chapitre douze
Evan
Evan n'avait jamais été du genre à s'énerver facilement. D'après sa mère, il avait hérité du tempérament doux de son père. Il n'avait jamais vraiment été victime de crises de colère. Non, sa particularité à lui, c'était l'angoisse. Les mains qui tremblent, le souffle coupé, la boule au ventre et la douleur vive dans le bras gauche. Afin de rassurer sa mère, il avait suivi de nombreuses thérapies. Ses thérapeutes avaient tout tenté : les exercices de respiration, les passions relaxantes, la méditation. Ces méthodes n'avaient eu aucun effet si ce n'est faire accroître sa frustration.
Ce fut ces tentatives qui lui revinrent ici, assis contre le mur froid de la salle de repos, la respiration haletante et la vue trouble. Il se sentit soudainement pathétique.
Il passa fébrilement sa main droite dans ses cheveux, les tirant légèrement à la racine. Il étouffait. Un frisson le parcourut. Il sentait sa gorge se resserrer doucement.
Il pensait être sur la bonne voie. Sa dernière crise revenait à presque deux mois, au mariage de sa mère et Chris. Depuis, il n'avait plus ressenti ce coup droit au cœur. Il avait suffit d'une cliente un peu trop insistante et le voilà, écroulé contre le mur, les pensées fusant à mille à l'heure.
Un coup à la porte se fit entendre. Il sursauta.
« Evan ? Tu es là ? »
Il ne répondit pas. Il n'arrivait pas à prononcer un mot.
« Je vais entrer, d'accord ? »
La porte grinça, faisant pénétrer un fil de lumière. Il aperçut du coin de l'œil le visage de son collègue, James. Ce dernier entra et referma doucement la porte derrière lui, les plongeant dans la pénombre réconfortante. Il aurait pu sentir son hésitation arriver jusqu'à lui.
« Oh ok d'accord merde. Bon je suis nul à ces trucs là, mais je crois que j'ai lu quelque chose un jour et.. Ok bon, on va essayer ça, d'accord ? Allez James, courage, tu peux y arriver. Non, euh, je veux dire. Evan, ça va aller, je t'assure. »
S'il n'était pas bouffé par l'angoisse, il aurait pu en rire.
James s'assît face à lui, les jambes croisées. Il s'essuya rapidement les mains sur ses genoux et saisit celle d'Evan. Il la plaça sur son cœur.
« Ok, tu sens ça ? Cool. On va essayer de ramener ton cœur à un rythme un peu pareil. Pour ça, tu vas respirer avec moi, ok ? Parfait. »
Evan était persuadé que ça ne fonctionnerait pas. Les exercices de respiration n'avait jamais fonctionné en thérapie. Et pourtant, les yeux plein d'espoir de James usèrent de leur magie. Evan sentit son souffle devenir plus régulier, ses mains cesser de trembler et sa gorge se desserrer. Il laissa sa tête tomber sur l'épaule de son collègue. Ce dernier exerça une légère pression sur la main toujours sur son cœur.
« Je t'avoue que c'est pas ce que j'imaginais quand je pensais à te tenir la main pour la première fois, plaisanta James ;
- On a connu plus romantique comme endroit, répondit le blond. »
Il sentit les épaules de James bouger au rythme de son rire.
« Désolé que tu m'aies vu comme ça, je pensais que mes crises étaient parties, dit doucement Evan ;
- T'excuses surtout pas. Je suis surtout content d'avoir pu t'aider. Et puis, c'était une vraie petasse.
- Je te le fais pas dire.
- Ça fait un bon quart d'heure que Maggie l'insulte toute seule en rangeant le rayon enfant.
- Quand est-ce que Maggie n'insulte pas les clients.
- Quand elles ont moins de trente ans et qu'elles sont tatouées de partout. »
Ils continuèrent à échanger sur leurs collègues, critiquant de temps en temps leur manager. Evan avait toujours sa tête sur l'épaule de James. Ce dernier jouait doucement avec les cheveux du blond.
« Ça va mieux ?, demanda-t-il doucement ;
- Hum hum.
- Tu veux rentrer ? On peut te couvrir si tu veux.
- Non, non. Je finis dans deux heures. Ça va le faire, je suis un bonhomme.
- Ah oui, mâle alpha tout ça. »
Evan rit, se levant doucement. Il tendit la main à son collègue afin qu'il puisse se lever. Ce dernier accepta avec enthousiasme. Le blond inspecta quelques instants leurs mains jointes.
« Tu sais, par rapport à ce que t'as dit tout à l'heure, hum, on pourrait y remédier. Enfin, c'est que si tu veux hein. Mais, hum, on pourrait aller boire un café un de ces quatre. Mais surtout te force pas ! C'est juste une idée comme ça, sur le tas.
- Evan.
- Oui ?
- Je serai ravi d'aller boire un café avec toi.
- Ah ?
- Mercredi ça te va ? Je crois que tu finis un peu plus tôt.
- Partons sur mercredi. »
Son sourire ne le quittait plus. Il n'avait jamais été aussi rayonnant en faisant l'inventaire. Au dîner, sa mère n'avait cessé de lui jeter des regards en coin. Elle savait. Il savait qu'elle savait. Il avait été souriant en débarrassant la table, même en faisant la vaisselle.
Il était maintenant assis sur son balcon, l'air froid de la fin octobre lui mordant les doigts. Le ciel était assez dégagé pour qu'il puisse mettre à exécution ses nouvelles connaissances d'astronomie.
Evan entendit la fenêtre d'Ana grincer. Elle s'installa à son extrémité, emmitouflée dans un pull en laine vieux comme le monde.
« Tu as l'air enjoué, lui dit-elle ;
- Tu trouves ?
- Ça te va bien. Les choses se passent bien au travail ?
- Elles se passent très bien. »
Ils échangèrent un regard complice.
Evan n'aurait jamais imaginé créer un lien avec la fille du mari de sa mère. Et pourtant, il se voyait apprécier ces moments partagés avec Anastasia. Quelques mots dans la cuisine avant de partir travailler, une petite dispute pour savoir qui aura la salle de bain en premier ou encore leurs rendez-vous implicites le soir, sur ce balcon.
En ce moment, la vie lui souriait, et il ne pouvait pas rêver mieux.
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