Chapitre 6 : Un nom sur un bout de papier
Je me surprend d'un coup à être étalé littéralement à terre. Le tonneau a cédé, c'est ce que je crois, avant de constater qu'il n'y a aucun morceau de ce dernier. Cela a fait comme mes vêtements, j'ai rongé le baril de l'interieur, puis absorbé, avalé dans mon corps. Je suis maintenant plus grand, plus large, plus gros, plus lourd. Je ne sais pas, j'ai envie d'avoir peur dans cette situation, de savoir que je peux avaler des choses, que je devienne plus grand, plus visible, moins rapide au fil du temps. J'aimerai sans doute, et au contraire, m'extasier, dans d'autres circonstances, d'avoir ce genre de pouvoir. Mais toujours rien, aucune émotion, pas de sensation, rien. J'ai aussi perdu le sommeil, je n'ai pas réussi à dormir, même en fermant les yeux, ou ces nouveau organes qui me servent d'yeux. Ce n'est pas plus mal, si je pouvais réagir sur mon état, ou ne pas savoir ma vie, je me serais suicidé, ou j'aurai tenté, mais peut-être que je ne peux même plus décidé si je veux vivre ou non.
Maintenant que je n'ai plus de cachette, je me dirige spontanément vers le grand hangar en tôle rouillé de la casse. Il est fermé, naturellement, par une grosse chaîne, terminée par un cadenas. J'essaye de prendre les poignets de la porte, mais peine perdu, je ne fais qu'écraser ma grosse main informe dessus, jusqu'à l'éclater. Les morceaux tombent à terre, et viennent vers mon corps, pour reformer ma main. J'écrase tout mon corps sur les portes, espérant qu'elles cèdent. Mon corps se glisse alors doucement dans l'interstice, à ma grande surprise. Je continu alors, forçant mes yeux à s'écraser d'un naturel morbide, et à s'enfoncer dans ma tête devenu plate. C'est si naturel, mon corps se glisse dans un espace microscopique, et au bout d'une minute à effectuer le passage, je retrouve mon corps, intact. Je reste le même laps de temps à me regarder, toujours surpris. Ce corps est flexible à ce point, à quel point peut-il me servir encore. J'ai envie d'être heureux, soulagé, pour une fois, mais toujours rien.
Je me retrouve dans un grand hangar, remplis de voitures accidentées, de pièces par terre, de saletés, d'huiles renversées, et d'autres chose. Tout cela est éclairé par les faibles rayons lunaires traversant une baie vitrée usée par le temps. Je glisse sur tout ce capharnaüm, cherchant je ne sais quoi, trouver un indice de mon passée, de mon présent, de mon futur. Pour le moment, je ne vois que des morts mécaniques, des corps démembrés de leurs roues ou de leurs portières, vidés de leurs liquides jaunes fluo ou noirs. Je peux voir des feuilles sans valeur pour moi, des tableaux avec des plannings, des inscriptions techniques et des symboles. Je remarque juste une ligne correspondant à ma supposée voiture, rayée grossièrement au feutre rouge, par énervement. Mon regard se pose alors sur les escaliers, qui montent vers une pièce surélevée. Je glisse sur les marches, tel un escargot, incroyablement agile, et j'arrive devant une porte fermée à clé. Mais cette fois, avec assurance, je me faufile sous la porte, et en moins de temps que la dernière fois, j'arrive dans la pièce, dans le noir. Je trouve l'interrupteur, et par persévérance, je bascule le bouton.
Je me retrouve dans un bureau, bordélique, poussiéreux, sale. Une rangée de classeur métallique garde sur eux des trophées, un ventilateur, un chiffon huileux, et surtout de la poussière. Après avoir revu en détail la poubelle, les balais, le porte-manteau et les dossiers rangés à terre, je vois un bureau, accueillant un vieil ordinateur et des feuilles éparpillés. J'en remarque une, tamponnée de rouge, du sigle de l'entreprise. Elle concerne ma voiture. Elle est négligée, salie par des doigts qui avaient laissé de l'huile. Je vois néanmoins une partie de la réponse à l'une de mes interrogations : à la ligne "propriétaire du véhicule", je vois mon nom de famille caché par une tache de graisse, mais je lis cependant mon prénom. Je m'appellerai Christophe. Mais ne sachant pas mon nom, je ne peux pas voir où j'habite, aucune adresse, rien d'autre de passionnant ni d'intéressant. Pendant que je farfouille le bureau, en quête d'autres indices, j'entends alors du bruit dans les escaliers qui m'alerte. Je vais pour m'enfuir, mais je me retrouve face à face avec un homme en noir, qui ouvre la porte, et me pointant une lampe sur moi. Il n'a même pas le temps de voir ce qui ce passe, je le renverse, le monte dessus, et je m'enfuis par la porte du hangar grande ouverte. Il ne comprends pas tout de suite ce qu'il se passe, mais ses collègues ont entendu et sont en alerte. Je m'enfuis, dans la nuit noir, poursuivi par une dizaine de lampes de poche balayant le sol et l'espace. Je suis foutu...
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