Chapitre 17:
Drakaïs regarda avec horreur le Vampire s'avancer vers eux. Sa démarche était souple et déterminée, d'un calme effrayant. Sa cape se déplaçait avec son corps d'un mouvement fluide et furieux. Un sourire radieux, presque euphorique ornait son visage. Il était terrifiant et extraordinaire à la fois. La Draconique ne pouvait décrocher ses yeux de la présence qu'il imposait. Même si toutes ses pensées lui hurlaient de fuir, son corps s'y refusait. Comme si on exerçait une force extérieure sur elle. Il semblait en être de même pour Drakayn. Mais ce dernier semblait avoir plus de contrôle que la jeune fille, car il réussit à crâcher, d'une voix rauque :
- Sale lâche ! Aie au moins le courage de nous affronter sans user de ce pouvoir abject !
A travers les paroles du Démon, Drakaïs comprit qu'Inviat utilisait quelque sombre pouvoir qui entravait leurs volontés. Etait-ce propre aux Vampires ? Peut-être qu'elle ne vivrait pas assez longtemps pour le savoir...
Inviat, quant à lui, rigolait tandis qu'une forte certitude s'imposait dans l'esprit de la Draconique : il faisait bien quelque chose. Il cacha ses yeux, désormais rouges, avec sa main et secoua tristement la tête. A peine eut-il fait ce geste, que les deux dragons retrouvèrent la liberté de leur mouvement et reculèrent rapidement.
« Toutes mes excuses, lâcha-t-il d'un air dépité. Je ne faisais pas exprès. C'est une vieille et mauvaise habitude que j'ai là... Que d'impolitesses de ma part ! –Un sourire fleurit sur ses lèvres.− Des invités, même s'ils s'imposent, ne devraient pas se sentir en danger dans mon antre. Mais vous sentez-vous en danger ? Telle est la question... »
Le regard du Vampire reparut, plein de férocité et rempli d'une vive intelligence. Drakaïs crut y voir pendant un bref instant un éclair de folie, mais cette impression disparut aussi vite qu'elle était apparue.
« Alors ? On se tait ? Vous savez, je ne mords pas... Je ne vais pas vous manger !»
Le Vampire rit hystériquement à sa plaisanterie qui, elle, n'avait fait que refroidir davantage les deux Dragons.
Drakayn serra les poings.
« Ça, vois-tu, j'en doute ! », cracha le Démon.
Le Démon sortit son épée avec une rapidité incroyable, un long sifflement retentissant dans le cimetière. En quelques secondes, il franchit l'espace qui le séparait du Vampire et lui plaqua sa lame sous la gorge. Il avait agi avec tant de vitesse que la Draconique avait eu du mal à suivre le mouvement.
« Dès le moment où je t'ai aperçu, j'ai su que quelque chose clochait avec toi !, vociféra le Draconiaque.
- On me le dit souvent... », ricana le Vampire, pas le moins du monde intimidé par l'attitude du Draconiaque.
Le Démon accentua la pression de son arme et un mince filet de sang coula sur la gorge blanche d'Inviat.
« Si tu ne veux pas voir plus de ton sang teinter ma lame, je te conseille de ne pas m'énerver davantage... », menaça Drakayn, les mâchoires serrées.
Il y eut un long silence. Drakaïs retint son souffle et se demanda comment faire pour que cette atmosphère pesante s'allège. Elle était comme tétanisée.
Enfin, ce fut Inviat qui prit la parole le premier. Il plongea ses yeux dans ceux de Drakaïs et susurra de sa voix de velours :
- Même si j'ai dit que je ne vous mangerai pas, rien ne m'empêche de me défendre...
Elle se figea à ce contact visuel. Elle pouvait comme sentir le poids de ce regard sur elle. Des murmures qui l'appelaient s'insinuèrent dans son esprit et envahirent ses sens. Charmeurs, ils l'envoutaient et elle sentit sa conscience glisser vers le néant, si accueillant à cet instant... Elle perdit presque connaissance, mais se planta les ongles dans les paumes de sa main. Non. Quel que soit ce phénomène, elle ne devait pas y succomber. Avec toute sa volonté, elle revint à elle. Elle avait suffisamment repris ses esprits pour se rendre compte qu'elle avait avancé de quelques pas durant l'évènement
Drakayn, en jetant un coup d'œil à la Draconique, comprit la situation et siffla de rage.
« User de Drakaïs pour m'attaquer...et en te servant de tes charmes... On dirait que je n'ai pas été assez clair ! », s'exclama Drakayn en mettant ses menaces à exécution.
Cette fois, la pression qu'il exerça sur le coup du Vampire fut assez forte pour faire couler une grande quantité de sang. Du rouge vint teinter le sol en de larges tâches poisseuses et la lame du Draconique devint écarlate. Inviat hoqueta. Drakaïs mit du temps à comprendre qu'il rigolait.
« Drakayn, Drakayn, Drakayn... −Il posa un doigt contre l'épée du Démon.− Je pense que tu te fourvoies sur plusieurs choses... Premièrement : si j'ai tenté de prendre le contrôle de Drakaïs ,je m'en excuse d'ailleurs, ce n'était pas pour t'attaquer, mais pour essayer de te faire changer d'avis par son intermédiaire... Mais bon, j'aurais dû me douter que l'hypnotiser serait impossible... et que ce serait donc une stupide idée... −Le Démon augmenta la pression. Un flot de sang jaillit de la gorge d'Inviat en une rivière vermeille. − Deuxièmement: faire couler le sang d'un Vampire, doublé d'un Nécromancien, ce n'est pas vraiment la meilleure des choses, tu ne crois pas ? », finit-il, une lueur féroce dans le regard.
A ces mots, le sang, qui était désormais une flaque aux pieds des deux hommes, s'élança, tel un javelot, vers Drakayn. Celui-ci l'esquiva en jurant et vint se placer aux côté de Drakaïs qui venait de saisir, avec difficulté à cause de la tentative d'hypnose d'Inviat, ce qui se passait.
« Belle esquive !, le complimenta le Nécromancien en écartant légèrement les jambes, une main massant sa gorge, qui cicatrisait déjà.
- La ferme ! », aboya Drakayn
Le Vampire partit d'un nouvel éclat de rire et l'applaudit plusieurs fois.
« Quel divertissement vous me donnez ! Moi qui pensais m'ennuyer ici ! J'aurais dû me douter qu'avec vous dans les parages, ce ne serait pas le cas ! »
Drakayn bouillonnait de rage. Drakaïs le voyait à ses muscles tendus, à ses mâchoires crispées et au mince filet de sang qui coulait de ses poings serrés. Et cela sembla enfin la faire sortir de l'étrange transe dans laquelle elle se trouvait. Elle devait agir.
« Drakayn.», l'appela-t-elle en lui touchant le bras.
Pas de réaction.
« Drakayn ! », fit-elle plus fort.
Cette fois, le Démon tourna sa tête vers elle, et la scruta de ses prunelles rouges. Elle retint son souffle en croisant son expression. Il était furieux. C'était seulement lorsqu'il s'énervait autant que son regard brillait de ce feu bouillant.
« Tu te fais mal... », lui chuchota-t-elle en lui prenant la main, dans une emprise qu'elle espérait réconfortante.
Drakayn regarda cette dernière, les sourcils froncés. Sous le coup de la colère, il n'avait même pas remarqué ce qu'il s'infligeait. Maintenant qu'il voyait la blessure, il en ressentait la douleur. Mais même alors, cette souffrance était trop faible pour lui faire oublier sa rage. Elle ne fit d'ailleurs que l'alimenter.
Il sentit que sa peau se recouvrait d'écailles et la sensation de ses crocs sur ses lèvres lui parut exquise. Des griffes effilées avaient remplacé ses ongles et il s'imaginait nettement les plonger dans le corps de la sangsue... Il ne put se retenir de sourire cruellement à cette idée. Que ce salaud paye...
Et alors qu'il envisageait réellement de plonger ses mains dans les tripes d'Inviat, il sentit la poigne de Drakaïs se resserrer. Sa main, plus petite que la sienne, était apaisante. Tellement apaisante qu'il oublia qu'il était énervé. Il rentra ses griffes et plongea ses yeux vermeils dans les émeraudes qu'étaient ceux de la Draconique. Par les Six ! Qu'elle était belle à cet instant ! Ses cheveux de feu, qui paraissait si délicats et doux, tombaient harmonieusement autour de son visage. Et quel visage... Il exprimait de l'inquiétude et de la détermination à la fois. Quelle expression ! Il fallait la voir pour en saisir toute la beauté... Ces sourcils joliment dessinés qui se fronçaient d'une manière inquiète, ce nez fin retroussé, cette bouche pincée, et ces yeux... Ces yeux ! C'étaient son âme. Il pourrait presque se perdre dans la contemplation de ces yeux là...
Le ricanement strident d'Inviat le coupa dans son observation. Le Vampire était plié en deux et rigolait à s'en couper le souffle. Il ponctuait ses éclats de « Vous êtes vraiment les meilleurs ! » ou de « Pause ! Je suis hors-jeu ! ». Cela réveilla la fureur du Démon ; il fit rageusement claquer sa langue contre son palais et déploya ses ailes en une attitude menaçante.
« Si tu savais... , la voix du Draconiaque était méconnaissable. Oh oui, si tu savais à quel point je vais prendre du plaisir à transformer ton rire en glapissement de douleur... Tu n'agirais alors certainement pas de cette manière avec moi... »
La voix caressante et lourde de promesses –car on avait dépassé le stade de menace− fit sursauter Drakaïs. Elle était douce et chaude, mais elle était aussi, à n'en pas douter, maléfique. On voyait bien, à son ton, qu'elle était démoniaque. C'était la première fois que la Draconique voyait Drakayn l'utiliser.
Les paroles du Démon devaient également avoir interpellé Inviat, car il cessa de rire et il le regarda sérieusement.
« Je suis allé trop loin ? », murmura-t-il en penchant la tête sur le côté, un sourcil rehaussé.
Il continua d'observer le Draconiaque pendant un bref instant et ce qu'il vit dû le convaincre car il ajouta, en acquiesçant cette fois-ci :
- Je suis allé trop loin.
- Bien trop loin, oui..., susurra Drakayn en faisant un pas vers lui.
- Ola !−Il leva les mains en un geste de reddition.− Les enfants, mêmes si ce que je vais dire peut sembler contradictoire avec ce que j'ai fait jusqu'à présent, je n'ai pas envie de me battre contre vous ! Drakaïs est la protégée de Seth et quant à toi...−Il eut un petit rictus.− Je ne sortirais pas indemne d'un combat entre nous deux. Alors calme-toi ! Si j'avais su que tu étais si sensible, j'aurai tenu ma connerie à l'écart !
- Tu aurais dû, oui... », ronronna Drakayn en faisant un nouveau pas. Mais sa main, toujours prisonnière de Drakaïs, l'empêcha d'aller plus loin.
« Drakaïs ? », demanda-t-il en fronçant les sourcils, la voix grondante.
La jeune fille frissonna. Elle pouvait presque entendre la véritable signification de cette question : qu'est-ce que tu fais ?
Pour toute réponse, elle serra davantage la main du Draconiaque.
« Je te rappelle que l'on est ici pour quelque choses. Alors tu ferais mieux de me lâcher pour que je lui arrache de sa maudite bouche la position du passage... »
A l'évocation du passage, Inviat s'était figé.
« Je vois. C'est donc pour ça... Tout s'explique ! − Le Vampire tapa la paume de sa main contre son front.− Mes petits, comment avez-vous eu vent de cela ?− Il claqua des doigts.− Suis-je bête ! Encore une évidence ! C'est grâce à notre chère petite Drakaïs ! »
Inviat fut secoué d'un rire dément qui se répercuta dans la salle.
« Je suis vraiment désolé, mais vous allez devoir changer vos plans. Car je ne compte absolument pas vous dire où se trouve le Passage... Cela n'a rien à voir avec vous, hein ! Disons juste que j'ai promis à une certaine personne de ne jamais trahir la localisation de cette brèche ! Je suis vraiment navré.»
Aux sonorités moqueuses des mots « désolé » et « navré », qui laissaient clairement entendre qu'il ne l'était pas, Drakaïs comprit que la situation allait déraper très rapidement. Et elle n'eut pas à attendre longtemps. A ses côtés, Drakayn grogna méchamment. La seconde d'après, il s'échappait violemment de la poigne de Drakaïs et se jetait sur le Vampire. La Draconique crut voir un sourire hilare sur le visage d'Inviat –Ce qui montrait qu'il s'amusait vraiment.− avant de le voir disparaitre sous le poing du Draconiaque.
Se remettant de sa surprise, Drakaïs hurla le nom du Démon, qui continuait de frapper rageusement le visage du Vampire, qui lui, ne faisait strictement rien pour l'en empêcher. Entendre son nom devait avoir permis à Drakayn de recouvrer le contrôle sur sa fureur, car il arrêta de se défouler sur Inviat. Drakaïs soupira de soulagement et s'approcha doucement des deux hommes à terre. Peut-être que tout allait se finir sans que personne ne soit blessé gravement... En entendant les paroles suivantes du Draconiaque, elle sentit son sang se glacer dans ses veines et déjanta vite :
- Ça, c'était juste pour amocher ta sale gueule avant de commencer les choses sérieuses. Et crois-moi, tu ne vas pas aimer.
Drakaïs entendit, plus qu'elle ne vit, Inviat cracher sur le côté avant qu'il ne réponde, d'un air déjanté :
- Soit plus précis, veux-tu ? On ne sait jamais, tu pourrais avoir quelques surprises...
- Il veut que je sois plus précis..., murmura Drakayn en serrant les poings sur les vêtements de la sangsue.
Le Démon ricana férocement.
« Plus précis ! Très bien ! Des précisions, tu vas en avoir à flopée ! D'abord, je vais te débarrasser de cette satanée langue ! Ca fait trop longtemps qu'elle me tape sur le système... Et ne t'inquiète pas, ça ne t'empêchera pas d'hurler ta délicieuse douleur... Ensuite, je vais prendre un immense plaisir à t'arracher, petit à petit, ce qui te sert de peau ! Et tu sais quoi ? Non seulement je sais le faire suffisamment bien pour que tu ne t'évanouisses pas −Il ne faudrait pas que tu triches...−, mais en plus −Et c'est là que c'est génial!− tu te régénéreras ! Par les Six ! Seuls eux savent à quel point ce petit détail, non négligeable, peut m'emmerder en combat, mais là, je dois avouer que je suis bien content que tu l'ais... Et enfin, le meilleur pour la fin...−Sa voix se fit ronronnante.− Ton âme ! Je vais l'écorcher, la taillader, la lacérer et la déchiqueter... Et je suis très doué pour ça ! Tu dois savoir que c'est la chose la plus douloureuse qui soit... et même si tu imagines les pires souffrances, sache que tu en seras encore loin... »
Inviat leva alors le pouce en l'air, un sourire ravi sur les lèvres
« Désolé de te décevoir, mais j'adore ce programme !, fit-il, du sang coulant des nombreuses plaies, qui guérissaient déjà, partout sur son visage.
- Ah oui ? Eh bien, nous n'avons qu'à vérifier ! », vociféra le Draconiaque en projetant sa main vers la gueule du Vampire.
Et tandis qu'il s'apprêtait à, comme il l'avait dit plus tôt, lui arracher la langue, Drakaïs, qui se cachait derrière ses mains en espérant que tout cela n'était qu'un affreux cauchemar, réalisa que ce n'en était pas un. Les prémices si familières de sa colère commencèrent à se faire sentir... Mâchoire serrée, manipulation des doigts, maux de tête : tout y était ! Et n'y tenant plus, elle hurla un « Non ! » retentissant, qui secoua les deux hommes.
« J'en ai plus qu'assez de vos conneries ! », cracha-telle.
Drakayn et Inviat l'observèrent avec de gros yeux. Ils s'apprêtèrent à dire quelque chose mais elle les coupa dans leur élan :
- La ferme !
Ce qu'ils, étrangement, firent.
« Est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous êtes en train de faire ?, siffla-t-elle. Non ! –Elle leva ses bras et les laissa retomber dans un geste agacé.− Bien sûr !
- « Vous » ? Moi qui pensais être la victime ici..., chuchota en rigolant le Vampire.
- J'ai dit : la ferme ! », hurla à nouveau Drakaïs.
Inviat mima la fermeture de ses lèvres avec ses doigts.
« Si tu veux tout savoir, gronda-t-elle en s'adressant à Inviat, pour une « victime », comme tu dis, je trouve que tu t'amuses un peu trop ! Et tu y es pour beaucoup dans ce qui se passe maintenant ! Et toi...− Elle s'avança vers eux en pointant Drakayn du doigt.− Toi ! −Elle fixa le Démon avec emportement.− Mais qu'est-ce que tu as dans le crâne ? Tu ne marches pas, tu cours ! Es-tu trop stupides pour te rendre comptes qu'il joue avec toi ? Es-tu trop stupide pour te rendre compte de ce qu'on pourrait perdre par ta faute ? Hum ? »
Drakayn tassa ses épaules, mais se tut. Sage décision.
« Lâche-le, lui ordonna-t-elle en posant ses poings sur ses hanches. Tout. De. Suite. », martela-t-elle en foudroyant du regard le dos du Démon.
Et −Oh miracle !− il l'écouta. Il desserra son emprise jusqu'à la lâcher complétement et murmura amèrement :
- Contente ?
- Pas tout à fait, non. Lève-toi, grogna Drakaïs en gardant pour elle une réplique plus dure.
Autant dire qu'elle n'avait pas du tout apprécié le ton du Draconiaque.
Elle crut qu'il n'allait pas s'exécuter au vu du temps qu'elle attendit, la boule au ventre, en voyant ses muscles se crisper davantage sous l'effet de la fureur qui devait faire rage en lui. Mais, au bout d'un temps qui lui sembla infini, il se leva et se tourna vers elle. Il jeta sarcastiquement:
- Comme ma dame le souhaite...
Mauvaise décision. A croire qu'on ne peut pas toujours être dans le bon...
« Oui, c'est comme je le souhaite. Et si tu as un problème, dis-le tout de suite, cracha Drakaïs.
- Ah, j'ai le droit de donner mon avis ? Tu es sure ? Ne va pas le regretter après..., siffla le Démon.
- On perd du temps. Si tu veux parler, parle. Ne te retient pas. Ça ne ferait que te rendre plus détestable. »
A peine eu-t-elle laisser sortir ces mots de sa bouches qu'elle les regretta presque aussitôt.
« Très bien, il ricana méchamment. Tu dis que je suis stupide, que je joue son jeu, mais je vais t'apprendre quelque chose. Je sais. Je sais, et je m'en fiche. Je suis un Démon, Drakaïs. Ça, −Il montra Inviat, qui était presque complétement régénéré.− c'est moi. La violence : c'est moi. La colère : c'est moi. La connerie ? Devine. Eh oui ! C'est encore moi. Maintenant, écoute, comprend, et retient : il ne veut pas nous dire où est le Passage. Et si tu crois que c'est en lui demandant poliment que ça va changer quelque chose, tu es naïve.
- En effet, je dois l'être.», chuchota-t-elle.
Puis d'une voix plus forte :
- Mais la naïveté a ses qualités.
Elle se tourna vers le Vampire, qui était resté assis durant toute la conversation, silencieux.
« Pourquoi ne pas nous dire où est le Passage ?
- La question est plutôt pourquoi vous le dire, répondit-il en souriant légèrement.
- La question est plutôt pourquoi ne pas arrêter de perdre du temps et me laisser faire à ma manière ? », grogna Drakayn en croisant les bras sur la poitrine et en serrant les mâchoires de frustration.
Un seul regard noir de Drakaïs suffit à faire lever les mains du Draconiaque en l'air dans un geste de reddition. « Je me calme », semblait dire sa posture. La Draconique s'accorda donc un moment de répit et reposa ses épaules.
« Alors..., reprit Inviat. Pourquoi voulez-vous savoir l'emplacement du passage ?
- Eh bien soit. Nous voulons nous en servir pour prendre la ville, déclara Drakaïs du ton le plus calme possible.
- Ah ? Intéressant. C'est vrai que le dôme rend la chose impossible..., fit le Vampire en se frottant le menton. C'est très bien tout ça, mais une promesse est une promesse, et vous donner ce que vous voulez serait m'y soustraire. Ma réponse est donc toujours non.
- Et cette promesse, en quoi consiste-t-elle ? », demanda Drakaïs du ton le plus innocent qui soit.
Peut-être qui si elle se débrouillait bien, elle finirait par avoir ce qu'elle cherchait... Et surtout si Drakayn continuait de se taire. Oui, surtout grâce à cela. Elle jeta un coup d'œil à ce dernier. Il avait les épaules décontractées, les mâchoires desserrées : il s'était calmé. Du moins, c'était ce qu'il semblait. Elle ramena son attention sur Inviat, qui n'avait toujours pas répondu et qui, en se relevant, se tourna vers le monument.
« Sais-tu ce qu'il s'est passé ici, il y a si longtemps que même moi j'ai oublié quand ? Sais-tu ce qu'a couté ce sort ? »
Il se retourna vers eux, les sourcils froncés, l'air plus du tout jovial.
« Si tu sais pour le Passage, tu dois forcément savoir pour le reste, n'est-ce pas, Drakaïs ?, siffla-t-il avec un air féroce.
- J'en sais suffisamment.», expliqua-t-elle prudemment.
Il eut un rire sec.
« Je ne pense pas. Sais-tu qui est à l'origine du dôme ? Qui est celui qui lui a insufflé sa magie, qui est son véritable créateur ? Son vrai « papa » ? »
Il attendit pendant un moment sa réponse mais comme elle ne disait rien, il rétorqua au bout d'un moment :
- Evidement que tu ne sais pas. Et ce n'est pas moi qui vais te l'apprendre. Ni elle d'ailleurs. »
Bizarrement, par ce « elle », Drakaïs comprit qu'il faisait référence à la Dragonne qui habitait souvent, si ce n'était presque toujours, son esprit.
« Bref. Tu me demandais quelle était cette promesse. La voici : j'ai promis au créateur de la barrière de faire en sorte que ce qu'il a dû sacrifier ce jour-là ne le soit pas en vain. Et vous révéler où se trouve le passage, ce serait briser cette promesse. Pourquoi ? Tout simplement parce que, comme vous devez le penser, cette brèche dans le dôme le rend inutile, et rend donc inutile toutes les pertes subies. Mais comme personne ne sait son existence, ou ne sait son emplacement, il n'y pas de danger. Et toutes les menaces, toutes les tortures, tous les malheurs, ne me feront pas revenir sur une promesse que je lui ai faite. Alors, désolé, et je suis sincère, mais je ne peux vous être d'aucune aide. Même si je le voulais. Vraiment. », déclara le Vampire en se passant une main fatiguée dans les cheveux.
Il les laissa fouiller dans son regard pour leur prouver. Et au vu de l'air de Drakayn, il lui laissa voir plus que ses yeux : son âme. Le Draconiaque se détourna de moitié pour grogner à Drakaïs :
- Il dit la vérité.
Ce qui ramena un poids sur les épaules de la jeune fille. Au fond d'elle, elle aurait préféré que ce soit un mensonge. Ils étaient toujours au point mort.
Comment allaient-ils bien pouvoir s'en sortir, maintenant ? Détruire le dôme ? Drakaïs s'y refusait obstinément. Elle trouvait déjà dommage de le faire avant qu'elle ne sache la tragique vérité qui se cachait derrière sa création et trouvait cela inenvisageable maintenant qu'elle la savait. Mais que leur restait-il comme solution ? Rien. Que faire ? Elle ne savait pas.
Elle sentit qu'une migraine allait poindre quand la réponse se fit soudainement claire dans son esprit. Il devait en être de même pour Drakayn, car, il jeta, presque cruellement :
- C'est bête... On va devoir détruire le dôme et cela reviendra au même.
Inviat se raidit à ces mots. Il fit volte-face, livide. « Vous n'oseriez pas... », semblait dire son expression horrifiée. Drakayn ricana avec férocité, une lueur sadique dans les yeux : « Oh que si. »
« Qu'est-ce que tu veux dire ?, hoqueta le Vampire, une pointe de colère dans la voix.
- Exactement ce que je veux dire. C'était le plan d'origine de toute manière. –Drakayn fit mine de se curer les ongles.− L'idée de Drakaïs n'en était qu'une autre, temporaire, et puisqu'elle était réalisable, on a tenté le coup.− Il releva les yeux, un sourire mesquin sur les lèvres.− Mais bon, on dirait que ce n'est plus possible à présent... Je vais donc pouvoir me remettre au travail sur la destruction du dôme... », minauda-t-il en s'étirant.
Drakaïs comprit où le Démon voulait en venir et eut presque envie de lui sauter dans les bras en lui criant qu'il était le plus intelligent.
« Si tu crois que c'est si facile, tu te trompes..., lâcha Inviat d'une voix rauque.
- Oh, ça ne le sera pas. Je ne suis pas si stupide −Il jeta un regard équivoque à Drakaïs, qui baissa les yeux au sol.−, un sort si complexe est loin d'être qualifiable de « facile ». Mais j'ai quelqu'un qui assez doué pour ce genre de chose et ce ne sera alors qu'une question de temps.
- Vous ne pouvez pas !, protesta vainement Inviat.
- Je dis le contraire.», insista Drakayn, son rictus s'élargissant.
Drakaïs vit le visage du Vampire se décomposer sous l'effet de la contrariété. Il commença à faire les cents pas, les dents serrées. Le Draconiaque en rajouta, une teinte de moquerie dans la voix :
- Au final, tu auras quand même enfreint ta promesse... Le sacrifice de tous ces innocents aura été vain. »
Ainsi, Drakayn était au courant... Comme il semblait avoir une histoire avec Quantamoniam, cela n'étonna pas vraiment Drakaïs. Par contre, elle aurait préféré qu'il lui apprenne plus tôt. Elle changea d'avis. Aurait-elle vraiment préféré ? Peut-être pas.
Le Vampire s'arrêta soudainement. Il sembla comme ailleurs pendant un moment ; il avait le regard vide, les bras ballants et la bouche entrouverte. On aurait pu le croire mort. Cela ne dura qu'un instant. Aussi brutalement que la vie semblait s'être envolée, elle revint, percutant, tel un bélier, les portes de son corps désarticulé. Il cligna des paupières plusieurs fois, bougea frénétiquement ses bras et jeta hargneusement, en jurant au passage :
- Putain, je déteste quand il fait ça !
Les deux dragons se regardèrent, interloqués. Comme Drakayn haussait les épaules, Drakaïs en déduit qu'il ne savait pas non plus ce qu'il venait de se passer. Encore un nouveau mystère...
Quant à Inviat, il se frictionnait les côtes en fronçant les sourcils et se déplaçait d'un pied sur l'autre. Les lèvres retroussées sur ses canines et le nez plissé, il donnait un spectacle bien pittoresque.
« Je ne m'y ferai jamais... », grommela-t-il.
Et se rappelant qu'il n'était pas seul, il reprit un semblant de calme. Il les observa un instant, songeur, puis déclara, d'une voix beaucoup moins énervée :
- Vous avez de la chance. Il, « le créateur », a changé d'avis. Enfin, la promesse reste la même, mais il accepte que je vous mène au Passage. Avec quelques conditions, bien sûr.
- Et quelles sont-elles ?, voulu savoir Drakaïs, qui sentit un immense soulagement l'envahir.
Il valait mieux que ce soit elle qui reprenne les négociations en main. Quelque chose lui disait que le Démon se ferait un plaisir de mettre de côté le Passage pour se focaliser sur la destruction du dôme. Pourquoi ? Une autre chose disait à la Draconique que ce serait le meilleur moyen pour le Démon d'embêter Inviat, et que c'était donc la meilleure solution possible pour Drakayn.
« En dehors de l'armée, votre armée, insista-t-il, personnes ne devra être au courant ni de l'emplacement du Passage, ni même de son existence. Compris ?, ordonna-t-il en espaçant chaque mot.
- Très bien.», accepta Drakaïs en hochant la tête.
Elle vit du coin de l'œil le mouvement amusé de la main de Drakayn, mais elle n'y prêta pas attention. Même s'il avait raison, −Amusant de voir qu'un seul geste pouvait être si suggestif...− que son approbation ne comptait pas sans celui des patriarches, elle ne voulait pas risquer de faire changer d'avis le Vampire, et donc, de perdre cette occasion.
« Et enfin, le Passage sera comblé lorsque vous aurez terminé. Autant vous dire qu'il a été très clair sur ce point-là et que c'est non négociable. D'ailleurs, vous n'avez pas votre mot à dire puisque, que vous soyez d'accord ou pas, il sera refermé de toute manière. Je reprends ses mots : « Etant donné que c'est moi qui l'ai fait, c'est ma propriété, et je fais ce que je veux de ce qui m'appartient. » Voilà. », termina Inviat, les mains sur les hanches.
Drakaïs se figea. Avait-elle bien compris ? « C'est moi qui l'ai fait ». Mais celui qui avait fait ce passage était Seth, donc... Elle secoua la tête. Elle réfléchirait à cela plus tard.
-C'est d'accord, acquiesça-t-elle de nouveau.
- Et le joli cœur ?, voulu savoir Inviat en pointant Drakayn du menton.
- Ton joli cœur, tu vas te le foutre_
- Drakayn... », le prévint Drakaïs.
Il lui jeta un regard furieux mais se tut tout de même.
« D'accord, acquiesça-t-il à son tour, en bougonnant.
- Parfait ! », s'exclama le Vampire avec un sourire radieux.
Il s'avança vers eux... et disparut. Drakaïs écarquilla des yeux. Un ricanement derrière elle la fit se retourner. Inviat les avait dépassés. La Draconique n'avait rien vu. Elle avait juste sentit un déplacement d'air à côté d'elle. Drakayn, quant à lui, observait le Vampire avec un agacement non dissimulé.
Inviat, à ce qui semblait être l'entrée du cimentière, les contempla un instant. Adossé contre un mur, il croisa ses bras sur son torse et les prévint d'une voix calme, en totale opposition avec son visage:
- Vous savez, même si vos réponses étaient bien trop rapides, et que les approbations que j'ai eu n'étaient pas les plus importantes, les conditions seront remplies. Je vous le garantis.
Il leur tourna le dos et s'engagea dans l'allée sombre qui quittait le cimetière, l'obscurité l'accueillant comme une vieille amie. Au bout d'un instant, voyant qu'ils ne le suivaient pas, il s'arrêta. Il lâcha un long soupir et tourna sa tête vers eux, un air ennuyé sur le visage.
« Eh bien, vous venez ? »
Cette phrase resta suspendue en l'air pendant un moment. Son écho cristallin se répercutant dans le cimetière. Et c'est seulement quand il se fut éteint que Drakayn lança d'une voix redevenue complétement neutre :
- Où ?
Un mince sourire se dessina sur les lèvres du Vampire. Il détourna son visage et reprit sa marche, ses bras pliés derrière sa tête.
« Mais au passage, pardi ! », rit-il.
Et cette réponse fut suffisante. Sans se regarder, sans parler, sans se consulter d'une quelconque façon, Drakayn en tête et Drakaïs juste derrière lui, s'élancèrent à la suite du Vampire, qui déjà, disparaissait dans les profondeurs des Souterrains. Tel un fantôme, imperturbable dans l'obscurité de la ruelle, laissant les morts en arrière, à leur place. Et son dos, à cet instant, exprimait un immense regret.
Note: Voilà donc le chapitre 17 ! Eh oui, si tôt ! Je me voulais de vous laissez en plan comme je l'ai fait la semaine dernière et de vous faire poiroter x) !
Content :) ?
Alors, j'en aurais peut-être déçu certains... Pas de baston épique XD ! Mais au moins, Inviat se sera pris quelques coups ! Et la tension entre notre sangsue et notre Démon sur charbons ardents est loin de disparaitre... Vous aurez encore une pitit truc de rien du tout là- dessus ;) !
Et Drakaïs prend en assurance... Drakayn ne pourra plus faire autant de conneries avec elle dans les parages :( ! Too bad !
Je sais bien qu'il ne se passe pas vraiment grand chose dans ce chapitre... C'est du blabla pour convaincre Inviat, en apprendre plus sur le Passage, sur Seth, les Souterrains, et surtout, oui surtout : voir Drakayn taper Inviat :D !
Ben oui '_' !
C'est important !
Sur ce, ciao à tous et bon dodo (oui, je poste tard ! Un vrai oiseau de nuit !)!
*plein de petit cœurs*
Ps: C'est sûrement l'un des notes la plus courte faite à ce jour '_'....
PS2: Oh ! J'allais oublié ! Comme je laisse souvent du temps entre chaque publication, est-ce que vous voudriez un petit résumé du chapitre précédent avant chaque début de chapitre ?
PS3: J'ai quelques idées pour fêter les 2 000 vues (qui arrivent à grand pas ! Vous êtes des malades !)! Voulez-vous que je vous partage mes idées pour que vous choisissiez celle qui vous plait le plus :) ?
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