Chapitre 16:

Drakaïs s'assit lourdement sur son lit, tout en lâchant un soupir énervé au passage.

« Rien cette fois encore... », murmura-t-elle.

Le Démon hocha simplement la tête.

Chaque jour c'était la même chose : ils revenaient les mains vides. Et il n'y avait rien de plus frustrant.

« Je pense que l'on ferait mieux de se faire discret pendant quelques jours.», déclara Drakayn.

Comprenant qu'il faisait allusion au Chasseur qu'ils avaient rencontré, elle remarqua, plus amer qu'elle ne le prévoyait :

- Certes, mais on ne peut pas se permettre de perdre quelques jours. Pendant ce temps-là, Inviat pourrait quitter la cité.

- Je sais bien, mais le risque est trop grand. Tu le sais, Drakaïs. »

Elle se laissa un moment de réflexion.

« Si tu avais été remarqué par un simple habitant, les choses auraient pu se régler facilement, mais ce n'est pas le cas. A la place, tu t'es faite voir par un Chasseur. Et même si tu as réussi, par je ne sais quel artifice, à lui échapper, je suis sûr que ce n'est pas pour autant qu'il va te laisser tranquille, continua le Draconiaque en fronçant les sourcils.

- Oui, mais_

- Drakaïs, le ton du Démon se fit impérieux. Ces personnes sont dangereuses. Dois-je te rappeler ce qu'elles font à ton espèce ? De plus, nous sommes en territoire ennemi. On ne peut pas se permettre d'attirer l'attention comme nous l'avons fait aujourd'hui. Un coup comme celui-ci pourrait ruiner tout notre plan. »

Elle resta silencieuse sous ses mots. Elle savait qu'il avait raison. Mais elle savait également qu'elle ne pouvait pas rester tapie ici, dans l'auberge, pendant deux à trois jours.

« En fait, je me demande si tu ne devrais pas rester ici jusqu'à la fin des opérations, expliqua-t-il en croisant les bras sur son torse.

- Quoi ? », s'exclama-t-elle, la voie aigue.

Il ne pouvait pas lui faire une chose pareille !

« Ne t'inquiète pas, je m'occuperai des recherches concernant Inviat, tenta-t-il de la rassurer avec un mince sourire.

- Drakayn ! Ne dis pas de bêtises ! », tempéta-t-elle.

Elle s'était levée et serrait les poings, ses bras tremblant de colère à ses flancs.

« Je ne dis pas des bêtises. Je suis tout à fait sérieux, rétorqua-t-il, ses lèvres se serrant en une ligne sévère.

- Mais le Chasseur ne sait pas ce que nous cherchons ; il n'a donc aucun moyen de nous retrouver ! Il s'est peut-être même déjà désintéressé de moi ! », se défendit-elle en baissant la tête.

Il n'allait tout de même pas la mettre à l'écart !

« Drakaïs...−Il soupira et se passa une main dans ses cheveux indisciplinés.−, T'entends-tu parler ? Je suis sûr que même toi, tu n'arrives pas à te convaincre. Tu as bien vu l'expression de ce type... Ça m'étonnerait qu'il te laisse tranquille. »

Oui, c'était vrai. Cet homme ne comptait pas s'arrêter là. Elle le sentait et elle l'avait vu sur son visage lorsqu'elle l'avait quitté. Son regard, à ce moment, avait été déterminé et menaçant. Un Chasseur ne vivait que pour traquer une proie. Et dans ses yeux, elle avait lu un message clair : ce n'était pas fini.

« Mais toi aussi, il t'a vu..., se plaignit-elle doucement.

- Ce n'est pas pareil... Il ne sait pas ce que je suis. De plus, je connais les Souterrains. Je sais les utiliser à mon avantage. »

Elle ne dit rien pendant un moment, enregistrant ces paroles. Il comptait vraiment l'assigner à l'auberge. Elle en ressentit une lourde humiliation.

« Tu ne vas pas me laisser ici ! Tu ne penses pas à me mettre à l'écart ! C'est injuste !, cria-t-elle en relevant la tête.

- Je ne te punis pas, Drakaïs.... C'est pour ta propre sécurité et pour celle du plan. Et puis, tu ne seras pas seule. Il y aura Fergon et Sin. Tu pourras les aider dans leur recherche... », proposa-t-il pour l'apaiser.

Peine perdue.

« Oh, je t'en prie !, siffla-t-elle. Tu sais très bien que je ne servirai à rien là-dedans ! Et je te l'ai déjà dit : hors de question que je participe, d'une quelconque manière, à la destruction du dôme.

- Très bien..., le Démon l'examina une dernière fois. Mais ma décision reste la même. »

Elle le fusilla du regard. Qu'il ne change pas d'avis. Elle ne décolérerait pas aussi facilement.

« Et m'observer de cette façon n'y changera rien. », trancha-t-il en la montrant du doigt.

Elle lui tourna le dos et le Démon soupira avant de sortir, la laissant seule avec ses pensées. Quand il quitta la pièce, elle se leva et lança un des oreillers contre la porte qu'il venait d'emprunter. Elle respirait fort. Elle n'avait pas été autant en colère depuis longtemps. Elle reprit l'oreiller qu'elle avait jeté pour enfouir son visage à l'intérieur et hurler. Hurler pour se défouler. Hurler pour faire sortir toutes ces émotions qui contrôlaient son attitude. Hurler pour se soulager. Puis pleurer. Laisser les larmes couler pour les mêmes raisons. C'était si frustrant d'être mise à l'écart, surtout lorsqu'on en connaissait la raison. De la nourriture ! Seulement à cause d'un repas ! Elle rit d'un rire sec, sans joie. Enfin calmée, elle se leva de nouveau pour se planter face à la fenêtre donnant sur la rue.

Le soleil commençait à se coucher et le ciel, couvert, commençait à s'assombrir. Dehors, les gens s'apprêtaient à rentrer chez eux, ou vaquaient à leurs occupations quotidiennes. La rue était remplie de monde, de vie. C'était difficile de se rendre compte qu'en dessous de cette population, s'en trouvait une autre, qui elle, n'avait jamais connu la lumière du jour. Les Souterrains étaient remplis de désespoir. Drakaïs ne comprenait pas comment les habitants de Quantamoniam pouvaient vivre comme si de rien n'était, alors que des gens vivaient, mouraient, sous leur pied, dans des conditions abominables. De nouveau, elle eut ce sentiment : celui qui lui disait que quelque chose n'allait pas dans cette ville. Elle n'oubliait pas cette impression qu'elle avait ressentie lorsqu'elle avait vu le dôme, lu « Commentaires d'un voyageur aguerris » ou ce que la voix reptilienne lui avait dit peu après. « Tu l'as senti... C'est dans les remparts de cette cité... Ça grouille de partout dans la ville...Telle une infection qui ne veut pas disparaitre... Tel est le prix à payer. Oui, telle est la punition à recevoir pour un tel crime ». Qu'entendait-elle par-là ? Drakaïs avait l'intuition qu'au fond d'elle, elle connaissait la réponse. Mais encore une fois, elle n'osait pas la trouver, de peur d'être confrontée à une vérité trop affreuse à découvrir.

« Alors toi aussi, tu vas feindre d'être ignorante et aveugle ? »

La voix reptilienne. Décidemment, elle se manifestait plus que d'habitude ce jour-là.

« Qu'est-ce que tu veux dire ? »

C'était la première fois qu'elle lui répondait

« Ne fais pas celle qui ne comprend pas. Ne sens-tu pas la magie qui traverse cette ville ? Regarde, concentre-toi sur le dôme et la cité.

- Je suis trop loin de la muraille, répondit-elle en appuyant son front contre la vitre. Je n'y arriverai pas. Et puis, à quoi cela me servirait-il ? »

Un grognement sourd retentit dans son esprit.

« Tu es bien un dragonneau. Toujours à poser des questions au lieu d'agir. Tu n'as pas besoin d'être près de la muraille pour apercevoir le dôme. Concentre-toi.

- Je ne le ferai pas, grinça-t-elle en s'éloignant de la fenêtre.

- Ne veux-tu donc pas savoir ?, la tenta la voix.

- Il n'y a rien à savoir. »

La créature ricana.

« Il y a tant à savoir. », ronronna-t-elle.

Nouveau silence.

« Le secret de cette ville ne t'intéresse-t-il donc pas ? », la relança-t-elle.

Drakaïs préféra ne pas répondre. Mais c'était trop tard, la présence dans son esprit avait bien senti son intérêt.

« Je vois. Tu as plutôt peur. Peur de voir, non, d'admettre ce qui se trouve devant toi.

-C'est faux. », nia Drakaïs en serrant les dents.

Mais c'était un mensonge. La Draconique savait que c'était vrai et la voix reptilienne également. Impossible de mentir à cette créature qui se trouvait dans son esprit.

« Toi-même tu sais que j'ai raison. Regarde, dragonneau, et apprend. Apprend ce qu'il faut payer pour créer une telle barrière. Apprend de quelles atrocités sont capables les autres afin d'arriver à leur fin. Apprend, et que cela te serve de leçon. »

La voix s'était tue, attendant qu'elle fasse ce qu'elle lui disait. Dans son esprit, c'était le chao. Elle faisait face à un dilemme. Etre une lâche, et ne pas affronter la vérité, aussi affreuse soit-elle, ou prendre son courage à deux mains et surmonter sa crainte ?

« Et que dois-je faire ? », accepta finalement la Draconique.

Car pour elle, les instructions de la créature n'avaient rien de clairs.

« Ferme les yeux et concentre-toi sur le pouvoir qui t'entoure.»

Alors, Drakaïs s'exécuta et tendit son esprit vers le dôme. Plus elle s'en approchait, plus la panique s'insinuait en elle, lui tordant le ventre et la faisant trembler de tout son corps. C'était vraiment une mauvaise idée...

Soudain elle s'arrêta. Elle ne pouvait aller plus loin. Elle s'y refusait. L'horreur qui l'envahissait, qui s'insinuait peu à peu en elle à mesure qu'elle allait vers le sort, l'empêchait de faire quoi que ce soit.

Elle se trouvait encore à une certaine distance, mais ce qu'elle voyait, ce qu'elle percevait déjà, la glaçait. C'était une magie si noire et si puissante ! Comme le lui avait dit la créature, ce pouvoir s'insinuait dans la ville, la gangrénait de sa noirceur.

« Touche-le. », ordonna la voix.

Drakaïs secoua la tête et replia ses bras autour de sa taille, dans un geste protecteur. Elle ne voulait plus savoir. Tout son corps tremblait et un froid gigantesque traversait son corps.

« Touche-le ! », hurla la voix.

Et comme mué par une autre volonté, Drakaïs avança davantage son esprit vers cette magie ignoble.

Et tout à coup, elle y fut. C'était comme si le sort était devant elle, derrière elle : partout à la fois. Il avait toujours la même couleur : ce bleu qu'elle ne pouvait confondre avec aucun autre et qui lui était si familier. Et le noir l'envahi. L'enveloppa. Une terreur immense la submergea. Elle ne ressentait plus rien. Seules ses pensées lui permettaient de comprendre qu'elle était toujours en vie. Mais sinon, c'était le néant. Puis, ce vide qui l'entourait fut déchiré par un flot de vie et de chaos. Des émotions fortes l'emportèrent. Et tout en étant similaires aux siennes, elles étaient également complétement différentes. Drakaïs savait qu'elles ne lui appartenaient pas. De la terreur, de la rage et du désespoir. Un flot incontrôlable et rugissant de tous côtés. Et soudain, ses sens lui revinrent brutalement. Elle perçut une sensation familière, qu'elle haïssait plus que tout. Celle de la mort. Alors, elle comprit. Ou plutôt, elle admit ce qu'elle avait déjà compris depuis longtemps.

Ce sort avait demandé des vies en échange de sa création.

L'horreur submergea définitivement la Draconique et elle se recroquevilla sur elle-même. Comment une telle chose avait-elle pu se produire ? Qui avait pu commettre un tel crime ? Les larmes qui s'étaient taries il y a peu, revinrent, avec plus de force, secouant son corps de sanglots. Et les mêmes sentiments qui ne lui appartenaient pas, continuaient de la transpercer. Tant de désespoir ! Tant de douleur ! Tant de rage ! Elle préférait tout plutôt que d'être en proie à ces émotions si négatives. Même la mort serait plus favorable.

A peine eût- elle cette pensée qu'elle sut que ce n'était pas la sienne. Elle recouvra son contrôle, ses sanglots coincés dans sa gorge et ses mains essayant de calmer les tremblements nerveux de son corps. Elle avait fui la proximité du dôme, apaisant ainsi son esprit et retrouvant sa liberté.

«Maintenant, tu ne peux plus faire semblant d'être aveugle.

- En effet, acquiesça Drakaïs en reniflant.

- Le moyen de te le faire comprendre était peut-être violent, mais c'était nécessaire. »

Drakaïs hocha simplement la tête, encore trop perturbée pour parler de nouveau. Quand elle se sentit un peu plus rassérénée, elle demanda, quelques larmes toujours aux yeux :

- Comment un sort de protection a-t-il pu demander des vies en échange ? Ce n'est pas logique.

- Tu ne sais rien, ou presque, de la magie. L'usage n'a rien à voir avec le type d'énergie nécessaire à la création d'un sort. Ici, il était si puissant, que le prix, si j'ose dire, était d'une importance rare. Il fallait que des vies soient consumées. Utilisées, si tu préfères. »

Elle ne préférait pas, mais elle ne dit rien.

« Sache que le prix est différent selon le niveau de pouvoir nécessaire. Plus le sort est puissant, plus le prix sera important. Ai toujours cela à l'esprit : il y a un prix à payer à chaque action qui requiert de la magie. C'est la règle. »

Drakaïs se promit de ne pas l'oublier. Hors de question qu'elle se retrouve dans une situation pareille. Elle frissonna. Elle pouvait encore sentir toutes ces émotions négatives...

« Qu'est-ce que c'était ?, voulut-elle savoir d'une petite voix.

- Au contraire de ce que tu pourrais penser, cela n'a rien à voir avec les morts. Ce sont les émotions ressenties par le créateur du dôme, celui qui lui a insufflé sa magie, et non pas celui que vous appelez « Bâtisseur ». »

La Draconique fronça les sourcils. Elle ne comprenait pas.

« Pourquoi ces sentiments ?

- Il ne t'est pas venu à l'esprit que cela lui faisait autant horreur qu'à toi ? Oh, si cela avait été des êtres vivants différents, il n'aurait eu aucun regret. Mais c'étaient des innocents, et cela l'a blessé si profondément que je doute qu'il s'en soit remis, même à ce jour. »

La tristesse et l'amertume dans la voix de la créature lui donna une idée :

- Tu le connais, n'est-ce pas ? »

La voix ne dit rien pendant un moment, mais Drakaïs savait qu'elle était toujours là.

« Tu le connais également. », déclara-t-elle finalement.

Cette réponse désarçonna la jeune fille. Qui dans son entourage avait pu faire une chose pareille ?

« Qui ? », fit-elle d'un ton sec.

Elle ne demandait pas : elle ordonnait. La créature ricana doucement.

« Tu es encore bien jeune pour user d'un tel ton avec moi...

- Qui ?, insista Drakaïs.

- Personne. », souffla la créature.

La colère commença à remplacer l'incompréhension.

« Qui ?, cria la Draconique.

- Je t'ai déjà répondu. Tu n'obtiendras rien de plus de moi.

- Ce n'était pas une réponse. », siffla Drakaïs.

De nouveau, ce rire reptilien.

« C'en était une bien plus que tu ne le penses.

- Je ne trouve pas, maugréa la jeune fille en serrant ses genoux contre elle.

- Alors tant pis pour toi. »

Drakaïs voulut lancer une remarque acerbe, mais la porte s'ouvrit brutalement, la coupant dans son élan.

Drakayn se tenait sur le seuil de la porte, les bras croisés sur son torse et les sourcils froncés. La Draconique l'ignora superbement. Même s'il avait raison, elle lui en voulait qu'il la mette aussi facilement à l'écart de la mission. Puis, du coin de l'œil, elle aperçut Akhal derrière le dos du Démon et elle se figea. Pourquoi ces deux-là, qui s'entendaient si peu, se trouvaient-ils côte à côte sans esquisser le moindre geste agressif ? Cela ne présageait rien de bon...

« Eh bien ? », demanda-t-elle d'une voix qu'elle espérait atone.

Les deux se regardèrent un moment, s'entretenant silencieusement sur un sujet inconnu. De mieux en mieux ! La Draconique se retint de rire. Cela dû se lire sur son visage, car Drakayn lui demanda d'une voix sévère:

- Il n'y a rien de particulièrement drôle, donc qu'est-ce qui t'amuse autant ?

Le ton de sa voix aurait dû la dissuader de faire quelque chose de stupide, mais une colère sourde à la raison s'éleva en elle, et ce fut cette colère qui répondit :

- Vous deux. Comprends ma surprise, vous vous supportez si peu ! Alors vous voir ainsi, ensemble, me semble absolument hilarant!

Elle explosa de rire sur le dernier mot.

« Oui, hilarant ! », répéta-t-elle.

Elle ne savait pas si c'était à cause du choc, de la tristesse ou de la colère –peut-être était-ce un mélange de tout cela− mais ce rire, même à ses oreilles, semblait dément. Elle rigolait comme rarement elle l'avait fait, l'écho de son amusement résonnant dans la salle. Puis, son éclat se tût petit à petit, faisant tressauter son corps de moins en moins. Seul le gloussement qui s'élevait de sa gorge témoignait de son hilarité passée. Par les six ! Elle en avait pleuré !

« Tu as finis ? », cracha Drakayn, froidement.

Ah ! Elle l'avait énervé ? Et bien soit ! Il l'avait bien cherché ! Ou peut-être pas. Elle s'en fichait de toute manière. Même si elle agissait comme une gamine, elle comptait bien laisser libre court à sa rage! Quelqu'un devait payer pour toute cette frustration qu'elle avait accumulée au fil du temps, et cette personne, ce serait Drakayn. Elle, injuste ? Pourquoi pas !

« Non, je n'ai pas fini. −Elle se leva.− Je me fiche de ce que tu vas me répondre, et je me fiche de ce que tout cela va engendrer par la suite. Au diable les précautions, comme on dit ! Car vois-tu, j'en ai vraiment assez. Oui, j'en ai assez de toute cette merde ! », cria-t-elle en leur faisant face.

Les deux hommes tressaillirent face au dernier mot jeté. C'était la première fois qu'ils l'entendaient dire une injure pareille. « Et ce ne sera pas la dernière...», pensa-t-elle amèrement.

« Alors quoi ? Un Chasseur m'a vu et : pouf ! on me met à l'écart ? Tu ne croyais pas sincèrement que je n'allais pas me plaindre de la situation ! Et même si tu me sors que c'est pour ma sécurité et pour celle du plan, sache que je m'en contrefous aussi ! Merde alors ! Je n'ai pas mon mot à dire dans l'affaire ? Non ! Bien sûr ! La petite Drakaïs est bien trop jeune et naïve !

- Je n'ai jamais dit ça.», commença Drakayn, prudemment.

Il s'était calmé. Il comprenait que la colère la plus flamboyante était ici celle de la Draconique. Il ne fallait absolument pas qu'il dise quelque chose qui risque d'intensifier davantage la flamme qu'était sa rage. Pourtant, inconsciemment, c'est ce qu'il venait de faire.

« Mais tu l'as pensé ! », rugit-elle.

Le Démon tenta de parler, mais la Draconique reprit :

- Et n'essaye pas de nier ! Vous êtes tous pareil, à me prendre pour une enfant ! J'ai dix-huit ans ! Mais ça, tout le monde semble l'oublier ! D'accord, je suis jeune, j'ai encore énormément de chose à voir et à apprendre ! Mais par les Six ! Arrêtez de me voir comme une enfant ! J'ai vu assez d'horreurs dans ma vie et cela fait bien longtemps que j'ai cessé d'être une gamine ! »

Elle lâcha un dernier juron et s'assit sur son lit, ses mains sur son visage.

« Arrêtez d'essayer de me protéger... Je suis assez grande pour me débrouiller toute seule... », chuchota-t-elle d'une voix brisée.

Akhal et Drakayn se consultèrent du regard, embarrassés et intimidés. Ils n'avaient jamais vu Drakaïs agir de cette manière... Akhal écarquillait des yeux, livide. Et Drakayn savait qu'il devait porter une expression similaire. Par le Mal suprême ! Comment devaient-ils réagir ?

« Drakaïs..., fit finalement Akhal en s'approchant et en s'accroupissant devant elle. Je te jure que ce n'est pas de ça dont il est question...

- Alors quoi ?, lâcha-t-elle d'un ton brusque en levant la tête vers eux.

- Ce n'est pas que nous te trouvons trop faible ou trop jeune... Bien au contraire. Mais la décision de Drakayn est la bonne. »

La Draconique voyait bien que ces mots lui coutaient énormément. Elle savait à quel point il haïssait le Démon. Mais elle s'en fichait. Ce n'était pas ce qu'elle voulait entendre.

« Donc, je dois rester ici jusqu'à la fin des opérations ? »

Elle avait posé cette question d'une voix calme, mais à l'intérieur, elle était toujours aussi furieuse. Elle sentit la créature dans son esprit, qui lui redonnait de la force et du courage tout en lui soufflant que sa petite révolte était juste.

« Ne te laisse pas faire. Les mâles doivent connaître leur place ! », s'exclama-t-elle avec dédain.

« C'est un ordre ?, fit calmement Drakaïs, en fixant Drakayn.

- Si c'est nécessaire.», lâcha ce dernier.

Il commençait à s'énerver de nouveau. Sa patience avait des limites et il en était très proche. Il détestait se faire marcher sur les pieds. Et la Draconique ne l'aidait vraiment pas à se calmer... Au contraire.

« Tu ne peux pas te laisser faire ! Tu es une reine ! Personne ne donne d'ordre à une reine ! », s'insurgea la créature.

Ces paroles trouvaient un écho en la jeune fille. Elle avait une soif de rébellion en elle.

« Non.», jeta simplement la Draconique.

Akhal l'observa, les yeux écarquillés de surprise. Eh bien quoi ? Croyait-il que quelques phrases suffiraient à la convaincre ? Si c'était le cas, il ne la connaissait pas. Pas du tout.

Contrairement à Drakayn, qui s'était attendu à cette réaction.

« Non ?, susurra-t-il d'une voix dangereusement chaleureuse.

- Non, répéta-t-elle, les sourcils froncés, marque de sa détermination.

- Même si je te dis que si tu ne m'obéis pas, je te renvois au camp ? »

Les yeux du Démon brillaient de fureur tandis qu'il disait cela. La Draconique se demandait si c'était la même rage que l'on voyait dans les siens.

« Drakayn !, jeta Akhal.

- Toi, tais-toi, siffla le Démon sans même le regarder. Avec elle, si la manière douce ne marche pas, il faut utiliser la manière forte. N'est-ce pas Drakaïs ? »

Il avait énoncé son nom d'une façon qui ne plaisait absolument pas à la Draconique. Ni à la voix reptilienne.

« Ne te laisse pas faire ! Ça l'inciterait à continuer ! », cracha la créature.

Trop, c'était trop. Drakaïs sortit de ses gonds et se leva soudainement.

« Arrête de te croire supérieur à tout le monde ! Ça ne prend pas avec moi !, lâcha la Draconique, les épaules tendues.

- Me croire supérieur à tout le monde ?, il ricana méchamment. Ma chère petite Drakaïs, c'est plus compliqué que ça... »

Cette fois, lui aussi était furieux. Désormais, il n'était plus sûr de savoir lequel d'entre eux était le plus énervé.

« Drakayn ! Ne fait pas quelque chose que tu regretterais, l'avertit d'un air menaçant Akhal.

- Je ne compte rien faire de regrettable, puisque notre chère Drakaïs va m'écouter... N'est-ce pas ?, insinua le Draconiaque la mettant au défi de refuser son offre.

- Non, répéta-t-elle tandis que la créature la félicitait dans son esprit.

- Ah oui ? », siffla le Démon alors que ses yeux se tintaient d'un rouge maléfique.

Il s'avança vers Drakaïs et Akhal lui bloqua le passage.

« Toi, dégage de là, grogna Drakayn à Akhal, son attention toujours accaparée par Drakaïs, qui l'attendait de pied ferme.

- Hors de question, grogna Akhal en se mettant en position de combat, la main à l'épée. Je ne te laisserai pas lui faire du mal. »

Drakayn jeta un bref coup d'œil au Draconique. Mais il le congédia vite, comme s'il n'était pas une menace assez sérieuse. Le Draconiaque eut un rire sec, teinté d'une pointe de regret.

« Qu'importe qu'elle me mette autant en colère... Je ne lui ferai jamais de mal, assura le Démon en serrant la mâchoire.

- Oui, laisse-le passer, Akhal, qu'on puisse enfin régler le problème, susurra Drakaïs en se déplaçant d'une jambe sur l'autre.

- Drakaïs... Tu ne m'aides pas vraiment à arranger les choses, alors tais-toi, tu veux ? », jeta Akhal en lui lançant un coup d'œil réprobateur.

« Encore un ordre !», feula la créature.

Et seulement à ce moment, Drakaïs comprit que sa colère était également la sienne.

« Aucun mâle ici présent ne me donnera d'ordre ! », hurla la Draconique d'une voix qui n'appartenait pas totalement à elle.

Les deux hommes l'étudièrent un instant en silence, comme s'ils la voyaient pour la première fois.

« Je trouverai Inviat, avec ou sans votre permission, les prévint-elle en articulant chaque mot, qui claquaient comme un fouet sur une dalle.

- Ah oui ? Et comment comptes-tu t'y prendre si tu ne peux pas sortir d'ici ? Parce que crois-moi, tu ne sortiras pas d'ici, ricana le Démon en fronçant les sourcils.

- Tu veux parier ? », lança-t-elle avec arrogance, le défiant du contraire.

A ces mots, le pouvoir en elle s'éveilla. Elle le sentit dans son corps, tel des braises qui se rallument après avoir été éteintes pendant longtemps. Il avait toujours été là. Seulement, il avait été trop faible jusqu'à là pour qu'elle se rende compte de sa présence. Mais ce temps était révolu.

« Lorsque tu t'es nourris de la magie du Chasseur, de ce Trei Kinger, ton pouvoir s'est complétement réveillé. Si tu tiens tant que ça à trouver Inviat, tu n'as qu'à t'en servir. Je te guiderai. », lui expliqua la créature.

Drakaïs fit rapidement le poids du pour et du contre. Le choix était vite fait.

« Alors guide-moi. », répondit mentalement Drakaïs.

Et tout à coup, comme si sa magie avait été emprisonnée dans un endroit tenu secret, la créature la libéra. Tout ce pouvoir déboula en elle comme un raz de marée, la faisant vaciller. Elle se sentait horriblement puissante, capable de tout en cet instant. Elle aurait pu affronter la terre entière.

« Je t'ai déjà apprise la première leçon. A présent, passons à la pratique », ronronna la créature d'une voix enjôleuse.

Un tremblement secoua le corps de la Draconique. Elle sut que ses pupilles prenaient la forme d'une fente. Et étrangement, elle comprit également que ses yeux, au lieu de prendre une teinte dorée, avaient gardé leur couleur émeraude. Elle sentit qu'ils étaient pareils à ceux de la créature. Non, pas de la créature, de la Dragonne. Car c'était bien une Dragonne, cela, elle ne pouvait plus en douter.

« Pense à Inviat. Pense que tu veux le trouver plus que tout autre chose. Maintenant, touche ton pouvoir, comme lorsque tu as touché la barrière tout à l'heure. », lui souffla la Dragonne.

Et c'est ce que fit Drakaïs. Elle perçut comme un miasme rouge à ses côtés, qui se mélangea à un autre, qui lui, était argenté. Puis le pourpre absorba l'argenté et Drakaïs sentit une force nouvelle la traverser. Cette force l'envahit. Et pour l'évacuer, elle la projeta à l'extérieure de son corps. Un vortex s'ouvrit derrière elle. Ecarlate, il tourbillonnait dans le vide, ses bords parcourus par des éclairs ardents et flamboyants. Elle le regarda un instant, choquée et hagarde. Et avant même qu'elle ne réagisse, elle fut aspirée.

Elle eut tout juste le temps d'entendre Drakayn et Akhal hurler son nom et sentir que quelqu'un se jetait sur elle, avant de disparaitre, elle et la personne qui la tenait désormais dans ses bras.

Elle atterrit sur celui qui l'enlaçait et lâcha une plainte rauque. Elle avait la nausée. Un gémissement similaire lui parvint juste à côté. Elle releva le menton et découvrit que c'était Drakayn.

« Tu as la réponse à ta question. », lui répondit-elle d'une voix cinglante.

Pour toute réplique, le Draconiaque grogna et se redressa, une main ferme sur les reins de Drakaïs.

« Partenaire, je ne sais pas ce que tu as fait, mais laisse-moi te dire que je ne suis plus du tout en colère contre toi, déclara le Démon en la tenant toujours contre lui.

- Ah oui ? −Elle se dégagea en le poussant de ses bras.− Laisse-moi te dire que ce n'est absolument pas le cas pour moi. »

Le Démon l'observait avec un grand sourire sur le visage, qui le rendait charmant. Cela suffit presque à apaiser la rage de Drakaïs. Presque. Mais elle garda un air sévère et le rictus du Draconiaque vacilla légèrement. Il s'apprêtait à dire quelque chose quand un raclement de gorge l'interrompit.

« Je suis désolé de vous déranger pendant votre petite dispute de couple... mais j'aimerais bien savoir ce que vous faites ici. Comment avez-vous fait pour me retrouver ? », fit une voix affreusement familière derrière eux.

Les deux Dragons se retournèrent d'un même mouvement. Ils s'immobilisèrent en découvrant qui leur faisait face.

Assis en tailleur sur une sorte de monument, Inviat les toisait. Autour de lui se trouvait tout un tas de bougies et de chandeliers. Ceux-ci projetaient sur le Nécromancien des ombres qui soulignaient ses pommettes immaculées. Une longue cape sombre, la même qu'il portait lorsqu'ils l'avaient rencontré, tombait sur ses épaules en des plis froids et sinistres. Ses boucles noires comme la nuit entouraient son visage pâle, qu'il appuyait nonchalamment sur une de ses mains.

« Eh bien ? J'attends. », les relança-t-il doucement.

Drakayn et Drakaïs se figèrent en même temps. Lorsqu'Inviat avait parlé, ils avaient eu tout le loisir de voir deux canines effilées, aussi blanches que sa peau, dépasser de ses lèvres carmins. A la vue de leur visage surpris, Inviat sourit à pleine dent, leur montrant de nouveau ses crocs incroyablement longs et pointus. Cette fois, aucun doute possible sur la nature de l'homme.

« Un Vampire, lâcha Drakayn en se relevant et en dégainant son épée.

- Et un sacrément vieux ! », s'exclama Inviat en explosant de rire.

Et pour le leur prouver, il laissa son pouvoir les palper. La chair de poule se propagea sur leur peau et un frisson remonta le long de leur dos. C'était une puissance si sinistre et si similaire à la mort, que Drakaïs aurait douté qu'elle appartienne à Inviat si elle ne l'avait pas su avant.

La Draconique frémit et les battements de son cœur s'affolèrent. L'adrénaline coula dans ses veines, tel un liquide chaud et salvateur. Et observant les alentours, la panique s'empara d'elle en comprenant où ils étaient.

Nul doute qu'ils se situaient dans les Souterrains. Mais cette salle était différente de celles qu'ils avaient visitées jusqu'à présent.

Un cimetière.

De nombreuses tombes les entouraient et même les fleurs fraichement déposées sur les pierres n'arrivaient pas à égayer l'endroit, incroyablement ténébreux malgré toutes les bougies qui l'éclairaient. Et Drakaïs, tandis qu'elle observait Inviat choir délicatement de son promontoire, se demanda si cet endroit serait également leur tombeau.

Note: ...et j'ai même pas honte de vous lâcher comme ça :D ! *fuit en voyant que vous êtes prêts à lui foutre un coup d'espadrille*

*toussote* Oh, allez, ne boudez pas ! Je sais que c'est affreux, mais je n'ai pas pu m'en empêcher XD ! #Sadique

Sinon, est-ce que vous aviez vu venir la chose ? Hum ? HUM ? En tout cas, j'espère que ça vous aura un minimum surpris x) ! Je vous avais prévenu que le Vampire serait important ;) ! J'avais juste oublié un détail :D !

Alors, aussi... De la dispute ! Yey ! Quand je disais que j'adorais créer la zizanie chez mes personnages... Et encore, c'est pas fini ! Eh, eh ! La petite Drakaïs ne se laisse pas faire ! Surtout lorsqu'elle est influencée par sa squatteuse XD ! Ne lui en voulez pas trop... Elle a des circonstances atténuantes x) !

Il y a également une révélation sur le dôme ! *prend un air de surprise* LE CHOC ! L'aviez-vous vu venir également ? Sur ce coup là, j'avais semé quelques indices ;) ! Mais il reste quand même quelques mystères sur cette affaire... Hum... *se frotte le menton* Le premier qui trouve à un cookie virtuel :D (et pas ces petits logiciels espions, non.. Et non, ils ne sont pas empoisonnés. Je suis capable de bien cuisiner. Avec l'aide ma mère. Thank you very much.)

Et je dédicace ce chapitre à dreamer_baek ! Je vous invite à aller jeter un coup d'œil à ses récits, les deux sont supers ! Vous trouverez votre compte, que ce soit en fantasy ou en SF :D !

Sur ce, ciao !

PS: C'est très étrange... Je m'améliore vraiment sur la longueur des notes ! Mon cas n'est pas si désespéré que ça !

PS 2: Je m'excuse, mais je n'ai pas pu relire ce chapitre autant de fois que nécessaire pour exterminer les phote d'ortografe (quelques textes m'ont retenus ailleurs... Voilà, voilà...)... Désolée x) !

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