❄ Chapitre 3 (partie 2)
- Oh non, z'les avais oubliés zeux-là ! Aller viens, demoiselle hivernale, il z'azirait pas de tomber entre leurs mains tout-de-zuite.
Zéphyr sauta du piano à mon épaule et il s'accrocha à l'une de mes mèches de cheveux.
- Regarde sur ta droite, il y a un tableau zur le mur de l'entrée, me dit-il en me le pointant du doigt. Il faut que tu appuies zur la boucle d'oreille de la dame. Za va ouvrir une porte dérobée.
Je me rendis dans l'entrée, en attrapant Holly au passage, et regardai attentivement ledit tableau. Je n'y avais pas vraiment fait attention tout-à-l'heure, l'esprit préoccupé par d'autres soucis, mais j'aurais dû.
C'était le portrait d'une femme entre deux âges - peut-être une quarantaine d'années - qui posait de trois-quarts d'une façon si majestueuse et noble que je la lui enviai immédiatement. Sa tenue, d'une autre époque, attestait de la fortune certainement élevée de sa famille. On eût dit la robe d'une princesse moyenâgeuse. Elle me fit d'ailleurs immédiatement penser à Cersei Lannister - tout en espérant qu'elle ne soit pas aussi cruelle que celle-ci -, autant par sa posture que par l'aura qui semblait l'animer. Mais alors que ses cheveux blonds, relevés en un chignon complexe, attiraient le regard sur sa personne et mettaient en avant son cou de cygne, ce qui était le plus singulier chez elle se trouvait être ses yeux, d'un violet améthyste intense. On avait du mal à décrocher son regard du sien, tant il était hypnotisant ; si bien que je faillis rater sa boucle d'oreille : une simple perle nacrée. Je jetai un coup d'œil au nom inscrit sur le cadre avant d'appuyer sur le bijou et qu'un mécanisme ne s'enclenche.
Il était écrit :
Judicaëlle Wolf
mariée à feu Thomas Wolf
née le 21 mars 1945
tableau réalisé le 10 octobre 1990
Le mur pivota et laissa place à un passage obscur.
- Entre vite ! Ils arrivent ! me pressa Zéphyr.
Je me faufilai de l'autre côté du tableau et le rabattis derrière moi. C'était à présent le noir complet, seul quelques faibles rayons de lumière passaient dans les interstices entre la porte dérobée et son cadre. L'odeur de renfermé qui habitait les lieux vint me chatouiller les narines. C'était prenant mais pas désagréable, comme une odeur de vieille cave ou d'église. Certains ne supportaient pas ce genre de parfums, ce n'était pas mon cas. Cette fragrance m'était agréable, voir même apaisante. Elle me rappelait les églises et les châteaux forts que nous visitions pendant les vacances, des lieux de tranquillité, de recueillement et de magie.
L'air était lourd, chargé de pluie jusque dans ce couloir, et aucun filet d'air ne venait l'alléger.
Je savais pertinemment qu'il n'y avait pas de manoir de ce type dans la forêt de Brocéliande - à part peut-être le château de Comper, mais il ne ressemblait pas à cela.
Je demandai donc à Zéphyr en chuchotant, l'atmosphère se prêtant plus à cela qu'à une parole de vive voix :
- Au fait, où est-on exactement à part dans un passage secret ?
- Dans le manoir familial des Wolf, ils me l'ont prêté voilà quelques années déjà. On l'appelle auzzi le Manoir aux Loups, tu devineras aisément pourquoi... me répondit-il en chuchotant également. Et zinon on est quelque part dans ce qui correzpondrait à la forêt de Zerwood, chez toi.
- Zerwood comme... Sherwood ? En Angleterre ?
- Oui, où voudrais-tu que ze zoit d'autre ? Et puis, ze penze que Robin des Bois est plutôt zympa du moment que tu ne lui cherches pas des noises, me dit-il comme si c'était la chose la plus banale au monde.
Sauf que j'étais censée être en France, pas en Angleterre, et dans la forêt de Brocéliande, non pas dans celle de Sherwood. Alors soit ce lutin me racontait des cracks et il me faisait marcher depuis tout-à-l'heure (ce qui fonctionnait plutôt bien), soit son histoire de TéléPorte était réelle et j'avais le droit de paniquer. Je ne savais pas quelle hypothèse je préférais... parce que dans les deux cas il y avait du surréalisme : un lutin ou de la téléportation.
Ou alors j'étais en train de nager en plein rêve et, au lieu d'en profiter, je me retrouvais à essayer de démêler le pourquoi du comment de quelque chose qui n'avait pas de logique à la base... Mais oui, c'était cela ! Je m'étais certainement endormie dans la voiture, lorsque nous allions à Brocéliande, et j'avais imaginé en rêve ce qu'il aurait pu se passer si j'avais été quelqu'un comme Alice (au pays des Merveilles) ! Sauf que, dans ce cas, pourquoi ne me serais-je pas réveillée lorsque je m'étais pincée, en voyant Arthur - ou l'homme à l'épée -, si j'avais été dans un rêve ?
Stop, beaucoup trop de suppositions - ou de conjectures, comme dirait ma prof de SVT - pour mon esprit embrouillé !
- Ze vais me métamorphoser en montre, dit le petit lutin en coupant court à mes pensées, ze zera plus fazile à tranzporter puizque tu dois dézà porter le truc baveux. Et du coup ze ne te parlerai plus que par tranzmizion de penzées. Za te va ?
- D'accord, dis-je par automatisme.
Il se transforma et je me retrouvai avec une montre sur l'épaule. Absolument normal. Je l'attrapais en tâtonnant dans le noir et la passait à mon poignet - opération délicate lorsqu'on a un chien (ou truc baveux, selon le truc zozotant qui me servait de guide) dans les bras.
C'était vraiment fou tout ce qu'il pouvait se passer d'extraordinaire sans que j'en sois un minimum étonnée. Finalement, mes journées entières à dévorer des romans auront au moins servi à quelque chose, quoi qu'ait pu en dire Lily.
Je me posais néanmoins quelques questions, parce que, tout de même, le principe d'un rêve était que cela paraissait si réel que l'on ne savait pas que l'on était en train de rêver... or j'en étais à présent persuadée.
Il y avait vraiment quelque chose de louche !
Tout à coup, alors que je m'étais à nouveau perdue dans mes pensées, j'entendis la porte d'entrée grincer. Des bruits de pas suivirent juste après.
- Trouvez l'Oracle et on repart direct ! Mais faîtes attention, il y a un intrus dans la maison, dit une voix féminine en chuchotant (pas très discrètement).
Un intrus ? Elle ne parlait pas du lutin, actuellement à mon poignet, puisque c'était lui l'Oracle. Cela signifiait qu'il y avait eu quelqu'un dans le manoir alors que j'y étais et que je le croyais vide. À moins que ce soit moi, l'intrus dont elle parlait... c'était même plus que probable car je n'avais pas vraiment cherché à être discrète lorsque j'étais rentrée - il y avait quand même mieux comme méthode pour ne pas se faire remarquer que de jouer du piano.
Holly commença à gigoter dans mes bras, me faisant craindre un aboiement malvenu ; ce qui n'était ni le lieu ni le moment. J'entrepris de lui caresser le dos pour la calmer.
- Ana, qu'est-ce que je fais ? dit une autre voix, un garçon cette fois, mais plus jeune que la fille.
- Toi et Vera, vous surveillez la forêt et vous venez m'alerter au moindre soupçon ! Je ne veux pas que les Traqueurs nous tombent dessus comme la dernière fois ! répondit ladite Ana. Et, Vera, prends soin de Denys hein ? Sinon, à la moindre égratignure, je vais me faire recevoir par sa mère, et en beauté !
La porte grinça de nouveau, signe que Denys et Vera étaient sortis. Le bruit typique d'une cavalcade dans les escaliers retentit ; les personnes qui accompagnaient Ana, Vera et Denys montaient à l'étage supérieur.
- Et qu'est-ce qu'on fait maintenant, Zéphyr ? chuchotai-je à son intention.
«Tic-Tac, pas Zéphyr !» grommela-t-il dans ma tête.
- Oh mais je n'en sais rien moi ! T'aurais pas pu te décider sur un seul prénom ?
Je repris aussitôt.
- Et sinon, on fait quoi ?
«On attend, ils ne vont pas tarder. On partira enzuite, z'est trop danzereux pour le moment. Tu ne dois pas te faire capturer, tu dois venir à eux de ton plein gré !»
- Qui ça «ils» ? demandai-je. Et comment ça je dois venir à eux de mon plein gré ?
«Les Traqueurs...»
À peine avait-il dit cela que quelqu'un entra avec précipitation dans le manoir. Comme j'étais dans le noir complet, je ne voyais strictement rien. Par contre, collée à la paroi comme je l'étais, j'entendais tout ce qu'il se passait dans la pièce.
- ANA !!! ILS SONT LÀ ! hurla une personne, Denys je crois. Et ils ont eu Vera !
- Quoi ?! Merde, jura-t-elle. On s'en va illico presto ! Olive, Kath, descend-
Une explosion lui coupa la parole, la porte venait visiblement de sauter.
«Viens, on peut y aller maintenant !» chuchota - sans que ce ne soit vraiment utile puisque j'étais la seule à l'entendre - Tic-Tac dans mon esprit.
J'avais envie de rétorquer quelque chose, d'aller voir ce qu'il se passait, s'ils allaient bien ou s'il y avait eu des blessés par l'explosion ; mais je savais qu'il avait raison : je ne pouvais rien faire pour eux.
- Par où est la sortie, cher guide ? demandai-je, la gorge nouée par une tristesse singulière, toujours à voix basse.
«Continue le couloir zuzqu'au bout.»
J'appliquai donc ses consignes à la lettre et je me retournai. Je ne savais pas où j'allais, ni sur quoi je marchais, ni même si je n'allais pas finir par me prendre un mur. Il régnait vraiment un noir d'encre dans ce couloir, un de ceux que rien ne transperce, impénétrable, imperméable.
Vivement que je retrouve la lumière du jour, dans la clairière !
J'avançai à pas mesurés, un bras tenant Holly et l'autre tendu devant moi à l'affût de tout obstacle inopiné. Mais ce ne fût pas un obstacle comme cela que je m'attendais à rencontrer... pas ce qui me sembla être un terrier de lapin ! La lumière du jour agressait mes yeux rendus sensibles par leur enfermement dans le noir et ma cheville me lançait. Je gémis. Pourquoi fallait-il que cela tombe toujours sur moi ? La vie était injuste.
Une fois que ma vue fût rétablie, je me relevai et regardai autour de moi. Je me trouvais maintenant hors du manoir, à la lisière de la forêt. Un passage secret menant à une TéléPorte ? Astucieux !
«Oupz, ze n'avais pas prévu ze terrier...» me glissa Tic-Tac avec une intonation coupable dans la voix «Bon, maintenant va tout droit, tu n'es pas loin d'une autre TéléPorte !»
- Oui mon cap'taine, grommelai-je.
Ma cheville me faisait mal mais c'était une douleur raisonnable. J'avais eu de la chance car elle n'était qu'à peine tordue.
Je clopinai en grimaçant jusqu'à un tronc d'arbre avec un trou, le frère jumeau de celui grâce auquel j'étais arrivée dans ce monde de fou, et j'entrai dedans pour retourner dans mon pays, ou pour me réveiller... qui sait ?
❅
- Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? De Zéphyr ? Et des intrus ?
- Que va-t-il se passer, selon vous ? Et qu'aimeriez-vous qu'il se passe ?
- Des avis ou des remarques ?
Korrigan ☆
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