3 : Festoyer

La musique ambiançait la salle du château où les invités se pressaient. Le comte de Lantagnac et sa femme étaient postés près de la porte pour joiler1 chacun des convives. Pierre de Lantagnac et son frère, Guillaume, restaient près de leurs parents pour saluer eux aussi les invités.

- Guy ! Heureux de vous voir mon vieil ami ! Bien vaigniez2 dans notre domaine, s'exclama tout à coup le comte.

- Moi aussi Charles ! Répondit son ami en lui serrant la main. Voici ma fille Hélène. Elle a l'âge de votre cadet, Guillaume.

Cette dernière s'avança et fit une révérence devant les fils Lantagnac auquel ils répondirent en se courbant. Puis, Pierre lui prit la main pour la baiser et lui dit :

- Damoiselle, je suis ravi de faire votre connaissance.

- Vous m'en voyez enchantée aussi.

Devant le regard de son père, il tendit sa main et proposa à la jeune fille :

- Puis-je vous conduire à votre place ?

La demoiselle acquiesça et elle se laissa conduire jusqu'à la salle pour ensuite s'asseoir sur le siège où Pierre de Lantagnac l'avait conduite. Lorsque le bénédicité fût dit et le signe de croix achevé, tous s'assirent et les festivités purent commencer, les nobles ripaillèrent en discutant allègrement.
Les bouffons s'avancèrent pour faire rire hommes et femmes et les danseuses pour faire pousser de grands cris de surprise et de joies. Les conversations aux différentes tables allaient bon train et Pierre discutait avec son frère Guillaume.

Marie Castel servait les personnes de vin et de tout ce qu'ils désiraient. Quelques fois, elles jetaient des petits coups d'œil à celui qu'elle aimait, qui discutait toujours mais cette fois avec la demoiselle de Dampierre. Cette dernière éclata de rire après un mot du futur comte. Marie fut touchée par la jalousie et observa quelques secondes le jeune couple qu'ils formaient avant de partir d'un pas rapide malgré les demandes en vin de plusieurs nobles.

Pierre jeta un coup d'œil au tissu rouge et noir qui disparaissait de la salle et se tourna vers sa voisine qui riait aux éclats après la plaisanterie qu'il avait faite.

- J'ai appris que vous restiez quelques semaines chez nous. Avez-vous besoin de quelqu'un pour vous aider à vous repérer dans notre domaine ?

- Une autre servante m'aiderait peut-être. Surtout si elle vient de chez vous. Elle me permettra de me retrouver, répondit Hélène de Dampierre.

- Mon valet vous communiquera donc le nom de la personne en question. Veuillez me pardonner ma demoiselle, dit Pierre de Lantagnac en se levant.

Il sortit et salua du monde au passage par une tape sur l'épaule ou par un sourire, et finit enfin par sortir de la grande salle pour se diriger vers le parc.
Lorsqu'il passa la porte, il tourna la tête de droite à gauche, cherchant sa silhouette. Il la vit adossée contre un arbre, en train de jeter des choses dans l'eau du lac. Il sourit et commença à marcher vers elle pour s'arrêter juste derrière. Pierre posa ses mains sur ses épaules et embrassa sa nuque. Sous ce contact, Marie frémit et ferma les yeux, soupirant.

- Pourquoi es-tu sortie de la salle ? Questionna Pierre de Lantagnac en entourant la taille de sa bien-aimée avec ses bras.

- Je ne me sentais pas très bien monseigneur, répondit Marie en s'appuyant contre son épaule.

- Tu sais bien qu'il est inutile de m'appeler comme cela.

- Vous savez très bien que je ne peux vous appeler par votre prénom.

- Marie ! Nous nous connaissons depuis notre plus jeune âge. Nous avons été élevés ensemble, toi, mon frère et moi. Depuis que nous sommes enfants, tu nous appelles par nos prénoms.

- Mais les temps ont changés monsieur. Nous avons grandi et je suis désormais une servante tandis que vous êtes le futur comte de Lantagnac. De plus, vous allez bientôt vous fiancer.

Pierre légèrement énervé la retourna vers lui, sourcils froncés, et lui dit sèchement :

- Que veux-tu donc dire par là ? Je ne suis pas fiancé et ne me fiancerai qu'avec la personne de mon choix. Serais-tu jalouse de damoiselle Hélène ?

- Tous en parlent. Vos parents se sont arrangés avec le comte de Dampierre afin d'avoir une plus grande armée face au roi. Ils veulent que vous épousaillez damoiselle Hélène. Mais je ne veux vous perdre, avoua-t-elle en baissant la tête.

Pierre réfléchit quelques secondes avant de mettre deux doigts sous le menton de Marie pour lui relever la tête.

- Marie, il ne se passera rien entre Hélène et moi. Si je dois choisir, ce sera toi. Je te créant3

- Mais je ne suis qu'une servante Pierre ! Comment vos parents risquent-ils de le prendre ?

- Je partirais s'il le faut. Avec la grâce de Dieu !

- Vous... feriez vraiment cela pour moi ? Demanda-t-elle, ses yeux écarquillés par son aveu.

Pierre ne répondit pas. Il passa sa main derrière la nuque de Marie, l'avança vers lui et l'embrassa tendrement. Cette dernière versa une larme qui roula sur sa joue  et tomba sur le sol. Pierre entoura sa fine taille de ses bras et la serra contre elle tout en l'embrassant.
Au bout d'un certain temps, il recula son visage et embrassa ses deux joues, où les larmes coulaient.

- Je t'aime Marie, et je t'aimerai toujours.

Un bruit dans les fourrés se fit entendre et les deux jeunes gens se séparèrent pour regarder vers l'endroit où ils avaient entendu. Pierre de Lantagnac sortit son épée du fourreau et avança lentement vers d'où venait le bruit.

- Qu'est-ce donc ?

- Je ne sais. Sûrement un animal. Nous devrions certainement retourner à la cérémonie. Viens avec moi.

Il tendit sa main et ils se dirigèrent ensemble vers le château du comte de Lantagnac, main dans la main. Avant de rentrer par la grande porte, Marie pressa le bras de son amant en l'entraînant loin de la vue des gardes, contre un mur du château et lui murmura :

- Je passe par la porte des serviteurs. Quand nous reverrons nous ? Demanda-t-elle en s'adossant au mur.

- Demain. Après mon entraînement. Près du lac où tu laves le linge, dit-il en l'embrassant sur ses fines lèvres.

- Tu devrais rentrer, ils vont s'impatienter et se demander où tu es passé !

- Je ne veux pas te quitter. Pas encore.

- Tu le dois Pierre... Gémit Marie en sentant ses baisers dans son cou et remontant vers sa bouche.

- Encore un baiser ! Dit-il en l'embrassant. Et un autre.

Il continua jusqu'à ce qu'ils entendent des bruits de pas venant dans leur direction. Il s'écarta d'elle et se cacha. Après avoir salué les soldats qui passaient, Marie regarda du côté de Pierre et ne vit rien à part de l'ombre. Elle soupira de bonheur et toucha du bout de ses doigts là où il l'avait embrassée tout en se dirigeant vers l'entrée des serviteurs.

1 : joiler = accueillir
2 : bien vaigniez = bienvenue
3 : je te créant = je t'en donne ma parole

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