❄ Chapitre 11 (partie 1)
Musique : Renegades de X Ambassadors.
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Chapitre 11
Rendez-vous avec une étoile
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Quartier général de la Résistance, chaîne des Avalanches, Royaume des Quatre Saisons
19 avril 2017
Je m'avançai d'un pas vers le centre de la salle, m'éloignant de la porte par la même occasion. C'était juste ce qu'il me fallait pour que je puisse capturer l'intégralité de la pièce d'un seul regard.
À en juger par l'allure de la salle, nous devions nous trouver dans une sorte de self. Des tables étaient disposées à intervalles réguliers dans toute la pièce, et quelques rares personnes finissaient leur repas assises à l'une d'elles ou adossées au distributeur de boissons, au fond. Des néons, à l'instar de ceux que l'on trouvait dans les supermarchés, illuminaient le tout avec une intensité telle que l'on se serait cru en plein soleil ; sauf que nous étions sous terre. La pièce faisait un angle et je ne voyais pas ce qu'il y avait là-bas. Sans doute un endroit où se restaurer.
Je ne savais pas quoi penser de cet endroit. Cette nuit, j'avais eu beaucoup de mal à dormir. Je ne cessais de m'imaginer ce à quoi pouvait bien ressembler le quartier général d'une résistance, dans le Royaume des Quatre Saisons. Les seuls exemples que j'avais eu en tête étaient ceux de la résistance française, lors de la seconde guerre mondiale, et ceux que j'avais vu dans des films. Des exemples très différents puisque, pour l'un, l'événement était passé depuis plus de soixante-dix ans, et pour les autres, la réalité n'était pas toujours respectée. De toute façon, ici, nous n'étions pas dans le monde des humains, donc ça aurait forcément été différent.
Alors, oui, je ne savais pas quoi penser de ce que je voyais.
Il me semblait que jamais je ne me serais attendue à cela. L'ambiance qui régnait dans ce supposé réfectoire était beaucoup plus bon enfant que ce que j'avais – ou j'aurais – pu imaginer.
J'avais pensé trouver des personnes assises en petit comité sur des caisses, à la lueur tremblotante d'une lanterne, et échafaudant divers plans plus tordus les uns que les autres. Je croyais que les résistants seraient crasseux, la barbe hirsute et l'œil fou. À la place de tout cela, je me retrouvais avec des gens, tout ce qu'il y avait de plus normal, en train de terminer leur repas. Il y avait même des enfants ! Mais que faisait-elle donc ici, cette jeune femme avec ce qui semblait être sa fille – à moins que ça ne soit sa nièce ou sa sœur – sur les genoux ? Ce n'était certainement pas un lieu adapté pour elles ! Certes, l'odeur de nourriture qui planait dans la pièce était très appétissante, mais quand même ! Après, je n'étais pas sûre que ce lieu soit beaucoup plus adapté pour moi, car il est vrai que je me trouvais dans l'un des sièges d'une résistance internationale !
Je me sentis petite, tout d'un coup, par rapport à l'immensité de ce que devait représenter cette organisation.
Je me tournai vers ma meilleure amie, toujours appuyée sur la porte, pour lui demander, d'un ton enjoué et en posant mes poings sur mes hanches :
— Bon, et maintenant, où est-ce qu'on va ?
Elle s'avança d'un pas, puis d'un autre et encore d'un autre, avec la grâce d'une danseuse, et enfin s'arrêta.
— Je te ferai visiter plus tard, m'annonça-t-elle, pour l'instant, on doit aller voir le boss.
Le boss ? Qu'est-ce que c'était encore que ce oiseau là ? Je lui posai ma question tout en la suivant dans l'allée centrale. Elle me répondit pendant que nous traversions le réfectoire.
— Ici, on a tous nos petits surnoms. Des noms de codes, si tu préfères. C'est Solange qui en a eu l'idée, pour éviter de mettre notre véritable identité en danger, dans le cas où quelqu'un intercepterait nos communications. Je crois que c'est parce qu'elle ne veut pas que l'on sache qu'elle aide la Résistance en secret. C'est bien trop dangereux pour elle. Au fur et à mesure, ces noms de codes se sont étendus à tout le monde. J'avoue qu'il y a certaines personnes dont je ne connais que le nom de code. Pour Arcturus, c'est «le boss».
Arcturus ? Donc c'était lui, le boss ? Mais, Arcturus, ce ne serait pas le nom d'une constellation ? Donc, si je comprenais bien, j'allais en quelque sorte parler avec des étoiles... ma-gni-fique ! Il ne restait plus qu'à ce que Tic-Tac ramène son grain de sel dans une conversation pareille et ce serait le summum de l'étrangeté !
— D'ailleurs, continua ma meilleure amie sans faire attention à mes états d'âme, tout le monde, ou presque, l'appelle ainsi. Je crois bien qu'Arcturus n'est même pas son véritable prénom... (Elle eût un petit silence puis reprit.) En vérité, ces noms de code ne nous sont pas si utiles que ça, juste lorsqu'on doit communiquer avec des personnes et que la conversation a des risques d'être entendue. Ou alors pour les personnes qui doivent absolument cacher leur identité. Nos espions, par exemple.
Nous sortîmes du réfectoire et je suivis Lily dans le dédale de couloirs qui s'étendait sous nos pas.
— Bon, évidemment, enchaîna-t-elle, on a aussi nos surnoms basiques, qu'on utilise tout le temps. À ce niveau-là, il y a Anastasia que l'on appelle tous Ana, Théophane qui veut qu'on l'appelle Théo, pour Olive c'est Liv, et cetera...
— C'est compliqué toute cette histoire, fis-je, pensive. Et toi, qu'est-ce que c'est ton surnom ?
— Tout le monde m'appelle Lily. À croire qu'ils manquaient de créativité lorsqu'ils ont voulu m'en trouver un. Il n'y a que toi à m'appeler Lil's, me fit-elle remarquer avec un clin d'œil malicieux.
Je souris. J'étais presque aussi fière de lui avoir trouvé «Lil's» comme surnom que «Lulu» pour mon frère. Nous avions quitté les abords de la salle à manger pour nous enfoncer dans un corridor qui avait tout d'un couloir d'hôpital : les murs blancs dont la peinture commençait à s'effriter par endroits, la lumière artificielle qui piquait désagréablement les yeux et le sol d'un gris uniforme. Il ne manquait que l'odeur de javel et de désinfectant pour que je m'y sois crue.
— Et ton nom de code ? repris-je.
— Megera.
— Megera ? (Ma voix résonna dans tout le couloir, j'avais parlé trop fort.) Ça veut dire quelque chose ou c'est juste un prénom ?
Je ne voyais pas le rapport entre Lily et Megera, mais il devait forcément y en avoir un. Pourquoi n'y en aurait-il pas eu ?
— Ça signifie «renarde» en russe. C'est Anastasia qui me l'a trouvé.
Ce nom signifiait donc bien quelque chose. Mais pourquoi diable lui avait-on attribué le renard ? À cause de la couleur de ses cheveux ? Si tel était le cas, Anastasia manquait cruellement d'inventivité !
— Donc, elle parle russe, constatai-je. Il ne fait pas très chaud là-bas, tu crois qu'elle essaye de copier le climat ?
Lily serra les lèvres pour ne pas rire et, avec quelques difficultés, y parvint. Personnellement, j'étais très fière de ma blague.
— Ce n'est pas très gentil, objecta-t-elle.
— Si elle n'était pas aussi froide et inatteignable, je n'aurais pas eu cette comparaison en tête. D'ailleurs, pourquoi elle parle russe ? Je croyais que tout le monde parlait le saisonniens ici. Elle a vécu dans le monde des humains ?
— Oui, quelques années en France et à peu près autant de temps en Russie, avant de revenir dans ce monde, son véritable monde.
Ainsi donc, elle aussi avait fuit les Traqueurs. Finalement, nous nous ressemblions plus que je ne le pensais au premier abord.
— Qu'est-ce que c'est son nom de code, à Anastasia ?
— Tu vas rire, me prévint Lily. C'est Icy. Je pense que je n'ai pas besoin de te le traduire, tu comprends assez l'anglais pour cela !
Comme me l'avait dit Lily, je pouffai. Qui donc avait eu le courage de lui donner ce nom de code ? Il fallait que je sache son nom, pour le féliciter d'une trouvaille pareille et aussi pour applaudir son humour ! C'était bien plus court et amusant que «la reine des glaces» ; en trois mot : le surnom idéal ! Concis et précis à la fois. Celui que je lui avais moi-même trouvé me paraissait cependant très bien aussi. Je décidai d'alterner entre les deux, en fonction de mes humeurs, puisque je ne pouvais pas l'appeler Ana – et n'en avais de toute façon plus vraiment l'envie.
— Et qui le lui a trouvé ?
— C'est le boss, quand Ana était petite, m'expliqua mon amie.
Décidément, j'avais vraiment hâte de rencontrer cet Arcturus ! Ce n'était peut-être pas une constellation mais ce gars avait de l'humour.
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