5 : Pardonner
Lorsque le soleil se leva, annonçant un nouveau jour, Jean se trouvait déjà devant la maison de Marie, un bouquet de pissenlit à la main. Mais ce jour-là, il attendit en vain. Alors, il jeta les fleurs à terre, il tourna les talons et partit vers la forge.
En réalité, Marie Castel se trouvait dans sa maison, allongée sur son lit et sur le ventre pour éviter que son dos souffre. Sa mère, Catherine, était près d'elle et posait sur ses plaies ouvertes, des morceaux de tissu imbibés d'eau chaude. Lorsqu'elle posa un bout sur sa huitième blessure, Marie frémit et gémit en sentant l'eau dégouliner à l'intérieur des marques.
- Et c'est là que j'ai refusé sa proposition. Je... Je ne voulais pas entrer à son service, aïe...
Elle gémit de douleur en sentant sa mère lui frapper la tête avec le plat de sa main. Elle tourna le chef vers sa mère qui faisait des grands gestes avec ses bras.
- Mère, je ne comprends rien à ce que vous me dites.
Cette dernière se calma et essaya de lui expliquer calmement ce qu'elle pensait avec des gestes. Marie plissa les yeux et tenta de comprendre ce que voulait bailler sa mère. Au bout d'un moment, Marie secoua le chef négativement :
- Non mère ! Il est hors de question que je fasse partie de sa suite et il est hors de question que j'aille m'excuser auprès de cette baronnette. Elle a osé deconfier1 notre roy et...
La femme tapa de nouveau sur la tête de sa fille. Marie secoua le chef et soupira en le reposant sur l'oreiller. Elle dit d'une voix étouffée :
- Je ne pourrais sans doute pas travailler de nouveau au château. J'aiderai donc à la récolte des fruits.
La mère essaya de parler pour attirer son attention, mais seul des sons rauques sortirent de sa gorge. Elle pointait du doigt la porte puis son doigt où une alliance s'y trouvait. Marie avait jeté un coup d'œil en entendant les gémissements de la vieille femme à côté d'elle. Elle se redressa prestement et le regretta aussitôt à cause de ses blessures. D'une voix ferme, elle affirma :
- Je refuse de me marier avec Jean Fior ! Il subviendrait, certes, à nos besoins mais je désire faire un mariage d'amour, mère. Elle attendit quelques instants avant d'ajouter, bien sûr que quelqu'un m'aimera après l'affront fait à damoiselle de Dampierre.
Elle observa les gestes de sa mère en roulant des yeux et voulut répliquer mais trois coups furent frappés à la porte. Marie retomba sur le lit en soupirant et ferma les yeux. Après avoir secoué le chef, la mère se leva et alla ouvrir. Elle ouvrit en grand les yeux en voyant qui c'était.
- Ma dame, je suis venu voir votre fille. Puis-je entrer ?
La femme ne répondit pas et resta sur le pas de la porte à l'observer. Pierre de Lantagnac, cligna quelques secondes des yeux et réitéra sa demande.
- Mère qui est-ce ?
Cette dernière s'écarta pour laisser passer le noble. Elle le fixa tandis qu'il rentrait. Il se racla la gorge pour montrer qu'il était présent à Marie ainsi que pour rompre le silence qui s'était installé. La blanchisseuse tourna le visage vers lui et resta à le regarder, bouche ouverte. Lorsqu'elle comprit qu'elle avait le dos nu, elle se redressa du mieux qu'elle put en essayant de fermer sa robe. Un cri de douleur sortit de ses lèvres et elle reposa ses bras sur ses genoux.
Sa mère courut vers elle et l'aida à lacer sa robe pour éviter qu'elle ne tombe devant le damelot.
- Bonjour Marie... J'ai demandé à ta mère si je pouvais entrer et comme elle ne répondait point, je me suis permis de...
- Elle est muette !
Pierre de Lantagnac lâcha un « Oh » et adressa un sourire à la fame qui inclina le chef en retour. Il se tourna ensuite vers la servante et, manda en jouant avec sa chevalière :
- Puis-je te parler s'il te plait ?
Marie hésita longuement mais répondit négativement à sa demande. Elle inventa une fausse excuse en murmurant qu'elle devait aider sa mère à préparer la pitance du midi mais cette dernière secoua le chef en pinçant les lèvres et poussa sa fille vers le fillot du seigneur du comté. Elle les entraîna ensuite vers la porte et la referma derrière eux. Marie essaya de protester mais sa mère ne fit rien pour l'aider.
Après quelques minutes d'essai pour rentrer, Marie fut obligée de renoncer et elle commença donc à s'avancer le long du sentier. Pierre la suivit et marcha à ses côtés. Peu de temps après, Pierre décida d'entamer la conversation.
- Ta mère est muette ? Comment est-elle... ?
A son regard noir, Pierre sut qu'il n'aurait pas dû poser cette question. Mais au lieu de baisser les yeux, il décida de soutenir le regard de la demoiselle. Des minutes s'écoulèrent avant qu'elle ne se décide à répondre. Marie inspira un grand coup et répondit :
- Ma mère faisait partie de la suite de la sœur de votre père. Elle l'aidait à se préparer le matin, le soir et tout au long du jour. Mais un jour, un collier d'une grande valeur disparut et ma mère fut accusée. Elle voulut se défendre en dénonçant le coupable, qu'elle avait surpris, mais cet homme réussit à lui faire couper la langue avant qu'elle ne puisse le dénoncer. Il était proche de votre grand-père. Nous n'avons jamais revu le pentacol3 et ce baronnet n'a jamais été arrêté. Heureusement, votre père a été bienveillant avec elle : le jour du départ de ma mère, il l'a employée en tant que servante de sa femme. Elle a donc été votre nourrice, à vous et à Guillaume.
- Je ne savais pas... Quand j'étais enfant, je ne comprenais pas pourquoi elle ne parlait pas. Je pensais qu'elle était discrète.
- Elle ne vous a gardé que jusqu'à vos cinq années.
Tout à coup, Pierre s'arrêta et se mit devant Marie pour la déclarer franchement :
- Je voudrais que tu me pardonnes pour ce que je t'ai fait endurer... Marie.
Elle inspira longuement et le poussa légèrement pour continuer de marcher. Pierre fronça les sourcils et la rattrapa. Il lui prit le bras et la tourna face à lui.
- Pourquoi ne réagis-tu point ?
- Pourquoi me demander pardon ? Vous recommencerez dès que je m'opposerais à la demoiselle de Dampierre.
- Cette amitié est précieuse aux yeux de mon père. Je ne pouvais refuser surtout si nous cachons notre amour.
- Alors vous ne pourrez certainement refuser la demande de votre père pour que vous l'épousaillez !
Pierre ferma les yeux et sentit la colère monter en lui petit à petit. Il l'entraina hors du village pour éviter d'attirer les regards et il la bloqua contre le mur de la dernière maison.
- Écoute-moi bien Marie ! Je n'aime point damoiselle Hélène. J'ai des sentiments pour toi. Si je t'ai fait souffrir, je m'en excuse. Je ne le voulais point mais cette bachelette aurait tout conté à mes parents et alors nous n'aurions pu nous voir de nouveau.
Marie évita son regard ayant compris pourquoi il avait fait ça. Elle se mordit la lèvre inférieure et murmura, les joues rouges :
- Tu aurais pu trouver meilleure excuse...
- C'est auprès de toi Marie que je veux être. C'est toi que j'aime et que j'aimerai. A jamais.
- Jusqu'à ce que tu trouves une gente4 damoiselle, bailla-t-elle, en baissant les yeux.
Pierre sourit en coin et l'embrassa passionnément, voulant montrer tout l'amour qu'il avait pour elle. Marie passa ses mains autour de sa nuque et répondit à son baiser. Le futur comte posa ses mains sur son dos mais elle se dégagea rapidement en criant de douleur. Marie s'éloigna de lui et Pierre s'avança légèrement. La servante se recula un peu plus et murmura :
- Voilà pourquoi ça ne marchera jamais entre nous Pierre... Tu es un noble et je ne suis qu'une... servante.
Sur ces dernières paroles, elle partit en courant tandis que Pierre baissait la tête avant de rentrer au castel.
1 : deconfier = trahir
2 : fame = femme (mariée)
3 : pentacol = pendentif
4 : gent(e) : joli(e)
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