🌿 Chapitre 1 (partie 2)

Média : Théophane Villiers
Musique : Paradise de Coldplay


— Ton meilleur ami ? Mais… mais c'est un ennemi ! cafouillai-je en plaquant mon dos au mur et en laissant retomber mes jambes, sous le coup de la surprise.

— Et alors ? se défendit-il, les yeux brillants. Avant de devenir un espion pour le compte de la Résistance, j'étais de l’autre côté, moi aussi ! (Il s’arrêta d’un coup, puis reprit en soupirant :) Sauf que je pense que ma brillante carrière d'espionnage vient brusquement de prendre fin.

Je le regardai sans comprendre, ou plutôt sans vouloir comprendre, comment il avait pu être un ennemi, lui le résistant modèle. Soudain il se pencha un peu en avant et son visage fut éclairé par la lumière artificielle. Je remarquai alors quelque chose que je n’avais pas vu avant, quand il était dans l’ombre. Il avait un énorme bleu dans les tons jaunes-marrons sur la mâchoire, du côté gauche de son visage, et sa lèvre était fendue.

Face à mon silence, il me jeta un coup d'œil et soupira une nouvelle fois. Il avait dû voir mon air catastrophé par son visage.

— Cadeau de bienvenue d’Éric, l’immense roux qui a plus de tatouages que de poils dans sa barbe, commenta-t-il sobrement.

Voyant que je ne parlais toujours pas, il reprit :

— Tu sais, au fond, Tom n'est pas méchant. (Vera pouffa.) C’est vrai ! Ce ne serait pas mon pote sinon !

— Si tu le dis, se moqua-t-elle.

— Tu ne le connais pas, protesta le brun, bien décidé à défendre son ami même si c’était en partie à cause de celui-ci qu’il était enfermé là. Toute sa famille est de l’autre côté, logique en même temps, donc il n'y a jamais vraiment réfléchi ! (Il ajouta ensuite plus pour lui-même que pour nous :) En fait non, je crois que son oncle Aaron a coupé les ponts avec Diego, mais de toute façon c'est un rebelle dans l'âme depuis toujours lui. Il a bien eu Pénélope avec une humaine.

J’entrepris d’entortiller une mèche de cheveux platines autour de mon doigt tout en réfléchissant. Les pièces du puzzle se rassemblaient petit à petit dans mon esprit. Je comprenais mieux la surprise des deux jeunes hommes lorsqu’ils étaient tombés nez-à-nez. C’était même tout à fait logique.

— J'ai cru comprendre que toute ta famille est dans la Résistance, ou presque, et que toute la sienne est à la solde du gouvernement, mis à part un oncle. Comment est-ce que vous vous êtes rencontrés, dans ce cas ?

— On était amis depuis aussi longtemps que je m’en souvienne, mais on est vraiment devenus inséparables à l'école des Quatre Saisons, dit-il avec un grand sourire, c'était le bon vieux temps ça ! On partageait la même chambre à l'internat et on faisait tout un tas de bêtises ensembles. Je suis sûr que les profs se souviendront toujours de Tom Potier et de Théophane Villiers, les deux frères infernaux !

— Frères ? notai-je aussitôt. Mais vous n’êtes pas frères, si ?

— Frères de cœur seulement, m’indiqua-t-il. Nos familles sont très proches, du coup on a pratiquement été élevés ensemble. En réalité, on n’a aucun lien de sang.

Je n’eus pas le temps de méditer sur ses paroles, nous fûmes interrompus par le bruit caractéristique de l'ouverture d'une porte.

— Tu te souviens, me chuchota-t-il précipitamment, tu donnes ton prénom, surtout pas ton nom de code !

J’opinai avant que, d'un même mouvement, nous grimpâmes chacun sur notre lit. Je m’assis en tailleur, le dos appuyé au mur, et attendis que le visiteur daigne arriver. Mon meilleur ami adopta la même position que moi. Des bruits de pas retentirent. La personne était presque à notre niveau, et elle était seule.

Je sentis le stress monter. Ça y est, ils allaient nous interroger ? Nous torturer ? Ou alors peut-être était-ce l’heure du déjeuner ?

Le visiteur arriva devant ma cellule… ou plutôt devant celle de Théophane, en face de la mienne, puisqu'il s’y arrêta. Je n’eus pas le temps de voir son visage mais je le reconnus immédiatement à ses cheveux bruns et à son allure : c’était Tom.

Quand on parle du loup…

— Théo, est-ce que je peux te parler ? demanda-t-il.

— Depuis quand est-ce que tu as besoin d'une permission pour me parler ?

Je regardai et écoutai tout ce qu'il se passait quand je me souvins de quelque chose. Où était ma pierre ? Je jetai un coup d’œil rapide à ma main. Rien, la bague n’y était pas. Malheureusement pour moi, ils n’avaient pas été pas stupides au point de me la laisser. Dommage… Je portai à nouveau mon attention sur eux. Je vis Tom se raidir avant de dire sèchement :

— Je n’avais pas besoin d’une permission pour te parler, jusqu’à ce que j’apprenne que tu étais un traître ! Maintenant, je prends mes précautions.

De là où j’étais, j’apercevai Théophane dans la pénombre de sa cellule. Il avait les coudes sur les genoux et son menton reposait sur ses mains jointes. Je l’imaginai plus que je ne le vis froncer brièvement les sourcils avant de reprendre contenance.

— Je ne suis pas un traître. D’ailleurs, entre nous deux, c’est plutôt toi le traître.  

Il avait dit cela de façon posée. Pourtant, je commençais à bien le connaître et je savais que son calme n’était qu’intérieur. Quand il était contrarié, un pli se formait entre ses deux sourcils. Si j’étais trop loin pour voir ce fameux pli, je l’avais sentis à l’intonation de sa voix. Après avoir discuté avec lui pendant des heures et des heures, j’avais remarqué que ça aussi ça le trahissait. Tom était son meilleur ami, ce devait être l’une des personnes qui le connaissait le mieux au monde. Il savait forcément que Théo voulait faire comme si tout ça ne le touchait pas alors que c'était tout le contraire. La réplique de Tom ne se fit pas attendre.

— Tu oses dire ça alors que ce n’est pas moi qui ai menti à mon meilleur ami pendant… (Il réfléchit un instant puis continua vivement.) Je ne sais même pas depuis combien de temps tu es rentré dans la Résistance !

Je lâchai le dos de Tom des yeux pour diriger mon regard vers Théophane. Ce dernier avait de plus en plus de mal à garder un visage neutre. J’avais hâte de savoir ce qu’il allait dire à celui qui était son meilleur ami et pourquoi il l'avait accusé d’être un traître.

Mon cœur se serra. Son meilleur ami. Où était donc la mienne de meilleure amie ? Où était ma Lily ? J’espérais qu’elle soit en sécurité. Elle n’était pas dans l’une des cellules de ce couloir, sinon Théo me l’aurait sûrement dit, donc elle devait être saine et sauve. C’était même certainement elle qui avait appris à mes parents ce qu’il m’était arrivé. Je n’osais même pas imaginer leur réaction.

— J’ai suivi ce que ma raison et mon cœur me dictaient de faire, expliqua mon ami, j’ai décidé d’être fidèle à moi-même, de ne pas me trahir.

— Ton cœur ? C’est ton cœur qui t’a dit de me mentir ? protesta dans un souffle le jeune homme aux cheveux chatains. Je ne compte pas pour toi au final, hein ? C’est ça que tu veux me dire, Théo ?

Il était déçu, et blessé aussi. Cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. Ses épaules s’étaient affaissées et il avait laissé tomber ses bras le long de son corps. J’avais l’impression de revivre mon quiproquo avec Lily, lorsque j’avais cru qu’elle me dénoncerait aux Traqueurs.

— Arrête de raconter des conneries Tommy, ça rien à voir avec toi ! le contredit Théophane en se levant d’un bond et en s’approchant de la grille rapidement.

Il agrippa les barreaux de ses mains fermes avant de regarder le sol. Il ferma les yeux très fort puis les rouvrit pour fixer son regard de pierre dans celui de son meilleur ami. Je compris à cet instant qu’il était énervé, très énervé. Peut-être qu’il n’en avait pas conscience lui-même mais tout son corps ne dégageait que cela. Il avait fait tomber le masque de calme qu’il essayait tant bien que mal de conserver depuis le début de la conversation.

— Bon sang Tom, est-ce que ça ne te fait rien de savoir que tous ces gens sont emprisonnés ou tués pour quelque chose qu’ils ne peuvent pas maîtriser ? s’exclama Théophane en serrant les poings autour des barreaux, les jointures blanches. Ils n’ont pas choisis d’être des enfants de l’Hiver, tout comme cela ne dépend que du hasard si tu es un fils de l'Été et moi du Printemps. Nous aurions pu naître dans une autre famille et être des enfants d’autres saisons, ou alors tout simplement être des humains ! C’est le hasard qui décide de cela, le hasard et le destin !

— N’essaye pas de m’embrouiller ! contra Tom.

Le jeune homme fit un geste de la main, comme pour chasser une mouche trop collante, et il se massa l’arrête du nez de l’autre.

On dirait une scène de ménage. Je pourrais presque être en train d’assister à une dispute de vieux couple.

— Et pourquoi sont-ils pourchassés, selon toi ? reprit Théophane avec la même hargne que précédemment. Parce qu’ils peuvent utiliser leurs pouvoirs dès la naissance, contrairement aux autres Enchanteurs ? Parce que ça a toujours été une lignée de l’Hiver sur le trône des Quatre Saisons ?

J’avais du mal à le reconnaître. Il y avait tellement de passion et de haine dans ses propos. Il se sentait réellement concerné par le sort des enfants de l’Hiver. Si j’avais encore eu un doute, je savais à présent qu’il n’était pas dans la Résistance seulement pour suivre sa grande sœur et sa grand-mère. C’était un véritable combattant, qui luttait pour l’égalité. Je ne l’avais jamais vu comme ça.

— Je ne te comprends pas… murmura Tom en appuyant son dos sur les grilles de ma cellule.

— Pourquoi est-ce que tu ne me comprends pas ? Vas-y, explique-moi, je suis toute ouïe, dit le fils du Printemps avec provoquation. Mais avant, laisse-moi te dire une chose mon pote : tout ce que je vois, c’est que tu n’as pas assez de courage pour changer de camps ! Tu as peur !

Dès que Théophane eût dit cela, son ami bondit en avant et s’approcha à grands pas de la cellule du jeune homme.

— Voilà, c’est exactement pour ça que je ne te comprends pas. Je ne te suis vraiment pas, sur ce coup-là, Théo. Pourquoi est-ce que je voudrais changer de camps alors que je suis dans celui des vainqueurs ? En plus, toute ma famille y est, alors pourquoi je retournerais ma veste ?

— Tu pourrais faire comme moi : suivre ton cœur, écouter tes convictions.

Tom ricana. Je ne voyais pas ce qu’il y avait de drôle. Aurais-je manqué la blague du jour ? Ou alors était-ce une private joke ?

— Tout ce que mon cœur me dit, c’est de protéger ma sœur, et Garance est très bien là où elle est. Gabin aussi, d’ailleurs.

— Je vois, renifla Théo avec un semblant de dédain dans la voix. Il n’y a qu’elle qui compte.

— C’est ma jumelle, c’est normal. Elle passera toujours avant tout le reste.

— Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfant ! explosa Vera depuis son lit. Ça y est ? Vous avez fini tous les deux ? On dirait deux gosses en train de se chamailler, y’en a qui veulent dormir ici !

Tom s’écarta de la cellule de Théophane pour se diriger vers celle de la brune. Je ne voyais toujours pas son visage, puisqu’il était de dos, mais il était facile de deviner qu’il n'avait pas apprécié son intervention, et qu’il allait le lui faire savoir. Elle devait être folle pour lui parler comme ça ; ou alors elle avait oublié qu'elle n’était pas du bon côté des barreaux. Bon, il fallait aussi avouer que c’était courageux de sa part. Fou mais courageux. Et puis, ses deux mois d’enfermement devaient jouer avec ses nerfs. Dans son cas, je savais que je les aurais eus à vif et que la moindre petite contrariété m’aurait faite exploser de façon disproportionnée.

— Vera Azarova, tonna-t-il d’une voix qui le faisait paraître beaucoup plus vieux qu'il ne devait l’être, tu oublies à qui tu t’adresses. Ça pourrait te coûter cher.

— Et toi, p’tit Tommy, tu oublies que sans moi, ton grand-père, et donc toi, ne serait pas à la place qu’il occupe aujourd'hui, fit-elle avec flegme et provocation. Donc, je dis ce que je veux, quand je veux et où je veux !

J’eus un sursaut. Pardon ? Comment ça ? Qu’est-ce que c’était que cette embrouille ?

— Ce n’est pas toi qui a tué le Romanov, contra-t-il, c’est Artus Ortelius.

Artus Ortelius ? Inconnu au bataillon. Il faudra que je demande des infos à Théo ou à Vera, quand il sera parti.

— Sur ordre de ton grand-père, ce cher Diego qui n’aime pas se salir les mains et qui envoie d’autres personnes le faire à sa place.

Le brun frappa dans la grille avant de tonner une nouvelle fois :

— Je t’interdis de parler de lui comme ça !

— Tu préfèrerais que je l'appelle comment ? Le dictateur ?

Ne pas taper ! NE PAS TAPER, J'AI DIT !
J'aurais pu découper le chapitre à un endroit encore pire (si si, j'vous jure, c'est possible) !

Bref, qu'avez-vous pensé de cette partie ?
Personnellement, je suis un peu sceptique (surtout du début, avant que Tommy arrive) donc vos avis m'intéressent d'autant plus !

Est-ce que vous croyez que l'explication de Théophane est acceptable, ou innacceptable ?

Tom débarque pour s'expliquer avec Théo, et il y a quelques étincelles ; vos avis dessus ?

On découvre de nouveaux personnages, notamment Garance, qui est l'un de mes préférés (au même niveau que Zéphyr !). J'attends vos pronostics sur elle. Comment sera-t-elle :
- physiquement ?
- mentalement ?
- son petit plus ?

Vos avis en général ?
Est-ce que l'histoire vous satisfait toujours autant ?
Une critique (positive ou négative) à me faire ?
Qu'est-ce qui, selon vous, était mieux (ou moins bien) au début de l'histoire et qui l'est moins (ou plus) maintenant ?

À dimanche prochain (ça me manque de ne plus pouvoir poster deux fois par semaine, fichue prépa) pour la dernière partie de ce chapitre (petit indice : Théo a encore fait des cachotteries à Elo),

Korrigan ☆

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