❄ Chapitre 12 (partie 1)
Média : Holly
Musique : Stole the show de Kygo
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Chapitre 12
Un petit chien baveux vaut mieux qu'un papa poule
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Maison des Soizik
19 avril 2017
Le ciel était gris, sans doute ne tarderait-il pas à pleuvoir. L'atmosphère, lourde et d'une chaleur étouffante, n'arrangeait pas les choses. On se serait cru en plein mois de juillet, à la montagne, lorsqu'un orage se faisait sentir à l'horizon.
Je passai le portillon du jardin de Lily et fis un signe de la main à cette dernière. J'habitais la maison d'à-côté et, dans le cas présent, cela me fût bien pratique. J'avais passé beaucoup de temps avec les résistants : trop, en réalité, pour que l'excuse d'un devoir à rendre soit encore valide. Ma meilleure amie m'avait fait visiter quelques pièces mais nous avions passé la majorité de notre temps dans le réfectoire. Elle m'y avait présenté certains de ses amis, puis Théophane était revenu de sa séance d'entraînement et nous avions discutés jusqu'à pas d'heure. Lily et lui m'avaient racontée des anecdotes sur à peu près tous les membres de la Résistance – même Anastasia n'y avait pas échappée – puis nous avions parlé de sujets divers et variés. C'était un type vraiment sympa qui avait rapidement conforté la première impression que j'avais eue de lui.
Sauf qu'à présent, il était plus de dix-neuf heure trente. Mes parents finissaient tôt le mercredi, donc ils étaient forcément rentrés et je savais déjà que j'aurai le droit à des reproches de leur part.
Pourtant, pour une fois, ce n'était pas cela qui me tirait les tripes dans tous les sens. Non pas que je n'eus pas peur de ce qu'ils me diraient et de ce qu'ils penseraient de moi, mais ce que j'avais à leur annoncer me semblait beaucoup plus important, et délicat, que tout ce qu'ils pourraient me reprocher.
J'avais hésité à faire traîner l'affaire, à attendre un peu plus longtemps – un mois ou deux, pourquoi pas trois. J'avais même demandé son avis à Lily. Nous étions finalement tombées d'accord que plus rapidement je le leur dirais et moins leur colère serait grande.
S'ils venaient à apprendre, par une quelconque source inconnue ou même par une boulette de ma part, que je faisais partie de la Résistance depuis pas mal de temps sans leur avoir rien dit, j'allais passer un très mauvais quart d'heure. Déjà que la nouvelle en elle-même n'allait certainement pas les réjouir, il ne faudrait pas en plus que j'ajoute un facteur temporel à cette équation explosive !
Donc, finalement, je devais leur annoncer dès ce soir que je faisais – ou ferai partie dans un futur proche – de la Résistance de l'Hiver. Autant dire que j'avais tout sauf hâte...
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Les premières gouttes de pluie commencèrent à tomber alors que je tournais la clé dans la serrure. Un vent chaud souffla dans mes cheveux emmêlés alors que j'entrais à l'intérieur de ma maison.
À peine avais-je fait trois pas dans le vestibule qu'un petit chien bien en chair apparut en haut de l'escalier, face à moi, et qu'il dévala les marches à une telle vitesse que j'eus peur qu'il ne se cassât quelque chose. Holly me bondit dessus, littéralement, et commença à essayer d'escalader mon jeans pour quémander des caresses.
— Holly, pestai-je, tu vas faire des trous dans mon pantalon !
«Ouaf» me répondit-elle, comme contente d'elle-même.
C'était le même cirque à chaque fois : dès que je rentrais dans la maison, elle me sautait dessus. Il fallait que je m'occupe un petit peu d'elle, au moins cinq bonnes minutes, pour être libérée de ma tortionnaire adoratrice de papouilles préférée !
— Holly, protestai-je encore une fois, j'ai des devoirs à faire là ! Je te ferai un câlin après le dîner, promis !
Elle me regarda avec des petits yeux tristes et commença à couiner, comme si elle avait compris ce que je venais de lui dire. Son regard semblait refléter toute la peine du monde. Ce chien allait finir par me rendre chèvre !
— Allez, va embêter Lucien. Je suis sûre que, lui, il sera absolument ravi ! dis-je en la poussant vers l'escalier. En plus, ça lui évitera de se bousiller les yeux sur un écran pendant trop longtemps !
La petite chienne agita sa queue tire-bouchonnée et repartit tout aussi joyeusement qu'à l'aller vers l'escalier. Holly était tellement adorable à certains moment – en oubliant qu'elle avait la fâcheuse habitude de baver un peu partout dans la maison, et celle de se cogner aux meubles – qu'il m'arrivait de me demander pourquoi est-ce que Keith ne l'avait pas emportée avec lui en allant au Canada. Après tout, c'était son chien à lui, et pas le nôtre !
Mon cousin me manquait. C'était le grand frère que je n'avais jamais eu et que je n'aurai jamais. Évidemment, il y avait Lucien, mais ma relation avec lui était différente de celle que j'avais avec Keith. J'avais fait pleins de super bêtises avec lui, que je ne pourrais jamais faire avec mon petit frère. Comme la fois où, pendant nos vacances à la campagne d'il y a quatre ans, au milieu des poules et des champs de blés, il m'avait amenée jusqu'à une grosse bosse sur la route. Je me souviendrais toujours de ce moment. Keith avait eu son permis depuis quelques temps et il avait fini par pouvoir s'acheter une vieille voiture rafistolée – datant des années 90 – avec ses économies. J'étais assise sur la place du mort, d'où je contemplais la route sans comprendre. C'est alors qu'il s'était joyeusement exclamé : «Alors crevette, prête à toucher le soleil ?». En plus d'avoir un don pour me trouver sobriquets qui laissaient franchement à désirer, Keith m'avait fait voler en voiture, le temps d'une seconde. Il avait foncé jusqu'à une belle bosse dans le bitume défoncé et nous avions décollé. Pas de beaucoup, naturellement, mais assez pour qu'à la descente je sente mon estomac remonter. Heureusement pour lui, mes parents n'en avaient jamais rien su.
Je secouai la tête pour me sortir de mes pensées et commençais à peine à enlever mes converses poussiéreuses des souterrains de la base lorsque je fus interrompue.
— Eloane Soizik ! Bon sang, mais où étais-tu passée ? tonna ma mère en se précipitant vers moi, presque aussi rapidement qu'Holly tantôt.
Elle portait une robe d'un marron profond, de la même couleur que ses yeux. La coupe était simple mais je ne pus m'empêcher de la trouver belle. Peut-être était-ce parce qu'elle était sur le dos de ma mère.
— J'étais chez Lily, dis-je simplement.
— C'est la voisine, je vois les maquettes d'éoliennes de son père tous les matins en ouvrant les volets. Tu aurais dû rentrer plus tôt !
J'inspirai pour me donner du courage, avant de me lancer. Je ne devais pas réfléchir sinon je renoncerais, mais la panique de ma mère me faisait redouter la façon dont elle accueillerait la nouvelle.
— En fait, j'ai quelque chose à vous dire, à papa et à toi, marmonnai-je d'une traite.
Elle ouvrit de grands yeux et son regard m'indiqua l'ampleur de sa panique. Ma mère était beaucoup plus sur les nerfs qu'avant depuis qu'ils auraient dû nous révéler nos origines.
— Les Traqueurs t'ont retrouvée ? Ils... ils t'ont menacée ? balança-t-elle d'une traite. Oh, je savais que nous aurions dû partir dans un autre pays, ou déménager régulièrement, ou alors mieux bloquer tes pouvoirs, ou aussi-
— Maman ! tonnai-je.
Elle se calma instantanément et me regarda fébrilement, attendant que j'abrège son supplice.
— Maman, repris-je plus doucement. Ce n'est rien de tout cela, sauf que je pense que ça ne te plaira pas non plus...
— Et qu'est ce que c'est alors ?
Je décidai de repousser l'échéance, d'attendre un moment plus propice. Une sorte de procrastination par peur de sa réaction. C'était ridicule d'avoir peur de ses parents comme cela, et je ne savais pas pourquoi je réagissais toujours ainsi.
— Je vous en parlerai plus tard, au dîner, je pense. Quand papa sera là.
Elle soupira.
— Bien, dit-elle avec résignation.
Je montai les marches de l'escalier quatre à quatre, en attrapant mon sac de cours au passage, pour me réfugier dans ma chambre.
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Une heure plus tard, mon père sonna la cloche, signe que l'heure du dîné était arrivée. Lucien et moi ne faisions jamais le repas en semaine, à part lorsque nous rentrions manger le midi et qu'il n'y avait bien évidemment personne dans la maison. Par contre, le weekend, c'était à nous de nous atteler à la dure tâche de faire un repas comestible. Il y avait déjà eu des ratés, sinon ce n'aurait pas été drôle, comme la fois où j'avais confondu le papier d'aluminium et celui de cuisson pour mettre au fond du plat à quiches, ou que j'avais voulu faire cuire du riz mais que j'avais oublié de mettre de l'eau dans la casserole – mes parents avaient halluciné ! – mais à part quelques petites anecdotes croustillantes, Lucien sauvait toujours, ou presque, le repas.
— À table ! cria mon père.
— On arrive, lui répondit Lucien en cavalant dans les escaliers.
Je le suivis rapidement, laissant mes devoirs inachevés en plan sur mon bureau.
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Je découpais mon omelette au fromage mais le cœur n'y était pas, alors que pourtant j'adorais le fromage. Je repassais sans cesse dans ma tête ce que je m'apprêtais à leur dire. Comment réagiraient-ils ? Qu'allaient-ils me dire ? Pourrais-je rester dans la Résistance ou allais-je devoir y renoncer ?
«Allez Elo, vas-y et exprimes-toi !» me tançai-je.
Dans certains moments, il fallait réfléchir avant d'agir ; mais dans d'autres, c'était le contraire. Et, dans le cas présent, la deuxième option était préférable ! Je ne pouvais plus repousser l'échéance une nouvelle fois. Dans tous les cas, je me doutais que je n'allais pas subir une simple petite bruine bretonne, mais un véritable orage des montagnes de la part de mes parents. Et s'ils l'apprenaient par eux-mêmes, les choses n'en seraient que plus terribles. À côté de ça, un tsunami ferait pâle figure.
Allez, il fallait que je le fasse. Les premiers mots étaient les plus durs, après je n'aurais qu'à continuer sur ma lancée.
Ne pense surtout pas. Ouvre juste la bouche et parle.
Je fermai les yeux, pris une inspiration et lâchai abruptement en ouvrant mes paupières :
— Papa, maman, Lucien, j'ai quelque chose à vous dire...
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