Chapitre 12:
Akhal, les mains croisées sur son torse, réfléchissait. La brise légère amenée par la vallée faisait bouger ses mèches châtains et son regard était fixé sur l'horizon. Il se trouvait sur la muraille de la troisième façade intérieure. Il était presque au plus haut de la cité et il avait une vue sur l'ensemble des alentours. Rien de mieux pour s'isoler et méditer.
Enfin presque...
Achoura était assise sur le rempart, les jambes dans le vide et une pomme dans la main. Même si elle ne mangeait pas bruyamment, le peu de bruit qu'elle faisait suffisait à briser sa concentration. Après un énième soupir d'agacement, il se tourna vers elle, les sourcils froncés.
« Achoura..., commença-t-il.
- Oui ?
- C'était vraiment nécessaire ?, demanda-t-il en montrant d'un mouvement de tête le fruit qu'elle portait à sa bouche.
- Tu oses me demander ça alors que tu m'as faite levée aux aurores sans même me laisser le temps de déjeuner ?, répondit-elle en fronçant les sourcils à son tour.
- Cela nuit à ma concentration.
- Dis tout de suite que je mange comme un porc !
- Ce n'est pas ça... », soupira-t-il.
Des fois, la Draconiaque était si imprévisible qu'il en venait presque à redouter de lui parler...
« Et qu'est-ce donc alors ?
- Tu aurais pu la manger plus tard...
- Tu aurais alors été dérangé par les hurlements de mon ventre. », conclut-elle.
Il préféra se taire et s'accouda sur le mur, détendant par la même occasion son corps courbaturé. A ses côté, la Démone avait terminé son encas et jeta nonchalamment le trognon.
« Achoura..., fit-il de nouveau.
- Oh, tu ne vas pas recommencer ! »
Encore une fois, il préféra rester silencieux et continua de promener son regard sur la ville.
« Seigneur Akhal, l'interpela une voix derrière lui.
- Oui ?, dit-il en se retournant, faisant face à son interlocuteur, toujours accoudé sur le mur.
- Je suis Reyn Menbrac, membre du conseil de la cité.
- Je vois. Que puis-je pour vous ?, voulut-il savoir en étouffant un bâillement.
- Je vous retourne la question... Cela fait deux semaines que vous êtes ici et vous ne nous avez toujours pas dit la raison de votre visite quelque peu, je dois dire... inattendue. »
Akhal reprit sa contemplation, Achoura toujours aussi silencieuse à ses côtés. Par les Six... Les gouverneurs de Quantamoniam se doutaient-ils de quelque chose ?
« Je n'ai pas vraiment de raison..., déclara-t-il au bout d'un instant. Devrais-je en avoir pour venir voir les beautés de Quantamoniam ?
- Effectivement. Si vous le voulez, je pourrai vous servir de guide durant votre séjour pour mieux en apprécier sa splendeur.», proposa le conseiller en lui souriant respectueusement.
Pour mieux le surveiller, oui...
« J'aurais accepté avec plaisir, mais je me vois obligé de refuser votre offre. Je préfère découvrir la ville par moi-même. C'est plus amusant. », fit-il avec un sourire factice.
Il entendit Achoura pouffer à côté de lui. Reyn Menbrac se tourna vers elle et la fusilla du regard.
« Je vois. Et qui est votre...charmante compagne ?, ironisa-t-il à l'encontre de la femme.
Ola ola... En voilà un qui avait du cran... Si la Draconiaque n'avait pas eu à cacher son identité, nul doute qu'elle l'aurait dépecé sur place pour de tels propos... Après tout, elle avait tué pour moins que cela.
« Achoura. », se présenta-t-elle d'une voix mielleuse en se tournant vers lui.
Akhal eut du mal à retenir un soupir de soulagement. Achoura était si imprévisible... Elle aurait pu lui sauter dessus et l'égorger, aussi bien que de ne rien dire et continuer à observer le ciel... Deux réactions complétement différentes qui lui correspondaient parfaitement. Heureusement, elle n'avait choisi aucune des deux.
« Hum... », fit le gouverneur une main sur le menton.
Les deux personnages continuèrent à se fixer du regard et le Draconique crut voir pendant un instant une envie de meurtre dans les yeux d'Achoura. Le temps qu'il cligne des paupières, l'impression s'était envolée et la Démone semblait tout à fait normale.
« Sinon, comment se porte votre illustre père ? Siège-t-il toujours à la capitale ?, reprit Reyn Menbrac en ramenant son attention vers Akhal.
- Actuellement, il doit séjourner à notre demeure familiale. Il est surement en train de déguster la brève accalmie dont il dispose avant d'être appelé au combat.
- Ah oui... C'est vrai qu'à cause de ces sales bestioles, l'Empire est de nouveau traversé par une vague d'agitation... Comme si la mort de notre Empereur n'était pas suffisante... Il faut aussi que les Lézards s'en mêlent. On aurait dû s'en débarrasser bien plus tôt, si vous voulez mon avis... Mais cela me rassure de savoir que votre père est toujours là pour maintenir la paix.
- Je suppose, répondit-il vaguement.
- Bien. Je vais maintenant vous laisser. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, faite le moi savoir, ce sera un plaisir de vous être utile, déclara le conseiller en s'inclinant.
- Je vous remercie... »
Akhal serra les poings tandis qu'il observait le dos du conseiller qui s'éloignait. « Sales bestioles », « Lézards »... Oh, évidemment, il avait entendu pire comme insultes envers son peuple, mais utiliser de tels termes pour les désigner l'enrageait toujours autant... Difficile de garder son calme.
« En voilà un que je me ferai un plaisir de tuer pendant l'assaut..., ricana Achoura en observant le conseiller s'éloigner.
- Et tu n'es pas la seule... grogna Akhal.
- Oh ! Mais c'est que le calme Akhal est énervé !
- Plutôt. », marmonna-t-il en jetant un dernier regard furieux sur l'objet de sa colère.
Il soupira et porta ses yeux sur la démone à ses côtés.
« Bon, il me semble que nous avons du pain sur la planche. Il serait temps que l'on s'y mette, non ? »
Après tout, ils avaient peu avancé dans leur mission... et cette cité n'allait pas tomber toute seule.
∞
Il y avait foule dans la rue. Drakaïs avançait en tête du groupe, laissant Drakayn et Sin à leur discussion idiote.
Elle était encore toute chamboulée par le phénomène qu'elle avait expérimenté il y a quelques instants. Elle sentait ses mains, tremblantes et glacées. Elle les plaça dans ses poches pour les immobiliser et les réchauffer. Bizarrement, ce fut avec cette idée de chaleur que lui revint en tête la main de Drakayn, qu'elle tenait encore un peu plus tôt. Le rouge lui vint aux joues et les insinuations de Sin s'immiscèrent de nouveau dans son esprit. C'était embarrassant... Elle n'avait pas besoin de ce genre de chose pour le moment...
« Eh !, l'interpela le Démon. Et si on s'arrêtait un coup ? J'ai quelque chose à faire là-bas, proposa-t-il en montrant de la tête une boutique.
- Si vous voulez.», répondit-elle en détournant le regard.
Pas question qu'il la voit dans cet état.
« Ça va ?, l'interrogea-t-il en remarquant son attitude.
- Mais oui. Ne t'inquiète pas, dit-elle en se dirigeant vers le magasin.
- Bien... », déclara-t-il en haussant les épaules.
La boutique vendait essentiellement des livres mais aussi quelques vêtements, et, chose surprenante, elle semblait, au vu des quelques tables qui s'y trouvaient, être également un lieu où l'on pouvait se restaurer. Il s'en dégageait une impression de sérénité et de tranquillité qui termina d'apaiser Drakaïs. Elle put enfin sortir ses mains de ses poches et s'aperçut que le Draconiaque n'avait pas cessé de l'observer. Remarquant qu'il y avait de l'inquiétude dans son regard, elle lui lança un sourire avant de le rassurer:
- Ce n'est rien je te dis !
Détendant enfin ses épaules, Drakayn se tourna vers la gérante et la salua d'un geste auquel elle ne répondit que par un froncement de sourcil. Ignorant cette salutation, la Draconique se tourna avec curiosité vers les étagères portant les livres. Peut-être trouverait-elle un ouvrage qui lui plairait ?
« Oh et une petite chose, tu mens très mal, Drakaïs. », murmura le Démon à son oreille avant de s'éloigner aussitôt.
Drakaïs se figea. Par les Six... N'allait-il jamais arrêter de la surprendre de cette manière ? Et comment faisait-il toujours pour savoir quand elle allait mal ? Ah oui... C'était évident... C'était un Démon. Drakaïs n'était certes pas la meilleure du monde pour mentir, mais on ne pouvait tout de même pas dire qu'elle était mauvaise à cela... Enfin, pour une créature passée maître dans l'art, ses mensonges devaient être absolument pittoresques... Elle soupira et prit au hasard un livre sur l'étagère, qu'elle commença à feuilleter sans y prêter réellement d'attention jusqu'à un certain passage :
« Page 311. Jour 142 : Je suis arrivée à la cité aujourd'hui. Quantamoniam est telle que l'on me l'a décrite : rayonnante. Les remparts sont éblouissants. C'est là un chef d'œuvre, nul doute, et son créateur est un homme d'une grande adresse. Mais ce n'est pas vraiment pour cela que je suis venue. Ce qui m'a porté en ces lieux est sa face cachée, sa laideur intérieure et sa plus grande honte. Les Souterrains. J'aime à me dire qu'ils sont comme des cicatrices douloureuses pour cette ville. Vous savez, ces vieilles blessures qui ne guérissent jamais réellement et qui sont toujours là pour vous rappeler vos actes. Témoins et indices de son passé peu glorieux. C'est là le but de mon voyage. Voir de mes yeux ces lieux meurtris par tant de souffrance et de désespoir. Quand j'y pense, je trouve cela dramatique. La plupart des habitants de Quantamoniam ne savent même pas ce qu'elle est réellement : un endroit maudit et souillé par ses péchés. Oui, tout le monde semble avoir oublié que s'ils vivent en paix ce n'est qu'à cause de_»
La Draconique ferma brutalement l'exemplaire. Elle regarda la couverture du livre. « Commentaires d'une voyageuse aguerrie. », pouvait on lire sur la première page cuivrée. Pas de nom d'auteur. Seulement un signe des plus particuliers sur la jaquette : une petite souris au pelage blanc comme la neige sur lequel reposait une étoile écarlate.
« Qu'est-ce que c'est ?, lui demanda Sin, l'interrompant dans ses pensées.
- Un livre. « Commentaires d'un voyageur aguerris.», dit-elle d'une voix blanche.
- Il te plait ? Tu n'as qu'à l'acheter si c'est le cas !, répliqua le jeune Draconique avec enthousiasme.
- Non.», répondit-elle simplement sur le même ton.
Elle se sentait pâteuse. Ce texte... était si sombre ! Elle se demandait à quoi il pouvait faire référence exactement... Mais elle n'avait pas eu la force de continuer. Comme guidée par son instinct, elle l'avait fermée avant d'aller plus loin. Elle n'avait pas voulu savoir. Elle le reposa sur l'étagère, la main tremblante.
« Tu sais. », fit la voix granuleuse qu'elle avait entendue pour la première fois lorsqu'elle s'était effacée, deux jours plus tôt.
Soudainement, Drakaïs se retrouva dans le noir le plus complet. La voix était la seule chose qu'elle percevait.
« C'est parce que tu sais la vérité que tu ne veux pas la voir. », continua-t-elle.
Deux gigantesques yeux verts à fentes noires se matérialisèrent devant elle et semblèrent la fouiller, là, dans son âme.
« Tu l'as sentis... C'est dans les remparts de cette cité... Ça grouille partout dans la ville...Comme une infection qui ne veut pas disparaitre... Tel est le prix à payer. Oui, telle est la punition à recevoir pour un crime pareil. »
La Draconique entendit un frottement cristallin derrière elle.
« Je ne comprends pas..., souffla-t-elle.
- Les Souterrains ! Va dans les Souterrains ! », hurla la voix.
C'était comme un cri bestial.
Les ténèbres commencèrent à disparaitre, faisant de nouveau place à l'environnement de la boutique.
« Va dans les Souterrains... », résonna une ultime fois la voix avant de s'évanouir.
« _anne ! Arriane ! Tu m'entends ? », demanda Sin, les sourcils froncés.
Drakaïs sursauta.
« Ah, non. Pardon. Je n'écoutais pas. Tu peux répéter ?
- Comme je disais, soupira Sin, tu ne trouves pas qu'ils agissent bizarrement ? »
Sin montra du doigt Drakayn et la tenancière qui se tenaient l'un en face de l'autre. La femme avait un air sévère sur le visage et détourna son attention de Drakayn pour la tourner avec suspicion vers eux, le nez retroussé et la bouche boudeuse :
- Qu'est-ce qui vous amène ici ?
- On cherche des informations, déclara tranquillement Drakayn en souriant calmement.
- Ah oui ? Et quel genre d'informations ? On n'aime pas trop les fouineurs comme vous, ici.
- Oh, voyez-vous, c'est juste une histoire familiale. Regardez –Il montra Sin de la main.− ce gosse-là, mon frère, il se trouve qu'il adore absolument cette ville. Il s'est donc mis en tête de récolter tout un tas d'informations sur Quantamoniam, pour, hum... disons... rédiger un ouvrage. Je ne me trompe pas, n'est-ce pas, Roberto ? »
Mais que faisait-il ? D'accord, ils étaient censés faire des recherches sur la cité, mais de là à aller demander aussi brutalement à des gens, c'était complétement absurde !
« Ben... Oui, c'est ça..., marmonna Sin en se passant la main derrière la nuque.
- Hum... Et vous cherchez quoi exactement, vous, votre frère et..., fit la vendeuse en gigotant sa main vers Drakaïs.
-Ma femme, compléta Drakayn.
- ...Et votre femme ? »
Drakaïs faillit se jeter sur le Démon. Sin jeta un long regard équivoque à la jeune fille.
« Et tu voudrais que les gens ne se méprennent pas ? », lui chuchota-t-il avec amusement.
Oh, lui, elle l'étranglerait aussi avec plaisir.
« Eh bien, toutes sortes de chose en fait. », fit Drakayn en ricanant.
Le Draconiaque observa un long moment son interlocutrice, sans rien dire. Il était tant de devenir sérieux à présent. Drakayn avait assez joué avec cette pauvre créature. Le prédateur allait sortir les crocs et les griffes. Le Démon eut du mal à étouffer un rictus féroce à cette idée.
« Je connais cette ville depuis bien longtemps, oh très longtemps même. Et c'est amusant, comme je la connais depuis longtemps, je sais toutes sortes de choses sur elle. Logique, non ?
- Où voulez-vous en venir ?, fit la tenancière en plissant des yeux.
- Où je veux en venir ? »
Le Démon la fixa intensément, et il sut qu'à cet instant précis, ses yeux étaient rouges comme l'enfer.
« Tu sais parfaitement où je veux en venir. Cesse de jouer à ça avec moi, Hindrel. Ou je jure sur tout ce que je hais le plus dans les six mondes que je t'écorche vif, ici même, et que tes prochains visiteurs pourront admirer ton cadavre sanglant. »
Le ton avait été froid, si ce n'est glacial et Drakaïs sentit un frisson la parcourir. Quant à Sin, il regardait le Draconiaque avec un choc non feint. L'atmosphère qui était jusqu'à la soutenable était dorénavant remplie de menaces de mort.
« Hen_ Henkiel ! C_Calme toi, voyons ! Je ne t'avais pas reconnu tout de suite, c'est tout ! Je suis vieille, tu devrais savoir que mes pauvres yeux me jouent des tours ! Et puis, on ne t'as pas vu dans le coin depuis un bon siècle !, fit la dénommée Hindrel en tremblant de tout son corps gras.
- Voilà que tu deviens raisonnable. Ouvre-nous la porte, tu veux ? J'ai des choses à aller voir là-dedans.
- Euh, comment dire... Henkiel... Tu sais bien qu'il faut des autorisations pour cela... Enfin... Les clauses ont évolué depuis ton départ... »
Le Démon se pencha vers la femme et plongea son regard dans le sien.
« Hindrel. Ouvre. Cette. Foutue. Porte. », ordonna-t-il sèchement tout en ponctuant chaque mot d'un coup de poing sur la table.
La femme couina et se tourna prestement vers la réserve, Drakayn s'engouffrant à sa suite d'une démarche déterminée. Drakaïs et Sin se regardèrent un instant, un air étonné sur le visage. Ils perçurent un grand fracas venant de là où les deux autres étaient partis.
« Es-tu incroyablement courageuse ou incroyablement stupide pour faire cela alors que je suis dans un tel état ?», entendirent-ils Drakayn susurrer d'une voix cruelle.
Drakaïs entra rapidement à son tour dans la réserve et vit que Drakayn empoignait une hideuse créature verte à l'odeur immonde. Elle dût se couvrir le nez pour ne pas vomir.
« C'est d'accord ! Je t'ouvre ! Par pitié, lâche-moi ! Ma peau ! Ma précieuse peau ! »
Le Draconiaque la lâcha et Hindrel tomba lourdement au sol. Elle se releva, reprenant la forme de la femme boursouflée précédente.
« Tu es toujours aussi violent et désagréable, siffla-t-elle en sortant une clé de son giron.
- Merci, dit-il en la lui prenant de la main. Bon, vous deux, ne restez pas là, venez, on a déjà perdu suffisamment de temps à cause de cette... chose. Hors de question que l'on en perde davantage. »
Puis, il s'avança vers un recoin de la pièce et inséra la clé dans le mur. Quelques secondes après, un passage s'ouvrit, et ils purent voir un escalier descendre dans une obscurité profonde. Drakayn n'attendit pas de voir leur réaction et s'avança dans le sombre tunnel. Une nouvelle fois, Drakaïs et Sin se consultèrent du regard, avant que ce dernier n'hausse les épaules et parte à la suite du Draconiaque. Drakaïs, elle, jeta un ultime coup d'œil à Hindrel, qui se massait le cou avec fureur.
Une fois à l'intérieur, le passage se referma sur eux, les plongeant dans le noir complet. Drakayn invoqua alors une légère flamme qu'il envoya en avant.
« Un feu-follet. Avec ça, on y verra mieux.», leur expliqua-t-il froidement.
S'en suivit un lourd silence. Malgré les ombres sur son visage, Drakaïs voyait que le Draconiaque était sérieusement agacé.
« Ta femme ?, demanda-t-elle, un sourcil haussé dans l'intention de le faire sortir de sa mauvaise humeur.
- Tu m'excuseras de ne pas avoir eu d'imagination sur ce coup-là pour que cette stupide créature comprenne à qui elle avait affaire.
- C'est ça..., rétorqua-t-elle en roulant ses yeux.
- Pourquoi, c'est si affreux que ça d'être avec moi ? », voulut-il savoir avec un sourire charmeur.
Il la testait. Il voulait être ainsi ? D'accord.
« Sans vouloir te vexer : oui.
- Drakaïs ! Ma chère, tu ne peux pas savoir à quel point ces paroles me blessent..., s'exclama-t-il en mettant la main au cœur.
- Parfait.
- Roberto ?, demanda également savoir Sin.
- Oui. Roberto. Ça, par contre, c'était une petite vengeance de ma part, ricana Drakayn.
- Pff... C'était de mauvais gout, râla Sin.
- Mais cela a marcher, et c'est ce que qui compte. Au fait, cela fait deux/zéro pour moi. Tu te fais distancer, petit, lui fit-il remarquer en souriant malicieusement.
- Peut-être, mais j'ai pu voir quelque chose de vraiment intéressant : tu t'es énervé.
- Mais tu n'en étais pas la cause. Et je te souhaite de ne jamais me répugner autant que cette chose... Si cela devait arriver, reste loin de moi.
- Une vieille connaissance ? », l'interrogea Drakaïs.
Elle savait si peu de chose sur son passé...
« Hélas. Lorsque j'étais à Quantamoniam, j'avais plusieurs contacts, et elle en faisait partie.
- Des contacts ?
- Oui. Je recevais des contrats et lorsque j'avais besoin d'informations, je leur faisais savoir et ils me renseignaient. »
Elle l'observa à la dérobée. Effectivement, elle ne savait rien de lui. Quels genres d'affaires avait-il menées, ici, à Quantamoniam ? C'était une question qu'elle aurait aimé lui poser, mais quelque chose lui soufflait que si elle le faisait en présence de Sin, le Démon n'y répondrait pas.
Les escaliers ne cessaient de descendre, à croire qu'ils n'avaient pas de fin. Drakaïs avait peur de comprendre où ils se dirigeaient.
« Et pourquoi sommes-nous ici ?, demanda le jeune Draconique.
- Je pensais que tu aurais compris. Les Souterrains. J'ai une hypothèse par rapport à la ville et il est temps que je la vérifie. », lui répondit le Démon en prenant un air déterminé.
Les battements du cœur de Drakaïs s'accélèrent malgré elle. Les Souterrains... Elle avait un mauvais pressentiment... Elle pouvait encore entendre la voix de tout à l'heure... Il y avait quelque chose dans ces sous-sols ... Elle en était certaine. Maintenant, elle n'avait plus qu'à avancer dans l'obscurité pour savoir ce qui l'attendait.
∞
Depuis combien de temps descendaient-ils ainsi, dans le noir ? Drakaïs était incapable de le dire. Par contre, elle sentait que le nœud dans son ventre ne cessait de grandir au fur et à mesure qu'ils s'enfonçaient dans les profondeurs de la cité. De plus, le silence qui les entourait n'était pas sans aggraver la situation.
« Il y en a encore pour longtemps ?, voulut savoir Sin d'un ton agacé. Parce que je commence à en avoir assez de marcher, comme ça, sans savoir pourquoi.
- On est bientôt arrivé. Sois patient.
- Y'a intérêt, grommela-t-il.
- Même si je sais que cela doit être difficile pour toi : sois patient. », répéta en riant Drakayn.
Sur ce, ils continuèrent de descendre dans le même silence.
Très vite, ils arrivèrent devant une porte. Elle était en bois et de nombreuses gravures la recouvraient. La plupart d'entre elles représentaient un homme levant les mains au ciel, sûrement un Magicien, entouré de plusieurs personnes, certaines debout, d'autres allongées. Tout en haut de l'entrée, une inscription était marquée dans une langue que la Draconique était incapable de lire. Que cela pouvait-il bien signifier ?
« Les Souterrains, là où siègent les morts. »
La voix granuleuse s'était de nouveau élevée dans son esprit, disparaissant aussitôt après avoir répondu à sa question silencieuse.
Un frisson la parcourut. Il semblait qu'elle allait entrer dans un endroit des plus agréables...
« Tu vois ? Ce n'était qu'une question de temps, déclara Drakayn à Sin en ouvrant la porte avec les deux battants.
Une lumière éclatante apparut et Drakaïs dût mettre une main devant son visage pour s'en abriter. Il fallait dire qu'ils étaient restés longtemps dans l'obscurité. Il allait leur falloir quelques temps pour s'accommoder à cette nouvelle luminosité.
Elle entendait des voix autour d'elle, et quand celle de Drakayn lui parut, menaçante et grondante, elle sut que quelque chose clochait.
« Eh bien, sale gosse... On peut savoir ce que tu fais ? »
Drakaïs découvrit son visage. Un enfant se tenait à côté d'elle, une de ses mains dans sa poche, là où se situait son argent. Le Démon le tenait sévèrement pas le bras, ses doigt s'enfonçant douloureusement dans sa peau, et le fixait avec ce regard qu'elle connaissait parfaitement désormais : celui d'un prédateur.
« Lâche-moi ! Ça fait mal !, s'écria l'enfant en se débattant.
- Oh ! Mais c'est que le petit parle ! Ne t'inquiète pas pour la souffrance. Tu t'y habitueras. Tu n'as que ce que tu mérites pour avoir essayé de voler cette jolie demoiselle. Maintenant, je te conseille de lâcher ce que tu tiens, avant que je ne te forces à le faire.
- Attend, Dra_ »
Drakaïs n'eut pas le temps de finir sa phrase. Le Démon cria subitement de douleur et de surprise, et lâcha l'enfant, qui en profita pour s'échapper. Le Draconiaque se courba, le visage vers le sol, le dos tremblant et le bras replié sous-lui-même.
« Ce petit con... Il m'a mordu ! », s'exclama-t-il en examinant la morsure.
Sin éclata de rire.
« Ce n'est pas drôle... Ça fait plus mal qu'on ne le pense. », grogna-t-il en scrutant le jeune Draconique.
L'autre continua de ricaner, silencieusement cette fois.
« Tu veux que je te morde aussi ? On verra qui rira le plus après..., plaisanta Drakayn avec un rictus féroce.
- Vas-y, fais-toi plaisir ! Cela n'empêche que c'est la deuxième fois que je te vois énervé aujourd'hui !
- Ah oui... D'ailleurs, vers où est-il parti, ce sale gosse...
- Tu n'y penses pas sérieusement ! Ce n'est qu'un enfant !, s'écria Drakaïs.
- Un enfant, certes, mais un enfant des Souterrains. Cela fait longtemps que je ne suis pas venu ici et j'ai du mal à me souvenir de ces ruelles.
- Ah ? Tu veux te servir de lui comme guide ? Si ce n'est que ça..., soupira-t-elle en détendant ses épaules.
- Qui a dit que ce ne serait que ça ? Ce morveux... Je compte bien lui faire payer et lui apprendre les bonnes manières pour ce qu'il a osé faire... Non seulement à moi, mais aussi à toi, lança-t-il en partant dans la direction où s'était échappé le fuyard.
- Quoi ?−Elle le retint par la manche− Ne te donne pas cette peine, ce que j'avais dans la poche n'était pas si important. Et puis, tu peux parler. Pour ce qui est des bonnes manières, je pense que ce serait toi qui aurais à tirer des leçons de cet enfant.
- Ma chère, je crois que tu me prends pour ce que je ne suis pas. Je suis loin d'être un rustre, crois-moi. Enfin, je peux t'assurer que tu ne m'as pas vu, selon ton point de vue, dans mon pire état, et selon-moi, dans mon meilleur. Quant à ce que tu avais dans ta poche... Tu as des progrès à faire, Drakaïs. Ce gamin est loin d'être un amateur pour ce qui est du vol. Ce qui se trouvait dans tes vêtements n'était pas ce qui l'intéressait. C'était plutôt la dague que tu portais à la ceinture. Alors, est-ce toujours si peu important ? »
Pour toute réponse, elle laissa partir son bras. Il lui sourit narquoisement et disparut dans les ruelles. Elle eut tout juste le temps de lui lancer un « Ne soit pas trop dur avec lui ! » d'un ton sévère. Ce n'était pas sûr qu'il écoute ce qu'elle dise...
Elle porta la main à sa taille. Ce qu'elle avait su au moment où Drakayn lui avait fait comprendre se révéla vrai : le poignard n'était plus là.
Même si c'était une arme qu'Inviat lui avait donné, elle ne pouvait s'empêcher de se sentir comme nue sans elle. La gaine de la lame était devenue familière. C'était déjà comme une vieille amie, et cela, alors qu'elle l'avait seulement depuis deux jours. Mais il ne fallait pas se leurrer. Nul doute que c'était parce qu'elle était faite en dragon qu'elle lui était si précieuse.
Elle ferma ses doigts dans le vide.
« Pas d'inquiétude, Ariane. » Sin avait préféré utiliser le nom humain de Drakaïs en voyant les œillades qu'ils récoltaient. « Je suis sûr qu'il ne fera pas le fou. Enfin, j'espère..., tenta de la rassurer Sin. Bon, et si on s'asseyait ? Rester en plein milieu de la voie, ce n'est pas vraiment la meilleure des idées pour éviter d'attirer l'attention de ces gens, tu ne crois pas ? »
Maintenant qu'il le disait, une multitude de personnes les observait d'un mauvais œil. Ils voyaient en eux des étrangers et cela ne leur plaisaient pas. Et elle n'aimait guère cela non plus... Le poids de leur regard était trop lourd à porter. Les battements de son cœur commencèrent à accélérer et sa respiration se fit plus lourde.
« Tu as raison. Allons ailleurs. »
∞
Le Démon pistait le gamin. Il se souvenait encore de son odeur nauséabonde... Rien d'étonnant si c'était un habitant des lieux. Il jeta un coup d'œil à la morsure. Le sang apparaissait autour de la plaie. Ce petit con... Il ne l'avait pas manqué.
« Ne soit pas trop dure avec lui ! », avait dit Drakaïs. Oh, il n'allait pas lui faire du mal. Pas trop en tout cas. Mais pour ce qui était de lui faire la peur de sa vie, il n'allait pas y échapper...
Puis, soudain, il le vit. L'enfant marchait tranquillement dans la rue, devant lui. Le petit observait son butin, sans se douter de ce qui l'attendait. Eh bien, le Draconiaque n'avait pas mis beaucoup de temps à le retrouver... Il aurait très bien pu fondre sur lui, là, immédiatement, mais cela aurait gâché son plaisir. Oui, d'abord, il allait l'observer. Après, et seulement après, viendrait le moment de la « capture ».
Gambader dans les Souterrains lui rappelait d'agréables souvenirs. En ces temps, il était encore jeune et avait quitté l'Enfer dans le but de retrouver ceux qui avaient tué son père, en s'entrainant par la même occasion. Cela l'avait grandement aidé. Quantamoniam l'avait endurci, plus qu'il ne l'aurait imaginé et de bien des manières. Et il ne fallait pas oublier sa principale raison pour être venu dans la cité : trouver un des assassins de son père, qui était un membre des Mercenaires Sanglants. Mais il secoua sa tête, chassant par la même occasion ce fil de pensées. Cela faisait partie du passé à présent... A quoi bon le ressasser ?
Soudain, le tirant de ses réflexions, le gosse accéléra le pas. L'avait-il remarqué ? Le mioche bifurqua dans un passage plus étroit. Maintenant, c'était sûr, le gosse se doutait de quelque chose. Un sourire cruel apparut sur le visage de Drakayn.
« La chasse promet d'être plus intéressante que prévue... », se murmura-t-il pour lui-même.
∞
Drakaïs contemplait les Souterrains avec une curiosité et une admiration teintée de crainte. Le lieu avait son charme, elle devait l'avouer, mais elle n'oubliait pas ce sentiment de mal être qui l'habitait depuis qu'elle avait entendu parler, ou plutôt, que la voix lui avait parlé, des Souterrains. C'était une impression étrange. Etre partagé ainsi entre deux émotions si différentes était surprenant. C'était presque similaire à ses sentiments envers les humains : de la curiosité mêlée à de la terreur.
« C'est marrant, mais je n'imaginais vraiment pas cet endroit comme ça, fit calmement Sin, coupant alors la Draconique dans ses pensées.
- Moi non plus. »
En effet, elle s'était attendue à tomber sur un entrelacs de ruelles toutes plus sombres les unes que les autres, vides et puantes. Maintenant qu'elle y réfléchissait, elle se rendit compte que lorsqu'elle avait pensé à cet endroit, c'était l'image de catacombes qui lui était venu à l'esprit. Pour elle, les Souterrains étaient un lieu lié à la mort.
Elle était donc tombée de haut quand elle avait vu que tout ce qu'elle avait imaginé était faux. C'était même tout le contraire. La lumière ici était douce, pas éclatante comme la lumière du jour, mais similaire par le réconfort qu'elle apportait. Elle provenait de bougies ou de lampes à huiles disposées dans des réverbères, eux-mêmes postés partout sur la place dans laquelle ils se trouvaient, Sin et elle.
Et c'était cela qui l'avait le plus surprise. La place.
Ce n'était pas que des ruelles. C'était comme une ville qui, à la place du ciel, avait un plafond galée. Comme une grande voûte.
C'était également bien plus vivant qu'elle ne l'avait supposé. Plus chaleureux aussi. Même si la misère était bien là. Les haillons, la peau pâles et les silhouettes squelettiques des habitants en étaient la principale preuve.
« Il en met du temps.», râla Sin.
Elle hocha simplement la tête, trop absorbé par sa contemplation.
« Dit... Tu ne crois pas que c'est exagéré ?, demanda le Draconique, visiblement mal à l'aise.
- De quoi ?
- Les gens. Ils nous regardent comme des pestiférés... Comme s'ils savaient ce que nous sommes.
- Ne dis pas de sottises.», rigola-t-elle froidement.
Les yeux des passants... Elle avait fini pas les oublier, et voilà que Sin les lui rappelait...
« Ça me dérange. Je n'aime pas ça.
- Personne n'aime ça. Ignore-les. Ils ne savent pas ce que nous sommes réellement. Ils agissent ainsi car ils ne nous ont jamais vus dans le coin. Je suis pratiquement sûre qu'ils se connaissent à peu près tous de visage. Rien d'étonnant à ce qu'ils réagissent ainsi en présence de nouvelles têtes. »
Ces paroles, ce n'étaient pas vraiment pour Sin qu'elle les disait, mais pour elle. Il sembla le remarquer, car il lui déclara doucement, sans l'examiner:
- Tu n'aimes pas vraiment les lieux où il y a de la foule, je me trompe ?
- Non, tu as vu juste. Lorsque j'ai perdu ma mère et ma sœur, la peur d'être de nouveau découverte par les autres s'est profondément ancrée en moi. Là où il y a du monde, cela devient quasiment insupportable. Mais ces derniers temps, c'est moins fort, lui expliqua-t-elle.
- Je ne savais pas. Je veux dire, pour ta mère et ta sœur. Désolé, j'ai dû te rappeler de mauvais souvenirs... », s'excusa-t-il en se tournant vers elle.
Elle lui sourit gentiment.
« Tu ne savais pas. Et comme je l'ai déjà dit à Fergon, j'ai plus de bons souvenirs que de mauvais avec ma famille. Je préfère me remémorer les plus heureux plutôt que les plus sombres.
- C'est une bonne manière de penser, acquiesça Sin en hochant la tête.
- Merci.
- Moi aussi, j'ai perdu ma famille à cause de ce que nous sommes, déclara-t-il au bout d'un moment. Mes parents. J'étais trop jeune lorsque c'est arrivé, donc cela ne m'a pas vraiment traumatisé comme toi. Mais la rage est toujours là. Elle ne me quitte pas.»
Drakaïs réfléchit un instant à ces paroles.
« Je me demande si c'est cette haine qui nous sauvera. Personnellement, je ne crois pas, dit-elle au bout d'un moment.
- Qui sait... Qui sait... », conclut-il en chuchotant.
Tandis qu'il disait cela, Drakaïs pensa que Sin était bien plus mature qu'il ne le paraissait. Son regard brillait d'un éclat sans pareil et semblait voir des choses qu'elle ne pouvait pas. Elle se demandait si c'était pareil pour elle lorsqu'elle était perdue dans ses pensées...
∞
Deux gars se trouvaient devant lui. Enfin, pour être exact, deux hommes lui barraient la route.
« Oui ?, fit Drakayn avec un sourire clairement forcé pour leur faire comprendre qu'ils l'agaçaient.
- Toi, t'es nouveau ici. On le sait, on ne t'a jamais vu dans le coin. Mais tu as de la chance, on est plutôt sympas. On va t'apprendre les règles des souterrains.», expliqua l'un des deux avec un air qui se voulait bienveillant, mais qui était juste ridicule.
Oh lui... C'était décidé, il allait être l'idiot numéro un. Incapable de voir quand il énervait quelqu'un.
« Comme c'est gentil, continua Drakayn du même sourire.
- Eh toi ! J'crois qu't'as pas très bien compris dans quelle emmerde t'es ! », s'exclama l'autre en s'avançant vers lui d'un air menaçant.
Et voici l'idiot numéro deux... L'un et l'autre allait de paire. On voyait clairement le couple du « gentil » et du « méchant », le calme et la brute qui se tempéraient.
Pitoyable.
« Ah ? Je n'ai pas compris ? », demanda Drakayn en inclinant la tête sur le côté d'un air faussement innocent.
Cette fois, il espérait que les deux imbéciles allaient enfin comprendre qu'il se moquait d'eux.
« C't enfoiré ! Il s'fiche de notre gueule ! Stew, j'vais le_, commença l'idiot numéro deux.
- Tu ne vas rien faire, Kez.», ordonna l'idiot numéro un.
Stew. Kez. Pff. Même leurs noms étaient fades... Tout comme leur petit jeu auquel ils se livraient. Mais une chose était amusante. C'était l'idiot numéro un –le plus petit des deux, Stew ?- qui commandait. Etait-ce parce que c'était le moins stupide ?
« Bon, le nouveau, reprit l'idiot numéro un/Stew. On, je te laisse passer si tu me donnes quelques pièces en retour. Echange de bons procédés. Et puis, ce n'est pas cher payé pour une leçon et la vie, non ? »
Oh ! Etait-ce une menace qu'il entendait là ?
« Et si je refuse ? », demanda Drakayn en se remettant droit.
Eh bien, qu'allait-il répondre maintenant ? Il était curieux de le savoir.
« Si tu refuses ? Hum... Disons que mon ami ici présent, −Stew montra l'idiot numéro deux du doigt.− va s'occuper de toi. Alors, compris ? »
Décevants. Ces deux imbéciles manquaient cruellement d'imagination pour ce qui était d'inspirer de la peur... Bah, comment leur en vouloir ? Ce n'était pas des Démons, ils ignoraient donc tout de cela. Oh évidemment, ces deux pauvres types auraient inspiré de la crainte à n'importe quelles autres personnes. Après tout, ils avaient l'air fort et pouvaient paraître effrayants... Enfin, cela dépendait des points de vue... L'un était un véritable mur de muscle et l'autre plus petit, avait l'air froid et calculateur. Mais pour lui... Oh, par le Mal suprême, qu'ils étaient ridicules!
D'ailleurs, il n'y tint plus. Il explosa de rire devant eux.
« Bon... C'est bien beau tout cela, mais laissez-moi passer. J'ai un foutu gamin à rattraper, leur expliqua-t-il après s'être calmé.
- Stew ! Il s'moque de nous ! Laisse-moi l'tuer ! Par les Six, j't'en conjure, s'tu me laisses attendre une minute de plus j'vais_ »
Son compère lui posa une main sur l'épaule.
« Vas-y. On dirait que le nouveau ne veut pas vivre plus longtemps. Il ne sait pas qui nous sommes. Dommage pour lui. Quand il regrettera et nous suppliera de l'épargner, il sera trop tard pour lui, fit Stew avec un rictus féroce.
- Parfait ! », s'écria l'autre avec joie en faisant craquer ses mains.
« Regretter » ? « Supplier » ? Ola... La blague était allée trop loin... Ces deux pauvres misérables... « Il ne sait pas qui nous sommes » ?
Le rire du Draconiaque reprit, plus violent et fort qu'avant. Un éclat euphorique, strident, mais aussi cruel. Un rire comme il n'en avait pas eu depuis longtemps. Il en eut les larmes aux yeux et alla jusqu'à se plier en deux. C'était eux qui ne savaient pas qui il était... Les imbéciles...
Il se rendit compte que le colosse se tenait devant lui, les muscles tendus par la rage.
Ah... Nous y voilà. Le moment tant attendu : le combat. Enfin, pas vraiment. Cela allait plus être un massacre qu'autre chose.
La brute épaisse sans cervelle l'agrippa par le cou et le souleva du sol. L'autre, le nain, sortait du tabac de sa poche et commençait à le fumer tout en observant la scène.
Le Démon ne s'était pas trompé pour ce qui était de l'idiot numéro deux. Kaz ? Kez ? Il avait déjà oublié. De toute manière, cela n'avait aucune importance. Tout ce qu'il devait retenir, c'est qu'il était puissant. Suffisamment pour commencer à lui couper le souffle.
Assez rigolé. Il était temps de devenir sérieux.
Drakayn posa sa main sur l'avant-bras du colosse et serra. Fort. Sa victime hurla de douleur.
« Eh, Kez ! Je peux savoir pourquoi tu cries ? », aboya l'autre en le regardant méchamment.
C'était la demi-portion qui s'était exprimé. Ah, oui. Kez. C'était cela. Le dénommé Kez le lâcha aussi soudainement qu'il l'avait pris, son bras blessé, inerte, pendant à ses flancs.
« Ça fait mal, putain ! Stew ! J'crois qu'ce connard l'a cassé !
- Ne dis pas n'importe quoi, grogna Stew en s'approchant de son compagnon.
- Effectivement, je l'ai cassé.», déclara Drakayn d'une voix posée.
Il ne fallait pas s'y tromper. Il était loin d'être aussi calme qu'il ne le paraissait. Au fond de lui, il bouillonnait de colère.
« Vous savez, les deux imbéciles, je suis actuellement de très mauvaise humeur, commença Drakayn.
- Qu'est-ce qu'tu racontes, enfoiré ? Mon bras ! Putain ! Il a cassé mon bras ! Stew !, continua de gémir l'autre.
- Oh, la ferme ! Fais pas ta femmelette !», hurla l'autre roquet.
Drakayn s'avança vers l'homme qui gémissait et le tira violemment en avant en le tenant pas son bras brisé pour accentuer sa souffrance. Un hurlement délicieux lui répondit.
« Où en étais-je..., continua le Démon. Ah oui ! Vois-tu, d'abord, il y a eu cet Inviat. Il s'est littéralement joué de moi. Oui, joué de moi. −Le Draconiaque exerça une plus forte pression sur le membre brisé de l'homme, qui hurla de douleur.− Cela m'a mis dans une fureur épouvantable. Puis cette immonde Hindrel, qui s'est elle aussi payé ma tête... Cette ignoble bestiole... qui ose... Et voilà que maintenant, c'est un gosse qui s'y met ! Il m'a mordu ! Mordu ! Qui y croirait ? Et finalement, vous deux. Oh vous deux... Pauvres imbéciles qui réveillent cette rage en moi... Je ne sais pas si je dois vous remercier ou vous déchiqueter pour me permettre de me défouler sur vous comme je vais le faire..., susurra-t-il avec un rictus cruel.
- Qu'est-ce que tu racontes ? », fit le nain en tremblant.
Visiblement, il semblait avoir compris dans quelle situation il était. Enfin !
« Je dis que je vais vous tuer, et ce ne sera pas une mort douce, expliqua-t-il en prenant une voix terrifiante de calme. Vous auriez dû choisir votre victime avec plus d'attention. Ah, et pour reprendre tes mots: tu ne sais pas qui je suis. Votre ignorance aura été votre perte à tous les deux. »
Ses deux proies blêmirent soudainement, frissonnant et gémissant en même temps. Quel spectacle...
« Eh bien, j'attends.», dit Drakayn au bout d'un moment.
Ils le regardèrent avec incompréhension. Par les Six... Un des deux s'était pissé dessus... Charmant.
« Les supplications, les éclaira-t-il en faisant un signe de la main. Où sont-elles ? Vous tenez si peu à la vie ? »
Aussitôt, les deux bougres se jetèrent à ses pieds, un flot de paroles lamentable se déversant de leur bouche. Drakayn pouffa.
« Ah... Oui. Toi. Qu'as-tu dit il y a un instant ? « Quand il regrettera et nous suppliera de l'épargner, il sera trop tard pour lui », c'est cela ? Permet moi de te rendre la pareille. Trop. Tard, souffla cruellement le Démon.
- Non ! Je vous en sup_ »
Drakayn écrasa sa main sur la bouche du misérable. Il en avait assez. Trop de bruit, trop de pleurs. Cela l'ennuyait à présent. Autant en finir avec ces deux-là. Il soulagerait le monde de leur présence. C'était en quelque sorte une bonne action de sa part. Cela le fit sourire davantage. Un Démon qui faisait une bonne action ! Rien de plus hilarant !
« Vous m'ennuyez. Il est temps d'en finir. »
Il approcha son autre main de la gorge de Stew. Il pouvait sentir le sang qui coulait dans les veines de sa prochaine victime. Bientôt, ce même sang se répandrait sur le sol, tel une rivière écarlate. Les griffes avaient déjà commençé à apparaitre au bout de ses doigts, brillantes et aiguisées comme des lames.
Soudain une question incongrue traversa son esprit : qu'aurait pensé Drakaïs de tout cela ?
Il stoppa sa main à quelques millimètres de la gorge de Stew.
Drakaïs... Ah oui... Il ne pouvait pas après tout.
« Je plaisantais. », lâcha gentiment le Draconiaque avec un sourire rayonnant.
Il se releva. Il jaugea les deux badauds sur le sol, pétrifié par la terreur.
« Maintenant, vous savez. C'est comme ça que l'on fait pour terrifier quelqu'un. Prenez ça comme une leçon de ma part. Vous avez la vie sauve, et en plus, je ne demande aucune pièce en retour.», assura-t-il en passant devant eux sans même un regard en arrière.
Il continua à avancer, les deux badauds derrière lui, toujours dans la même position. Le claquement de ses pas résonna dans la ruelle, lui apportant une paix insolite dans le cœur. Etrange sensation que d'épargner une vie... Et il était encore plus étrange de savoir pourquoi.
Arrivé à un certain niveau de la ruelle, il se tourna brusquement sur le côté et avisa une sorte de barrique duquel dépassait une mèche de cheveux bruns. Alors c'était là que le gamin s'était caché...
« Eh ! », l'interpela Drakayn.
Les mèches de cheveux tressaillirent.
« Tu comptes rester là encore longtemps ? »
Pas de réponse. Drakayn perdit patience et prit par les cheveux l'enfant, qui cria de surprise.
« T'es persistent, fit simplement le gamin après s'être remis du choc.
- Plutôt, oui. »
Drakayn avisa la dague de Drakaïs dans les mains du gosse. Il l'arracha violemment.
« Eh ! C'est à moi !, couina l'enfant en tentant de la reprendre.
- Non, ça ne l'est pas. Tu l'as volé. Je la reprends.», cracha Drakayn.
Le petit sursauta sous ses paroles.
« Qu'est-ce tu vas m'faire ? Me torturer comme tu l'as fait avec les autres ? Ça sert à rien, j'beuglerai pas comme eux, et j'te supplierais pas pour que t'épargnes ma vie. J'ramperai jamais pour personne ! Non, jamais ! », tonna le petit.
Il disait cela, mais les larmes commençaient à apparaitre aux bords de ses yeux. On tentait d'être brave ? Peine perdue. Drakayn voyait bien, sentait bien, que l'enfant était terrorisé.
« Ne soit pas trop dur avec lui.», lui avait dit Drakaïs. Amusant. Elle semblait désormais avoir suffisamment confiance en lui pour lui confier la vie du morveux.
Là encore, il lâcha sa proie, qui tomba mollement dans la poussière en poussant un petit couinement. Le Draconiaque s'agenouilla en face de lui
« Si tu me guides dans les Souterrains, je considérerai que tu ne me vaudras plus rien et je te laisserai partir.
- Qui dit qu'c'est la vérité ?, renifla le gosse.
- Moi. Je te le promets, et ma parole n'est pas à prendre à la légère. »
En effet, un Démon ne pouvait jamais revenir sur ses mots. C'était pour cela que lorsqu'ils faisaient un contrat, ils les manipulaient et les choisissaient avec un grand soin pour leur propre intérêt.
Le petit hocha la tête pour donner son accord.
« Voilà qui est réglé. Comment t'appelles-tu ?
- Anas. », lâcha à contre cœur le mioche.
Anas. Drakayn décida que c'était un prénom intéressant.
« Et toi ? », voulu savoir Anas, la curiosité prenant le pas sur la terreur.
Ah, il s'était suffisamment remis pour lui demander son nom. Plutôt costaud, pour son âge !
« Henkiel.
- Comme le mercenaire ? », demanda-t-il en tremblant.
Le Démon acquiesça et se sourit intérieurement. Ainsi, son nom était toujours aussi fameux... Bien.
« Ne soit pas trop dur avec lui ! »
L'avait-il été ? Oh que non !
Lorsqu'il y réfléchissait, c'était vraiment amusant. S'il avait arrêté le massacre et épargné le môme, cela n'avait été que pour une seule personne...
Oui, il avait fait tout cela pour Drakaïs...
Note: Avant de faire mon blabla habituel, j'aimerais mettre une chose au clair: je n'ai absolument rien contre les Roberto XD ! Je ne sais d'ailleurs vraiment pas pourquoi j'ai choisi ce nom plutôt qu'un autre. Voila. Donc, si, par le plus grand des hasards, un Roberto passait par là, ben, désolé :D !
Bref. Pour revenir à ce chapitre... C'est le plus long de tous ! 19 pages sur Word ! Donc, un chapitre plus épais que le précédent, vous en conviendrez :) ! Et c'est mon préféré ! J'en ai d'autres qui me plaisent beaucoup, mais celui-ci contient des scènes que j'ai pris beaucoup, beaucoup, mais alors beaucoup, de plaisir à écrire (notamment celles avec Hindrel ou encore celle avec les deux "brigands" !). Je vous fais aussi découvrir les Souterrains, élément très important pour le reste du récit se déroulant à Quantamoniam :D ! Et bien sûr, le meilleur pour la fin (ça dépend des points de vue): Anas ! Retenez ce petit bout de chou (oui, j'aime bien les gosses. *prend un air de gangsta* 'Got a problem with that, huh ?!), parce qu'il est plutôt important :) ! Je me suis d'ailleurs rendue compte récemment qu'il ressemblait à Gavroche ('doit être pour ça que je l'aime autant...)...
Ah ! Et pour ceux qui se le demanderaient: non, Drakaïs n'est pas schizophrène x) ! Elle entend des voix, mais elle est pas folle !
Double "Ah !" ! Pour ceux qui voudrait savoir ce que signifie la fin du chapitre. Oui, Drakayn commence à se rendre compte qu'il a un peu plus que de l'attraction pour notre chère Draconique... Mais pas de panique ! Ça ne va pas partir en guimauve (t'façon, la guimauve, c'est écœurant au bout d'un moment !)!
Oh (et oui, il faut bien changer !)! J'ai dépassé les 850 vues, les 100 commentaires et les 70 votes :D ! Merci, merci, merci ! Du coup, je vous réserve une surprise pour les 1 000 vues (si ça continue dans ce rythme, ça ne devrait pas tarder !) ! Vous êtes juste adorables et vous ne pouvez pas savoir à quel point ça me fait plaisir et rebooste pour continuer à écrire (je me rappelle encore lorsque je faisais l'aumône aux commentaires ! *s'essuie une petite larmichette* Que de souvenirs et d'émotions !)! Donc, distributions de câlins virtuels et de poutous (pas baveux cette fois, j'en ai effrayé certains la dernière fois !) !
Mis à part ça, j'ai dédié ce chapitre à Denescor, dont je vous conseille les récits :D ! J'me suis bien marrée (j'étais pliée en deux !) sur "Les Histoires débiles du père Paro et de son ami Die" ! Encore merci pour tes commentaires géniaux et ton support :D !
A la prochaine !
Ps: *relis sa note* Mince alors ! Je repars dans de mauvaises habitudes !
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