❄ Chapitre 13 (partie 1)



Chapitre 13
Une pierre pour une fille de l'Hiver

Quartier général de la Résistance, chaîne des Avalanches, Royaume des Quatre Saisons
22 avril 2017

— Je me demande quels sont ton animal et ta pierre ! chantonna Lily en me jetant un coup d'œil.

Elle referma la trappe du refuge et glissa jusqu'au sol en sautant d'un barreau à l'autre. Nous avançâmes dans le couloir souterrain.

— Moi aussi, lui répondis-je, tout aussi excitée qu'elle. J'espère que ce sera quelque chose de cool !

Depuis que j'avais eu connaissance de ce détail croustillant, trois jours auparavant, je ne cessais d'y songer. C'était étrange de se dire que l'on pouvait se métamorphoser en un animal ; d'autant plus grâce à un simple caillou ! Qu'est-ce que je ressentirai la première fois que je ne serai plus seulement moi, Eloane, mais aussi une bestiole ? Est-ce que j'aurais l'impression d'être plus petite ? Ou plus grande ? Ou alors est-ce que je me sentirai compressée dans mon propre corps ? Et puis, d'abord, en quoi cette pierre était-elle indispensable dans le processus de métamorphose ? Laquelle serait-elle ? Une améthyste ? Une ambre ? Une émeraude ? Du cristal ? Un rubis ?

Je me posais tellement de questions que je ne savais plus où donner de la tête. À chaque fois que je réfléchissais à l'une d'entre elles, deux, trois, quatre, cinq autres – voire plus – me venaient à l'esprit.

J'avais hâte d'avoir mes réponses, ou au moins une partie, mais en même temps je voulais en retarder l'arrivée. Pouvoir rayer toutes ces questions de mon interminable liste de celles que j'avais à poser, ça voulait aussi dire que je me serais enfin métamorphosée. Or, j'en avais autant envie que j'en avais peur. Ça voulait dire faire un pas vers l'inconnu, vers quelque chose qui m'attirait autant qu'il me terrifiait. Je ne savais plus vraiment quoi penser de tout cela, de tout ce qu'il m'arrivait, en réalité.

À croire que j'avais peur de l'aventure, moi qui avais toujours voulu en vivre une...

— Dans tous les cas, ce ne pourra pas être pire qu'Aurore ! lâcha ma meilleure amie.

— Pourquoi ?

— Le sien est une chenille.

— Une chenille ? fis-je, à la fois curieuse et effrayée par la possibilité d'être un animal aussi ridiculement petit. Mais elle va bien finir par se transformer en papillon un jour, non ?

Lily haussa les épaules.

— Oh, j'imagine que oui. Je ne sais pas si c'est possible ou pas. Le problème c'est que, si transformation il y a, personne ne sait quand elle se produira... sans doute lors d'un événement marquant pour elle, quand elle changera mentalement ou physiquement, ou qu'elle y sera forcée. En attendant, elle compense en s'entraînant avec ses dons et en aidant les autres à contrôler les leurs. C'est l'une des meilleures filles de l'Été de la base, ses rayons lumineux sont impressionnants. Elle arrive même à faire brûler des choses avec de la lumière, comme le soleil lorsqu'il passe au travers d'une loupe !

J'opinai. Ainsi, Aurore était une fille de l'Été. Il y avait beaucoup de personnes d'une autre saison que l'Hiver dans cette résistance. Finalement, peut-être que je m'étais trompée, peut-être que les Enchanteurs étaient moins nombrilistes, peureux ou endoctrinés que ce que j'avais cru au premier abord, et peut-être même que nous avions une chance de gagner.

— Au fait, c'est bien elle qui va me faire passer mon test, non ?

— Oui, c'est elle. Normalement, ça aurait dû être Ana, mais elle est occupée ailleurs depuis mercredi. Du coup, j'ai demandé à Aurore de te le faire passer.

— Et pas toi ?

— Je n'ai pas les «qualifications» pour le faire, sinon tu penses bien que je ne me serais pas cassée la tête bien longtemps !

— Quelles qualifications ?

— C'est un peu compliqué de trouver la bonne pierre pour quelqu'un, m'expliqua-t-elle, il faut savoir les propriétés de chacune d'entre elles et à quel type de personne elles conviennent. Sinon, tu y vas à l'aveugle et c'est beaucoup plus long.

— Du moment que ce n'est pas Anastasia, moi, ça me va ! plaisantai-je alors que nous arrivions au niveau de la porte blindée.

Ma meilleure amie pouffa et posa sa bague contre la paroi. Il y eût un déclic et elle pivota. Lily m'avait confirmé, pendant la fin de la semaine, que le lapis-lazuli de sa bague était la pierre qui lui permettait de se métamorphoser en renard, puisqu'il s'agissait de son animal, et qu'il fallait l'appliquer contre la porte pour l'ouvrir. Cependant, seules les pierres «enregistrées» pouvaient servir de clé.

Nous débouchâmes sur le réfectoire, vide à cette heure avancée de la matinée, et Lily poussa la porte qui se referma d'un claquement sec. Aucun déchet ne traînait sur les tables et les bancs étaient bien rangés sous celles-ci. La bonne odeur de nourriture qui flottait dans l'air lors de notre précédent passage était toujours présente, bien que largement atténuée.

— C'est propre, remarquai-je en passant ma main sur une table.

Cette salle n'avait rien d'extraordinaire, c'était un endroit pour se restaurer comme il en existait tant d'autres dans le monde. Quelques poubelles et balais disposés dans la salle témoignaient de l'effort de rangement des résistants, mais rien de plus.

— Ça, c'est parce que tout le monde participe au nettoyage, m'expliqua Lily.

Elle prit le temps de refaire sa queue de cheval avant de continuer :

— Ce qui est sale le restera si on ne le nettoie pas. Du coup, lorsqu'il trouve que le QG est trop laissé à l'abandon, Arcturus organise des journées-nettoyage auxquelles tout le monde doit participer. Mais, en général, il n'en a pas besoin. On le fait de nous même... bon, sauf les lutins qui trouvent régulièrement une excuse pour s'esquiver, mais ils sont un cas désespéré !

Un détail me sauta immédiatement aux yeux : il y avait des lutins ! Je n'y avais jamais réfléchi, mais j'avais cru que Zéphyr était le seul de son espèce. Bien sûr, c'était stupide. Pourquoi n'y en aurait-il pas eu d'autres ? Maintenant que j'y pensais, ça me semblait logique. Et puis, il n'était pas apparu tout seul ; il devait bien avoir un papa et une maman, non ? Peut-être même des frères et sœurs, pourquoi pas.

Je souris en imaginant mon lutin préféré entouré de sa famille.

Il faudrait que je lui demande de m'en parler. Ce soir, ou demain soir, lorsque je serai tranquillement affalée dans mon lit.

Je demandai à ma meilleure amie quelques explications en plus au sujet des lutins.

— Ce sont eux qui s'occupent du service au niveau du self, m'informa-t-elle avec un sourire, en m'indiquant de la suivre, mais ils nous aident surtout dans d'autres domaines, notamment pour l'entretien des quelques vieux livres de la bibliothèque et pour la conception de certains élixirs, dans le laboratoire.

Je ne voyais absolument pas Zéphyr servir des omelettes ou des barres chocolatées à des résistants affamés. Encore moins restaurer des grimoires qui tombaient en lambeaux. À vrai dire, j'avais du mal à l'imaginer faire autre chose que donner l'heure, ou alors être agrippé à mon poignet pour dormir ou m'ensevelir de blagues plus lourdes que lui.

«Ze retiens, vilaine, et ze zaurai te prouver mon utilité en temps voulu !» me zozota-t-il, sans pour autant paraître vexé.

— Parce qu'il y a un laboratoire ? dis-je en ne tenant pas compte de la remarque de mon acolyte. Et une bibliothèque ?

— Oui, je t'expliquerai plus tard son utilité. Là, je n'ai pas encore trop le droit. Le boss veut être sûr que tu sois de notre côté avant de te dire quoi que ce soit d'important. (Elle soupira, désappointée, puis reprit :) Mais je suis sûre que tu lui montreras rapidement qu'on peut te faire confiance, ne t'inquiète pas pour ça !

J'acquiesçai en silence, prenant mon mal en patience.

Il me fallait faire mes preuves. Comme toujours. Comme pour tout. Des preuves, à croire qu'ils n'avaient que ce mot à la bouche.

D'un certain côté, je les comprenais, et même j'approuvais, mais d'un autre ça m'agaçait. J'étais une fille de l'Hiver, pourquoi est-ce que j'irais pactiser avec ceux qui voulaient ma peau ? En plus, je n'avais découvert ce nouveau monde que depuis une semaine, un laps de temps bien court pour faire des pactes et des trahisons !

— Au fait, où allons nous ? demandai-je soudainement.

Nous avions pris un couloir semblable aux autres, qui débutait à gauche du réfectoire, mais je ne savais pas où il menait.

— À la salle d'entraînement. Aurore devrait y être, avec Théo il me semble. Et puis, de toute façon, c'est là-bas que tu vas passer ton test.

J'acquiesçai, contente de revoir le brun.


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