Chapitre 30:

Son arrivée au Temple ne passa pas inaperçue.

De ses ailes robustes, elle balaya avec un cri de furie les premiers fous qui tentèrent de lui faire barrage.

Stupides piafs ! N'apprendraient-ils donc jamais qu'ils ne rencontreraient que la mort en se mettant sur sa voie ? A croire que les conflits qui les avaient jadis opposés n'avaient pas été une leçon suffisante pour leur apprendre leur place !

Sa harde se jetait déjà sur les Anges qui faisaient face, provoquant une véritable hécatombe chez leurs adversaires. Ils mordaient, déchiquetaient de leurs griffes, usaient de leur magie à une unique fin : semer la mort.

Leurs ennemis, bien plus nombreux qu'eux, voletaient dans les airs avec leurs épées en main, et tentaient, en vain, d'arrêter les autres Dragons. Elle eut le temps d'apercevoir quelques Archanges, reconnaissables grâce à leurs ailes et armures si éclatantes, mais les ignora vite. Plus nombreux, ils auraient pu constituer une menace sérieuse, mais ce n'était pas le cas avec un tel effectif.

Tss ! Les neuf Maisons Angéliques les auraient-elles sous-estimés ? Ne s'étaient-elles pas attendues à ce qu'elle et les autres Dragons aillent au secours d'Onyx ? Ce serait là leur plus grande erreur.

Une erreur qui leur serait fatale.

Elle se fraya un chemin parmi le corps armé, écrasant les soldats sur son passage et déchirant ceux qui étaient assez naïfs pour tenter de l'en empêcher.

Agacée de sentir la pointe de leurs épées sur ses écailles, elle se décida à pousser un puissant rugissement pour les intimider. Cela marcha. Les Anges qui l'entouraient un moment auparavant s'éloignèrent à une distance de sécurité après son cri menaçant.

Elle lâcha un renâclement de dédain.

Misérables volatiles.

A la vue de leurs regards effrayés, elle ressentit le désir soudain de planter ses crocs dans leurs pitoyables carcasses.

De les déchiqueter et de sentir leur sang couler sans sa gorge et sur ses babines.

D'entendre leurs râles pathétiques.

Elle voulait les faire payer.

Et ce fut en faisant appel à toute sa volonté qu'elle réussit à continuer sa route, vers Onyx, et à laisser le carnage derrière elle, à sa harde et à celle de son précieux ami. Elle savait qu'ils feraient le travail tout aussi bien qu'elle.

Elle devait se concentrer sur le plus important : trouver Onyx. La vengeance attendrait, viendrait après sa libération. Et à ce moment là, et seulement à ce moment là, les Anges subiraient la colère de son peuple pour avoir osé s'en prendre à lui, à eux.

Les neuf Maisons Angéliques regretteraient leur affront.

Le Temple n'avait pas changé depuis sa dernière visite, qui remontait à des années de cela. Un bâtiment élevé par les Anges pour célébrer sa race. Un hommage en l'honneur de leur majesté et de leur force.

Les colonnes, fières et altières, soutenaient l'édifice et étaient surmontées d'un fronton, rempli de gravures représentant l'histoire de son valeureux peuple.

Elle avança avec détermination vers l'entrée, bien assez grande pour la laisser passer, et de sa queue virevoltante, envoya voler les Anges qui s'approchaient un peu trop d'elle.

Les sculptures des Six Dragons Ancestraux se dressaient en rang sur son passage, immenses, bien plus qu'elle ne l'était elle-même. Elles devaient faire des centaines de pieds de hauteur.

La sienne lui arracha un petit soupire irrité. Sa représentation ne lui rendait vraiment pas justice. Son embonpoint était bien plus fourni, et ses cornes ne ressemblaient certainement pas à la ramure d'un pitoyable cerf !

« Toutes mes excuses, ma reine, mais j'ai bien peur de devoir vous empêchez de passer. », l'interrompit une voix fluette.

Une Ange lui faisait face, sur les marches, son épée brillante dégainée et une cape immaculée pendant avec élégance dans son dos. L'armure qu'elle portait, d'un blanc pur, était de haute facture. La visière de son casque, rabattue sur son visage, empêchait la Dragonne de voir son expression.

Cela ne lui plaisait pas. Elle n'avait pas de temps à perdre avec ces pacotilles ! C'était le dernier obstacle qui la séparait d'Onyx ! L'entrée du Temple était juste derrière l'Ange... A seulement quelques pas...

« Hors de mon chemin ! ordonna la Dragonne en un feulement puissant, qui laissa apparaître ses longs crocs.

-Ma reine... la supplia l'Ange, pas la moins du monde intimidée. Je vous supplie de vous replier ! Cessez cette folie ! Ne nous trahissez pas davantage ! »

La créature comprit difficilement ce que venez de sous-entendre la femme. Mais une fois le sens de ses paroles saisi, un amusement cruel l'envahit.

« Trahir ? répéta-t-elle en explosant d'un rire guttural. Sale petite piaf ignorante et irrespectueuse ! Pour parler de trahison, encore faudrait-il que nous soyons alliés ! Or, nous ne vous avons jamais considéré comme tels ! Comme de pathétiques parasites serait bien plus juste ! Jusqu'à ce jour, nous avons supporté votre présence envahissante.... Nous sommes les maîtres des cieux, pas vous ! Vous l'avez bien trop oublié ! Laisse-moi te le rappeler comme il ce le doit ! »

Et la Dragonne déplia ses ailes, en une attitude menaçante, tandis qu'elle levait haut la tête, prête à tout instant à relâcher sa magie. L'Ange, elle, semblait s'être rendue à l'évidence, sa lame en avant et les pieds écartés.

« Vous ne me laissez pas d'autre choix que de vous combattre, ma reine... », chuchota l'Ange en se préparant à l'attaque.

Il n'en fallut pas plus.

La reptile plongea sa tête vers la femme, qui s'écarta au dernier moment. Le bruit de ses crocs qui se fermait dans le vide résonna dans la cours.

Et déjà, la Dragonne attaquait de nouveau, avec sa queue cette fois.

Mais son adversaire, agile et vive, esquiva encore, ses longues ailes blanches déployées derrière elle, découvrant alors son dos.

La Dragonne se figea tandis que son opposante atterrissait délicatement plus loin.

La reptile laissa échapper un long grognement rauque. La colère s'emparait de son cœur. Car là, dans le dos de l'Ange, incrusté dans son armure, se trouvait l'emblème de l'une des neuf Maisons Angéliques : un dragon blanc à la forme serpentine.

« La Maison de Michael... », cracha la créature en libérant son pouvoir, sa crête et son embonpoint écarlates se dressant sur sa nuque et autour de sa tête.

Une brume vermeille s'éleva à ses côtés, et de longs filaments, tel des éclairs éparses, claquèrent sur les dalles et dans les airs. Contrôlée par la vengeance, la Dragonne jeta son énergie sur l'Ange, qui ne put rien faire face à la puissance de l'attaque.

En une longue gerbe pourpre, le pouvoir de la reptile jaillit vers son ennemie. L'Ange fut projetée contre la façade du temple, et retomba comme une poupée de chiffon, évanouie.

Une chose de faite. Se déchaîner de cette façon l'apaisait légèrement. Elle se sentait d'humeur miséricordieuse. En d'autres occasions, elle lui aurait arraché les ailes, la privant d'une liberté particulièrement chérie.

En d'autres occasions. Si elle en avait eu le temps.

Et elle en avait déjà perdu assez.

Sa résolution toujours aussi forte, elle s'élança dans le Temple.

Elle déboula telle une tempête, la fureur la guidant dans le bâtiment sacré. Ses griffes crissaient sur le sol marbré. Elle se jeta contre la porte de la salle de culte, où se tenaient les cérémonies.

Un horrible pressentiment lui oppressait la poitrine.

La porte vola en éclat.

Son regard se posa immédiatement sur l'objet de son inquiétude.

Là, gisant misérablement par terre, des chaînes imposantes traînant à côté de son corps inconscient, se trouvait son ami.

Le choc s'empara d'elle.

Il était sous forme humaine, nu. Et sur son dos, un tatouage, un sceau, représentant un dragon noir, imprégnait sa peau.

« Onyx ! », hurla-t-elle, son cri secouant les murs.

Il ne réagit pas.

Il n'avait pas l'air d'avoir été battu. Mais ce sort, placé sur lui...

Elle palpa, avec son pouvoir, cette magie étrangère.

Le choc laissa place à l'horreur.

Ils n'avaient tout de même pas... Elle sentit une rage incontrôlable l'envahir.  Comment avaient-ils pu... ! Comment avaient-ils osé lui faire une chose pareille !

« Tu aimes ma surprise ? », retentit une voix de velours, teintée d'amusement.

Elle se figea, son sang se glaçant dans ses veines.

« Cela faisait longtemps, Rubis... »

Lentement, elle focalisa son attention derrière Onyx, vers le cœur de la chambre sacrée, là où, surplombant le reste de la salle, le maître de cérémonie célébrait habituellement la gloire des Dragons.

« ...j'espère que je t'ai manqué. », finit la voix, affreusement familière.

Elle savait ce qu'elle allait trouver là.

Une vue cauchemardesque.

Une vue qu'elle aurait souhaité ne jamais observer de nouveau.

Lui.

Drakaïs se réveilla brutalement, de la sueur sur le front, la respiration haletante.

Elle se passa une main tremblante sur le visage. Quel rêve intense ! Et cette fin ? Qui était ce « lui » ? Elle pouvait encore sentir la terreur et le désespoir qu'il lui avait inspiré !

« Reste-loin de lui, Drakaïs. Il est dangereux.», la prévint la Dragonne d'une voix sévère.

La Draconique roula ses yeux et serra les poings. Oui bon, elle pouvait le comprendre toute seule !

« Qui est-ce ? demanda la jeune fille en s'appuyant contre un oreiller.

-Tout ce que tu as besoin de savoir pour le moment, c'est qu'il est dangereux. Extrêmement dangereux. », grogna la Dragonne.

Drakaïs fronça les sourcils. D'un geste énervé, elle écarta ses couvertures et laissa pendre ses jambes hors du lit.

« Merci ! Je ne m'en doutais pas du tout ! marmonna-t-elle en tapotant furieusement ses doigts sur ses bras.

-Ne fais pas l'enfant, rétorqua sa guide. J'ai mes raisons pour rester aussi vague. Ne les remet pas en cause. »

Drakaïs aurait pu se calmer. Elle acceptait, difficilement, mais acceptait tout de même, de rester dans le noir.

Mais son mentor avait utilisé le mot « enfant » à son encontre.

Un sujet épineux pour la jeune fille.

« Peut-être qu'à force de me traiter de Dragonneau, l'idée s'est implantée dans mon esprit ! », ricana sèchement Drakaïs.

La Dragonne grogna, mais ne répondit rien. Cela agaça Drakaïs.

« Dangereux comment ? maugréa la jeune fille en mouvant ses jambes de bas en haut.

-Suffisamment dangereux pour tuer un Dragon ! », jeta la Dragonne, amère.

Drakaïs arrêta son mouvement, les yeux écarquillés.

« Tu_

-Je n'ai pas envie d'en parler. Ce n'est pas le moment pour en discuter, de toute manière. Maintenant, rendors-toi. », siffla sa guide.

Drakaïs reprit son balancement, frustrée.

« Tu ne m'as même pas laissé terminer... râla-t-elle.

-Je savais ce que tu allais dire, rétorqua son mentor, d'un amusement acide. Tu as raison. Il serait peut-être temps que je te traite en adulte. On dirait un vrai bébé. »

Drakaïs se figea, les jambes en l'air. Un coup bas. En guise de vengeance...

« Ton nom, c'est Rubis, n'est-ce pas ? L'un des Six des Dragons ancestraux, si je ne me trompe pas. Et cet homme...un ennemi ? Une vieille connaissance ?», demanda brutalement Drakaïs.

Aucune réaction.

Puis...

« Rendors-toi, Drakaïs. Tu n'as dormis que deux heures. Et dans à peine six de plus, tu devras te lever pour affronter une journée difficile.»

Et sur ces dernières paroles, la Dragonne se volatilisa.

« Ah... Je l'ai faite fuir... », soupira Drakaïs en se laissant tomber sur son matelas.

Un petit sourire malicieux trouva son chemin sur ses lèvres. Elle rit doucement.

« Bah... Elle m'a cherchée... »

Elle observa un moment le plafond de son lit à baldaquin, se laissant envahir par le silence de la nuit.

Tout le monde devait dormir.

Elle se remit dans ses couettes et ferma les yeux.

Mais le sommeil ne voulait pas revenir.

Agacé, elle se releva.

« Rubis, hein... », marmonna-t-elle.

Le nom provoquait en elle un sentiment indescriptible. Très nostalgique. De la fierté, aussi. Elle savait que c'était le nom de la Dragonne. Elle savait également que celle qui habitait son esprit, et celle qu'elle voyait dans ses rêves, n'était qu'une même entité.

Elle le savait, mais elle voulait qu'on le lui confirme.

Et surtout, oui, surtout, elle était convaincue que c'était une Dragonne ancestrale.

Un des six Dragons les plus puissants et importants des six mondes.

Les rois et reines incontestés des cieux.

Drakaïs grogna, énervée contre elle-même. Voilà à quoi se résumait ce que la jeune fille savait d'eux.

Rien de plus.

Leurs noms, pouvoirs, hauts faits ou autres informations ? Le néant. Parfois, elle ne pouvait pas s'empêcher d'être d'accord avec Drakayn : sa mère aurait vraiment dû leur en apprendre plus sur son peuple.

Et cet homme... Suffisamment puissant pour tuer un Dragon...

L'avait-il...l'avait-il tuée ?

Ou bien, était-il à l'origine de sa présence dans son esprit ?

Etait-il celui qui avait causé le sort d'Onyx ?

Qui était-il ?

Dangereux ? Une information insuffisante.

Surtout pour l'esprit insatiable de la Draconique.

Dangereux.

Dangereux...

Ah !

Dangereux !

S'il était dangereux, autant lui dire pourquoi !

Stupide Dragonne bornée...

Les sourcils froncés, Drakaïs se passa une main dans sa tignasse rousse.

Non, elle n'arriverait plus à dormir pour le moment.

Et puis, toutes ces pensées l'assoiffaient.

Avec un ultime soupir, elle se leva. Ses pieds nus rencontrèrent le parquet froid, et elle s'avança vers la sortie. Elle essaya de ne pas faire grincer la porte.

Peine perdue.

Un long couinement aigu retentit dans le silence de la nuit.

Elle espérait qu'elle n'avait réveillé personne...

Doucement, elle sortit dans le couloir. Elle fut surprise de voir qu'il y avait de la lumière, qui éclairait légèrement l'obscurité sinistre de la demeure.

Elle s'accouda au balcon, intriguée.

En bas, dans le hall d'entrée, baignant dans une pâle luminosité offerte par quelques bougies, assis dans un canapé, un livre à la main, Akhal l'observait.

Bon.

Il fallait croire qu'elle n'était pas la seule à ne pas trouver le sommeil...

D'un geste du doigt, il l'invita à la rejoindre, un index sur les lèvres.

Elle s'exécuta le plus silencieusement possible et grimaça à chaque craquement de marche qu'elle provoquait. Pour la discrétion, il était facile de faire mieux...

Elle prit place à côté de lui avec lourdeur.

L'image même de la grace.

« Anxieuse ? », lui demanda finalement Akhal en fermant son livre.

Drakaïs lui jeta un regard à la dérobée.

« On peut dire ça... », répondit-elle vaguement.

A un jour de l'assaut, le stress commençait à lui tordre le ventre, certes. Mais ce n'était pas la raison de son réveil.

Et elle n'avait pas vraiment envie de parler de son cauchemar avec Akhal.

« Être inquiète est normal, la rassura-t-il avec un petit sourire. Mais notre plan est sûr. La ville sera nôtre, demain soir. Ne restera plus qu'à la tenir...souffla-t-il.

-Et les Souterrains seront libres, ajouta Drakaïs, saisissant la chance de se changer les idées.

Un mouvement révolutionnaire s'y était mis en marche un peu plus d'une semaine auparavant, embrasant les consciences d'une flamme de révolte insoupçonnée. Et ils avaient accepté avec une facilitée presque déconcertante d'«héberger » l'armée des Draconiques et des Draconiaques, arrivée deux jours auparavant.

Bien sûr, il y avait un prix à une telle largesse. Un prix d'une beauté particulière. Symbolique.

La liberté des Souterrains en échange de leur aide, une fois que Quantamoniam serait sous le contrôle de leur armée.

Ainsi, tout ce petit monde se côtoyait dans un semblant de paix... Une harmonie de courte durée et ponctuée d'événements qui venaient rappeler à tous que les alliées d'aujourd'hui étaient les ennemis d'hier.

Des incidents avaient eu lieu un peu partout, résultant souvent sur des violences. Tous dans les Souterrains n'acceptaient pas de la même manière ceux qu'ils considéraient encore comme des abominations deux semaines plus tôt. Ils ne dénombraient cependant aucun mort et la situation était meilleure que ce qu'ils avaient espéré.

Nul doute qu'Inviat y était pour beaucoup.

Sur ce point, personne ne pouvait lui faire de reproches.

Il avait géré la situation avec un sang froid et une maîtrise que Drakaïs ne lui aurait jamais imaginé. C'était lui qui avait rapproché les deux partis. Lui qui avait mené les négociations. Lui qui avait convaincu et persuadé les récalcitrants de se joindre à leur cause. Et encore lui qui gérait les problèmes et rappelait à l'ordre les trouble-fêtes lorsque c'était nécessaire.

La Draconique ne l'avait pas revu ces trois dernières semaines, mais Drakayn lui avait fait part de son...changement.

Inviat était décidément un être mystérieux... Un coup Humain, un autre Vampire, personne ne comprenait ce qu'il était réellement. Ni ses convictions, et encore moins ses objectifs.

Tous avaient été choqués par sa facilité effrayante à éliminer les organisations tenant les Souterrains. Le massacre qu'il avait commis prouvait sa puissance, mais surtout, sa dangerosité. Pour le moment, Inviat semblait être de leur côté. Mais si imprévisible qu'il était impossible de deviner s'il le resterait longtemps.

Une chose était cependant sûre : Inviat n'était pas, et ne serait pas, une menace pour leur cause. Drakaïs le sentait. L'affiliation du Nécromancien avec Seth l'en empêchait.

Et Seth était peut être un inconnu, mais Drakaïs savait qu'il n'était pas son ennemi ; qu'il ne le serait jamais. Au plus profond d'elle même, elle sentait qu'il s'agissait de son allié le plus proche.

« Oui, libres, acquiesça Akhal, la ramenant à la réalité.

-Et toi ? », lâcha-t-elle brutalement. Le Draconique prit une expression confuse. « Qu'est-ce qui te tient éveillé ? », précisa-t-elle.

Du coin de l'œil, elle vit ses doigts se resserrer sur la couverture de son livre.

« Des pensées hantent mes rêves, avoua-t-il finalement, sans la regarder.

-Un cauchemar ? »

Le Draconique hocha la tête, crispé.

« Nous avons ce point en commun, alors ! », tenta de rire Drakaïs.

Voir Akhal si perturbé lui paraissait étrange. Elle le connaissait fort comme un roc. Cependant, à cet instant, il semblait rempli de doutes ; fragile et instable.

Et Drakaïs n'aimait pas voir Akhal ainsi. Une attitude pareille la mettait mal à l'aise, malheureuse, même.

« Parle-moi de mon père. », fit-elle brutalement, sans réfléchir.

Elle le vit se figer.

« Enfin, reprit-elle rapidement, si tu ne veux pas, je_

-C'était un homme bon, la coupa Akhal, les phalanges blanches. Loyal, généreux, sincère et respectueux. Un grand stratège, qui a bien souvent sorti mon père de sacrés galères. J'ai combattu à ses côtés et c'était un soldat exemplaire ; l'un des meilleurs. Tu peut être fière de lui, Drakaïs, lui lâcha-t-il en levant enfin ses yeux vers elle, remplis d'une émotion qu'elle ne put identifier. Il est mort avec honneur. Ta mère et lui... formaient un couple parfait. Heureux. Et Drags était leur perle. C'était un père et un mari attentionné, aimant sa famille ; toujours là pour elle. Il tenait plus que tout à ses proches. D'une grande gentillesse, il se transformait en véritable lion lorsque l'on s'en prenait à eux.»

Le souffle manqua à la Draconique.

C'était là des informations qu'elle avait attendues toute sa vie, et les entendre la remplissait d'émotions contradictoires : joie, tristesse, satisfaction, frustration...

Un mélange déroutant.

« Comment est-il mort ? », demanda-t-elle finalement, dans un souffle.

Cette fois, c'était elle qui détournait le regard. Brûlantes et cruelles, les larmes apparaissaient aux coins de ses yeux.

De toutes ses émotions, c'était la tristesse qui remportait la maîtrise sur son cœur.

« C'était avant ta naissance, lui apprit-il, la voix rauque. Lors d'une guerre que menait l'Empire contre une faction ennemie... Il était aux côtés de mon père lorsque ça s'est produit. Ils étaient tombés dans une embuscade. Il s'est sacrifié en prenant un coup destiné au mien, en plein cœur. »

Drakaïs inhala fébrilement et se mordit les lèvres jusqu'à goûter le sang.

Ainsi, son père ne l'avait jamais connue.

Il ne l'avait jamais tenue dans ses bras. Il ne l'avait jamais embrassée. Il ne l'avait jamais aperçue.

Toutes ses chimères d'un père présent dans sa vie, même fugacement, volèrent en éclat.

Elle avait grandi en pensant que son père avait fait partie, même brièvement, de sa vie.

Un mensonge.

Ou plutôt, une illusion naïve.

Après tout, comment penser sérieusement de telles idées ? Elle ne connaissait même pas son nom. Sa mère et Drags s'étaient refusées à le prononcer.

Amères et enragées, les larmes coulèrent sur ses joues pâles, traçant des sillons destructeurs sur sa peau constellée de tâches de rousseurs.

La vérité avait un goût acerbe.

« Et physiquement ? A quoi ressemblait-il ? »

Elle s'entendait parler, mais son corps lui semblait être à des lieux de cela.

Mécanisme de défense ou état de choc ? Les deux, sûrement.

Elle sentit un contact sur ses joues, qui la fit tressaillir.

Akhal.

De ses pouces, il essuyait ses larmes, la mine peinée et une émotion affectueuse faisant briller son regard d'une lueur chaleureuse.

Drakaïs crut suffoquer.

C'était le coup de grâce.

Les sanglots vinrent, violents, en secouant son torse et en lui arrachant des hoquets douloureux.

Elle aurait aimé être à des kilomètres de là, loin, pleurer en silence, seule, sans témoin.

Mais Akhal était là.

Et il y avait une différence entre les souhaits et les besoins.

Elle sentit ses bras, qui la prirent doucement pour l'attirer contre son torse. D'une caresse réconfortante et rassurante, il passa sa main dans son dos avec répétition, sa joue posée délicatement contre ses cheveux, lui murmurant des mots apaisants dans le creux de l'oreille.

Elle s'accrocha à lui avec désespoir.

Elle avait tant besoin d'un câlin, d'affection, d'une présence.

« Il était brun, reprit Akhal en la serrant un peu plus contre lui. En fait, non, il était plus châtain que brun... Grand, plus grand que moi. Son visage... était plutôt carré. Il pouvait paraître sévère, mais il ne fallait pas s'y fier : il était d'une grande bonté. Ses yeux étaient gris, bleus au soleil. Remplis de gentillesse. Il avait plusieurs cicatrices sur le visage, dont une sur la mâchoire. Un méchant coup qu'il avait reçu jeune, en se battant à l'épée avec mon père. Sa peau était tannée par le soleil : il passait beaucoup de temps à l'extérieur. Ses combats l'avaient rendu musclé. Il avait aussi de grandes mains. Des mains de pianiste, rendues calleuses en manipulant l'épée. », lista-t-il, l'émotion tenant sa voix.

Drakaïs l'imaginait combattre à l'épée, embrasser sa mère, mener des hommes au combat, jouer avec sa sœur.

Mais qu'était l'imagination face à la réalité ?

Contre elle, Akhal était tendu, les mâchoires serrées. Il s'éloigna légèrement, pour planter son regard dans le sien. Ses yeux vibraient d'émois.

Drakaïs, à travers son tumulte intérieur, pouvait enfin mettre des noms sur ce qu'elle y lisait.

Colère. Culpabilité. Compassion. Amour.

Mais elle était trop déroutée pour s'interroger davantage.

« Nos deux pères se connaissaient depuis qu'ils étaient enfants, expliqua le Draconique. Ils ont grandi ensemble, ont combattu ensemble, vivaient dans des demeures voisines. Mon père était le parrain de Drags. Et à sa mort...il a veillé sur vous. Il vous a accueilli chez nous et a prit soin de vous. Mais peu après ta naissance... » Il fit une pause et rompit le contact visuel. « ...ta mère est partie. Elle...avait besoin de s'éloigner, de faire son deuil. Et la présence constante du meilleur ami de son époux ne faisait que lui rappeler son absence. Peut-être même...qu'elle en voulait à mon père de ne pas être mort ce jour-là, et que le tien prenne le coup à sa place, avoua-t-il, d'une voix atone. En tout cas, mon père a toujours regretté de ne pas avoir veillé comme il se devait sur vous... » Il l'observa de nouveau, avec intensité. « Il se sentait déjà responsable de la mort de ton père, et lorsque la nouvelle du drame nous est arrivée il y a douze ans de cela... Il y a encore peu, nous te pensions morte, Drakaïs. Et cette fois, rien ne t'arrivera plus. Je te le jure. », promit-il avec conviction.

Et Drakaïs le crut.

Étrangement, dans ses bras, elle se sentait en sécurité. Apaisée. Seuls sa mère et Cerbère lui avait donné cette impression par le passé. C'était déboussolant.

« Comment s'appelait-il ? », fit-elle au bout d'un moment, après avoir repris ses esprits.

Elle vit un éclair d'hésitation passer sur son visage. Avait-il peur de la faire souffrir ?

« Akhal, s'il te plaît...le supplia-t-elle. Je dois savoir... »

Vaincu, il se passa une main fébrile sur le visage.

« William Turniel. »

Elle fronça les sourcils.

« Akhal... Son vrai nom. Son nom de Draconique. D'ailleurs, tu ne m'as pas dit à quoi il ressemblait sous sa forme reptilienne. », nota-t-elle, confuse.

Elle le vit détourner les yeux et grogner quelque chose qu'elle n'arriva pas à saisir. Elle insista : elle lui attrapa le bras et le secoua légèrement.

« C'était un Humain. », répéta-t-il en rivant son regard au sol, évitant celui de la Draconique.

Elle se figea.

« Je t'ai donné son vrai nom, Drakaïs... Et si je ne t'ai pas parlé de sa forme de Dragon, c'est tout simplement parce qu'il n'en avait pas. Il était Humain. », marmonna-t-il.

Oh.

Un Humain.

Elle ne s'en était jamais doutée. Elle regarda ses mains, tremblantes, et les força à s'immobiliser. Sa parenté avec eux était plus forte qu'elle ne le pensait. Elle vit Akhal se rapprocher d'elle mais se recula, coupant tout contact avec lui.

Humain.

Le mot se répétait, encore et encore, dans son esprit.

Humain, oui.

Drakaïs n'aurait pas dû être aussi déstabilisée par la nouvelle.

Mais pourtant, elle perdait pied. Tous ses repères volaient en éclat.

« Drakaïs... », fit Akhal en tendant la main vers elle.

De nouveau, elle s'écarta, perdue.

Le Draconique laissa un moment sa main en suspend puis la fit retomber sur ses genoux, le poing serré.

« J'ai besoin d'être seule. », lâcha Drakaïs d'une voix blanche.

Humain.

Un malaise sans nom lui serrait le cœur et les tripes.

Un éclair de culpabilité et d'angoisse passa sur le visage d'Akhal.

« Tu es s_

-S'il te plaît. », le coupa-t-elle, frissonnante.

Alors, avec un dernier regard déchirant, Akhal l'écouta, et monta à l'étage.

Drakaïs n'aurait su dire combien de temps elle resta là, sur le canapé, à fixer le vide, sans expression.

Ses pensées se résumaient à un seul mot.

Humain.

Le dos appuyé contre un mur, Drakayn ressentait de la confusion.

Énormément de confusion.

Cette conversation...

Il y avait quelque chose d'intime, de personnel... Drakayn avait l'impression d'être un voyeur. Il ressentait de la culpabilité à avoir surpris cet échange.

Le Démon fronça les sourcils.

Lui, qui culpabilisait.

Ah ! Elle était bien bonne !

Mais pourtant, c'était vrai. Le sensation de compression qui lui serrait le cœur était indubitable.

Il vit Akhal monter les escaliers et s'arrêter une fois arrivé en haut, pour braquer son regard vert pale sur lui. La rage et les reproches que Drakayn y vit l'ébranlèrent plus qu'ils n'auraient dû.

Jamais il n'avait vu Akhal avec un air si meurtrier. Mais Drakayn soutint l'échange sans réaction apparente, cachant son embarras au plus profond de sa conscience.

Le Draconique s'approcha vivement de lui, en quelque pas, et lui agrippa le bras, d'une poigne douloureuse. Drakayn ne chercha pas à se dégager. Il jeta juste un bref coup d'œil à l'emprise d'Akhal, étonné.

Le Draconique n'en venait aux mains que dans les situations les plus extrêmes. Et dans la plupart des cas, il fallait plus qu'écouter aux portes.

Écouter aux portes accidentellement, qui plus est.

Etait-ce de sa faute s'il avait surpris leur discussion alors qu'il comptait se désaltérer ?

« Ton manque de respect commence sérieusement à user ma patience, Drakayn. », siffla doucement Akhal.

Le Draconiaque ouvrit la bouche pour répliquer, mais Akhal ne lui en laissa pas l'occasion.

« Tu n'avais aucun droit d'écouter cette discussion. Aucun, insista-t-il en resserrant sa prise, envoyant alors un éclair de douleur dans le bras de Drakayn. Me titiller passe encore, mais ici, l'affaire concernait également Drakaïs. C'était entre elle et moi. Et tu n'as pas à venir pervertir ce moment de ta présence malsaine. C'est une histoire de famille, Drakayn. De famille ! », cracha-t-il en le secouant violemment, avant de le lâcher, non sans un dernier regard noir.

Prit de court, Drakayn buta sur ses mots.

« C'était accidentel ! fit-il finalement, de l'outrage dans la voix.

-Accidentel, mon cul ! répliqua Akhal en se plaçant devant lui, l'attitude menaçante. Tu aurait très bien pu partir en réalisant notre présence ! Mais tu as fait le choix de rester ! »

Drakayn ferma son clapet face à ces paroles.

De nouveau, la culpabilité lui serra le cœur.

Merde.

Ce sentiment le mettait décidément mal à l'aise.Et quand il était mal à l'aise, Drakayn avait tendance à puiser dans sa colère.

« Ne me fait pas rire avec ton histoire de choix, Akhal ! persifla Drakayn, en prenant le Draconique par le col de sa chemise. Toi aussi, tu as dû en faire un ce soir ! Et il est loin d'être honorable... Tu lui as menti. Je ne sais pas où, ni pourquoi, mais tu empestais le mensonge ! »

Akhal se figea, les lèvres serrées en une ligne inquiète. Mais très vite, son expression se fit ténébreuse.

De nouveau, l'esprit de Drakayn vacilla.

Non, décidément, un comportement pareil chez Akhal le déstabilisait.

« Ne fait pas comme si tu savais de quoi tu parlais, Drakayn. Tu ne sais rien. Rien. Alors évite-moi ton jugement pathétique. Et puis, les petits secrets, c'est quelque chose que nous connaissons tous les deux très bien, n'est-ce pas, Seigneur ? », se moqua Akhal, le ton acide.

Surpris par la venimosité des paroles du Draconique, Drakayn le relâcha brutalement et recula, les sourcils froncés.

Sale coup... Soit Akhal était à cran, soit le sujet était sensible pour lui.

« Parle de cette discussion à quiconque, Drakayn, et je te jure que tu es un homme mort. », finit Akhal en rajustant sa chemise, le visage plus sombre que jamais.

Et sans lui accorder plus d'attention, il le dépassa.

Drakayn resta immobile un instant, transi par la surprise.

« Essaye un peu, pour voir... », marmonna le Démon, après avoir repris contenance.

Il s'avança dans le couloir et s'accouda sur le balcon pour observer brièvement Drakaïs, qui était restée imperturbable.

Les avait-elle entendu ?

Au vu de son expression, non.

Drakayn soupira longuement.

La culpabilité lui compressait toujours la poitrine. Une vraie saloperie. Et avant même qu'il ne s'en rende compte, il était en bas des escaliers, et se dirigeait d'un pas décidé vers la Draconique.

Oui, la culpabilité était vraiment un supplice immonde, qui lui faisait prendre des décisions extrêmement stupides...

Avec un petit saut, il prit place aux côtés de la Draconiaque, la tirant brutalement de son état de stupeur. Les mains à la bouche - sûrement pour couper un cri de surprise-, elle l'observait avec alarme.

Il força un sourire taquin à se faufiler sur ses lèvres, préférant l'aborder comme si de rien n'était.

Préférant ignorer ses yeux rouges et les sillons encore frais de ses larmes sur ses joues.

« Alors comme ça, on fait une nuit blanche, partenaire ? Il fallait me prévenir ! Je t'aurais tenu compagnie ! »

Mais son trait d'humour n'eut pas l'effet habituel. La Draconique continuait de l'observer vaguement.

Non, en fait, elle regardait dans le vide.

Elle était toujours plongée dans ses pensées.

« Eh, eh, eh ! l'appela-t-il en claquant des doigts devant ses yeux, la faisant de nouveau sursauter. Un peu d'attention s'il-te-plaît ! Tu vas finir par me vexer !

-Je... », commença Drakaïs, la voix tremblante.

Ses épaules tressautèrent brusquement et Drakayn sentit la panique l'envahir.

Oh, non.

« C'est_ C'est_ »

Et sans plus de mots, elle éclata en pleurs.

Drakayn se figea.

Il n'avait jamais su gérer les larmes.

Une nouvelle émotion, plus violente que la culpabilité, prit le contrôle de son cœur : la tristesse.

Voir Drakaïs dans cet état le détruisait.

Comme mus par une conscience qui leur était propre, ses bras entourèrent la taille de la Draconique, l'attirant sur ses genoux. Il posa un rapide baiser sur son front avant de prendre en coupe son visage.

Il aurait tout donné pour que ses joues se teintent d'un rouge embarrassé, comme elles l'auraient fait normalement. Mais non. Les pleurs continuaient, et la jeune fille avait toujours l'air torturée.

Il ne savait vraiment pas gérer les larmes.

« Drakaïs, tu_

-Rubis. », couina-t-elle, le coupant dans ses paroles rassurantes.

Drakayn fronça les sourcils.

Rubis ?

« Ru_

-La Dragonne Ancestrale, l'interrompit encore une fois la Draconique, la gorge toujours serrée par les sanglots. Dis-moi tout ce que tu sais sur elle. Non, sur eux tous. »

Quoi ?

« Drakaïs, je ne_

-S'il-te-plaît, Drakayn...lui demanda-t-elle, la voix rauque. J'ai besoin de me changer les idées. Je veux penser à autre chose. »

Et pour ponctuer ses paroles, elle posa son front contre son torse, ses épaules toujours tremblantes et la respiration saccadée.

Comment refuser en de telles conditions ?

Il prit le temps de rassembler ses idées et ses connaissances.

«Commençons donc par Rubis... souffla-t-il en passant une main consolante dans ses cheveux roux. C'est la Dragonne la plus puissante de toutes. On la dit orgueilleuse mais loyale, féroce mais chaleureuse : elle est haïe autant qu'elle est aimée. Elle est également connue comme étant la reine guerrière, maîtresse des cieux et des terres. Et sa beauté est légendaire. Seules Saphir et Crystal, les deux autres Dragonnes Ancestrales, peuvent se vanter de lui faire de l'ombre sur ce point. Mais il y a des millénaires, quand Onyx a été emprisonné dans sa prison humaine, elle a disparu. De nombreux témoignages attestent de sa présence et de celle de sa harde lors des combats qui ont eu lieu pour le libérer, mais après, plus aucune trace d'elle...»

Il la sentit à l'écoute, les épaules immobiles. Bien, elle se remettait.

« Comme je te l'ai dit plus tôt, c'est une guerrière dont la gloire n'est pas ternie. Que ce soit à l'escrime ou dans d'autres types de combat, elle est réputée pour écraser ses adversaires. Certains disent que son pouvoir est sans limite, et que sa magie est incomparable. Elle a remporté de nombreuses batailles légendaires, défié des ennemis sans pareil, défendu des causes justes comme des moins honnêtes... lista-t-il, le visage songeur. Rubis ne fait certes pas l'unanimité, mais on ne peut pas lui enlever ce point : elle est remarquable. Et il ne fait pas bon d'être de ses ennemis. Mais c'est autre chose lorsque l'on fait partie de ses amis. Ce qu'elle a fait pour Onyx l'a bien prouvé.

« Ses ennemis ? », répéta avec un air hagard Drakaïs.

Drakayn étouffa un soupir de soulagement.

La diversion semblait marcher.

« De nombreux ennemis. Je te l'ai dit, elle ne fait pas l'unanimité. Chez les Désastres, notamment.

-Elle n'est donc pas aimée des Six ? »

Et réactive, qui plus est ! Oui, Drakaïs reprenait du poil de la bête.

« Pas de tous, non, répondit-il après un instant. Mais ce n'est pas ce que j'entendais, lorsque j'ai parlé des Désastres. Je parlais des Plaies. Ceux qui se liguent contre l'autorité des Six et qui sèment chaos et destruction là où ils passent. »

Drakayn grimaça en pensant à ce groupe.

Les Plaies.

Des monstres sanguinaires, qui échappaient même au contrôle des Dieux. Les Désastres terrifiaient par leur réputation. Mais ils n'étaient rien par rapport aux Plaies.

Il sentit Drakaïs frisonner contre lui.

« Ce n'est qu'une légende... Un conte que l'on raconte aux enfants pour les effrayer... », contesta faiblement Drakaïs.

Drakayn rit doucement.

Oh, il aurait été si rassurant que ce ne soit qu'un conte...

« Chaque légende contient sa part de vérité, Drakaïs, expliqua calmement le Démon. Et celle-ci est bien trop réelle. Même s'il fait très longtemps que les Plaies n'ont pas frappé, il ne fait aucun doute qu'elles sont toujours là. »

Oui, tapies et cachées dans les sociétés, les Plaies attendaient le bon moment pour ressurgir et causer chaos et malheur sur leur passage.

Quelques secondes de silence filèrent. Drakaïs reposa sa tête sur l'épaule du Draconique, se positionnant plus confortablement sur ses genoux.

« Parle-moi des autres Dragons Ancestraux... », demanda-t-elle avec un bâillement.

Il mit du temps à réagir, trop occupé à prendre conscience de sa place dans ses bras. Il ne savait pas si c'était la tristesse ou la fatigue, mais la Draconique prenait beaucoup de liberté avec lui.

Et il n'allait pas s'en plaindre.

« Inutile de parler d'Onyx, nous sommes d'accords ? fit-il avec un rictus, qu'elle lui rendit doucement. En terme de puissance, Rubis est juste derrière lui. Au même niveau, on retrouve Émeraude, connu pour sa sagesse et son intelligence, d'où sa réputation de grand stratège. Il est également très généreux, et n'hésite pas à prendre sous son aile ceux qui ne sont pas de sa race. On raconte qu'il est le seul à compter d'autres peuples que celle des Dragons dans sa harde. C'est également un Magicien de renom. Il a formé les meilleurs de ce temps dans le domaine. Les meilleurs chefs de guerre aussi. Pourtant, en ce moment, lui et sa harde se font silencieux. La rumeur circule qu'il est à Eden, sous forme humanoïde. »

Drakaïs hocha la tête et étouffa un nouveau bâillement. Drakayn sourit un peu plus. Les larmes lui avaient au moins permis de se vider de son énergie. Elle tomberait bientôt de sommeil.

« Continue. », souffla-t-elle gentiment.

Alors, il continua.

« En dessous, on retrouve Saphir et Topaze. La Dragonne azure est réputée pour sa beauté et son avarice. Elle a un goût immodéré pour les trésors. Quand elle veut quelque chose, elle le prend, quoi qu'il lui en coûte, et se fiche des dégâts qu'elle peut provoquer par la même occasion : elle est égoïste. Son esprit est vif et avisé, et ses attaques éclairs sont craintes de tous. Comme elle, sa magie est majestueuse, mais aussi très dangereuse. Elle règne en reine là où elle siège, dans les ruines d'une ancienne cité abandonnée au Paradis: c'est une solitaire.

« Topaze, quand à lui, est fourbe et cruel. Il aime semer la destruction. Mais il reste honorable : il répond à un code connu de lui seul. Sa parole n'est pas à prendre à la légère. De plus, il aime son peuple. Après le sort infligé à Onyx, il a attaqué sans relâche, avec sa harde, les cités angéliques, causant alors chaos et destruction sur son passage. Les Anges l'ont; je ne sais pas comment, même à ce jour cela reste un mystère; emprisonné dans la même forteresse qu'Onyx. Il s'est échappé il y a plus de quatre-vingts ans, alors qu'un groupe que je menais assiégeait la prison pour libérer des Démons. Nous avons participé à sa libération. »

Drakayn revoyait encore le regard du Dragon, impressionnant et intimidant, luire dans l'obscurité de sa cellule alors qu'il s'adressait à lui.

Le Démon s'était rarement senti aussi inexpérimenté et faible face à un individu.

« Tu as rencontré l'un des Dragons Ancestraux ? répéta la Draconique en relevant la tête pour l'examiner, l'émerveillement remplaçant brièvement la fatigue dans sa voix.

-Ah, mais j'ai fais plus que le rencontrer : je l'ai aidé, rit Drakayn en lui tapotant le nez avec son doigt, ce qui lui attira une grimace de la part de Drakaïs. Enfin, en réalité, c'est lui qui m'a le plus aidé ! », termina-t-il en éclatant de rire.

La Draconique partagea son éclat avec douceur, son souffle venant chatouiller le cou du Démon.

Oui, décidément, Drakayn appréciait beaucoup cette position...

« Et reste Crystal, la moins forte de tous...mais il serait stupide de la sous-estimer. C'est une puissante Enchanteresse, une pacifiste au calme légendaire et une stratège à la logique implacable. Et sa parole, juste et sage, fait d'elle une diplomate inégalée. C'est sûrement la Dragonne qui fait preuve du plus de bonté et de tolérance. Elle aide ceux qui en ont besoin et ne combat qu'en cas d'extrême urgence. Elle clame la paix et l'entente entre les peuples. Elle tente d'ailleurs de rétablir l'harmonie entre les Dragons et les Anges. Bonne chance pour elle... ricana-t-il. Et elle possède un siège important à l'Alliance, où elle tient le poste d'ambassadrice des Dragons, ainsi que le titre de Voix Blanche. Autant te dire que c'est la Dragonne la plus influente. »

A ses côtés, la poitrine de Drakaïs se soulevait lentement.

Le Démon observa son visage.

Elle dormait.

Paisiblement de surcroît, avec un sourire sur les lèvres.

Mission accomplie.

Avec délicatesse, le Draconiaque la prit dans ses bras et se leva. Doucement, sans la réveiller, il se mit à gravir les escaliers.

Finalement, peut-être avait-il bien fait de chercher à apaiser sa culpabilité... Savoir qu'il avait aidé Drakaïs à dépasser sa douleur le soulageait.

Et puis, en bonus, il avait pu la tenir dans ses bras.

Le long grincement de la porte d'entrée retentit dans son dos, le forçant à s'arrêter en plein milieu des marches. Intrigué, il se retourna, se demandant qui pouvait bien venir si tard dans la nuit.

Dans l'encadrement de la porte, projetant son ombre sur la moquette rouge sang du bâtiment, se trouvait un loup.

Non, pas un loup.

Un Loup-Garou.

« Cerbère... », souffla Drakayn, surpris.

Avec toutes ces histoires, il avait complètement oublié que lui et ses alliés étaient censés arriver dans la nuit.

Et en parlant d'alliés...

Deux figures se tenaient à ses côtés. L'une était droite et altière. Une femmes aux longs cheveux châtains et un arc élégant dans le dos.

Sûrement la fameuse Elesborn.

Et juste en face, petite et menue, se trouvait le cabot.

« On peut savoir pourquoi tu poses tes sales pattes sur ma sœur, Drakayn ? », grogna Lya, les mains sur les hanches.

Oh oui, Lya lui avait tellement manqué...

Note: Hey à tous :D !

Bon, bon...

Dernier chapitre avant l'assaut !

Un chapitre de transition, donc...J'espère qu'il ne vous a pas trop ennuyé, mais bon, il est plutôt utile, nan ;) ? Pleiiiiiin d'informations !

Sur le père de Drakaïs (eh eh ! Je lâche enfin quelques trucs ;) !) et sur les Six Dragons Ancestraux (si vous ne retenez pas tout, c'est normal XD !)!

Un truc aussi très important...c'est le retour des infos sur la Dragonne :D ! Satisfait ? Je vous gâte là :p ! Et puis...Ce mystèreieux "lui"...Qui est-ce ? Des idées ;) ? En tout cas, tout est très important là dedans :) !

(en fait, c'est un chapitre important XD !)

Bon... Plusieurs choses à digérer là dedans... (Les Plaies !!!! N'oubliez pas les Plaies !!!!)J'ai vraiment pris plaisir à l'écrire, surtout la discussion entre Akhal et Drakaïs. J'aime beaucoup leur relation, et j'espère que je pourrais la développer davantage dans la réécriture ^_^ ! Car même si elle évolue dans les autres tomes, je me dis que l'améliorer dans celui-ci serait pas mal !

Mais breeeef !

On retrouve enfin Drakaïs et Drakayn, qui interagissent ensemble dans ce chapitre :D !Yey !

D'ailleurs, je dédicace ce chapitre à @ottilia04 ;) ! Quand je te disais qu'on les retrouverait bientôt :p !

Bon, j'ai pas grands chose à dire de plus (le choc :0!)mis à part que j'attends vos réactions avec impatience :D !

Allé, prochain chapitre, la castagne commence !

Yey !

A bientôt !

Ps: Bon....il doit y avoir des tonnes de fautes d'orthographe dans ce chapitre...Désolée...

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