une créature sauvage.
« Astria ! », appela le Chasseur, en serrant les dents tandis que l'épée de son adversaire frappait brutalement la sienne, tremblante sous cet assaut.
Drakaïs stoppa sa marche, interloquée.
Cette épée qui assaillait le Chasseur...
« Je suis plutôt occupée ! », rugit la Rêveuse, lointaine.
Oui, cette lame... Drakaïs reprit sa route, au pas de course.
« Débrouille-toi pour venir m'aider ! », aboya Trei avec une grimace de souffrance.
Elle connaissait cette arme : offerte par Cerbère, elle était une compagne fidèle, qui lui avait sauvée la vie de nombreuses fois par le passé.
« On peut échanger, si tu veux ! », rétorqua Astria, la voix remplie de sarcasme.
Mais si Drakaïs se trouvait ici, alors qui pouvait bien utiliser son épée ?
Un éclair pourpre claqua sur Trei Kinger, lui arrachant un hurlement de douleur.
Drakaïs accéléra l'allure,surgissant dans l'image comme un boulet de canon.
Le visage de Trei apparut juste sous ses yeux, comme si elle se trouvait en face de lui.
Et avec choc, elle réalisa que c'était justement le cas.
C'étaient ses mains qui maniaient la lame, la tenant avec force, attaquant le Chasseur avec une vivacité et une puissance destructrice. C'étaient ses bras qui abaissaient l'arme, les muscles tendus, ses écailles vermeilles recouvrant sa peau. C'était son corps qui repoussait Trei, solide et résistant ; infatigable.
Elle.
Drakaïs aperçut Astria à ses côtés, tournée vers elle, les mains en avant, prostrée au sol, écrasée par les fouets écarlates de magie, qui l'agressaient de toute part. Drakaïs laissa remonter son regard le long des filaments serpentins.
Ils menaient à elle, quittant ses doigts griffus.
Son cœur fit un bond dans sa poitrine.
Elle affrontait Trei et Astria en même temps ; frappant de son épée le Chasseur, l'assommant sous ses coups répétés, pour entre deux attaques jeter des sorts sur la Rêveuse, qui tentait vainement de les arrêter.
Elle semblait mener une danse endiablée, et n'osait imaginer ce à quoi elle devait ressembler à cet instant.
Cette fois, sa lame trouva l'épaule du Chasseur, lui arrachant presque le bras. L'homme tomba à genoux, à sa merci.
L'occasion parfaite.
Mais sans qu'elle y pense, ses bras se levèrent pour porter le coup final, comme contrôlés par une autre.
« Non ! », hurla la Rêveuse en se mettant en travers de son passage, la poitrine en avant pour recevoir le choc.
Le sang gicla au visage de la Draconique, l'éclaboussant de la tête aux pieds.
« Astria ! »
Le hurlement du Chasseur résonna dans la salle tandis qu'il prenait la Rêveuse contre lui, l'expression ravagée par un désespoir incompréhensible.
« Elle n'est pas morte, Chasseur. lâcha Drakaïs, d'une voix dont elle n'était pas maîtresse, déformée à ses oreilles : gutturale et reptilienne. Mais elle le sera bientôt. »
La Dragonne.
Drakaïs se sentit perdre pieds, déstabilisée.
Que_ ?
« Non, tu ne prendras pas sa vie aujourd'hui. Ni la mienne. », cracha le Chasseur, en tirant vivement une amulette de sa chemise, protégée par des talismans de papier.
Le corps de Drakaïs se figea, apercevant la magie qui composait l'artefact : d'un violet profond, sillonné par des rayures mauves.
Un long sifflement quitta la bouche de la Draconique.
« Si tu crois pouvoir m'échapper avec un simple Envol, tu te tr_ »
-A Telmar ! », la coupa le Chasseur, libérant le sort par son injonction.
Rubis fit un pas en avant, les dents serrées.
Mais c'était trop tard. Un éclat de lumière surgit devant elle, enveloppant Trei et Astria d'un voile violet.
Les talismans de l'amulette empêchèrent la Dragonne d'absorber la magie du sort, la rendant impuissante à les empêcher de s'enfuir.
L'explosion de lumière disparut, ne laissant sous son regard que les dalles de la pièce.
Ils s'étaient Envolés.
Drakaïs sentit la rage de la Dragonne, qui était aussi la sienne.
Le Chasseur, tant qu'il ne serait pas mort, continuerait d'être une menace.
« Le sale petit cloporte m'a bien eu. », siffla Rubis dans l'esprit de la Draconique.
Drakaïs, avec un sursaut, revint dans les lieux enveloppés de ténèbres, sentant la Dragonne à ses côtés, qui l'enserrait de son corps immense.
« Qu'est-ce que c'était ? », lui demanda Drakaïs, de l'accusation dans sa question.
La Dragonne rit doucement, son ventre tressautant derrière la jeune femme.
« J'ai tout simplement emprunté ton corps, Dragonneau. Et de rien. T'aider était...divertissant. »
« De rien » ? « Divertissant » ?
Drakaïs serra les poings.
« Tu n'avais aucun droit d'utiliser mon corps de cette manière ! », grogna la Draconique en se tourna vers sa guide, furieuse.
La Dragonne tourna son regard émeraude vers elle, rempli de dédain et d'amusement, mais aussi d'une affection chaleureuse, qui déboussola Drakaïs.
« Soit. La prochaine fois, je te demanderai. »
Drakaïs fronça les sourcils.
« Il n'y aura pas de prochaine fois ! », affirma-t-elle, les bras croisés sur sa poitrine.
Cette fois, Rubis éclata de rire, sa gueule grande ouverte, découvrant ses crocs acérés, longs comme des épées.
« J'avais dis la même chose également ! », nota son mentor, toujours secouée par son éclat.
Drakaïs prit une expression sombre.
« Également». La Dragonne sous-entendrait-elle qu'elle s'était retrouvée dans la même situation que Drakaïs par le passé ?
« Tu devrais revenir me voir à l'avenir, Dragonneau, déclara Rubis, après s'être calmée. J'ai beaucoup de choses à t'apprendre en ces lieux. »
La Draconique sentit l'agacement et la frustration l'envahir.
Ces dernières phrases sonnaient bien trop comme une démission.
Mais Drakaïs n'en avait pas terminé avec sa guide.
Elle méritait d'avoir des réponses à ses questions.
« Je_ »
Le noir s'évapora pour la laisser dans la salle de communication de la Tour, son corps parfaitement sous son contrôle cette fois. Tremblante de fureur, Drakaïs lâcha un juron, une grande fatigue courant à travers ses muscles douloureux.
Saloperie de Dragonne irritante et égoïste !
« Drakaïs... ? »
La Draconique se tourna, apercevant Sin, qui l'observait étrangement, des éclats de verre incrustés dans sa peau.
Par les Six.
Elle avait oublié les autres.
Elle rejoignit vite son compagnon, la mine inquiète et la culpabilité lui serrant le cœur.
Comment avait-elle pu les oublier si facilement ?
Elle jeta un regard aux autres, qui grognaient au sol, se remettant mal de leur rencontre avec la Rêveuse.
Mais son attention se focalisa sur Drakayn.
Il était immobile, son torse se soulevant doucement, le visage en sang.
« Ce n'était pas prévu. », avait-il lâché peu avant qu'il pénètre dans la salle.
Non, rien de tout cela n'était prévu.
Ce n'était que le matin, et déjà, l'opération dérapait vers une pente remplie d'imprévus et de menaces ; de dangers.
A se demander quelle serait la situation à la fin de la journée.
Et en serrant les dents, Drakaïs aida Sin à se relever, lui arrachant un grognement plaintif.
Dans sa poitrine, son cœur battait la chamade.
Dans son ventre, un nœud lui enserrait les tripes.
Car son mauvais pressentiment ne l'avait toujours pas quittée.
Note: Hey :D ! J'espère que l'attente valait le coup !
Beaucoup d'action dans ce chapitre ! Un peu moins dans le prochain normalement (oui...Normalement XD !)! Du combat, du sang...
De la castagne quoi :D !
*fais la fête*
Bref ! Drakayn a prit cher O_o ! Le pauvre !....ou pas >:D ! Il a cherché en même temps, il n'avait qu'à être plus attentif :p ! Et vous inquiétez pas: il va bien (enfin....aussi bien que l'on peut aller après s'être fait transpercer le torse :D !).
En fait, tout le monde à pris cher dans ce chapitre '_'... Fergon, Sin (vers l'infini, et l'au-delà :D ! .....ok, j'arrête), Firma (...aie :D ?), Enzo et Drakaïs.
Aie, oui, Drakaïs a prit cher aussi XD ! Plus mentalement que physiquement, mais bon :"") !
Je suis affreuse avec mes personnages, non '_' ?
Enfin ! Vous avez aussi rencontré Astria :D ! Et par la même occasion, les Rêveurs ('font peur, hein ?)! J'espère qu'elle vous aura plu ! Je la gardais secrète depuis un bout de temps :p ! Surprise, surprise, surprise :D !
*toussote*
Bref !
J'espère que vous aurez aimé ce chapitre (certains moments ne me plaisent pas vraiment dedans :/)! N'hésitez pas à me faire part de vos avis !
Je dédie ce chapitre à Denescor :D ! Parce que ses commentaires savent me faire rire comme une folle et qu'il a des yeux de lynx pour voir des détails que personne d'autre ne voit :p (et parce qu'il est de retour lui aussi ! MOUAHAHAHAHAHAH !)
Gros bisous et à la prochaine !
Ps: Un long chapitre et une longue note de nouveau XD !
Ps2: Je suis en vacances :D !!! Ca veut dire que je vais pouvoir écriiiiiireuh :3 ! Yey !
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