chapitre vingt-deux
Evan
Evan n'en croyait pas ses yeux. Après être rentré d'une journée épuisante, il s'était laissé tomber mollement sur son lit. Mains fourrées au fond des poches, il avait senti un papier qu'il savait absent auparavant. Surpris, il avait cherché à savoir d'où il pouvait provenir ; James lui avait écrit un poème. En français. James lui avait écrit un poème en français. Évidemment, il avait fallu qu'il évite les cours de français faits maison de sa mère comme la peste. Il dévala les escaliers d'un pas précipité, tombant nez à nez avec William en train de bécoter sa demain sœur.
« Beurk, faites ça ailleurs !, s'exclama-t-il en rentrant dans le bureau de sa mère. »
Il s'arrêta net. Eleanor discutait avec grand intérêt avec Luke. LE Luke. Le Luke qui avait soit-disant développé des sentiments pour lui. Le Luke qui avait hanté ses pensées jours et nuits pour plusieurs années. Le Luke qu'il avait laissé partir volontairement.
« Oh, mon soleil, tu es là ! Je discutais un peu avec Lulu. Faut bien que je prenne des nouvelles vu que tu ne m'en donnes plus. »
Le blond ne répondit pas, les yeux fixés sur les boucles châtains de son ami de toujours. Il pouvait sentir d'ici sa nervosité. Il l'observa maladroitement remonter ses lunettes sur son nez.
« Salut, dit timidement Luke ;
- Salut, répondit Evan. »
Il se tourna vers sa mère, poème fermement en main.
« Tu pourrais m'aider ?
- Bien sûr mon chéri, qu'est-ce que c'est ?
- Hum, James. Il m'a.. enfin je sais pas trop. J'ai trouvé ça dans ma veste et.. bref. Tu pourrais traduire ?
- Oh ! Je te fais ça. Sers quelque chose à boire à ton ami en attendant. »
Il hocha imperceptiblement la tête et sortit de la pièce, espérant être suivi par son « ami ».
« Evan ! Comment tu vas mon vieux ?, s'inquiéta William ;
- Oh ta gueule, souffla le blond. »
Il sentit l'indignation du rouquin plus qu'il ne la vit, déjà trop occupé à préparer un café.
« Eh, doucement. Tu sais même pas ce que je veux.
- Je t'évite peut-être actuellement mais on a quand même été amis toute notre vie, rétorqua Evan en posant avec force le mug brûlant. »
Quelques gouttes tombèrent sur la table. Luke saisit la tasse d'un main tremblante, cherchant désespérément le regard du plus grand.
« J'imagine que William t'as tout dit, murmura-t-il ;
- Tout est un bien grand mot. Il a laissé sous-entendre quelques trucs qui m'ont remué le cerveau.
- C'est pour ça que t'es si en colère ?
- Quoi ? Non. Je suis pas en colère ! Pas en colère contre toi en tout cas. Enfin si, peut-être que si. Je sais pas. Plus contre Will. Non, contre toi en fait. Oui contre toi. T'as pas le droit d'aller dire à Will que t'as ressenti des trucs pour moi après avoir réagi comme ça en août. C'est pas juste, vraiment pas.
- J'avais peur ! Tu sais, c'est pas tous les jours qu'on se réveille et qu'on se rend compte qu'on ressent des trucs pour son meilleur ami d'enfance.
- Tu penses que je sais pas ce que ça fait ? »
Luke ne répondit pas. Evan passa une main tremblante dans ses cheveux. Il sentait la douleur revenir peu à peu. L'anxiété tendait ses muscles et ravivait les sensations passées.
« C'est pas juste que tu sois en colère, finit-il par faire remarquer ;
- Pardon ? Luke. J'ai essayé de t'embrasser parce que je pensais qu'on avait flirté tout l'été. Tu m'as dit que c'était pas réciproque. Très bien, j'ai eu la honte de ma vie, mais j'ai compris. J'ai eu besoin de temps pour m'en remettre. Quand je commence à me remettre sur pieds tu viens avec ton bulldozer m'avouer que moi aussi je t'attirais. Quatre putain de mois après, alors que j'avais cultivé ça pendant des années et que j'ai enfin, enfin ! réussi à passer à autre chose.
- Mais je suis pas gay moi Evan, c'est pas simple pour moi !
- Bah oui bien sûr parce que c'est toujours tout rose pour moi.
- Non mais tu vois ce que je veux dire.
- Non, je vois pas non.
- Je suis pas gay, Evan.
- Oui, ça tu l'as déjà dit. Mais tu sais c'est pas tout blanc, tout noir ce truc là.
- Non mais.. fin tu vois quoi. »
Evan tirait maintenant légèrement sur ses cheveux, de frustration ou de colère, il ne savait pas encore.
« Luke. Si je te disais que j'étais encore amoureux de toi, tu sortirais avec moi ? »
Le silence qui suivit suffit pour effondrer chaque mur que le blond avait si méticuleusement construit au fil des semaines. Evan ferma les yeux pour empêcher quelques larmes rebelles de couler.
« Alors pourquoi, pourquoi dire ça à Will maintenant. Tu savais qu'il allait me le répéter, c'est Will. Il avait jamais su garder un truc pour lui.
- J'ai jamais dit non.
- Excuse moi ?
- J'ai jamais dit que je sortirais pas avec toi, conclut Luke. »
Evan lui tourna le dos, utilisant le plan de travail comme support tant physique qu'émotionnel. Il n'avait jamais ressenti de sentiments si conflictuels. Ses pensées se battaient entre embrasser furieusement le bouclé à quelques centimètres et le mettre à la porte.
« Dégage, marmonna-t-il ;
- Comment ?
- Degage. Sors de chez moi. Je veux plus te voir. J'ai besoin de temps pour encaisser la bombe que tu viens de lâcher.
- Mais Evan je-
- Dehors. Je t'en supplie va-t-en. »
Il entendit une chaise crisser, le parquet craquer et la porte claquer. Il ne bougea pas pour autant. Son bras gauche le lançait terriblement, ses cheveux lui tombaient devant les yeux et ses larmes menaçaient de couler.
Il prit une faible inspiration. Il ne devait pas se laisser abattre. Non, il était plus fort que ça. La tête haute, il traversa le salon et monta dans sa chambre. Il reprit sa place sur son lit, regard vide vers le plafond. Il n'avait pas l'énergie disponible pour être déprimé, surtout pas à cause d'un garçon. Jamais à cause d'un garçon.
Quelqu'un toqua timidement à la porte. Il n'en fit rien. Il entendit plus qu'il ne vit une personne se rapprocher de son lit et s'installer à ses côtés. Une main délicate se posa sur son épaule.
« Tu veux un câlin ? »
Il bougea assez pour poser sa tête sur les genoux d'Anastasia. Elle lui prit doucement la main, passant l'autre de manière distraite dans ses cheveux. Evan laissa toutes ses émotions exploser, pleurant silencieusement dans cette étreinte réconfortante.
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