Chapitre 14 : Ressortir
Depuis cette transformation, je me sens plus libéré, même si je ne sens aucune émotion. Je n'arrive pas encore à plier entièrement ma volonté, mais avec de longues concentrations, ou quand je ne pense pas à moi, j'y arrive. J'arrive aussi à tenir de plus en plus longtemps, je me donne ainsi comme objectif de tenir le plus longtemps possible. J'ai réussi à tenir une dizaine de minutes dans un nouveau corps. Bertrand est fier de moi je pense, même si lui non plus ne ressent plus aucune émotion, il a des gestes amicaux, même paternalistes, envers moi. Je vois en ses gestes du soulagement, d'avoir enfin quelqu'un à qui parler, qui le comprend et le soutient. Je ne m'imagine pas l'énorme solitude qu'il a dû subir, à comprendre se qu'il est arriver, à ruminer le passé, et tout cela sans émotion. Il m'en avait parlé, et je comprends maintenant la souffrance psychologique qu'il a subit. Définitivement, ce n'est pas un ennemi, c'est un ami inespéré dans ma fuite.
Le temps passe rapidement, et Bertrand sourit de plus en plus en rentrant. J'ai compris précédemment que ce sourire ne vient pas de Bertrand mais de son Symbiote lui-même, même si Bertrand doit aussi avoir envie de sourire. Pendant ce temps, l'hiver arrive, et les premières froideurs. Nos corps, même s'ils ne ressentent pas le froid, sont amoindri par le manque de soleil. Cela se remarque surtout sur Bertrand, il fait de moins en moins de sport, et nous regardons de plus en plus la télévision. Je m'efforce de continuer à me métamorphoser, sous les yeux supposés fiers de Bertrand, et j'y arrive de mieux en mieux. Blob aussi m'aide beaucoup, m'encourage comme il peut, et je ressens maintenant quand il est heureux. Notre association est plus fusionnelle.
Un jour de pluie mêlé de neige, Bertrand arrive, sourire au lèvre. Il m'aborde tout de suite en rentrant :
« J'ai trouvé quelqu'un pour toi. »
Je ne comprends pas tout de suite, mais en me montrant une photo, je commence à comprendre. C'était la photo d'un jeune homme, un peu enveloppé, la trentaine, cheveux courts et bruns, yeux verts, une peau légèrement hâlé et un peu grand. Il est vêtu de vêtements d'été, short, chemise ample, tongs aux pieds et lunette de soleil sur la tête.
« Il est mort aujourd'hui, m'explique-t'il, je pense que tu peux prendre son apparence pour commencer, et façonner ensuite ce que tu veux modifier.
- C'est terrible, je lance d'un ton monotone. Et tu n'as pas peur qu'on me reconnaisse ?
- Non, il habitait plus au nord, je l'ai appris en regardant sur les réseaux sociaux. Et puis, ce n'est pas grave sinon, je suis là. »
Il me sourit en disant cela, son symbiote veut me rassurer, et Blob aussi me rassure, en m'envoyant des ondes positives. Je ne peux qu'abdiquer dans ce cas-là. Je me concentre un peu, et j'arrive à reproduire chaque trait de son visage, et à imaginer le reste. Je me regarde dans le miroir, je suis devenu lui. Je parcours mon visage avec mes mains, tandis que Bertrand me félicite :
« Bravo, tu es prêt à sortir maintenant.
- Si tôt, je lui demande en me retournant vers lui.
- Nous n'irons pas loin, me rassure-t'il. »
Je lui fais confiance, et je ne discute pas. J'enfile le jean usé et le tee-shirt blanc qu'il me donne, et après avoir inspiré d'un bon coup, faussement, je le suis dehors.
La neige fondue avaient envahi les rues de la ville, moulinée par le passage des voitures, des vélos et des piétons. Cette neige était devenue noire et boueuse, et retenait de l'eau tout aussi noire. Je devrais être mort de peur, heureusement que je ne ressens rien. Nous faisons le tour du quartier, nous croisons des gens, pas beaucoup néanmoins, juste des courageux qui osent braver la neige et le froid. Ils sont bien enveloppés dans des manteaux, à contrario de nous qui avions des vêtements légers, un jean et un tee-shirt. Tout le monde nous regarde, de voir des rigolos si légèrement vêtus, mais sans plus, et je me sens à l'aise. Je pulvérise ainsi mon record, en restant plus d'une heure sous la peau de quelqu'un d'autre. Je n'ai plus à penser à mon passé, mon passé à commencé le jour de cette accident, c'est tout. Depuis ce jour, j'ai pris conscience de ma véritable nature. Comme une sorte de résignation, je comprends que je ne suis plus humain, je suis mieux qu'un humain : je suis un Blob.
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