Chapitre 7 : Signal


Après une longue course, je trouve une ligne de chemin de fer, je me retrouve par miracle dans un train de marchandise qui passait par là. J'ai réussi à me coller en marche sous les essieux d'un wagon, et à m'infiltrer minutieusement dans un trou de souris. J'ai laissé derrière moi des gardes médusés, voyant un être indescriptible se collant à un train telle une ventouse. Je suis entouré de palettes filmées de plastique, bloquées par des harnais aux parois du train. Je file avec ce train vers un endroit inconnu, de toute façon, je n'ai plus de but dans cette nouvelle vie de "mortamorphosé". Je ne sais pas si je saurai un jour mon nom de famille, mes parents, mes amis, ma vie antérieur. En y réfléchissant, je pense qu'on donnera des consignes pour ne pas divulguer d'autres informations dans les journaux, et retourner au garage serait du suicide, ou un bon pour une vivisection gratuite, ou une congélation. Je tourne en rond dans ce wagon qui me mêne en ligne droite vers une destination prédéfini, mais que j'ignore. Je tourne en rond, pour éviter "d'absorber" par inadvertance le wagon, ou même le train entier, et devenir une énorme chose verte de 10 mètres de haut et d'une centaine de tonnes. Je reste ainsi pendant des heures, sans dormir, sans boire, sans manger, sans respirer, ces choses-là sont inutiles maintenant pour moi. Je ne sais même pas si c'est une bonne chose, je n'ai aucune sensation de manque, je vis sans vivre, sans réelle conscience, sans aucune émotion.
Au bout d'un moment, je vois le soleil se lever par les interstices, tandis que le train continu sa route, croisant les passages à niveaux, les autoroutes, les voitures, les aéroports, et tous autres choses. J'attends, je n'ai pas envie de sortir en plein jours, mais je sais pertinemment que la porte du wagon s'ouvrira au terminus, m'affichant au monde. Je pourrai toujours m'enfuir, mais je sais au fond de moi ce que sera "mon Terminus". Et soudain, je sens une vibration. C'est une sorte de signal, et je sais pas ce que sait, mais je peux faire confiance en lui, et son émetteur. Comment je le sais ? Je ne sais pas, je le sais, d'instinct, je sais que c'est ami, c'est tout. J'hésite quand même à sortir sachant cela, mais après un autre passage à niveau, je tombe sur les rails...
Il me faut un petit moment pour me rassembler, avec des morceaux éparpillées sur un kilomètre de voies ferrées. Heureusement, je suis au milieu de rien, personne ne m'a vu. Je me réfugie rapidement dans une maison de garde-barrière abandonnée, qui devait être coquette. Là aussi, la poussière y est omniprésente, mais mon corps de gelée me sert de balai, s'il ne fait pas aspirateur. En cherchant, je vois une vielle carte de France des chemins de fer, encadrée, des années 50. Je remarque une croix sur un lieu, que je suppose être l'endroit ou je suis, et je remarque aussi que j'ai filé au sud. Selon cette carte, je suis en Ardèche, entre Saint Montan et Bourg Saint Andéol, je suis entouré par les saints, mais je vis dans un cauchemar éveillé. Je reste là, debout, de peur d'avaler une chaise, à rester captif des ondes amis qui traversent mon corps. Pour le moment, je suis tranquille, j'espère que la Sûreté nationale est occupée en Alsace, et que, vraiment, personne ne m'a vu sortir du train. Espérer, c'est tout ce qui me reste, car je ne contrôle plus grand chose...
La nuit, j'estime que la sortie est sécurisée, et je sors, suivant ces ondes. Je suis une aiguille de boussole qui sent le nord, je marche, je glisse, vers un lieu inconnu, un lieu amical, je l'espère, une nouvelle fois. Je profite des paysages provençaux, si différents des paysages alsaciens. Les arbres sont plus longs, et penchés d'un côté, l'herbe, moins vertes, plus sèches, et les montagne sont moins présentes, plus lointaines. Je pense aussi qu'il fait plus chaud, mais je n'ai pas retrouvé le sens du touché, je l'ai sans doute perdu pour toujours. Mes oreilles cependant ne m'indiquent pas la présence de cigales, sans doute qu'il ne fait pas assez chaud pour les faire chanter. Je continue à suivre cette appel, sans savoir ce que c'est, mais ayant entièrement confiance en ce qui est au bout. Je traverse un fleuve s'appelant le Rhône par un barrage hydroélectrique, sur une route tout le long. J'ai de la chance de ne pas croiser des voitures cette nuit, il est trop tard, ou trop tôt, pour rouler. J'arrive enfin dans une ville, qui s'appelle Pierrelatte. Le signal est plus fort, je suis prêt du but, prêt à savoir l'origine de cette appel. Le centre ville est pavé, une atmosphère provençale se fait ressentir, avec ces couleurs chaudes aux maisons, ses bruits de grillons, ses oliviers. J'évite une place investie par des enfants qui jouent au ballon, et j'arrive devant une maison, comme les autres, une maison jaune avec balcon, entre un café et un petit immeuble. J'hésite à rentrer, mais une voiture roulant dans la nuit me force le choix. Je dois à nouveau me glisser sous la porte d'entrée, à une vitesse que je n'aurai jamais cru possible. Je me retrouve dans une pièce, dans le noir. Le signal est tout proche...

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