Anastasia

Anastasia n'arrivait pas à dormir. Les examens la consumaient de l'intérieur. Son anxiété revenait au galop à la seconde où elle s'autorisait une pause. Elle passait ses soirées sur la table du salon, cours éparpillés et musique à fond dans les oreilles. Elle s'était endormie une fois. Son père était venue doucement la réveiller au petit matin, un air compatissant transpirant de son visage.
Elle avait fini son travail pour la journée il y a une heure de cela. Elle avait tenté de s'allonger dans son lit mais le sommeil n'était jamais venu. Elle était alors descendue dans la cuisine et attendait que l'eau chauffe pour boire son thé.

Son regard fut attiré par une figure floue approchant doucement la porte d'entrée. Elle entendit des clefs tourner, la porte s'ouvrir, et des pas légers. Elle se racla la gorge pour se faire remarquer.

« Ana ! Mais qu'est-ce que tu fais debout ?, s'étonna Evan ;
- Et toi alors, d'où tu viens comme ça ? »

Il prit place face à elle sur la table de la cuisine.

« T'en veux un ?
- Je veux bien. »

Elle déposa une tasse et un sachet de thé face à lui puis lui servit l'eau bouillante.

« Oh ! Mais quelles belles fleurs. Il faut les mettre dans l'eau. Tu sais où ta mère garde ses vases ?
- Dans le placard de son bureau.
- J'arrive. »

Elle revint un vase aux motifs compliqués à la main. Anastasia sentit les roses, les trempant doucement dans l'eau.

« Dit donc, il s'est pas moqué de toi.
- Non, vraiment pas.
- T'as passé une bonne soirée ? Vu l'heure, j'imagine que oui. »

Elle lui offrit un sourire emplit de malice auquel il répondit doucement. Les joues du blond commençaient doucement à se colorer.

« On peut dire que j'ai passé une bonne soirée, répondit-il simplement ;
- T'étais avec James, c'est ça ? Ton collègue ?
- Hum hum.
- Il est beau gosse, bien joué. »

Elle l'observa se cacher derrière son mug fumant, faisant mine de prendre une gorgée. Avant de poursuivre son interrogatoire, elle se hissa sur le comptoir de la cuisine.

« C'est une nouvelle veste ?
- Oh, hum, c'est celle de James.
- Ah oui ?
- J'avais un peu froid en repartant et il me l'a prêté.
- En repartant ? »

Il ne répondit rien.

« Je te gene ? Dis le moi et j'arrête. Pardon ça m'a juste amusé de te voir rentrer comme un voleur.
- Non non ! Pas du tout. Ça m'étonne que ça t'intéresse.
- Tu rigoles j'espère, je vis pour ce genre de choses. Si tu veux je te raconterai même comment ça avance de mon côté avec Will. »

Elle sût qu'elle en avait trop dit quand elle entendit le blond s'étouffer. Timide, elle enfouie son nez dans le col de son pull trop grand emprunté à son père.

« Will ? Mon ami Will ? William le rouquin ?
- C'est pas le sujet.
- Oh mademoiselle crois moi que ça va être un sujet. »

Ce fut au tour de ses joues de devenir cramoisies. Elle prit une gorgée de son thé pour passer sa gêne.

« En répartant d'où ?
- De chez lui..
- Pardon ?, s'exclama-t-elle.
- Chut, moins fort, tu vas réveiller tout le quartier, dit-il précipitamment.
- Il va falloir me donner plus de détails monsieur le blondinet.
- Ok, bon. On s'est retrouvé dans un café. Ça s'est très bien passé. On a partagé une part de gâteau et il m'a pris la main avec la technique la plus niaise du monde. »

Anastasia sourit grandement à cette remarque. Il lui tira la langue.

« On a papoté jusqu'à la fermeture. Puis il m'a proposé d'aller manger un bout chez lui. Il m'a fait un plat végétarien excellent puis on a regardé un film.
- Lequel ?
- Le plat ou le film ?
- Les deux ?
- Le plat, aucune idée. Le film, c'était Portrait de la jeune fille en feu.
- Oh waw, vous êtes super gays.
- Je te permets pas.
- Pardon pardon, dit-elle en levant les mains en signe de capitulation ;
- Tu veux savoir la suite ou pas ?
- Évidemment.
- Bon. Après ça, il commençait à se faire tard alors je suis rentré. Voilà, tu sais tout.
- C'est tout ?
- Comment ça c'est tout ?
- Bah, y'a pas eu de bisou ?
- Aaah, un bisou. Il est possible qu'on se soit embrassés. »

Elle lui tendit la main pour qu'il tape dedans. Il le fit en riant. Elle reprit une gorgée de son thé.

« Bravo champion. »

Il lui tira la langue une nouvelle fois.
Ils restèrent quelques temps dans le silence, chacun sirotant le thé tirant vers le froid. Anastasia regardait l'heure passer sur l'horloge murale. Il approchait des trois heures du matin. Elle poussa un soupir. Elle devait être levée dans un peu moins de quatre heures. Elle sentait la fatigue doucement l'envahir, mais pas assez pour s'endormir.

« Tout va bien ?, demanda Evan ;
- Les examens me bouffent un peu.
- Déjà ? T'as cours demain ?
- Ouais, j'ai pas mal de cours.
- J'espère que tu vas pas mal le prendre, mais t'as l'air à bout. »

Elle enfonça son visage dans ses mains, honteuse. Elle avait bien conscience des cernes grandissants et de la pâleur de sa peau. Elle sentait le regard inquiet d'Evan.

« Tu veux pas te reposer un peu ?
- Je peux pas.
- C'est un peu n'importe quoi si je peux me permettre.
- J'ai trop peur de louper. Le niveau est beaucoup plus intense que mes années précédentes, souffla-t-elle ;
- Justement ! Prends un peu de temps pour toi. Demande à ta copine de prendre les cours pour toi, t'as un niveau suffisant pour les bosser toute seule.
- Je vais culpabiliser, je me connais.
- On s'en fout. Si tu veux être active, je t'emmène à la librairie avec moi si tu veux. »

Elle pesait le pour et le contre. D'un côté, elle aurait réellement besoin de dormir. D'un autre, elle était tétanisée à l'idée de prendre du retard.
Evan se leva et vint se poser face à elle.

« Eh, c'est ok de prendre du temps pour toi. Ça vient du mec qui a fait un burn out et qui a complètement arrêté ses études. »

Anastasia laissa échapper un soupir tremblant. Evan la prit soudainement dans ses bras, la serrant aussi fort que possible. Ils restèrent plusieurs minutes dans cette position, Anastasia relâchant toute la pression qui la pesait.

« Tu sens bon, dit-elle finalement ;
- C'est la veste de James. »

Ils rirent ensemble. Anastasia essuya ses larmes, Evan lui caressant doucement les cheveux.