7 - Apparition

Et cette quête à l'Étang Écarlate promet d'être intéressante...

- Tu n'auras besoin de rien, m'a fait Alæbora alors que je lui exprimais mes inquiétudes quant à mon absence d'affaires à emporter pour la quête. Je signale aux animaux que tu comptes te rendre à l'Étang Écarlate, et s'ils te compliquent la tâche par quelque moyen sournois... ils connaissent mes capacités.

Cette dernière phrase m'a laissée pensive, j'y songe depuis mon départ. Ma chère nymphe est clairement la protectrice de la vie alentour, mais à quel point ses défenses sont-elles puissantes, si elle est capable de les retourner contre ceux qu'elle protège ?... Je n'ose imaginer ce qu'elle pourrait m'infliger si jamais mes provocations la lassaient au point de lui donner l'envie de réagir et de me faire taire.

Je suis partie à l'aube, et maintenant que midi - et le déjeuner - est passé, j'ai plus l'impression de me balader dans les sous-bois que de voyager droit vers un endroit risqué pour y assouvir ma curiosité. Il faut dire que, étant en pleine digestion et donc un peu ensommeillée, je suis plus prompte à flâner et m'émerveiller que de penser à cette quête... et puis le paysage dans lequel je progresse est divinement tentant pour piquer un somme.

En effet, depuis plusieurs minutes j'ai atteint un bosquet de saules pleureurs, dont les rameaux verdoyants ondulent dans une brise tiède et mêlent quelques fois leurs feuilles allongées en de magnifiques tressages vert absinthe. Les plus longues tiges effleurent paresseusement le sol entièrement recouvert de mousse de couleur vive qui, au toucher, donne l'impression de marcher sur un épais et moelleux tapis du velours, le plus soyeux qui puisse exister. L'ensemble se trouve, grâce l'immense déploiement de branches, qui s'élève jusqu'à une hauteur de trois hommes, plongé dans une légère obscurité. Quelques percées dans cette cime laissent passer des ronds de lumière, de sorte que l'on croirait évoluer dans un monde fait d'or et de bronze. Entre les robustes mais majestueux troncs marrons, on aperçoit une somptueuse étendue d'eau limpide entièrement exposée au soleil brûlant de ce début d'après-midi. De minuscules vaguelettes parcourent l'ondée et reflètent l'astre diurne de leurs miroirs éphémères. Cela provoque des scintillements tels que lorsque cette lagune m'est apparue pour la première fois, j'ai cru apercevoir un bassin rempli de fragments du diamant le plus pur au monde.

Ce paysage féerique me procure une sérénité proche de la langueur. Finalement, je décide de me détourner légèrement de ma trajectoire pour échouer au bord de l'étang à la pureté minérale si envoûtante pour le regard.

- Après tout, l'Étang Écarlate est à plus de deux jours de marche, pensé-je à voix haute. Je ne crains rien ici, pourquoi ne pas faire de pause alors qu'il en est encore temps ? Si ça se trouve, ensuite je n'aurai plus l'occasion de me reposer avant mon retour à la cabane, autant profiter de ce est à ma portée maintenant. Il fait si bon... Voyons si cette eau peut me rafraîchir.

Joignant le geste à la parole, j'avance d'un pas pour avoir les orteils mouillés. Malgré que le terrain se creuse progressivement dans le bassin, il y a autant de visibilité au bord qu'au milieu. Convaincue par la froideur glaciale de l'eau, je me défais de ma tunique récemment tissée par Alæbora- et cette fois-ci à ma taille - pour m'y enfoncer entièrement.

Une fois complètement immergée, je nage tranquillement jusqu'au milieu de la lagune, d'où je vois toujours le sable blanc un peu plus loin sous mes pieds. Je mets la tête dans l'eau et souffle tout l'air contenu par mes poumons. Dorénavant aussi lourde que si l'on m'avait lestée à l'aide de pierres, je coule jusqu'à sentir mes genoux se poser au fond du bassin, la peau quelque peu gênée par la rugosité du sol. Mes cheveux me chatouillent les épaules et la nuque, je les sens onduler librement autour de moi. J'ouvre les yeux et observe la danse des rayons du soleil au-dessus de moi.

Au bout d'une minute, la gêne dans mes poumons devient brûlure, mes yeux piquent et je me retiens d'ouvrir la bouche pour prendre une respiration. Il est temps de remonter vers la réalité. Je me mets à la verticale, les jambes un peu pliées. D'un brusque coup de pied je me propulse à la surface, et engloutis littéralement une bouffée d'oxygène salvateur.

Je respire bruyamment pendant plusieurs secondes avant que mon souffle reprenne un rythme à-peu-près normal. Pour garder la tête hors de l'eau en restant immobile, je bats régulièrement des jambes et des bras. C'était si bien de vivre ces quelques instants hors de mon élément naturel... Dans l'eau je ne me sens pas chez-moi, mais est-il nécessaire pour être pleinement heureux de se trouver en terrain familier ? Et la marche à pied ne devrait pas m'être familière, puisque j'étais vouée à parcourir les cieux à l'aide d'ailes que je n'ai plus.

Tout à mes pensées, je ne me rends pas compte que j'ai dérivé jusqu'au bord. Je m'assoie dans l'eau, le buste suffisamment hors de l'eau pour que ma cicatrice au-dessus du nombril soit visible. Ces derniers temps elle est moins voyante, et comme Alæbora a décrété qu'elle ne poserait aucun problème et aurait peut-être même disparu d'ici peu, je n'y fais donc guère attention. De plus, quand je la regarde ma vision se mêle aux souvenirs, et je revois l'effrayant pieu qui me traverse. À ce moment là il m'arrive d'avoir le vertige, aussi j'évite encore plus de tenter d'accepter cette marque de mon passé.

Cassylée...

- Que... Qui est là ?!

Je regarde autour de moi, à l'affût. Partagée entre l'envie de me relever pour y voir mieux et celle de m'aplatir dans l'eau, je finis par choisir la première option. Ma gorge est soudainement nouée par l'anxiété mêlée à un désagréable sentiment d'insécurité. Le fabuleux paysage qui m'entoure me semble maintenant rempli de dangers invisibles.

La voix désincarnée répète mon prénom une seconde fois.

Cassylée...

- Montrez-vous ! dis-je d'une voix si tremblante que c'en est risible. Où êtes-vous ?!

Au bout de quelques secondes à observer frénétiquement autour de moi, je finis par repérer une présence à l'autre bout de l'étang, et elle me glace le sang d'effroi par sa singularité. J'ai une large vue sur la surface de la petite lagune depuis son bord, étant debout. Le soleil tape si fort que l'on devine avec précision le rivage d'en face, autant matériellement que par miroitement. Donc dans le reflet, je perçois nettement une silhouette à contre-jour qui tremblote sur l'eau ; or, là où, surplombant le reflet, la personne aurait normalement dû se trouver, il n'y a rien.

Le miroir de l'eau renvoie l'image de quelqu'un d'invisible, mais qui conserve un reflet. Comment ce prodige est-il possible ? Voyant bien que l'inconnu reste immobile et que je ne crains rien pour le moment, je décide de m'avancer dans l'eau pour mieux voir le moirage. Mais cela ne me sert à rien : la silhouette est étrangement trouble par rapport au reflet des arbres, et je ne parvient pas à déterminer si elle est féminine ou masculine.

D'un coup, deux larges formes se déploient autour de la personne. Abasourdie, je la regarde étendre ses ailes. Son reflet se trouble jusqu'à disparaître entièrement, et, horrifiée, je sens un puissant souffle d'air qui crée des remous à la surface du bassin. Quand cela s'arrête, je présume que le courant d'air a été causé par l'envol de l'inconnu.

Je reste quelques minutes complètement sous le choc. Qui était-ce ? Est-ce que je connaissais cette personne, avant ? Que me voulait-elle ? Tant de questions comme celles-ci se bousculent dans ma tête.

Il m'est impossible de rester plus longtemps dans cet endroit, je sors de l'eau et renfile mon vêtement sans attendre d'être sèche ; marcher à découvert devrait suffire à me réchauffer. Je sais que c'est dangereux d'être ainsi visible en pleine forêt, surtout après ce qu'il vient de se passer, mais je ne peux plus supporter d'être oppressée entre tous ces arbres.






***

Hey ! Vous allez bien ?

Me voici avec ce nouveau chapitre qui, je l'espère, vous aura plu.

Des remarques spéciales quant à lui ?

En tous cas, merci de suivre cette histoire, de par laquelle je laisse mon imagination me guider et mon esprit se poser un peu. C'est assez compliqué pour quelqu'un comme moi d'arrêter de tout planifier, réfléchir à chaque détail et les retourner dans ma tête jusqu'à 4 heures du matin...

Je vous aime fort,

Imaginart.

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