Chapitre 2 : Fuite
Je cours. Je ne sais pas depuis quand je cours, mais je fonce devant moi. En me retournant, je peux voir encore les gyrophares de mes futures chasseurs dans cette nuit noire. J'ai plus l'impression de glisser avec ce corps visqueux et gélatineux que de courir. Je ne comprends pas ce qui c'est passé, j'ai beau chercher une explication, revivre ma mémoire égarée, mais rien, rien, et toujours rien. Au bout d'une heure, je m'arrête en plein champ. Je suis à peine essoufflé, je ne sens rien sur ma peau, aucune sueur ne perle. J'ai perdu la plupart des sens, seul ma vision et mon ouïe subsiste encore, mais pour combien de temps, avant de devenir un légume. Je ne ressens plus rien, ni le supposé froid de cette nuit, ni la possible douleur de mes fractures, ni l'effort de cette fuite. Je n'ai pas faim, ni soif, ni mal, je suis juste extrêmement stressé, et même, j'arrive à rester neutre. Quel monstre suis-je devenu ? Je dois rêver, tout cela n'a ni queue ni tête...
Je me trouve un endroit pour me poser le reste de la nuit, ou juste le temps de réfléchir, à nouveau. C'est une ancienne grange en ruine, à l'abandon, où le toit n'existe pratiquement plus, et les rats des champs et les araignées sont les seuls locataires. Je n'ai toujours pas faim, ni soif. Je ne sais pas si c'est bon ou mauvais signe, si ce nouveau corps va supporter de l'eau ou de la nourriture, ou le manque des deux. De toute façon, je n'ai rien de tout cela à proximité. Je me regarde encore, je m'ausculte. Je suis entre inquiétude et fascination. Mon corps est fait d'un bloc, pas de peau, pas de poils, pas d'ongles, juste un corps style "Jelly" anglais verte, en plus consistant. Je vois à travers mon corps, comme si on regarder à travers cette "Jelly", mais aucun os, aucune veine, aucun organe, rien. En me pliant anormalement, je ne vois pas de coeur, et en regardant à l'intérieur de ma tête, aucun cerveau. Je suis mort ce soir, je dois être un spectre, un fantôme, c'est un début d'explication, la seule explication possible. Quel est mon but alors ? Je suis encore conscient, j'ai un corps fantomatique, j'ai perdu la mémoire... C'est sans doute ça, j'ai perdu la mémoire ! Je dois découvrir mon passé, c'est sans doute la clé. Je vais devoir enquêter, mais il faudra me camoufler, si je dois monter à la ville la plus proche. Je remarque un miroir cassé dans un coin, par terre. Il est sale, rayé, poussiéreux, mais je peux me voir grâce à la lumière de la lune traversant les trous du toit. Je suis affreux, un visage vide, sans relief, juste une bouche de travers, et des yeux bleus profonds sans pupilles, sans variation. En me touchant une nouvelle fois mon visage face au miroir, je constate que je plonge littéralement ma main dans mon crâne, et comme la dernière fois, je la perd dans mon corps, fondant instantanément, et repoussant presque instantanément en la ressortant. Mon corps se régénère facilement et rapidement, normal pour un spectre. En balançant ma main sur une poutre de bois pourris, pareil, les morceaux verdâtres à terre roulent comme des billes, rejoignent mon corps, et ma main revient. Mais en repartant d'ici, je me demande quand même où se trouve mon vrai corps, je n'ai pas regardé quand je me suis extirpé de la carcasse, je n'y ai pas pensé. Je serai rassuré quand je le verrai, cela expliquerait beaucoup de chose. En attendant, je dois retrouver mon histoire...
Je cours encore, voyant des voitures de polices un peu partout, éclairer la campagne nocturne de leurs gyrophares bleues. J'arrive quand même au bout de quelques heures de courses à trouver un village de quelques âmes, s'appelant Kientzville. Je ne suis toujours pas essoufflé, aucune soif, aucune faim, rien, mais je ne suis pas plus stressé. Je profite pour trouver des vêtements, en espérant que je puisse les mettre. Je me glisse dans les rues goudronnées, me cachant à chaque bruit, fouillant du regard chaque maison. Je trouve enfin, sur une corde, un pantalon jean rapiécé, un pull à manche longue vert effiloché, une cagoule verte, des gants en cuir, et des bottes grises. Je ne veux pas voler, mais je n'ai pas le choix. Je saute difficilement la barrière de bois, et je récupère ce qui me faut. Il me faudra une demi-heure dans la nuit pour tout mettre, avec ce corps récalcitrant, mais avec de la patience, j'y arrive. De toute façon, il ne me reste que ça, de la patience. Je trouve plus tard une paire de lunette de soleil, et maintenant, je dois avoir un accoutrement suspect, mais cela vaudra mieux que me montrer nu. En plus que le soleil se lève déjà, baignant déjà d'orange et de rouge la vallée, et amène avec lui une nouvelle journée. Je dois rester discret dans cette nouvelle vie, et trouver un moyen de retrouver la mémoire, pour trouver l'au delà...
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