Chapitre 4 : Sûreté
Ils viennent ici, deux personnes en bleu de travail salis par la graisse. Je reste caché dans mon tonneau de métal, juste le temps de remettre le couvercle dessus, je ne sais comment, une nouvelle fois. Je suis coincé, j'ai ce qu'il faut d'espace dans ce baril. Heureusement que je n'ai plus d'odorat, je ne peux pas sentir les relents de vielles huiles. Et je n'ai pas mal, alors que je dois être dans une position inconfortable, voir anormale. J'entends tout de même une conversation étouffée par mon abris de fortune, conversation entre les deux hommes :
« T'en penses quoi ?
- Puf, tu crois à un paysan ? Il est jamais sorti de sa ferme et voit un martien, ridicule.
- Tu n'y crois pas ?
- Je crois qu'il peut y avoir une autre forme de vie, mais la chance d'en trouver une...
- Moi, j'y crois, il n'est pas plus con qu'un autre.
- On parle d'un paysan je te signale.
- Qu'est ce que tu as contre les paysans ? »
Je ne peux en entendre plus, ils se sont trop éloignés. Ils parlaient de ma rencontre d'il y a une nuit avec un paysan effrayé. C'est vrai que je suis affreux, je ne pense qu'a trouver la clé de mon passé pour pouvoir mourrir tranquillement, ou trouver une solution au moins...
Je commence à m'habituer dans ce baril. Ce corps liquide est pratique pour cette cachette, et doucement, je me laisse aller, devenant un contenant visqueux pour ce baril. Je reste là, une bonne partie de la journée, à entendre du bruit à l'extérieur, des éclats de voix, des coups de marteaux, de la tôle froissée, et d'autres encore. C'est la première fois que je me sens en sécurité, et si je pouvais, je dormirai. Le temps passe, et je me laisse alors surprendre par une voiture qui s'arrête à côté de ma cachette. Deux portières s'ouvrent et se referment violemment, et des bruits de pas se rejoignent :
« Sûreté nationale, annonce une femme.
- Oui, répondit un homme, voix très grave, que je n'ai pas arrêté d'entendre, et qui doit être le patron de cette casse. Que me voulez-vous ?
- Vous avez reçu une voiture accidentée ce matin ? Une Twingo rouge ?
- Oui, et ?
- Nous voulons la voir, ordonne une autre voix d'homme. »
Ils s'éloignaient un peu, pas assez, je peux continuer à entendre.
« La voilà, reprend le gérant. Mais vous ne pouvez pas en tirer grand chose.
- Laissez-nous faire s'il vous plait, lance sèchement la femme. »
Le gérant s'en va en grommelant. Et soudain, il vient vers moi, ouvre ma cachette, et sans faire attention, jète une cigarette entamée dedans. Je deviens le réceptacle de ce nouvel objet, et sans que je puisse rien y faire, le mégot se dégrade, et disparaît dans mon corps acide. Je sais pas quoi penser, je ne devrais plus penser maintenant. Je me focalise sur le couple de la Sûreté :
« J'en était sûr, il s'en est prit au conducteur. Il y a encore des traces de son passage.
- Putain, j'aurai jamais cru que cela existait, répondit la femme.
- Il ne faut pas que cela s'ébruite, et il faut le retrouver avant que cela ne change de corps à nouveau.
- Merde, la famille est prévenue au moins ?
- Laisses cela aux flics, ils n'ont que cela à faire. En attendant, il faut le retrouver.
- Ça intéressera au moins les blouses blanches. De toute façon il est déjà mort, quoi qu'il arrive. »
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