chapitre cinq




Anastasia


      Ici, chaque étape semblait être une épreuve. Être assise à table, écouter son père, Eleanor et Evan plaisanter comme depuis toujours, comme si cette situation n'était pas nouvelle et étrangère à tous.
Elle n'avait pas prononcé un mot du repas, trop concentrée sur son assiette et son manque croissant d'appétit. La voix douce d'Eleanor la sortit de ses pensées :

« Ana, tu veux bien m'aider avec le dessert ? »

Elle hocha imperceptiblement la tête, laissant son déjeuner à peine touché derrière elle.

« Tout va bien, ma belle ? J'ai vu que tu n'avais pas bien mangé, s'inquiétait sa belle-mère ;
- Ça va, je suis juste un peu fatiguée. »

Anastasia fuyait désespérément le regard de la femme lui faisant face.

« Ana, ne te braque pas s'il te plaît. On est les deux seules femmes de cette maison, il faut bien qu'on se serre les coudes. »

Soudain prise d'un élan de courage, la jeune femme prit Eleanor dans ses bras. Cette dernière posa une main affectueuse sur le haut de sa tête.

« J'ai l'impression que rien n'ira jamais bien, que je suis bloquée dans celle bulle de mal être constant pour toujours, expliqua-t-elle, une larme roulant doucement sur sa joue ;
- Ma chérie, je sais ce que ça fait. Avant de rencontrer ton père, je pensais vraiment avoir touché le fond et être incapable de remonter. Ça prendra le temps nécessaire mais tu y arriveras. Ton père t'aime, ta famille t'aime, moi aussi je t'aime ma Ana. Tu es une jeune femme extraordinaire. Tu es rayonnante, intelligente.. Je sais que la vie ne te sourit pas toujours mais il faut apprendre à la prendre comme elle vient. »

Anastasia prit une respiration pleine de larmes.

« Je ne sais pas comment faire ça sans elle. Je ne peux pas l'oublier.
- Tu n'as pas à l'oublier, au contraire. Je sais que la douleur te semble encore insurmontable mais elle s'atténuera et tu apprendras à vivre avec. Elle ne partira jamais vraiment mais ça sera plus simple avec le temps.
- T'es sûre de ce que tu dis ?
- Certaine, affirma Eleanor. »

La jeune femme quitta l'embrace de sa nouvelle belle-mère, s'essuyant les yeux. Elle renifla bruyamment, décrochant un petit rire à la face en face d'elle.

« Merci, Eleanor. Je suis désolée d'avoir gâché ton déjeuner, s'excusa-t-elle ;
- Ne dis pas n'importe quoi. Chris et Evan se débrouillent très bien ensemble.
- T'es sûre de ce que tu dis ?, demanda-t-elle, amusée ;
- Pour le coup, pas vraiment, rit la blonde. »

Elles restèrent un moment dans le silence réconfortant et plein de sens de la cuisine, les voix d'Evan et Christian leur parvenant de temps en temps.

« Tu sais quoi, va chercher ton sac et rejoins moi dehors. On va se balader un peu toutes les deux, s'exclama soudainement Eleanor ;
- Je sais pas j'ai..
- Hop, hop, hop. Pas de discussion, si tu me rejoins pas dans deux minutes je viens te chercher moi-même ! »




Rouler avec Eleanor était, à cet instant, l'une des meilleures expériences d'Anastasia dans cette nouvelle ville. Elle roulait les vitres baissées, musique à fond, hurlant les paroles à chaque occasion. C'est comme cela qu'elle découvrit la passion cachée de sa belle-mère pour les One Direction. Diana aussi fort que la voiture le permettait, Eleanor s'arrêta brusquement sur le parking d'une petite librairie. Elle coupa le moteur, éteignit à contre coeur la musique et fit signe a Anastasia de descendre. Elles se trouvaient devant l'un des fameux Blackwell's de la ville.

« Chris a laissé entendre que t'aimais bien les livres anciens, expliqua Eleanor. »

Sans plus attendre, la jeune brune franchit la porte, un grand sourire aux lèvres. Le son de la petite cloche fit écho dans la boutique vide. Elle descendit rapidement les quelques marches face à elle avant de se lancer dans une exploration en profondeur de chaque ouvrage. De l'anglais, du français, de l'allemand ; Anastasia ne savait plus où donner de la tête. Saisissant un roman au hasard, elle s'assit dans une allée, se plongeant dans l'histoire.
Des heures semblaient s'être écoulées avant qu'on ne le sorte de sa rêverie :

« Besoin d'aide ? »

Elle leva doucement les yeux, finissant de lire sa phrase. Elle croisa alors le regard d'un jeune homme arborant un grand sourire aux lèvres.

« Je te le conseille pas, dit-il en désignant le livre qu'elle tenait en main, ça finit sur un suspens et l'auteur est décédé avant de finir le deuxième.
- Ah yes, super. Merci de me prévenir, je commençais à m'attacher.
- Je suis là pour servir. »

Anastasia se releva difficilement, les jambes engourdies par leur manque d'effort ces dernières heures.

« Et qu'est-ce que tu me conseillerais, elle lut le nom sur son badge, James ?
- Ça dépend, qu'est-ce que t'aimes lire ?
- Ah non, c'est trop facile. C'est toi l'expert, rétorqua la brune ;
- Ok, ok. Laisse moi réfléchir. »

James tapota doucement son menton du bout de l'index, d'une manière presque comique.

« Je sais, suis-moi. »

Il l'entraîna dans un recoin plus sombre du magasin, comme coupé du monde.

« Pas du tout flippant, ton truc, rit-elle, mal à l'aise ;
- C'est pas de ma faute s'ils ont réuni toutes les autrices au même endroit. T'as lu Austen ?
- Pour qui tu me prends ?
- Brontë ?
- Laquelle ?
- Toutes.
- Charlotte et Emily oui, Anne pas encore.
- Ahah ! Ne bouge pas. »

Il chercha quelques instants.

« Voilà madame, reviens me voir quand tu l'auras lu, sourit-il. »

Dans ses mains trônait La Recluse de Wildfell Hall. Anastasia le saisit, lui rendant son sourire. Ce n'est qu'une fois avoir réglée qu'elle se souvint qu'Eleanor l'avoir accompagnée. Elle la retrouva endormie sur l'un des fauteuils de la boutique, le contenu de son sac à main éparpillé à ses pieds. La jeune femme secoua doucement l'épaule de son aînée qui se réveilla en sursaut, marmonnant qu'elle ne s'était pas endormie et qu'elle passait un super après-midi.
Elles prirent le chemin du retour, Anastasia déjà plongée dans son nouveau roman.

« Merci Eleanor, j'en avais vraiment besoin, murmura-t-elle une fois le moteur coupé ;
- Oh ma chérie, je suis contente que ça t'ait changé les idées. Maintenant que tu sais où c'est, je compte sur toi pour aller les dévaliser.
- Faudrait peut-être que je me trouve un job pour ça.
- Demande de l'aide à Evan, lui qui a l'air de si bien se débrouiller ! »

Elles échangèrent un regard complice et franchirent la porte d'entrée.

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